ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"224"> il y aura équilibre entre les deux puissances: c'est ce qu'on voit tous les jours, lorsqu'on pese un poids avec une romaine. Il est aisé de concevoir par ce que nous venons de dire, comment un poids d'une livre peut sur cette machine faire équilibre avec un poids de mille livres & davantage.

C'est par cette raison qu'Archimede ne demandoit qu'un point fixe hors de la terre, pour l'enlever. Car, en faisant de ce point fixe l'appui d'un levier, & mettant la terre à l'extrémité d'un des bras de ce levier, il est clair qu'en alongeant l'autre bras, on parviendroit à mouvoir le globe terrestre avec une force aussi petite qu'on voudroit. Mais on sent bien que cette proposition d'Archimede n'est vraie que dans la spéculation; puisqu'on ne trouvera jamais ni le point fixe qu'il demandoit, ni un levier de la longueur nécessaire pour mouvoir le globe terrestre.

Il est clair encore par - là que la force de la puissance n'est point du - tout augmentée par la machine, mais que l'application de l'instrument diminue la vîtesse du poids dans son élévation ou dans sa traction, par rapport à celle de la puissance dans son action; de sorte qu'on vient à bout de rendre le moment d'une petite puissance égal, & même supérieur à celui d'un gros poids, & que par - là on parvient à faire enlever ou traîner le gros poids par la petite puissance. Si, par exemple, une puissance est capable d'enlever un poids d'une livre, en lui donnant dans son élévation un cértain degré de vîtesse, on ne fera jamais par le secours de quelque machine que ce puisse être que cette même force puisse enlever un poids de deux livres, en lui donnant dans son élévation la même vîtesse dont nous venons de parler. Mais on viendra facilement à - bout de faire enlever à la puissance le poids de deux livres, avec une vîtesse deux fois moindre, ou, si l'on veut, un poids de dix mille livres, avec une vîtesse dix mille fois moindre.

Plusieurs auteurs ont tenté d'appliquer les principes de la Méchanique au corps humain; il est cependant bon d'observer que l'application des principes de la Méchanique à cet objet ne se doit faire qu'avec une extrème précaution. Cette machine est si compliquée, que l'on risque souvent de tomber dans bien des erreurs, en voulant déterminer les forces qui la font agir; parce que nous ne connoissons que tres - imparfaitement la structure & la nature des différentes parties que ces forces doivent mouvoir. Plusieurs médecins & physiciens, sur - tout parmi les Anglois, sont tombés dans l'inconvénient dont je parle ici. Ils ont prétendu donner, par exemple, les lois du mouvement du sang, & de son action sur les vaisseaux; & ils n'ont pas pris garde, que pour réussir dans une telle recherche, il seroit nécessaire de connoître auparavant une infinité de choses qui nous sont cachées, comme la figure des vaisseaux, leur élasticité, le nombre, la force & la disposition de leurs valvules, le degré de chaleur & de tenacité du sang, les forces motrices qui le poussent, &c. Encore, quand chacune de ces choses seroit parfaitement connue, la grande quantité d'élémens qui entreroient dans une pareille théorie, nous conduiroit vraissemblablement à des calculs impraticables. Voyez le Discours préliminaire.

Méchanique (Page 10:224)

Méchanique, (Mathém.) est encore d'usage en Mathématiques, pour marquer une construction ou solution de quelque probleme qui n'est point géométrique, c'est - à - dire, dont on ne peut venir à - bout par des descriptions de courbes géométriques. Telles sont les constructions qui dépendent de la quadrature du cercle. Voyez Construction, Quadra - ture, &c. Voyez aussi Geométrique.

Arts méchaniques. Voyez Art.

Courbe méchanique, terme que Descartes a mis en usage pour maiquer une courbe qui ne peut pas être exprimée par une équation algébrique. Ces courbes sont par - là opposée, aux courbes algébriques ou géométriques. Voyez Courbe.

M. Leibnitz & quelques autres les appellent transcendantes au lieu de méchaniques, & ils ne conviennent pas avec Descartes qu'il faille les exclure de la Géométrie.

Le cercle, les sections coniques, &c. sont des courbes géométriques, parce que la relation de leurs absides à leurs ordonnées est exprimée en termes finis. Mais la cycloide, la spirale, & une intinité d'autres sont des courbes méchaniques, parce qu'on ne peut avoir la relation de leurs absides à leurs ordonnées que par des équations différentielles, c'est à - dire, qui contiennent des quantités infiniment petites. Voyez Diffi rentiflle, Fluxion, Tangente, Exponentielle , &c. (O)

Les vérités fondamentales de la Méchanique, en tant qu'elle traite des lois du mouvement, & de l'équilibre des corps, méritent d'être approfondies avec soin. Il semble qu'on n'a pas été jusqu'à - présent fort - attentif ni à réduire les principes de cette science au plus petit nombre, ni à leur donner toute la clarté qu'on pouvoit desirer; aussi la plûpart de ces principes, ou obscurs par eux - mêmes, ou énoncés & démontrés d'une maniere obscure, ont - ils dônné lieu à plusieurs questions épineuses. En général on a été plus occupé jusqu'à présent à augmenter l'édifice, qu'à en éclairer l'entrée, & on a penséprincipalement à l'élever, sans donner à ses fondemens toute la solidité convenable.

Il nous paroît qu'en applanissant l'abord de cette science, on en reculeroit en même tems les limites, c'est - à - dire qu'on peut faire voir tout - à - la - fois & l'inutilité de plusieurs principes employés jusqu'àprésent par les Méchaniciens, & l'avantage qu'on peut tirer de la combinaison des autres, pour le progrès de cette science; en un mot, qu'en réduisant les principes on les étendra. En effet, plus ils seront en petit nombre, plus ils doivent avoir d'étendue, puisque l'objet d'une science étant nécessairement déterminé, les principes en doivent être d'autant plus féconds, qu'ils sont moins nombreux. Pour faire connoître au lecteur les moyens par lesquels on peut espérer de remplir les vûes que nous propoions, il ne sera peut - être pas inutile d'entrer ici dans un examen raisonné de la science dont il s'agit.

Le mouvement & ses propriétés générales sont le premier & le principal objet de la méchanique; cette science suppose l'existence du mouvement, & nous la suppeserons aussi comme avouée & reconnue de tous les Physiciens. A l'égard de la nature du mouvement, les Philosophes sont au contraire fort partagés là - dessus. Rien n'est plus naturel, je l'avoue, que de concevoir le mouvement comme l'application successive du mobile aux différentes parties de l'espace indéfini que nous imaginons comme le lieu des corps; mais cette idée suppose un espace dont les parties soient pénétrables & immobiles, or personne n'ignore que les Cartésiens (secte à la vérité fort - affoiblie aujourd'hui) ne reconnoissent point d'espace distingué des corps, & qu'ils regardent l'étendue & la matiere comme une même chose. Il faut convenir qu'en partant d'un pareil principe, le mouvement seroit la chose la plus difficile à concevoir, & qu'un cartésien auroit peut - être beaucoup plûtôt fait d'en nier l'existence, que de chercher à en définir la nature. Au reste, quelque absurde que nous paroisse l'opinion de ces philoso<pb-> [p. 225] phes, & quelque peu de clarté & de précision qu'il y ait dans les principes métaphysiques sur lesquels ils s'efforcent de l'appuyer, nous n'entreprendrons point de la refuter ici: nous nous contenterons de remarquer que pour avoir une idée claire du mouvement, on ne peut se dispenser de distinguer au moins par l'esprit deux sortes d'étendue; l'une qui soit regardée comme impénétrable, & qui constitue ce qu'on appelle proprement les corps; l'autre, qui étant considérée simplement comme étendue, sans examiner si elle est pénétrable ou non, soit la mesure de la distance d'un corps à un autre, & dont les parties envisagées comme fixes & immobiles, puissent servir à juger du repos ou du mouvement des corps. Il nous sera donc toujours permis de concevoir un espace indéfini comme le lieu des corps, soit réel, soit supposé, & de regarder le mouvement comme le transport du mobile d'un lieu dans un autre.

La considération du mouvement entre quelquefois dans les recherches de la Géométrie pure; c'est ainsi qu'on imagine souvent les lignes droites ou courbes engendrées par le mouvement continu d'un point, les surfaces par le mouvement d'une ligne, les solides enfin par celui d'une surface. Mais il y a entre la Méchanique & la Géométrie cette différence, non seulement que dans celle - ci la génération des figures par le mouvement est pour ainsi dire arbitraire & de pure élégance, mais encore que la Géométrie ne considere dans le mouvement que l'espace parcouru, au lieu que dans la Méchanique on a égard de plus au tems que le mobile emploie à parcourir cet espace.

On ne peut comparer ensemble deux choses d'une nature différente, telles que l'espace & le tems: mais on peut comparer le rapport des parties du tems, avec cesui des parties de l'espace parcouru. Le tems par sa nature coule uniformément, & la Méchanique suppose cette uniformité. Du reste, sans connoître le tems en lui - même, & sans avoir de mesure précise, nous ne pouvons représenter plus clairement le rapport de ses parties, que par celui des portions d'une ligne droite indéfinie. Or l'analogie qu'il y a entre le rapport des parties d'une telle ligne, & celui des parties de l'espace parcouru par un corps qui se meut d'une maniere quelconque, peut toujours être exprimée par une équation. On peut donc imaginer une courbe, dont les abscisses représentent les portions du tems écoulé depuis le commencement du mouvement, les ordonnées correspondantes désignant les espaces parcourus durant ces portions de tems: l'équation de cette courbe exprimera non le rapport des tems aux espaces, mais si on peut parler ainsi, le rapport du rapport que les parties de tems ont à leur unité, à celui que les parties de l'espace parcouru ont à la leur. Car l'equation d'une courbe peut être considérée ou comme exprimant le rapport des ordonnées aux abscisses, ou comme l'équation entre le rapport que les ordonnées ont à leur unité, & le rapport que les abscisses correspondantes ont à la leur.

Il est donc évident que par l'application seule de la Géométrie & du calcul, on peut, sans le secours d'aucun autre principe, trouver les propriétés générales du mouvement, varié suivant une loi quelconque. Mais comment arrive - t - il que le mouvement d'un corps suive telle ou telle loi particuliere? C'est sur quoi la Géométrie seule ne peut rien nous apprendre; & c'est aussi ce qu'on peut regarder comme le premier problème qui appartienne immédiatement à la Méchanique.

On voit d'abord fort - clairement qu'un corps ne peut se donner le mouvement à lui meme. Il ne peut donc être tiré du repos que par l'action de quelque cause étrangere. Mais continue - t - il à se mouvoir de lui - même, ou a - t - il besoin pour se mouvoir de l'ac<cb-> tion répétée de la cause? Quelque parti qu'on pût prendre là - dessus, il sera toujours incontestable que l'existence du mouvement étant une fois supposée sans aucune autre hypothese particuliere, la loi la plus simple qu'un mobile puisse observer dans son mouvement, est la loi d'uniformité, & c'est par conséquent celle qu'il doit suivre.

Le mouvement est donc uniforme par sa nature; j'avoue que les preuves qu'on a données jusqu'à - présent de ce principe, ne sont peut - être pas fort - convaincantes. On verra à l'article Force d'Inertie, les difficultés qu'on peut y opposer, & le chemin que j'ai pris pour éviter de m'engager à les résoudre. Il me semble que cette loi d'uniformité essentielle au mouvement considéré en lui - même, fournit une des meilleures raisons sur lesquelles la mesure du tems par le mouvement uniforme, puisse être appuyée. Voyez Uniforme.

La force d'inertie, c'est - à - dire la propriété qu'ont les corps de persévérer dans leur état de repos ou de mouvement, étant une fois établie, il est clair que le mouvement qui a besoin d'une cause pour commencer au - moins à exister, ne sauroit non plus être accéleré ou retardé que par une cause étrangere. Or quelles sont les causes capables de produire ou de changer le mouvement dans les corps? Nous n'en connoissons jusqu'à - présent que de deux sortes; les unes se manifestent à nous en même tems que l'effet qu'elles produisent, ou plutôt dont elles sont l'occasion: ce sont celles qui ont leur source dans l'action sensible & mutuelle des corps, résultante de leur impénétrabilité; elles se réduisent à l'impulsion & à quelques autres actions dérivées de celles - là: toutes les autres causes ne se font connoître que par leur effet, & nous en ignorons entierement la nature: telle est la cause qui fait tomber les corps pesans vers le centre de la terre, celle qui retient les planetes dans leurs orbites, &c.

Nous verrons bien - tôt comment on peut déterminer les effets de l'impulsion & des causes qui peuvent s'y rapporter: pour nous en tenir ici à celles de la seconde espece, il est clair que lorsqu'il est question des effets produits par de telles causes, ces effets doivent toujours être donnés indépendamment de la connoissance de la cause, puisqu'ils ne peuvent en être déduits; sur quoi voyez Accélératrice.

Nous n'avons fait mention jusqu'à présent, que du changement produit dans la vîtesse du mobile par les causes capables d'altérer son mouvement: & nous n'avons point encore cherché ce qui doit arriver, si la cause motrice tend à mouvoir le corps dans une direction différente de celle qu'il a déja. Tout ce que nous apprend dans ce cas le principe de la force d'inertie, c'est que le mobile ne peut tendre qu'à décrire une ligne droite, & à la décrire unitormément: mais cela ne fait connoître ni sa vîtesse, ni sa direction. On est donc obligé d'avoir recours à un second principe, c'est celui qu'on appelle la composition des mouvemens, & par lequel on détermine le mouvement unique d'un corps qui tend à se mouvoir suivant différentes directions à la fois avec des vîtesses données. Voyez Composition du mouvement.

Comme le mouvement d'un corps qui change de direction, peut être regardé comme composé du mouvement qu'il avoit d'abord, & d'un nouveau mouvement qu'il a reçu, de même le mouvement que le corps avoit d'abord peut être regardé comme composé du nouveau mouvement qu'il a pris, & d'un autre qu'il a perdu. De - là il s'ensuit, que les lois du mouvement changé par quelques obstacles que ce puisse être, dépendent uniquement des lois du mouvement, détruit par ces mêmes obstacles. Car il est évident qu'il suffit de décomposer le mou<pb->

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