ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"326"> gow. Les Suédois la prirent en 1634, les Bavarois en 1703, & les Impériaux la même année. Elle est dans une plaine fertile & agréable, à 6 lieues d'Ulm, 10 d'Augsbourg, à quelque distance de l'Iller. Ses habitans sont Luthériens. Son commerce consiste en toiles, étoffes, & papier qu'on y fabrique. Long. 27. 50. lat. 47. 58. (D. J.)

MEMNONES (Page 10:326)

MEMNONES, (Géog. anc.) peuples d'Ethiopie sous l'Egypte, selon Ptolomée, liv. IV. chap. viij. qui les place près de Méroé. (D. J.)

MÉMOIRE, SOUVENIR, RESSOUVENIR (Page 10:326)

MÉMOIRE, SOUVENIR, RESSOUVENIR, RÉMINISCENCE, (Synonymes.) ces quatre mots expriment également l'attention renouvellée de l'esprit à des idées qu'il a déjà apperçues. Mais la différence des points de vûe accessoires qu'ils ajoûtent à cette idée commune, assigne à ces mots des caracteres distinctifs, qui n'échappent point à la justesse des bons écrivains, dans le tems même qu'ils s'en doutent le moins: le goût, qui sent plus qu'il ne discute, devient pour eux une sorte d'instinct, qui les dirige mieux que ne feroient les raisonnemens les plus subtils, & c'est à cet instinct que sont dûes les bonnes fortunes qui n'arrivent qu'à des gens d'esprit, comme le disoit un des ecrivains de nos jours qui méritoit le mieux d'en trouver, & qui en trouvoit très - fréquemment.

La mémoire & le souvenir expriment une attention libre de l'esprit à des idées qu'il n'a point oubliées, quoiqu'il ait discontinué de s'en occuper: les idées avoient fait des impressions durables; on y jette un coup - d'oeil nouveau par choix, c'est une action de l'ame.

Le ressouvenir & la reminiscence expriment une attention fortuite à des idées que l'esprit avoit entierement oubliées & perdues de vûe: ces idées n'avoient fait qu'une impression légere, qui avoit été étouffée ou totalement effacée par de plus fortes ou de plus récentes; elles se représentent d'elles - mêmes, ou du - moins sans aucun concours de notre part; c'est un évenement où l'ame est purement passive.

On se rappelle donc la mémoire ou le souvenir des choses quand on veut, cela dépend uniquement de la liberté de l'ame; mais la mémoire ne concerne que les idées de l'esprit; c'est l'acte d'une faculté subordonnée à l'intelligence, elle sert à l'éclairer: au - lieu que le souvenir regarde les idées qui intéressent le coeur; c'est l'acte d'une faculté nécessaire à la sensibilité de l'ame, elle sert à l'échauffer.

C'est dans ce sens que l'auteur du Pere de famille a écrit: Rapportez tout au dernier moment, à ce moment où la mémoire des faits les plus éclatans ne vaudra pas le souvenir d'un verre d'eau présenté par humanité à celui qui avoit soif. (Epit. dédic.) On peut dire aussi dans le même sens: qu'une ame bienfaisante ne conserve aucun souvenir de l'ingratitude de ceux à qui elle a fait du bien; ce seroit se déchirer elle - même & détruire son penchant favori: cependant elle en garde la mémoire, pour apprendre à faire le bien; & c'est le plus précieux & le plus négligé de tous les arts.

On a le ressouvenir ou la réminiscence des choses quand on peut; cela tient à des causes indépendantes de notre liberté. Mais le ressouvenir ramene tout - à - la - fois les idées effacées & la conviction de leur préexistence; l'esprit les reconnoit: au - lieu que la réminiscence ne réveille que les idees anciennes, sans aucune réflexion sur cette préexistence; l'esprit croit les connoître pour la premiere fois.

L'attention que nous donnons à certaines idées, soit par notre choix, soit par quelque autre cause, nous porte souvent vers des idées toutes différentes, qui tiennent aux premieres par des liens très - délicats & quelquefois même imperceptibles. S'il n'y a entre ces idées que la liaison accidentelle qui peut venir de notre maniere de voir, ou si cette liaison est encore sensible nonobstant les autres liens qui peuvent les attacher l'un à l'autre; nous avons alors par les unes le ressouvenir des autres; nous reconnoissons les premieres traces: mais si la liaison que notre ancienne maniere de voir a mise entre ces idées, n'a pas fait sur nous une impression sensible, & que nous n'y distinguions que le lien apparent de l'analogle; nous pouvons alors n'avoir des idées postérieures qu'une réminiscence, jouir sans scrupule du plaisit de l'invention, & être même plagiaires de bonnefoi; c'est un piége où maints auteurs ont été pris.

Il y a en latin quatre verbes qui me paroissent assez répondre à nos quatre noms françois, & différer entre eux par les mêmes nuances; savoir meminisse, recordari, memorari, & reminisci.

Le premier a la forme & le sens actif, & vient, comme tout le monde sait, du vieux verbe meno, dont le prétérit par réduplication de la premiere consonne est memini; meminisse, se rappeller la mémoire, ce qui est en effet l'action de l'esprit.

Le second a la forme & le sens passif, recordari, se recorder, ou plûtôt être recordé, recevoir au coeur une impression qu'il a déjà reçue anciennement, mais la recevoir par le souvenir d'une idée touchante: si ce verbe a la forme & le sens passif, c'est que, quoique l'esprit agisse ici, le coeur y est purement passif, puisque son émotion est une suite nécessaire & irresistible de l'acte de mémoire qui l'occasionne; & il y a une sorte de délicatesse à montrer de préférence l'état conséquent du coeur, vû d'ailleurs qu'il indique suffisamment l'acte antérieur de l'esprit, comme l'effet indique assez la cause d'où il part: Tua in me studia & officia multùm tecùm recordere, dit Cicéron à Trébonius (Epist. famil. xv. 24.) & comme s'il avoit eu le dessein formel de nous faire remarquer dans ce recordere l'esprit & le coeur, il ajoûte: non modo virum bonum me existimabis, ce qui me semble designer l'opération de l'esprit simplement, verùm etîam la à me amari plurimùm judicabis, ce qui est dit pour aller au coeur.

Les deux derniers, memorari, être averti par une mémoire accidentelle & non spontanée, avoir le ressouvenir, & reminisci, être ramené aux anciennes notions de l'esprit, en avoir la réminiscence; ces deux derniers, dis - je, ont la forme & le sens passif, quoi qu'en disent les traducteurs ordinaires, à qui la dénomination de verbe déponent mal entendue en a imposé; & ce sens passif a bien de l'analogie avec ce que j'ai observé sur le ressouvenir & la réminiscence.

Au reste, malgré les conjectures étymologiques, peut - être seroit - il difficile de justifier ma pensée entierement par des textes précis: mais il ne faudroit pas non plus pour cela la condamner trop; car si l'euphonie a amené dans la diction des fautes même contre l'analogie & les principes fondamentaux de la grammaire, selon la remarque de Cicéron (Orat. n. 47.) Impetratum est à consuetudine ut peccare suavitatis causâ liceret; combien l'harmonie n'aura - t - elle pas exigé des sacrifices de la justesse qui décide du choix des synonymes? Dans notre langue même, où les lois de l'harmonie ne sont pas à beaucoup près si impérieuses que dans la langue latine, combien de fois les meilleurs écrivains ne sont - ils pas obligés d'abandonner le mot le plus précis, & de lui substituer un synonyme modifié par quelque correctif, plûtôt que de faire une phrase mal sonnante, mais juste? (B. E. R. M.)

Mémoire (Page 10:326)

Mémoire, s. f. (Métaphysique.) il est important de bien distinguer le point qui sépare l'imagination de la mémoire. Ce que les Philosophes en ont dit jusqu'ici est si confus, qu'on peut souvent appliquer à la mémoire ce qu'ils disent de l'imagination, & à [p. 327] l'imagination ce qu'ils disent de la mémoire. Loke fait lui - même consister celle - ci en ce que l'ame a la puissance de réveiller les perceptions qu'elle a déja eues, avec un sentiment qui dans ce tems - là la convainc qu'elle les a eues auparavant. Cependant cela n'est point exact; car il est constant qu'on peut fort bien se souvenir d'une perception qu'on n'a pas le pouvoir de réveiller.

Tous les Philosophes sont ici tombés dans l'erreur de Loke. Quelques - uns qui prétendent que chaque perception laisse dans l'ame une image d'elle - même, à - peu - près comme un cachet laisse son empreinte, ne font pas exception; car que seroit - ce que l'image d'une perception qui ne seroit pas la perception même? La méprise en cette occasion vient de ce que, faure d'avoir assez considéré la chose, on a pris pour la perception même de l'objet quelques circonstances où quelque idée générale, qui en effet le réveillent.

Voici donc en quoi different l'imagination, la mémoire & la réminiscence; trois choses que l'on confond assez ordinairement. La premiere réveille les perceptions mêmes; la seconde n'en rappelle que les signes & les circonstances; & la derniere fait reconnoître celles qu'on a déja eues.

Mais pour mieux connoître les bornes posées entre l'imagination & la mémoire, distinguons les differentes perceptions que nous sommes capables d'éprouver, & examinons quelles sont celles que nous pouvons réveiller, & celles - dont nous ne pouvons nous rappeller que les signes, quelques circonstances ou quelque idée générale. Les premieres donnent de l'exercice à l'imagination & les autres à la mémoire.

Les idées d'étendue sont celles que nous réveillons le plus aisément; parce que les sensations d'où nous les tirons - sont telles que, tant que nous veillons, il nous est impossible de nous en séparer. Le goût & l'odorat peuvent n'être point affectés; nous pouvons n'entendre aucun sens & ne voir aucune couleur; mais il n'y a que le sommeil qui puisse nous enlever les perceptions du coucher. Il faut absolument que notre corps porte sur quelque chose, & que ses parties pesent les unes sur les autres. De - là naît une perception qui nous les représente comme distantes & limitées, & qui par consequent emporte l'idée de quelque étendue.

Or, cette idée, nous pouvons la généraliser en la considérant d'une maniere indéterminée. Nous pouvons ensuite la modifier & en tirer, par exemple, l'idée d'une ligne droite ou courbe. Mars nous ne saurions réveiller exactement la perception de la grandeur d'un corps, parce que nous n'avons point là - dessus d'idée absolue qui puisse nous servir de mesure fixe. Dans ces occasions, l'esprit ne se rappelle que les noms de pié, de toise, &c. avec une idée de grandeur d'autant plus vague que celle qu'il veut se représenter est plus considérable.

Avec le secours de ces premieres idées, nous pouvons en l'absence des objets nous représenter exactement les figures les plus simples: tels sont des triangles & des quarrés: mais que le nombre des côtés s'augmente considérablement, nos efforts deviennent superflus. Si je pense à une figure de mille côtés & à une de 999, ce n'est pas par des perceptions que je les distingue, ce n'est que par les noms que je leur ai donnés: il en est de même de toutes les notions complexes; chacun peut remarquer que, quand il en veut faire usage, il ne se retrace que les noms. Pour les idées simples qu'elles renferment, il ne peut les réveiller que l'une après l'autre, & il faut l'attribuer à une opération différente de la mémoire.

L'imagination s'aide naturellement de tout ce qui peut lui être de quelque secours. Ce sera par comparaison avec notre propre figure que nous nous représenterons celle d'un ami absent, & nous l'imaginerons grand ou petit, parce que nous en mesurerons en quelque sorte la taille avec la nôtre. Mais l'ordre & la symmétrie sont principalement ce qui aide l'imagination, parce qu'elle y trouve différens points auxquels elle se fixe & auxquels elle rapporte le tout. Que je songe à un beau visage, les yeux ou d'autres traits qui m'auront le plus frappé, s'offriront d'abord, & ce sera relativement à ces premiers traits que les autres viendront prendre place dans mon imagination. On imagine donc plus aisément une figure à proportion qu'elle est plus réguliere; on pourroit même dire qu'elle est plus facile à voir, car le premier coup - d'oeil suffit pour s'en former une idée. Si au contraire elle est fort irréguliere, on n'en viendra à bout qu'après en avoir long - tems considéré les différentes parties.

Quand les objets qui occasionnent les sensations de goût, de son, d'odeur, de couleur & de lumiere sont absens, il ne reste point en nous de perception que nous puissions modifier pour en faire quelque chose de semblable à la couleur, à l'odeur & au goût, par exemple d'une orange. Il n'y a point non plus d'ordre, de symmétrie, qui vienne ici au secours de l'imagination. Ces idées ne peuvent donc se réveiller qu'autant qu'on se les est rendues familieres. Par cette raison, celles de la lumiere & des couleurs doivent se retracer le plus aisément, ensuite celles des sons. Quant aux odeurs & aux saveurs, on ne réveille que celles pour lesquelles on a un goût plus marqué. Il reste donc bien des perceptions dont on peut se souvenir, & dont cependant on ne se rappelle que les noms. Combien de fois même cela n'a - t - il pas lieu par rapport aux plus familieres, où l'on se contente souvent de parler des choses sans les imaginer?

On peut observer différens progrès dans l'imagination. Si nous voulons réveiller une perception qui nous est peu familiere, telle que le goût d'un fruit dont nous n'avons mangé qu'une fois, nos efforts n'aboutiront ordinairement qu'à causer quelque ébranlement dans les fibres du cerveau & de la bouche; & la perception que nous éprouverons ne ressemblera point au goût de ce fruit: elle seroit la même pour un melon, pour une pêche, ou même pour un fruit dont nous n'aurions jamais goûté. On en peut remarquer autant par rapport aux autres sens. Mais quand une perception est familiere, les fibres du cerveau accoutumées à fléchir sous l'action des objets obéissent plus facilement à nos efforts; quelquefois même nos idées se retracent sans que nous y ayons part, & se présentent avec tant de vivacité, que nous y sommes trompés & que nous croyons avoir les objets sous les yeux; c'est ce qui arrive aux fous & à tous les hommes quand ils ont des songes.

On pourroit, à l'occasion de ce qui vient d'être dit, faire deux questions. La premiere, pourquoi nous avons le pouvoir de réveiller quelques - unes de nos perceptions. La seconde, pourquoi, quand ce pouvoir nous manque, nous pouvons souvent nous rappeller au - moins les noms ou les circonstances.

Pour répondre d'abord à la seconde question, je dis que nous ne pouvons nous rappeller les noms ou les circonstances qu'autant qu'ils sont familiers. Alors ils rentrent dans la classe des perceptions qui sont à nos ordres, & dont nous allons parler en répondant à la premiere question, qui demande un plus grand détail.

La liaison de plusieurs idées ne peut avoir d'autre cause que l'attention que nous leur avons donnée,

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.