ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"238"> communément que dans un petit nombre d'empereurs qui ont régné ensemble, ou qui se sont immédiatement succédés; & le même revers s'y trouve quelquefois par milliers; ce qui seul porte avec soi un caractere si marqué de monnoie courante, qu'il est comme impossible de se refuser à l'évidence d'un pareil témoignage.

On ne laisse pas d'en excepter les médaillons, du - moins ceux qui par leur relief, leur étendue, & leurs poids, auroient été fort à charge dans le commerce, ceux sur - tout, qui, composés de plusieurs cercles de différentes especes de cuivre, semblent nous dire encore qu'ils ont uniquement été faits pour le plaisir & l'ostentation, & nullement pour l'usage & la commodité.

Peut - être en viendra - t - on aussi à faire une classe séparée en plusieurs autres sortes de médailles qui, quoiqu'au même titre, & uniformes entr'elles par le poids & le volume, offrent des objets tout - à - fait étrangers, pour ne pas dire contraires à l'idée d'une monnoie courante. Telles sont entr'autres, ces médailles qui paroissent n'avoir été imaginées que pour honorer après leur mort, des princes & des princesses, dont le portrait n'avoit jamais été gravé, de leur vivant, des gendres, des soeurs, des nieces d'empereurs, des enfans décédés au berceau ou dans la plus tendre jeunesse. Telles encore celles, où après une assez longue succession d'empereurs, on a renouvellé l'image & le souvenir de quelques illustres romains des premiers tems de la république.

Non toutefois que ces mêmes médailles n'ayent pu être reçues & même recherchées dans le commerce, parce qu'elles étoient de la même forme & de la même valeur intrinseque; parce que travaillées avec autant & plus de soin, on y trouvoit aussi des choses plus singulieres & plus mtéressantes. Enfin, parce que frappées sans doute en moindre quantité qu'on ne frappoit des revers de la monnoie ordinaire, elles étoient dans le même tems, à - proportion aussi rares qu'elles le sont aujourd'hui.

Une autre maxime en fait de médailles, c'est lorsqu'au revers d'un empereur romain, on trouve le nom d'une ville, d'un peuple, d'un pays; ce pays, ce peuple, cette ville doivent avoir été de la domination romaine; ou, s'ils ne lui ont pas été immédiatement soumis, ils reconnoissoient du - moins son autorité par quelque hommage, par quelque tribut, ou autre condition équivalente stipulée dans des traités. Il en faut cependant excepter ces médailles, où l'on voit d'un côté, la tête d'un empereur, & de l'autre, celle d'un prince voisin allié de l'empire, qui s'honoroit bien du titre d'ami du peuple & des empereurs romains, FILORWMOUOS2, mais dont l'alliance utile étoit quelquefois achetée par de gros subsides, que la vanité romaine qualifoit de gratifications.

A combien plus forte raison, n'en devroit - on pas excepter encore les médailles, où l'on verroit d'un côté, la tête d'un empereur romain, & de l'autre, le nom & les symboles d'une ville, qui, loin d'avoir été jamais sous sa domination, se trouveroit appartenir depuis long - tems à une autre prince puissant, lequel n'avoit rien à démêler avec l'empire; rien à espérer de son alliance, rien à craindre de ses entreprises? Sans cela, quelle absurde conséquence ne tireroit - on pas un jour de la médaille du czar Pierre I. frappée en 1718, avec le nom de la ville de Paris à l'exergue, Lutesia - Parisiorum? & vingt autres semblables; si ceux qui joindront la connoissance de l'histoire à celle des médailles, n'étoient pas à - portée d'expliques ces énigmes d'or & d'argent, comme le poëte Prudence les appelloit déjà de son tems.

On ne tariroit point sur les abus qui se sont glissés dans l'étude des médailles, & qui ont pour auteurs, je ne dis pas des hommes sans lettres, mais des écrivains d'une érudition reconnue. C'est sur la parole de ces écrivains célebres qu'on cite chaque jour des médailles, qui n'ont peut - être jamais existé; c'est leur témoignage qui empêche de rejetter des médailles d'une autre espece, qui malgré leur antiquité, ne peuvent faire foi dans l'histoire; c'est sur leur autorité que sont fondées ces interpétations chimériques qui dégraderoient les monumens les plus respectables, en les rendant le jouet de l'imagination de chaque particulier. Enfin, c'est principalement à ces auteurs qu'il faut imputer plusieurs fautes, où tombent tous les jours des amateurs des médailles, sur - tout ceux qui les recueillent uniquement, ou par le goût naturel qu'ils ont de ramasser, ou par le desir de s'acquérir une sorte de nom dans les lettres.

Il en est des médailles comme d'une infinité d'autres choses, qui font partic de ce qu'on appelle curiosités; la vanité de posséder une piece rare & unique, fait souvent mettre en usage toutes sortes de ruses & d'artifices pour en imposer. De là sont venus ces catalogues informes, où des médailles qui n'ont d'autre qualité que d'avoir été frappées par des faussaires & par des ignorans, sont décrites avec de pompeux éloges. De là ces interprétations arbitraires qui vont quelquefois jusqu'à renverser les points d'histoire les plus constans. De - là cette confusion & ce mélange dans les cabinets, & dans les livres, des médailles fausses avec les vraies, ou des modernes avec les antiques. De - là enfin, mille inconvéniens que l'on découvre à chaque instant dans l'étude & dans la recherche des médailles; car cette vanité s'étant une fois emparée de l'esprit, on ne s'en est point tenu au vrai, on a couru après le merveilleux. Chacun a voulu que sa collection fût plus finguliere que celle d'un autre, ou du - moins qu'elle passât pour telle. Pour y parvenir, on a tout fait valoir, on a tout loué, on a tout admiré.

Il est donc essentiel à un amateur de ces monumens antiques, d'être en état de juger par lui - même du mérite de chaque piece, & de ne point se laisser séduire aux pompeuses descriptions qu'il entendra faire, soit au nouvel acquéreur d'une médaille, soit à celui qui cherche à en vendre. Souvent, après avoir examiné ce qu'on lui vantoit avec tant d'emphase, il trouvera que c'est un coin moderne; que la médaille est fausse ou réparée. Mais supposons - la antique & légitime, elle sera peut - être inutile pour l'histoire; il cessera pour lors d'admirer cette médaille; & ayant cessé de l'admirer; il cessera bientôt de rechercher ce qu'il ne désiroit ardemment, que faute de le bien connoître. C'est encore un nouvel avantage pour le grand nombre des gens de lettres, à qui la nature a donné de la facilité pour les sciences, plus que la fortune ne leur a procuré de secours pur les acquérir.

Les vains curieux qui ne joignent au goût qu'ils ont pour les médailles, ni une certaine connoissance de l'histoire, ni la lecture des ouvrages de l'antiquité, n'estiment communément les médailles, qu'à proportion de leur rareté; & cette rareté dépend souvent ou du caprice, ou de la mauvaise foi de ceux qui ont fait imprimer des catalognes de médailles, quelquefois de la beauté seule & de la conservation de la médaille, & presque toujours du hazard qui a permis qu'on ait découvert un trésor antique plûtôt ou plus tard.

Au contraire, celui qui n'envisage les médailles qu'en homme de lettres, c'est - à - dire, qui n'en me<pb-> [p. 239] sure le prix que sur l'utilité, ne préfere en médailles, que celles qui servent à découvrir quelque fait nouveau, ou à éclaircir quelque point obscur de l'histoire. Une médaille qui porte une date intéressante, ou qui fixe une époque de quelque conséquence, est plus précieuse pour lui que les Cornelia supera, les Tranquillines, & les Pescennius.

Ce n'est pas que nous voulions condamner les gens qui n'épargnent rien pour recueillir toutes les têtes des personnages illustres de l'antiquité; nous avouons que les médailles ne seroient pas dépouillées de tout prix, quand même elles ne serviroient qu'à nous conserver les portraits des grands hommes; mais ce n'est point là ce qui doit les faire principalement rechercher par un homme de lettres. Si une médaille de Pescennius ne porte aucune date particuliere; si elle n'apprend aucun fait d'histoire, & qu'elle ne nous présente qu'un portrait, il est indifférent à celui qui veut devenir savant, que cette piece rare soit entre ses mains, ou entre celles d'un autre. Tout le monde convient de l'existence de Pescennius. Le curieux qui possede la médaille, n'en est pas plus assuré qu'un autre. L'homme de lettres voudroit fixer précisément le tems où ce prince a vécu; il voudroit apprendre quelque circonstance particuliere de sa vie: si la médaille ne peut l'instruire de ce qu'il cherche, il est presque mutile qu'il l'ait vue.

Voilà la vraie maniere dont on doit envisager les médailles, sans les estimer ni chacune en particulier ni toutes en général, au - delà de l'utilité dont elles sont réellement. Gardons - nous sur - tout, d'imaginer que leur étude puisse se séparer de celle des inscriptions, & de la lecture des auteurs anciens. Elles éclaireissent des passages; elles suppléent des dates ou des noms, & redressent même quelquefois des erreurs; mais, pour un service qu'elles rendent à l'histoire, elles en reçoivent mille des historiens, & tous d'une si grande conséquence, qu'avec les livres sans médailles, on peut savoir beaucoup & savoir bien; & qu'avec les médailles sans les livres, on saura peu & l'on saura mal. C'est par cette remarque qui n'est point d'un amateur anthousiaste, que je termine ce détail. Il ne me reste plus qu'à y joindre une courte explication de quelques mots fréquens dans la langue numismatique.

Termes d'usage dans l'art numismatique. Ame de la médaille. Les Antiquaires regardent la légende comme l'ame de la médaille, & les figures comme le corps; tout - de - même que dans l'emblème où la devise tient lieu d'ame; sans quoi l'on n'auroit aucune connoissance de ce que les figures qui en font le corps, nous doivent apprendre. Par exemple, nous voyons, dans une médaille d'Auguste, deux mains jointes qui serrent un caducée entre deux cornes d'Amalthée, voilà le corps; le mot pax qui y est gravé, marque la paix que ce prince avoit rendue à l'état, en se réconciliant avec Marc Antoine, réconciliation qui ramena la félicité & l'abondance, voilà l'ame.

Buste. Il désigne, en matiere de médailles, comme dans les autres arts, un portrait à - demi - corps, qui ne présente que la tête, le col, les épaules, une partie de la poitrine, & quelquefois les deux bras. Les bustes qu'on voit sur les médailles, se trouvent accompagnés de symboles qui leur sont particuliers, sur - tout quand les deux bras paroissent, comme il est ordinaire dans les médaillons & dans les petites médailles du bas empire. Ces symboles sont le sceptre, la férule, l'acacia. Dans d'autres bustes qui vont jusqu'à - mi - corps, on y voit le casque, le beucirer, & un cheval qu'on tient par la bride, pour marquer les victoires remportées ou dans les combats de la guerre, ou dans les jeux.

Champ. C'est le fond de la piece qui est vuide, & sur lequel il n'y a rien de gravé. On est parvenu à trouver l'explication de certaines lettres initiales qui se trouvent dans le champ des médailles du bas empite. En voici des exemples:

        B. T.    Beata Tranquillitas.
        C. R.    Claritas Reipablicas.
        C. S.    Claritas Soetuli.
        F. B.    Felicitas Beata.
        F. T.    Felieitas Temporum.
        P. A.    Pietas Augusta.
        S. A.    Securitas Augusti.
        S. P.    Securitas Publica cas Populi.
        T. F.    Temporum Felicitas.
        V. I.    Vota Imperii.
        V. P.    Vota Publica ou Pepuli.

Cain. On fait que c'est la même chose que la matrice ou le carré d'une médaille. Chaque médaille n'a point eu un coin différent de toutes les autres qui lui sont semblables. M. Baudelot a combattu savamment l'opinion contraire, dans son livre de l'utilite des voyages.

Corps. On regarde toutes les figures comme le corps de la médailles.

Exergue. C'est un mot, une date, des lettres, des chiffres marqués dans les médailles au - dessous des têtes qui y sont représentées, soit sur le revers, ce qui est le plus ordinaire, soit sur la tête. Les lettres ou les chiffres des exergues de médailles fignifient ordinairement, ou le nom de la ville dans laquelle elles avoient été frappées, ou le tems, ou la valeur de la piece de monnoic: & les lettres initiales ne marquent que cela.

Inscription. On appelle proprement inscription, les paroles qui tiennent lieu de revers, & qui chargent le champ de la médaille au lieu de figures.

Légende. Elle cousiste dans les lettres qui sont autour de la médaille, & qui servent à expliquer les figures gravées dans le champ.

Module. Grandeur déterminée des médailles, d'après laquelle on compose les différentes suites.

Monogramme. Lettres, caracteres ou chiffres, composés de lettres entrelacées. Ils dénotent quelquefois le prix de la monnoie, d'autrefois une époque, quelquefois le nom de la ville, du prince, de la déité représentée sur la médaille.

Nimbe. Cercle rayonnant qu'on remarque sur certaines médailles, sur - tout sur celles du bas empire.

Ordre. C'est ainsi qu'on appelle une classe générale sous laquelle on distribue les suites: on forme ordinairement cinq ordres de médailles, l'un desquels contient la suite des rois, un second la suite des villes, un troisieme la suite des consulaires, un quatrieme la suite des impériales; & sous un cinquieme on range toutes les divinités, les héros, les hommes célebres de l'antiquité. L'ordre dans les suites du moderne est absolument arbitraire.

Panthées. Ce sont des têtes ornées de symboles de plusieurs divinités.

Parazonium.. Sorte de poignard, de courte épée, de bâton, de sceptre tantôt attaché à la ceinture, tantôt appuyé par un bout sur le genou, & tantôt placé d'une autre maniere.

Quinaire. C'est une médaille du plus petit volume en tout métal.

Relies. Saillie des figures & des types empreints sur la tête ou sur le revers d'une médaille.

Revers. Côeté de la médaille opposé à la tôte.

Suite. C'est l'arrangement qu'on denne aux médailles dans un cabinet, soit d'après leur différente grandeur, soit d'après les têtes & les revers.

Symbole ou type. Terme générique qui défigne

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