ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"232"> grandeur extraordinaire. Voyez Médaillon.

Il y a une si grande quantité de médailles de bronze, qu'on les sépare en trois grandeurs, qui forment ces trois différentes suites dont les cabinets sont remplis, le grand bronze, le moyen bronze & le petit bronze: on juge du rang de chacun par son volume, qui comprend en même tems l'épaisseur & l'étendue de la médaille, la grosseur & le relief de la tête; de sorte que telle médaille qui aura l'épaisseur du grand bronze, pour n'avoir que la tête du moyen, ne sera que de la seconde grandeur. Telle autre qui n'aura presque point d'épaisseur, pour avoir la tête assez grosse, sera rangée parmi celles de la premiere grandeur. L'inclination du curieux y fait beaucoup; car ceux qui préferent le grand bronze y font entrer beaucoup de médailles qui dans le vrai ne sont que de moyen bronze, y placent des médailles qui devroient être mises dans le grand, particulierement pour avoir des têtes rares, qu'on a peine à trouver dans toute sorte de grandeur. Ainsi l'Othon de moyen bronze, l'Antonia, le Drusus, le Germanicus, se mettent dans le grand bronze; & d'autres têtes du petit bronze se placent dans le moyen, sans que personne se soit opiniâtré à faire un procès sur cela aux curieux, pour les contraindre à déranger leurs cabinets.

Chacune de ces grandeurs a son mérite: la premiere, qui fait le grand bronze, excelle par la délicatesse & la force du relief, & par les monumens historiques dont les revers sont chargés, & qui y paroissent dans toute leur beauté: la seconde, qui est le moyen bronze, se fait considérer par la multitude & par la rareté des revers, sur - tout à cause d'une infinité de villes grecques & latines, qu'on ne trouve presque point en grand bronze: la troisieme, qui fait le petit bronze, est estimable par la nécessité dont elle est dans le bas empire, où le grand & le moyen bronze abandonnent les curieux, & où l'un & l'autre, quand ils se rencontrent, passent pour médaillon.

Il faut savoir, pour ne pas se donner une peine inutile, que la suite complette du grand bronze ne s'éténd point au - delà des Posthumes, parce qu'il est infiniment rare de trouver dans le bas empire des médailles de ce volume: celles qui se rencontrent depuis Anastase n'ont communément ni l'épaisseur, ni le relief, ni la grosseur de tête suffisante; cependant sans passer les Posthumes, on peut, comme nous l'avons dit, pousser la suite au delà de trois mille.

La suite de moyen bronze est la plus facile à former & la plus complette, parce que non - seulement elle va jusqu'aux Posthumes, mais jusqu'à la décadence de l'Empire romain en Occident & même en Orient jusqu'aux Paléologues. A la vérité, depuis Héraclius, il est difficile de les trouver toutes: on est forcé d'interrompre la suite; mais cela peut venir du peu de soin qu'on a eu de les conserver, à cause qu'elles sont si grossieres & si informes, qu'il semble que la gravure ne fait plus alors que gratter misérablement le métal; & rien ne prouve mieux la désolation de l'Empire que la perte universelle de tous les beaux - arts, qui paroît si sensiblement dans celui de la Gravure.

La suite de petit bronze est assez aisée à former dans le bas empire, puisqu'on a de ces sortes de médailles depuis les Posthumes jusqu'à Théodose; mais depuis Jules jusqu'aux Posthumes, il est très difficile de la remplir; & depuis Théodose jusqu'aux Palélogues, avec qui l'empire des Grecs a fini, il est absolument impossible d'y parvenir sans le secours de l'or & de l'argent, & même de quelques moyens bronzes: car ce n'est que de cette maniere que M. du Cange, un des savans hommes du dernier siecle dans l'Histoire, nous a donné cette suite dans son livre des familles, qu'il nomme byzantines, parce qu'elles ne sont venues à l'empire qu'après la fondation de Constantinople, dite auparavant Byzance, dont Constantin fit une nouvelle Rome. Aussi at elle fait gloire d'oublier son ancien nom pour prendre celui de son restaurateur.

Il ne faut donc point espérer d'avoir aucune suite complette de chaque métal en particulier, ni de chaque grandeur différente, mais on ne doit pas pour cela les gâter par le mélange des différens métaux; cependant on permet, pour la satisfaction de ceux qui veulent avoir une suite des plus complettes, de mêler le petit bronze avec le moyen, afin de se voir sans interruption notable conduits, depuis la république romaine, qui perdit sa liberté sous Jules César, jusqu'aux derniers empereurs grecs, qui furent détrônés par les Turcs l'an 1453. Ainsi la suite des médailles nous trace pour ainsi dire l'histoire de plus de quinze siecles.

Des suites de médailles par les têtes & par les revers. On peut encore composer des suites fort curieuses par les têtes des médailles, en rangeant par ordre les médailles des rois, des villes, des familles romaines, des empereurs & des déités: ce sont autant de classes sous lesquelles on distribue toutes les différentes saites de médailles, comme nous l'expliquerons fort au long au mot Suite, Art numismatique.

Quant aux revers qui rendent les médailles plus ou moins curieuses, nous en détaillerons le mérite au mot Revers; mais dès qu'on est parvenu à former les suites de médailles d'un cabinet, il s'agit de connoître l'état de chaque médaille, parce que c'est delà que dépend particulierement leur prix & leur beauté.

De l'état & de la beauté des médailles. Les antiques médailles ne sont les plus belles & les plus précieuses que lorsqu'elles sont parfaitement contervées; je veux dire lorsque le tour de la médaille & le grenetis en sont entiers, que les figures imprimées sur les deux côtés en sont connoissables, & que la légende en est lisible.

Il est vrai que cette parfaite conservation est quelquefois un juste sujet d'avoir la médaille pour suspecte, & que c'est par - là que le Padouan & le Parmésan ont perdu leur crédit. Cependant ce n'est point une preuve infaillible qu'elle soit moderne, puisque nous en avons quantité d'indubitables, de tous métaux, & de toutes grandeurs, que l'on appelle fleur de coin, parce qu'elles sont aussi belles, aussi nettes, & aussi entieres que si elles ne faisoient que de sortir de la main de l'ouvrier.

Le prix de la médaille antique augmente encore par une autre beauté que donne la seule nature, & que l'art jusqu'à présent n'a pu contrefaire, c'est le vernis que certaine terre fait prendre aux médailles de bronze, & qui couvre les unes d'un bleu turquin, presque aussi foncé que celui de la turquoise; les autres d'un certain vermillon encore inimitable; d'autres d'un certain brun éclatant & poli, plus beau sans comparaison que celui de nos figures bronzées, & dont l'oeil ne trompe jamais, ceux même qui ne sont que médiocres connoisseurs, parce que son éclat passe de beaucoup le brillant que peut donner au métal le sel armoniac mêlé avec le vinaigre. Le vernis ordinaire est d'un vert très - fin, qui sans effacer aucun des traits les plus délicats de la gravure, s'y attache plus proprement que le plus bel émail ne fait aux métaux où on l'applique. Le bronze seul en est susceptible; car pour l'argent, la rouille verte qui s'y attache ne sert qu'à le gâter, & il faut l'ôter soigneusement avec le vinaigre ou le jus de citron, lorsqu'on veut que la médaille soit estimée.

Quand donc vous trouverez une médaille fruste ordinaire, c'est - à - dire à laquelle il manque quelquesunes des choses nécessaires, soit que le métal soit [p. 233] écorné ou rogné, le grenetis effleuré, les figures Liffées, la légende effacéc, la tête méconnoissable; ne lui donnez point de place dans votre cabinet: mais plaignant le sort malheureux des grandeurs humaines, laissez aller ces princes qui ont autrefois fait trembler la terre, mollir sur l'enclume de l'orfevre, ou sous le marteau du chaudronnier.

Si néanmoins c'étoient de certaines médailles si rares, qu'elles pussent passer pour uniques, ou que l'un des deux côtés fût encore entier, ou que la légende fût singuliere ou lisible, elles mériteroient fort d'être gardées, & ne ltisseroient pas d'avoir leur prix.

En effet, on voit peu de cabinets où il n'y en ait quelqu'une de mal conservée, & l'on est trop heureux quand on peut avoir, même avec imperfection, certaines têtes rares, pourvû qu'elles soient tant - soitpeu connoissables, il ne faut pas sur - tout se rebuter pour une légende effacée, quand le type est bien conservé, puisqu'il y a des savans qui les déchiffient à merveille, témoins M. Vaillant & M. Morel, qui par un peu d'application, rappelloient les mots les plus invisibles, & résuscitoient les caracteres les plus amortis.

Il est bon de savoir que les bords des médailles, éclatées par la force du coin, ne passent pas pour un défaut qui diminue le prix de la médaille, quand les figures n'en sont point endommagées; au contraire, c'est un signe que la médaille n'est point moulée; ce signe néanmoins ne laisse pas d'être équivoque, à l'égard de ceux qui auroient battu sur l'antique, car cela ne prouveroit pas que la tête ou le revers ne fût d'un coin moderne, & peut - être tous les deux.

Prenez garde aussi à ne pas rebuter les médailles d'argent dont les bords sont dentelés, & qu'on nomme numismata serrata, parce que c'est encore une preuve de la bonté & de l'antiquité de la médaille.

Mais il se trouve certains défauts qui nuisent à la beauté des médailles, & qu'on ne peut attribuer qu'à la négligence des monnoyeurs; par exemple, lorsque le coin ayant coulé forme deux têtes pour une, deux grenetis ou deux légendes; lorsque les lettres de la légende sont ou confondues ou supprimées, ou déplacées, comme on en voit communément sur les médailles de Claude - le - Gothique, & des trente tyrans, ce sont des monstres dont il ne faut point faire des miracles; car quoique cela n'empêche pas que la médaille ne soit antique, cependant le prix au - lieu d'en augmenter en diminue notablement. Quant à certaines médailles qui ont une tête d'empereur avec quelques revers bisarres, ou avec des revers qui appartiennent à un autre empereur que celui dont elles portent la tête, il n'en faut faire aucune estime, puisque ce n'est qu'un effet de l'ignorance ou de la précipitation du faux monnoyeur.

Enfin il arrive quelquefois que ce monnoyeur oublie de mettre les deux quarrés, & laisse ainsi la médaille sans revers: on nomme incuses ces sortes de médailles. Voyez Médaille incuse.

C'est ici le lieu de parler des contre - marques, que les jeunes curieux pourroient prendre pour des disgraces arrivées aux médailles, dont elles entament le champ, quelquefois du côté de la tête, d'autres fois du côté du revers, particulierement dans le grand & moyen bronze, assez semblables à ces marques qui se voyent sur nos sous, que le peuple nomme tappés, à cause que l'impression du coup qu'ils ont reçu, quand on leur a fait cette marque, y est demeurée: cependant ce sont des beautés pour les savans, qui recherchent les médailles où sont des contre - marques.

On en trouve sur les médailles des rois & des villes greques, sur celles des colonies, & sur les impériales. Il y a quelquefois plus d'une contre - mar<cb-> que sur la même médaille, mais les Antiquaires n'en ont jamais vû au - delà de trois. Rien n'est moins informe que ces contre marques, même sur les médailles latines: le plus souvent ce sont des lettres liées ensemble, qui expriment simplement le nom de l'empereur; quelquefois ce sont les lettres S. C. Sonatus Consulto, sur les médailles frappées dans les monnoies de Rome, D. D. Decreto Decurionum; sur les médailles des colonies, comme sur une de Sagunte, & sur une autre de Nismes, ou enfin N. C. A. P. R. que Golthius expliquoit avec Angeloni, Vicus & Manuce, par Nobis Concessum A Populo Romano, formule qu'on peut peut - être mieux interpreter par Nummus Cusus, Auctoritate Populi Romani; d'autres fois ces contre - marques sont des types, tantôt accompagnés de lettres, comme sur une médaille de Jules - César, frappée à Bérite, où l'on voit au contre - marque une corne d'abondance au milieu de deux C; & tantôt sans lettres, comme une petite roue, qui porte sur les têtes d'Auguste & d'Agrippa, dans une médaille de la colonie de Nismes; & une tête de taureau gravée sur le cou de Domitien, dans une médaille de ce prince. Le malheur est que d'un côté les Antiquaires ne conviennent pas de la signification de plusieurs contremarques, & que de l'autre ils savent encore moins les raisons qui les ont fait naître, comme nous le dirons au mot Médailles contre - marquées.

Quant au relief des médailles, voyez Relief, il suffit d'observer ici que c'est une beauté, mais qui n'est pas une marque indubitable de l'antique.

Des fourberies en médailles. Non - seulement il est facile d'attraper les nouveaux curieux, par de fausses médailles, auxquelles on donne du relief, mais il est encore aisé de les surprendre à plusieurs autres égards, principalement lorsqu'ils sont dans la premiere ardeur de leur passion pour les médailles, & qu'ils se trouvent assez opulens pour ne pas appréhender la dépense. On les voit tous les jours se livrer à la mauvaise foi & à l'avarice des trafiquans, qu'on nomme par mépris brocanteurs, faute d'en soupçonner les artifices. Ils sont trompés d'autant plus aisément, que les meilleurs connoisseurs se trouvent partagés sur de certaines médailles, que les uns croyent antiques & les autres modernes; les uns moulées, les autres frappées, à peu près comme il arrive par rapport aux tableaux, où les yeux les plus savans ne laissent pas de prendre quelquefois un original pour une copie, & une copie pour l'original. Le danger est encore devenu plus grand pour les amateurs des médailles, depuis que parmi les Médaillistes il s'est trouvé un Padouan & un Parmésan en Italie, qui ont su imiter parfaitement l'antique.

Pour dévoiler tout ce mystere, il faut commencer par indiquer les manieres différentes de falsifier les médailles, & le moyen de reconnoître la falsification, afin que le mal ne demeure pas sans remede.

La premiere & la plus grossiere, est de fabriquer des médailles qui jamais n'ont existé, comme celle de Priam, d'Enée, de Cicéron, de Virgile, & semblables personnages illustres, pour qui le Parmésan, & quelques autres ouvriers modernes, ont fait des coins tout exprès, afin de surprendre les curieux, animés du desir d'avoir des médailles singulieres.

C'est avec la même mauvaise foi, & par le même motif d'intérêt, que l'on a fabriqué des revers extraordinaires, & capables de piquer la curiosité; par exemple, un Jules - César, avec ces mots, Veni, vidi, vici; un Auguste avec ces deux - ci, Festina lente; car quoique ce bon mot soit effectivement d'Auguste, cependant on ne s'étoit pas avisé d'en conserver la mémoire sur le métal.

Il est aisé à ceux qui ne sont pas novices dans l'inspection des médailles, de reconnoître l'impos<pb->

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