ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"586"> sans que leur être propre spécifique périsse, au lieu que l'aggregé étant divisé dans ses parties intégrantes & primitives, chacune de ces parties est encore un corps pareil à la masse dont elle est détachée. C'est dans ce dernier sens que la plus petite partie d'or est toujours de l'or; mais nul des principes chimiques de la plus petite partie d'or, de l'or individu, du mixte appellé or, n'est de l'or; nul assemblage de certains principes de l'or, moins un, n'est de l'or; de même que nulle unité, concourant à la formation du nombre six, n'est six; ni nulle somme de ces unités, moins une, ou moins plusieurs, n'est six.

2°. La mixtion ne se fait que par juxta - position, que par adhésion superficiaire de principes, comme l'aggrégation se fait par pure adhésion de parties intégrantes d'individus chimiques. On n'a plus heureusement besoin de combattre les entrelacemens, les introsusceptions, les crochets, les spyres & les autres chimeres des Physiciens & des Chimistes du dernier siecle.

3°. La mixtion n'est exercée, ou n'a lieu, qu'entre les parties solitaires, uniques, individuelles des principes, fit per minima: elle suppose, elle demande la destruction, ou du moins le très - grand relâchement de l'aggrégation, tel que celui qui est propre aux liquides, aux substances que les Chimistes appellent dissoutes ou résoutes, solutoe; & voilà d'où naît l'axiome chimique, corpora non agunt, c'est - à - dire, ne contractent point la mixtion chimique, nisi sint soluta.

4°. La mixtion est un acte naturel spontané; l'art ne la produit point, n'ajoute rien à l'énergie du principe naturel dont elle dépend, n'excite point la force qui la produit; il ne fait que placer les corps miscibles dans la sphere d'activité de cette force; sphere qui est très - bornée, qui ne s'étend point à un espace sensible. Ainsi, non seulement les mixtes naturels, mais même les mixtes qui peuvent être appellés à quelques égards artificiels, savoir, ceux qui sont dûs à la dissolution chimique, ou à l'action menstruelle, déterminée par des opérations artificielles, voyez Menstrue, Chimie; tous ces corps, dis - je, sont à la rigueur des produits naturels, des êtres dûs immédiatement à un principe absolument indépendant de l'art humain. Je sens bien qu'on pourroit chicaner sur cette maniere d'envisager le principe immédiat de la mixtion, & dire que tous les principes des changemens que les hommes appellent artificiels, sont pourtant naturels à la rigueur; mais cela ne seroit pas exact: des principes naturels concourent, il est vrai, aux changemens opérés par les hommes, mais ils y concourent plus ou moins prochainement; & ce concours plus ou moins prochain, plus ou moins médiat, suffit ici pour établir des différences essentielles. En un mot, l'acide & l'alkali qui, lorsqu'ils sont mis à portée l'un de l'autre, ex intentione artificis, s'unissent pour former le nitre, sont joints par un lien qui peut être plus exactement, plus proprement appellé naturel, que celui qui assujettit les douves d'un tonneau, au moyen des cerceaux, &c.

5°. L'acte de la mixtion est soudain & momentané: mixtio fit in instanti, dit Stahl, dans son specimen Becherianum, part. I. sect. 1. membre. 1. §. xij. Ceci est une suite nécessaire du dogme précédent; car non - seulement l'observation, les faits, établissent cette vérité; mais elle est susceptible, dans la considération abstraite, de la plus exacte démonstration. En effet, dès que la mixtion s'opere par une force inhérente, ou toûjours subsistante dans les corps; dès que des corps se trouvent placés dans la sphere d'activité de cette force (cette sphere étant sur - tout circonscrite dans les termes de la plus gran<cb-> de vicinité possible, peut - être du contact), & dès que tous les obstacles sont écartés ou vaincus, la mixtion doit arriver dans un instant, par un acte simple, dans lequel on ne sauroit concevoir de la durée; en un mot, être très - voisin, ou se toucher, est la même chose dans ce cas, que subir la mixtion.

6°. La cohésion mixtive est très - intime; le noeud qui retient les principes des mixtes est très - fort: il résiste à toutes les puissances méchaniques; nul coin, nul lévier, nul choc, nulle direction de mouvement, ne peut le rompre: & même le plus universel des agens chimiques, le feu, & toute l'énergie connue de son action dissociante, agit en vain sur la mixtion la plus parfaite, sur un certain ordre de corps chimiques composés, dont nous parlerons dans la suite de cet article. A plus forte raison, le degré le plus foible de cette action, savoir la raréfaction par sa chaleur ne porte - t - elle point absolument sur la mixtion, même la plus imparfaite. Le moyen le plus commun, le plus généralement efficace que la nature & l'art employent pour surmonter cette force, c'est un plus grand degré de cette même force. Certains corps combinés chimiquement, ne se séparent parfaitement & absolument, que lorsque chacun ou au - moins l'un d'entre eux, passe dans une nouvelle combinaison. Cette nouvelle combinaison est l'effet propre du phénomene que les Chimistes appellent précipitation; & ce plus haut degré de force mixtive existe entre deux substances, dont l'une est nue ou libre, (voyez Nud, Chimie) & l'autre unie ou combinée, par l'exercice duquel cette derniere est dégagée de ses anciens liens, & en subit de nouveaux; ce plus haut degré de force, dis - je, est connu dans l'art sous les noms de plus grand rapport, & de plus grande affinité. Voyez Rapport, Chimie. Voyez aussi a l'art. Feu, Chimie, & à l'art. Distillation, quels sont les corps chimiques composés dont le feu seul peut désunir les principes, & quels sont ceux contre la mixtion desquels cet agent est impuissant.

Ce lien, ce noeud, cette cohésion mixtive, est très - supérieure dans le plus grand nombre de cas à la cohésion aggrégative, qui est l'attraction de cohésion des Physiciens. Cette vérité est prouvée, & en ce que l'action dissociante du feu se porte efficacement sur tous les aggrégés chimiques; & en ce que dans les cas les plus ordinaires & les plus nombreux, les parties intégrantes individuelles des aggrégés abandonnent, deserunt, leur association aggrégative, pour se porter violemment, ruere, à la mixtion, ou à l'association avec des principes divers, comme cela arrive dans presque toures les dissolutions (voyez Menstrue, Chimie), & enfin en ce que les puissances méchaniques surmontent, quelquefois même avec beaucoup de facilité, la cohésion aggrégative.

Il est tout commun aussi de voir dans les opérations chimiques les agens chimiques très - énergiques, & principalement le feu rompre l'aggrégation d'un sujet chimique composé sans agir sur sa mixtion. Toutes les opérations chimiques proprement dites, que nous avons appellé disgrégatives, & toutes celles que nous avons appellé mixtives ou combinantes, sont dans ce cas. Voyez Opérations chimiques.

Il arrive cependant quelquefois que certains menstrues obéissent davantage à la force de cohésion aggrégative, qu'à la force de miscibilité: par exemple, l'esprit de nitre concentré à un certain point, n'agit pas sur l'argent par cette raison; voyez Menstrue, Chimie: mais ces cas sont rares.

7°. Un caractere essentiel de la mixtion chimique, du - moins la plus parfaite, c'est que les propriétés particulieres de chaque principe qui concourt à la [p. 587] formation du mixte, périssent, ou du - moins qu'elles soient tellement masquées, suspendues, sopitoe, qu'elles soient comme si elles n'étoient pomt, & que le mixte soit une substance vraiment nouvelle, spécifiée par des qualités propres, & diverses de celles de chacun de ses principes. C'est ainsi que le nitre formé par l'union d'un certain acide, & d'un certain alkali, n'a plus ni les propriétés essentielles de cet acide, ni celles de cet alkali, mais des proprietés nouvelles & spéciales. C'est ainsi que plusieurs sels métalliques qui conservent la corrosivité de l'un de leurs principes, de l'acide, ne retiennent cette propriété, que parce que cet acide est contenu surabondamment dans ces sels, c'est - à - dire dans un état de mixtion très - imparfaite, très - improprement dite. Voyez Surabondant, Chimie.

8°. Un autre caractere essentiel de la mixtion, caractere beaucoup plus général, puisqu'il est sans exception, c'est que les principes qui concourent à la formation d'un mixte, y concourent dans une certaine proportion fixe, une certaine quantité numérique de parties déterminées, qui constitue dans les mixtes artificiels ce que les Chimistes appellent point de saturation. Voyez Saturation, Chimie. Car quoique nous ayons dit que les principes des mixtes s'unissoient per minina partie à partie, cela n'empê che point qu'à une seule partie d'un certain principe, ne puissent s'unir deux ou plusieurs parties d'un autre. C'est ainsi que très - vraissemblablement le soufre commun est formé par l'union d'une partie unique d'acide, & de plusieurs parties de feu; il est vrai que cette derniere animadversion n'est qu'un soupçon qui est établi cependant sur de très - grandes probabilités. Voyez Soufre. Mais l'observation générale sur la proportion déterminée des ingrediens de la mixtion, est un dogme d'éternelle vérité, de vérité absolue, nominale. Nous n'appellons mixtes, ou substances non - simples, vraiment chimiques, que celles qui - sont si essentiellement, si nécessairement composées, selon une proportion déterminée de principes; que non - seulement la soustraction ou la suraddition d'une certaine quantité de tel ou rel principe, changeroit l'essence de cette substance; mais même que l'excès d'un principe quelconque est de fait inadmissible dans les mixtes, tant naturels qu'artificiels, & que la soustraction d'une portion d'un certain principe, est, par les definitions ci dessus exposées, la décomposition même, la destruction chimique d'une portion du mixte; en sorte que si d'une quantité donnée de nitre, on sépare une certaine quantité d'acide nitreux, il ne reste pas un nitre moins chargé d'acide; mais un mélange de nitre parfait comme auparavant, & d'alkali fixe, qui est l'autre principe du nitre, absolument nud, à qui l'acide auquel il étoit joint a été entierement enlevé. En un mot, l'acide n'a pas été enlevé proportionnellement à la quantité entiere de nitre, mais à une certaine portion qui a été absolument dépouillée. Ceci est démontré par les faits.

La premiere assertion est prouvée aussi par des faits très - connus: tous les menstrues entrent en mixtion réelle avec les corps qu'ils dissolvent; mais l'énergie de tous les menstrues est bornée à la dissolution d'une quantité déterminée du corps à dissoudre; l'eau une fois saturée de sucre, (voyez Saturation, Chimie) ne dissout point du nouveau sucre; du sucre jetté dans une dissolution parfaitement saturée de sucre y reste constamment sous le même degré de chaleur dans son état de corps concret. Cette derniere circonstance rend le dogme que nous proposons très - manifeste; mais elle ne peut s'observer que lorsqu'on éprouve l'energie des divers menstrues sur les corps concrets ou consistans; car lorsqu'on l'essaye sur des liquides, ce n'est pas la même chose, & quelque excès d'alkali résout qu'on verse dans de l'esprit de vinaigre, par exemple, il ne paroît pas sensiblement qu'une partie de la premiere liqueur soit rejettée de la mixtion. Elle l'est pourtant en effet, & la chimie a des moyens simples pour démontrer dans les cas pareils, la moindre portion excédente ou superflue de l'un des principes (voyez Saturation, Chimie); & cette portion excédente n'en est pas plus unie avec le mixte, pour nager dans une même liqueur avec lui. Car deux liqueurs capables de se meler parfaitement, & qui sont actuellement mêlées tres - parfaitement, ne sont pas pour cela en mixtion ensemble. Au contraire les liqueurs très - pareilles, celles, par exemple, qui ont l'eau pour base commune, se melent on ne peut pas plus parfaitement ensemble, au point même qu'elles sont aussi inséparables que deux verres d'eau pure bien entre - mêlés. Un verre de dissolution de sel marin, & un verre de dissolution de nitre qu'on mêleroit ensemble, seroient tout aussi inséparables que ces deux veires d'eau pure. Or ces mélanges tout indissolubles qu'ils sont, ne constituent pas la mixtion. Il en est ainsi de l'alkali excédent, dans l'expérience ci - dessus proposée; c'est une liqueur alkaline, dont la base est de l'eau, qui est mêlée ou confondue avec une liqueur de terre foliée (c'est le nom du sel résultant de l'union de l'alkali fixe, commun, & de l'acide du vinaigre) dont la base est aussi de l'eau, comme un verre d'eau pure seroit mêlé ou confondu avec un autre verre d'eau pure. La circonstance de tenir en dissolution quelque corps ne change point à cet égard la condition de l'eau, pourvû que dans le cas où chaque eau est chargée d'un corps divers, ces deux corps ne soient point miscibles ou solubles l'un par l'autre.

Il est évident, & les considérations précédentes nous conduisent à cette vérité plus générale, que toutes ces unions de divers liquides aqueux, sont de vraies, de pures aggrégations. Une certaine quantité déterminée d'eau s'unit par le lien d'une vraie mixtion à une quantité déterminée de sel, & constitue un liquide aqueux qui est un vrai mixte. Cela est prouvé entre autres choses, en ce que des qu'on soustrait une portion de cette eau, une portion du mixte périt: on a au lieu du mixte aqueo - salin, appelle lessive, lixivium, un corps concret, un crystal de sel. Mais toute l'eau qu'on peut surajouter à cette lessive proprement dite, ne contracte avec elle que l'aggrégation; c'est de l'eau qui s'unit à de l'eau; & voilà pourquoi ce mélange n'a point de termes, point de proportions: une goutte de lessive se mêle parfaitement à un océan d'eau pure: une goutte d'eau pure se mêle parfaitement à un ocean de lessive. Il en est absolument de même de l'esprit de vin, du vin, du vinaigre, de toutes les liqueurs végétales & animales aqueuses, des acides, des esprits alkalis, aromatiques, &c. & de leurs mélanges à de l'eau pure ou entre eux, toutes les fois qu'ils ne contiendront pas des substances réciproquement solubles, ou abstraction faite de l'événement qui résultera de cette circonstance accidentelle, il est clair que tous ces mélanges ne sont pas des mixtions: premierement par les définitions, car ils ne sont bornés par aucune proportion; secondement, par la nature même des choses; car nous croyons avoir prouve que dans tous ces cas, ce sont des corps non seulement pareils, mais mêmes identiques de l'eau & de l'eau qui s'unissent, ce qui constitue l'aggrégation. Voyez l'article Liquidité, Chimie. L'acide surabondant des sels métalliques peut aussi être considéré à quelques égards comme uni par simple aggrégation au vrai mixte salin.

Les différentes substances métalliques s'alliant aussi

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