ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"653"> l'altération des monnoies, qui se fait par la rognure. On a depuis ajouté les légendes, ou les cordonnets sur la tranche, qui acheve de rendre cette sorte d'altération impossible.

La lègende est l'inscription qui est gravée d'un côté autour de l'essigie, & de l'autre autour de l'écusson, ou qui quelquefois remplit tout un des côtés d'une piece de monnoie. On vient de dire qu'il y a une troisieme légende qui se met sur la tranche. La légende de l'effigie contient le nom & les qualités du prince qui y est représenté; les autres sont souvent composées de quelque passage de l'Ecriture - sainte, ou de quelques mots, comme ceux des devises, ou même du prix de la piece. On ne parle que de ce qui se pratique présentement en Europe.

Le millésime marque l'année que chaque piece a été frappée. Depuis l'ordonnance de Henri II, de 1549, elle se met dans ce royaume en chiffres arabes du côté de l'écusson: auparavant on ne connoissoit guere le tems du monnoyage que par le nom du prince, ou par celui des monétaires.

Le différent est une petite marque que les tailleurs particuliers & les maîtres des monnoies choisissent à leur fantaisie; comme un soleil, une rose, une étoile, un croissant, &c. Elle ne se peut changer que par l'ordre de la cour des monnoies ou des juges - gardes. Elle se change nécessairement à la mort des tailleurs & des maîtres, ou quand il y a de nouveaux jugesgardes ou essayeurs.

Le point secret étoit autrefois un point qui n'étoit connu que des officiers de chaque monnoie. Il se mettoit sous quelque lettre des légendes, pour indiquer le lieu des fabriques. Le point secret de Paris se plaçoit sur le dernier e de benedictus, & celui de Rouen, sous le b du même mot. Ce point n'est plus d'usage; on se contente présentement de la lettre de l'alphabet romain que les ordonnances de nos rois ont attribuée à chaque ville de ce royaume où il se fabrique des monnoies.

Enfin, les monnoies réelles peuvent être fausses, altérées, fourrées, foibles.

La fausse monnoie est celle qui n'est pas fabriquée avec les métaux ordonnés par le souverain; comme seroient des louis d'or de cuivre doré, des louis d'argent d'étain couverts de quelques feuilles de fin.

La monnoie altérée est celle qui n'est pas faite au titre, & du poids porté par les ordonnances, ou qui ayant été fabriquée de bonne qualité, a été diminuée de son poids, en la rognant, en la limant sur la tranche, ou en enlevant quelque partie de la superficie avec de l'eau régale si c'est de l'or, ou avec de l'eauforte si c'est de l'argent.

La monnoie fourrée est celle qui tient, pour ainsi dire, le milieu entre la fausse monnoie & la monnoie altérée. Elle est faite d'un morceau de fer, de cuivre, ou de quelqu'autre métal que le faux monnoyeur couvre des deux côtés de lames d'or ou d'argent, suivant l'espece qu'il veut contrefaire, & qu'il soude proprement & avec justesse au - tour de la tranche. Le faux - flaon se frappe comme les véritables, & peut même recevoir la légende & le cordonnet de la tranche. On ne peut découvrir la fausseté de ces sortes de pieces que par le poids, ou par le volume, qui est toujours plus épais ou plus étendu que dans les bonnes especes.

La monnoie foible est celle où il y a beaucoup d'alliage; & la monnoie forte, celle ou il y en a le moins.

On appelloil autrefois monnoie blanche, celle d'argent, & monnoie noire, celle de billon. M. Boizard vous expliquera tous les autres termes qui ont rapport aux monnoies: consultez - le.

Quant au monnoyage, au marteau & au moulin, voyez - en l'article.

Plusieurs savans ont traité des monnoies réelles & fiélives, tant de celles des anciens, que de celles des modernes: par exemple, Freherus Agricola, Spanheim, Sueldius, Selden, &c. en France, Budé, Dumoulin, Sarot, Ducange, Bouteroue, le Blanc, Boizard, Dupré - de - saint - Maur; en Angleterre, Brerewood, Bernard, Locke, Arbuthnot, & autres. (D.J.)

Monnoie bractéate (Page 10:653)

Monnoie bractéate, (Monnoies.) Les antiquaires désignent sous le nom de bractéates une espece de monnoie du moyen âge, dont la fabrique offre des singularités remarquables à certains égards, malgré la légereté du poids & les défauts du travail.

Ce sont des pieces, ou plutôt de simples feuilles de métal, chargées d'une empreinte grossiere; la plûpart sont d'argent, presque toutes frappées en creux, & par conséquent sur un seul côté: plusieurs ne paroissent l'avoir été que sur des coins de bois. L'origine n'en remonte point au - delà des siecles barbares: communes en Suede, en Danemark & dans les diverses provinces de l'Allemagne, où l'usage s'en est perpétué long - tems, elles sont très - peu connues dans les autres pays de l'Europe.

Par - tout où ces monnoies eurent cours, on doit les y regarder comme une production de l'art ou naissant ou dégénéré: ce sont des ébauches qui suffiroient seules à caractériser le mauvais goût & l'ignorance des tems écoulés entre la chûte & la renaissance des Lettres. Mais il n'est point d'objet indifférent pour la vanité des hommes. L'origine des monnoies bractéates se trouve revendiquée par tous les peuples qui s'en sont servis, sans doute comme le monument d'une antiquité respectable, dont ils croient tirer quelqu'avantage sur leurs rivaux & leurs voisius. Cette diversité de sentimens a fait de l'époque de ces monnoies un problème dont la solution demande un examen épineux.

En 1751 le hasard fit naître à M. Schoepflin l'idée d'approfondir la question, & de communiquer à l'académie de Paris ses recherches & ses vûes sur cette matiere, dont nous allons faire usage.

On découvrit en 1736 un dépôt de monnoies bractéates dans le monastere de Guengenbach, abbaye du diocese de Strasbourg, au - delà du Rhin, par rapport à nous, & l'une des plus anciennes de l'ordre de saint Benoît. On y trouva deux petites urnes grises de terre cuite, posées l'une auprès de l'autre, dans un mur qui paroît avoir fait partie d'un tombeau. De ces vases, l'un ne contenoit que des charbons, l'autre renfermoit plusieurs monnoies bractéates: chaque vase avoit pour couvercle un morceau de brique.

Ces sortes de monnoies sont assez rares: elles avoient trop peu de solidité pour être durables. Toutes celles qui n'ont pas été renfermées dans des vases se sont détruites, parce qu'elles n'étoient point en état de se préserver par elles - mêmes d'un déchet prompt dans la matiere, & d'une altération plus prompte encore dans la forme. Quoique plus communément répandues en Allemagne qu'ailleurs, ce n'est pourtant point en Allemagne que l'usage s'en est d'abord établi.

Ce seroit même par une interprétation forcée de quelques termes obscurs, qu'on leur assigneroit, avec Tilemann Prise, une origine antérieure à l'ere chrétienne. D'autres écrivains la placent cette origine au vij. siecle depuis Jesus - Christ; leur opinion est plus vraissemblable, mais sans être mieux fondée. Les lois des Saliens, des Ripuaires, des Visigoths, des Bavarois & des Lombards, lois dépositaires de leurs usages, fournissent par leur silence une preuve sans réplique que ces peuples n'ont point connu les bractéates; dont la forme n'a nul rapport avec celle des sols & des deniers mentionnés dans ces lois, ainsi que dans les capitulaires. Elle n'en a [p. 654] pas davantage avec la forme de ces pieces, dont Justinien parle dans sa novelle 105, sous le nom de caueii, auquel les auteurs de la basse latinité paroissent attacher la même idée qu'au mot scyphati. Cette monnoie grecque n'étoit pas toujours mince; & lors même qu'elle l'étoit le plus, elle ne le fut jamais autant que les bractéates.

Le sentiment le plus commun attribue l'origine de ces dernieres aux Allemands, & la fixe au tems des empereurs Othons, ce qui donneroit le x. siecle pour époque aux bractéates. Plusieurs inductions tirées de faits incontestables, semblent d'abord favoriser ce système, adopté par Olearius, par Ludwig, par Doederlin, & plusieurs autres savans. Ce fut sous l'empire des Othons que les mines d'argent se découvrirent en Allemagne. Du tems de Tacite la Germanie intérieure ne connoissoit point l'argent; si l'usage en a pénétré depuis dans cette contrée, c'est par les François conquérans des Gaules qu'il y fut introduit. Mais les monnoies d'argent que ceux - ci répandirent de leurs nouvelles habitations dans leurs anciennes demeures, n'étoient point des bractéates; elles étoient de l'espece qui sous les rois Carlovingiens s'appelloit monnoie palatine, moneta palatina, parce que ces princes la faisoient fabriquer dans leur palais même. Leurs monétaires les suivoient par - tout; ils alloient avec la cour d'une résidence à l'autre, tantôt en - deçà, tantôt en - delà du Rhin, & par - tout ils frappoient au coin du monarque des pieces dont le poids & la solidité suffisent pour nous empêcher de les confondre avec les bractéates, plus minces sans comparaison. Ce n'est donc qu'après l'extinction de la race Carlovingienne que l'Allemagne a fait usage de cette monnoie légere; c'est donc aux regnes des Othons qu'il faut en placer l'origine: ainsi raisonnent Oléarius & ses partisans.

Cette conséquence seroit bonne si les bractéates avoient en effet pris naissance en Allemagne; mais si elles sont venues d'ailleurs, elles peuvent avoir été plus anciennes que le x. siecle, & c'est ce que pense M. Schoepflin, qui ne donne cependant son opinion que pour une conjecture, mais qui fonde cette conjecture sur des monumens.

Les cabinets de Suede & de Danemark lui ont présenté des bractéates d'un tems plus reculé que celles d'Allemagne; il en conclud que l'usage en a commencé dans le Danemark & dans la Suede. Selon lui, c'est la Suede qui la premiere a fabriqué ces sortes de monnoies. Elias Brenner, fameux antiquaire suédois, a produit une bractéate du roi Biorno I. contemporain de Charlemagne, avec le nom de ce prince pour légende. Brenner rapporte que de son tems on découvrit à Stockholm des deniers de Charlemagne, avec lesquels ces monnoies de Biorno paroissent avoir quelque trait de ressemblance. M. Schoepflin en conclud que ces deniers ont servi de modele aux bractéates suédoises pour l'empreinte, non pour l'épaisseur, car la rareté de l'argent dans tout le Nord y fit réduire les sols à une feuille très - mince.

De la Suede, l'usage des bractéates se transmit en Danemark, & par la suite aux provinces de l'empire Germanique.

Nous avons déja remarqué que les bractéates sont plus communes en Allemagne qu'ailleurs: la raison en est simple; c'est une suite de la constitution même de l'état Germanique, composé d'un nombre infini de souverains, & de plusieurs cités libres qui sous différens titres ont joui du droit de battre monnoie, prodigué par les successeurs de Charlemagne, avec tant d'autres droits régaliens.

C'est au x. siecle que l'usage des bractéates est devenu commun dans la Germanie, du - moins l'époque de celles qu'on a découvertes ne remonte point au - delà; ni le cabinet du duc de Saxe - Gotha, ni celui de l'abbaye de Gottian en basse Autriche, les deux plus riches dans ce genre que connoisse M. Schoepflin, n'offrent point de bractéates plus anciennes.

Les mines d'argent découvertes alors en basse Saxe, n'empêcherent point cette monnoie foible de s'introduire dans le pays & de s'y perpétuer. D'autres provinces d'Allemagne ont aussi leurs mines d'argent, trouvées peu après celles de la basse Saxe: l'Alsace a les siennes; cependant ces provinces & l'Alsace ont fabriqué long - tems des bractéates. Strasbourg a continué jusqu'au xvj. siecle, & la ville de Bâle persévere encore aujourd'hui dans cet usage, qui atteste peut - être moins l'indigence des siecles barbares, que la méfiance des anciens Allemands, en garde alors, comme au tems de Tacite, contre les monnoies fourrées.

Tilemann Frise & Doëderlin prétendent que les premieres bractéates sont les plus fines, & qu'insensiblement le titre s'en est altéré de plus en plus. Celae se peut; cependant les bractéates trouvées par M. Schoepflin sont presque toutes de différent titre, quoique toutes paroissent du même âge. Ce sont les Italiens qui porterent en Allemagne l'art des alliages; par la suite le cuivre a tellement prévalu dans quelques pieces de cette monnoie, que les Antiquaires ont cru trouver des bractéates de bronze. M. Schoepflin en a vû quelques unes en or, mais elles ne sont pas fort anciennes; il en connoît aussi quelques - unes de bi - latérales, mais elles sont si rares, que cette exception n'empêche pas qu'on ne doive, généralement parlant, définir les bractéates des monnoies à feuilles d'argent frappées en creux sur un seul côté.

La forme en est communément ronde, mais souvent cette feuille de métal est coupée avec tant de négligence, qu'on la prendroit pour un quarré trèsirrégulier. La grandeur a beaucoup varié; on en distingue jusqu'à douze modules différens, dont le plus grand excede la circonférence des contorniates des empereurs, & le plus petit est égal au petit bronze du bas - empire. Ni ces divers modules, ni ces divers allois ne sont spécialement affectés à certains états de l'empire plûtôt qu'à d'autres. Les empereurs, les princes ecclésiastiques & séculiers, les villes impériaies, en ont frappé de grandes & de petites indifféremment. Les premieres n'ayant point une épaisseur proportionmée à leur diametre, étoient encore moins propres que les secondes au commerce; aussi pourroit - ton croire que c'étoit des médailles plûtôt que des monnoies. A dire vrai, ni les unes ni les autres ne pouvoient long - tems se conserver, ni par conséquent être d'un grand usage. Mais nous savons qu'alors les sommes un peu considérables se payoient en argent non monnoyé, par marcs & par livres.

De ce que tous les souverains d'Allemagne, empereurs, rois, ducs, évêques, abbés, margraves, landgraves, comtes, villes libres ont à l'envi fait frapper des bractéates, il en résulte, sans que nous ayons besoin d'insister sur cette conséquence, que les types en sont extrémement variés. On y trouve des figures d'hommes, d'animaux, des symboles, des armoiries, des édifices, des marques de dignité de toute espece; mais les plus communes, selon M. Schoepflin, sont les bractéates ecclésiastiques. Voyez l'histoire de l'académie des Inscriptions, tome XXXIII. in - 4°. (D.J.)

Monnoies de compte des modernes (Page 10:654)

Monnoies de compte des modernes, (Commerce.) Parcourons rapidement les monnoies de compte de l'Europe & de l'Asie: l'Amérique n'en a point de particulieres, car les nations européennes qui y ont des établissemens, y ont porté les leurs, & ne se servent que de la maniere de compter usitée dans les états des princes d'où sont sorties leurs colonies.

A l'égard de l'Afrique, les villes de Barbarie &

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