ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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MITRE (Page 10:583)

MITRE, s. f. (Littérat.) en grec & en latin mitra, sorte de coëffure particuliere aux dames romaines. Ce que le chapeau étoit aux hommes, la mitre l'étoit aux femmes. Elle étoit plus coupée que la mitre moderne que nous connoissons, mais elle avoit comme elle ces deux pendans que les femmes ramenoient sous les joues. Servius, sur ce vers de Virgile, où Hiarbas reproche à Enée ses vêtemens efféminés,

Moenia mentum mitrâ, crinemque madentem Sub nexus, ajoute, mitrâ lydiâ; nam utebantur & Phryges & Lydii mitrâ, hoc est incurvo pileo, de quo pendebat etiam buccarum tegimen. Cet ornement dégénéra peu - à - peu; peut - être avoit - il l'air de coëffure trop négligée. Les femmes qui avoient quelque pudeur n'oserent plus en porter, de sorte que la mitre devint le partage des libertines. Juvenal s'en expliquoit ainsi, lorsqu'il reprochoit aux Romains le langage & les modes des Grecs, qu'ils tenoient eux - mêmes des Assyriens:

Ite quibus grata est pictd lupa barbara mitrâ.

Il faut admirer ici le caprice du goût, & celui de la bisarrerie de la mode, qui fait servir à nos cérémonies les plus augustes la même chose qu'elle employoit à l'appareil de la galanterie, & met sur la tête des plus respectables ministres du Seigneur les mêmes ornemens à - peu - près dont se paroient les courtisannes. (Voyez l'article suivant.) Ainsi, par un exemple de mode tout opposé à celui - ci, le voile qui d'abord n'avoit été d'usage que dans les fonctions du temple, devint une espece de coëffe sous laquelle les dames romaines ramassoient leurs cheveux bien frisés & bien ajustés. Les progrès du luxe produisirent cet effet, changerent la destination du voile, & firent servir à la vanité ce qui n'avoit été qu'un ornement de cérémonies & de sacrifices.

Un chanoine régulier de sainte Geneviéve, Claude du Molinet, a fait une dissertation sur la mitre des anciens, où il a recueilli bien des choses curieuses; le lecteur peut le consulter. (D. J.)

Mitre (Page 10:583)

Mitre, en latin mitra, (Hist. ecclés.) sorte d'ornement de tête dont les évêques se servent dans les cérémonies. Elle est de drap d'or ou d'argent, accompagnée de deux languettes de même étoffe, qui pendent d'environ un demi - pié sur les épaules, & qui, à ce qu'on croit, représentent les rubans dont on se servoit autrefois pour l'affermir en les nouant sous le menton, & elle forme à son sommet deux pointes, l'une par - devant, l'autre par - derriere, surmontées chacune par un bouton.

Dans un ancien pontifical de Cambrai, où l'on entre dans le détail de tous les ornemens pontificaux, il n'est point fait mention de la mitre, non plus que dans les anciens pontificaux manuscrits, ni dans Amalaire, dans Raban, dans Alcuin, ni dans les autres anciens auteurs qui ont traité des rits ecclésiastiques. C'est peut - être ce qui a fait dire à Onuphre, dans son Explication des termes obscurs, à la fin de ses vies des papes, que l'usage des mitres dans l'église romaine ne remontoit pas au delà de 600 ans. C'est aussi le sentiment du pere Hugues Menard, dans ses Notes sur le sacramentaire de saint Grégoire, où il répond aux opinions contraires. Mais le pere Martenne, dans son Traité des anciens rits de l'Eglise, dit qu'il est constant que l'usage de la mitre a été suivi dans les évêques de Jérusalem, successeurs de saint Jacques, comme cela est marqué expressément dans une lettre de Théodose, patriarche de Jérusalem, à saint Ignace, patriarche de Constantinople, qui fut produite dans le huitieme concile général. « Il est certain aussi, ajoute le même auteur, que l'usage des mitres a eu lieu dans l'église d'occident long - tems avant l'an 1000, comme il est aisé de le prouver par l'ancienne figure de saint Pierre, qui est au - devant de la porte du monastere de Corbie & qui a plus de mille ans, & par les anciens portraits des papes que les Bollandistes ont rapporté dans leur vaste recueil ». Théodulphe, évêque d'Orléans, fait - aussi mention de la mitre dans une de ses poésies, où il dit en parlant d'un évêque:

Illius ergò caput resplendens mitra tegebat.

Le pere Martenne ajoute que, pour concilier les différens sentimens sur cette matiere, il faut dire que l'usage des mitres a toûjours été dans l'Eglise, mais qu'autrefois tous les évêques ne la portoient pas, s'ils n'avoient un privilege particulier du pape à cet égard. Dans la cathédrale d'Acqs, on voit en effet sur la couverture d'un tombeau un évêque représenté avec sa crosse sans mitre. Le pere Mabillon & plusieurs autres aureurs prouvent la même chose pour l'église d'occident & pour les évêques d'orient excepté les patriarches. Le pere Goar & le cardinal [p. 584] Bona en disent autant pour les Grecs modernes.

En Occident, quoique l'usage de la mitre ne fût pas commun aux évêques mêmes, on vint ensuite à l'accorder non - seulement aux évêques & aux cardinaux, mais encore aux abbés. Le pape Alexandre Il. l'accorda à l'abbé de Cantorberi & à d'autres. Urbain II. à ceux du mont Cassin & de Cluni. Les chanoines de l'église de Besançon portent le rochet comme les évêques, & la mitre lorsqu'ils officient. Le célébrant & les chantres portent aussi la mitre dans l'église de Mâcon; la même chose est pratiquée par le prieur & le chantre de Notre - Dame de Loches & par plusieurs autres. Il y a beaucoup d'abbés, soit réguliers soit séculiers en Europe, qui ont droit de mitre & de crosse. La forme de cet ornement n'a pas toûjours été, & n'est pas encore par - tout la même, comme le montre le pere Martenne tant dans l'ouvrage que nous avons cité, que dans son voyage littéraire. Celles qui sont représentées sur un tombeau d'évêques à saint Remi de Reims, ressemblent plutôt à une coëffe qu'à une mitre. La couronne du roi Dagobert sert de mitre aux abbés de Munster. Moréri.

Mitre (Page 10:584)

Mitre, en Architecture, c'est un terme d'ouvrier, pour marquer un angle qui est précisément de 45 degrés, ou la moitié d'un droit.

Si l'angle est le quart d'un droit, ils l'appellent demi - mitre. Voyez Angle. Ils ont pour décrire ces angles un instrument qu'ils nomment espece de mitre, avec lequel ils tirent des lignes de mitres sur les quartiers ou battans; &, pour aller plus vite, ils ont ce qu'ils appellent une boîte de mitre. Elle est composée de quatre pieces de bois, chacune d'un pouce d'épaisseur, clouées à plomb l'une sur le bord de l'autre. Sur la piece supérieure sont tracées les lignes de mitre des deux côtés, & on y pratique outre cela une coche pour diriger la scie, de façon qu'elle puisse couper proprement les membres de la mitre, en mettant seulement la piece de bois dans cette boîte. Voyez Beuveau.

On appelle aussi mitre une seconde fermeture de cheminée, qui se pose après coup pour en diminuer l'ouverture, & empêcher qu'il ne fume dans les appartemens.

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