ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"168"> pte un nombre presqu'infini. Il n'y a presque point de religion qui n'ait eu ses martyrs, si l'on prend le titre de martyrs dans un sens général pour ceux qui meurent pour la défense de leur religion, soit vraie, soit fausse. Mais les théologiens catholiques soutiennent, après les peres, que ce nom ne convient qu'à ceux qui perdent la vie pour la vérité de l'Evangile dans l'unité de l'Eglise catholique; ainsi ils le refusent à ceux qui meurent pour le nom de Jesus - Christ, mais dans le schisme ou dans l'hérésie. Leur maxime capitale sur cette matiere est que ce n'est point le supplice qu'on souffre, mais la cause pour laquelle on souffre qui constitue les martyrs. Martyrum non facit poena sed causa. Ce que S. Augustin explique très bien dans ce passage, en parlant des Donatistes qui vantoient la constance de leurs prétendus martyrs. Jactant fallaciter innocentiam suam, & quam non possunt à Domino accipere, ab hominibus quoerunt martyrum gloriam. Veri autem martyres illi sunt de quibus Dominus ait: beati qui persecutionem patiuntur propter justitiam; non ergo qui propter iniquitatem & propter christianoe unitatis impiam divisionem, sed qui propter justitiam persecutionem patiuntur, hi martyres veri sunt... Ideo in psalm. xlij. vox illa intelligenda est vererum martyrum volentium se discerni à martyribus falsis: judica me Deus, & discerne causam meam de gente non sanctâ: non dicit, discerne poenam meam, sed discerne causam meam. Potest enim esse impiorum similis poena, sed dissimilis est martyrum causa. S. August. Epist. l. veter. edit. Ce qui a fait dire à S. Cyprien, dans son livre de l'unité de l'Eglise, qu'un schismatique peut bien être massacré pour la défense de certaines vérités, mais non pas couronné: talis occidi potest, coronari non potest. Ou il faut admettre ces principes, ou confondre le fanatisme avec la religion.

On conservoit anciennement avec soin les actes des souffrances & de la mort des martyrs qui avoient versé leur sang pour la défense de la religion chrétienne. Cependant, malgré toute la diligence qu'on y apportoit, il nous est resté peu de ces actes. Eusebe composa un martyrologe pour réparer ces pertes; mais il n'a point passé jusqu'à nous, & ceux que l'on a rétablis depuis sont très - suspects. Voyez Martyrologe.

L'ere des martyrs est une ere que l'Egypte & l'Aby ssinie ont suivie & suivent encore, & que les Mahométans même ont souvent marquée depuis qu'ils sont maîtres de l'Egypte. On la prend du commencement de la persécution de Dioclétien, qui fut l'an de Jesus - Christ 302 ou 303. L'ere des martyrs s'appelle aussi l'ere de Dioclétien.

MARTYRE (Page 10:168)

MARTYRE, s. m. martyrium, (Théol.) témoignage rendu à Jesus - Christ & à sa religion, & scellé par la mort de celui qui le rend: ou, si l'on veut, la mort endurée par un chrétien dans l'unité de l'église pour avoir confessé la foi de Jesus - Christ; car on distinguoit les martyrs des confesseurs. On donnoit ce dernier nom aux chrétiens qui ayant été tourmentés pour la foi, avoient cepeudant survécu à la persécution, & on appelloit proprement martyrs ceux qui avoient donné leur vie pour l'Evangile.

Voici quelles étoient les principales & les plus ordinaires circonstances du martyre, selon M. Fleury.

La persécution commençoit d'ordinaire par quelqu'édit qui défendoit les assemblées des Chrétiens, & condamneit à de certaines peines tous ceux qui ne voudroient pas sacrifier aux idoles. Il étoit permis de fuir la persécution, de s'en racheter même par argent, pourvu qu'on ne dissimulât point sa foi. Mais les regles de l'Eglise défendoient de s'exposer soi - même au martyre, ni de rien faire qui pût irriter les payens & attirer la persécution; comme de briser leurs idoles, mettre le feu aux temples, dire des injures à leurs dieux, ou attaquer publiquement leurs superstitions. Ce n'est pas qu'il n'y ait des exemples de saints martyrs qui ont fait des choses semblables, & de plusieurs entr'autres qui se sont dénoncés eux - mêmes. Mais on doit attribuer ces exemples singuliers à des mouvemens extraordinaires de la grace. La maxime générale étoit de ne point tenter Dieu, & d'attendre en patience que l'on fût découvert'& interrogé juridiquement pour rendre compte de sa foi.

Quand les chrétiens étoient pris, on les menoit devant le magistrat, qui les interrogeoit juridiquement, assis sur son tribunal. S'ils nioient qu'ils fussent chrétiens, on les renvoyoit d'ordinaire sur leur parole, parce que l'on savoit bien que ceux qui l'étoient véritablement ne le nioient jamais, ou dèslors cessoient de l'être. Quelquefois, pour s'en assurer, on leur faisoit faire quelqu'acte d'idolâtrie. S'ils confessoient qu'ils fussent chrétiens, on s'essorçoit de vaincre leur constance, premierement par la persuasion & par les promesses, puis par les menaces & enfin par les tourmens.

Les supplices ordinaires étoient, étendre sur un chevalet par des cordes attachées aux piés & aux mains, & tirées des deux bouts avec des poulies; ou pendre par les mains, avec des poids attachés aux piés; battre de verges, ou de gros bâtons, ou de fouets garnis de pointes, nommés scorpions, ou de lanieres de cuir crud, ou garnies de balles de plomb. On en a vu grand nombre mourir sous les coups. D'autres, étant étendus, on leur brûloit les côtés, & on les déchiroit avec des ongles ou des peignes de fer; en sorte que souvent on découvroit les côtes jusqu'aux entrailles, & le feu entrant dans le corps, étouffoit les patiens. Pour rendre ces plaies plus sensibles, on les frottoit quelquefois de sel & de vinaigre, & on les rouvroit lorsqu'elles commençoient à se fermer.

Pendant ces tourmens, on interrogeoit toujours. Tout ce qui se disoit ou par le juge ou par les patiens, étoit écrit mot pour mot par des greffiers, & il en demeuroit des procès - verbaux bien plus exacts que tous ceux que font aujourd'hui les ossiciers de justice; car comme les anciens avoient l'art d'écrire par notes abrégées, ils écrivoient aussi vîte que l'on parloit, & rédigeoient précisément les mêmes paroles qui avoient été dites, faisant parler directement les personnages; au lieu que dans nos proces-verbaux, tous les discours sont en tierce personne, & rédigés suivant le style du greffier. Ce sont ces procès - verbaux récueillis par les Chrétiens, qui forment les actes que nous avons des martyrs. Voyez Actes, Scribes, Notaires

Dans ces interrogatoires, on pressoit souvent les chrétiens de dénoncer leurs complices, c'est - à - dire les autres chrétiens, sur - tout les évêques, les prêtres, les diactes, & de livrer les saintes - écritures. Ce fut particulierement dans la persécution de Dioclétien que les payens s'attacherent à faire périr les livres des Chrétiens, persuadés que c'étoit le moyen le plus sûr d'abolir leur religion. Ils les rechercherent avec soin, & en brûlerent autant qu'ils en purent saisir. Mais sur toutes ces sortes de questions, les chrétiens gardoient un secret aussi profond que sur les mysteres. Ils ne nommoient jamais personne, & ils disoient que Dieu les avoit instruits, & qu'ils portoient les saintes - écritures gravées dans leur coeur. On nommoit traditeurs ou traitres, ceux qui étoient assez lâches pour livrer les saintes - écritures, ou pour découvrir leurs freres ou leurs pasteurs. Voyez Traditeurs.

Après l'interrogatoire, ceux qui persistoient dans la confession du christianisme, étoient envoyés au supplice; mais plus souvent on les remettoit en prisen pour les éprouver plus long - tems, & les tour<pb-> [p. 169] menter à plusieurs fois: si toutefois les prisons n'étoient pas encore une espéce de tourmens; car on y renfermoit les martyrs dans les cachots les plus noirs & les plus infects; on leur mettoit les fers aux piés & aux mains; on leur mettoit au cou de grandes piéces de bois, & des entraves aux jambes pour les tenir élevées ou écartées, le patient étant posé sur le dos; quelquefois on semoit le cachot de têts de pots de terre ou de verre cassé, & on les y étendoit tous nuds & tout déchirés de coups; quelquefois on laissoit corrompre leurs plaies, & on les laissoit mourir de faim & de soif; quelquefois on les nourrissoit & on les pansoit avec soin, mais c'étoit afin de les tourmenter de nouveau. On défendoit d'ordinaire de les laisser parler à personne, parce qu'on savoit qu'en cet étatils convertissoient beaucoup d'infideles, souvent jusqu'aux geoliers & aux soldats qui les gardoient. Quelquefois on donnoit ordre de faire entrer ceux que l'on croyoit capables d'ébranler leur constance; un pere, une mere, une femme, des enfans, dont les larmes & les discours tendres étoient une espece de tentation, & souvent plus dangereux que les tourmens. Mais ordinairement les diacres & les fideles visitoient les martyrs pour les soulager & les consoler.

Les exécutions se faisoient ordinairement hors des villes; & la plûp art des martyrs, après avoir surmonté les tourmens, ou par miracle, ou par leurs forces naturelles, ont fini par avoir la tête coupée. Quoiqu'on trouve dans l'histoire ecclésiastique divers genres de mort par lesquels les payens en ont fait périr plusieurs, comme de les exposer aux bêtes dans l'amphithéâtre, de les lapider, de les brûler vifs, de les précipiter du haut des montagnes, de les noyer avec une pierre au cou, de les faire traîner par des chevaux ou des taureaux indomptés, de les écorcher vifs, &c. Les fideles ne craignoient point de s'approcher d'eux dans les tourmens, de les accompagner jusqu'au supplice, de recueillir leur sang dans des linceuls ou avec des éponges, de conserver leurs corps ou leurs cendres, n'épargnant rien pour les racheter des mains des bourreaux, au risque de souffrir eux - mêmes le martyre. Quant aux martyrs, & dans les tourmens, & au moment même de la mort, s'ils ouvroient la bouche, ce n'étoit que pour louer Dieu, implorer son secours, édifier leurs freres. Voilà les hommes que les incrédules ne rougissent pas de nous donner pour des entêtés, des fanatiques & même des séditieux justement punis, des hommes qui ne savoient que souffrir, mourir, & bénir leurs persécuteurs. Fleury, moeurs des Chrétiens, part. II. n°. xix. xx. xxj. xxij.

MARTYRES, les (Page 10:169)

MARTYRES, les (Géogr.) petites îles de l'Amérique septentrionale, comptées entre les Lucaies, ou plutôt ce sont des rochers situés au sud du cap de la Floride, à la hauteur de 25 degrés. Ils sont disposés en rang, est & ouest. On leur a donné ce nom de l'image qu'ils représentent quand on les découvre de soin en mer; il semble que ce soient des hommes empalés; & ils sont diffamés par plusieurs naufrages. (D. J.)

MARTYROLOGE (Page 10:169)

MARTYROLOGE, s. m. (Tiéologie.) liste ou catalogue des martyrs: ce mot vient de MA/RTNR, témoin, & de LE/GW, dico, discours. D'autres disent de LE/GW, colligo, je ramasse. Voyez Martyr.

Le martyrologe, à proprement parler, ne contient que le nom, le lieu & le jour du martyre de chaque saint. Toutes les sectes ont aussi des livres de l'histoire de leurs martyrs, qu'ils ont aussi appellés martyrologe. Cette coutume de dresser des martyrologes est empruntée des Payens, qui inscrivoient le nom de leurs héros dans leurs fastes pour conserver à la postérité l'exemple de leurs belles actions. Baronius donne au pape Clément la gloire d'avoir intro<cb-> duit l'usage de recueillir les actes des martyrs. Voyez Actes.

Le martyrologe d'Usebe de Césarée a été l'un des plus célebres de l'ancienne Eglise. Il fut traduit en latin par S. Jérôme; mais les savans conviennent qu'il ne se trouve point.

Celui qu'on attribue à Bede dans le viij. siecle, est assez suspect en quelques endroits. On y temarque le nom de quelques saints qui ont vécu après lui. Le ix. siecle fut très - fécond en martyrologes. On y vit paroître celui de Florus, soudiacre de l'église de Lyon, qui ne fit pourtant que remplir les vuides du martyrologe de Bede: celui de Wandelbertus, moine du diocese de Trèves: celui d'Usuard, moine françois, qui le composa par l'ordre de Charles le Chauve; c'est le martyrologe dont l'Eglise romaine se sert ordinairement: celui de Pabanus Maurus, qui est un supplément à celui de Bede & de Florus, composé vers l'an 845: celui de Notkerus, moine de S. Gal, publié en 894.

Le martyrologe d'Adon, moine de Ferrieres en Gatinois, puis de Prom, dans le diocese de Trèves, & enfin archevêque de Sienne, est une suite & un descendant du romain, si l'on peut parler ainsi. Car voici comme le P. du Sollier marque sa généalogie.

Le martyrologe de S. Jérôme est le grand romain. De celui - là on a fait le petit romain imprimé par Roswicy. De ce petit romain avec celui de Bede, augmenté par Florus, Adon a fait le sien, en ajoutant à ceux - là ce qui y manquoit. Il le compila à son retour de Rome, en 858. Le martyrologe de Nevelon, moine de Corbie, écrit vers l'an 1089, n'est proprement qu'un abrégé d'Adon, avec les additions de quelques saints. Le P. Kirker parle d'un martyrologe des Koptes, gardé aux Maronites à Rome. On a encore divers autres martyrologes, tels que celui de Notger surnommé le Begue, moine de l'abbaye de S. Gal en Suisse, fait sur celui d'Adon. Le martyrologe d'Augustin Belin, de Padoue; celui de François Maruli, dit Maurolicus; celui de Vander Meulen, autrement Molanus, qui rétablit le texte d'Umard, avec de savantes remarques. Galerini, protonotaire apostolique, en dédia un à Grégoire XIII. mais qui ne fut point approuvé. Celui que Baronius donna ensuite accompagné de notes, fut mieux reçu & approuvé par le pape Sixte V. & il a depuis passé pour le martyrologe moderne de l'Eglise romaine. M. l'abbé Chastelain, si connu par son érudition, donna, en 1709, un texte du martyrologe romain, traduit en françois, avec des notes, & avoit entrepris un commentaire plus étendu sur tout le martyrologe, dont il a paru un volume.

Quant à la différence qui se trouve dans les narrations de quelques martyrologes, & au peu de certitude des faits qui y sont quelquefois rapportés, voici quelles en sont les causes. 1°. La malignité des hérétiques, ou le zele peu éclairé de quelques chrétiens des premiers tems, qui ont supposé des actes. 2°. La perte des actes véritables arrivée dans la persécution de Diocletien, ou occasionnée par l'invasion des Barbares; actes auxquels on en a substitué d'autres, sans avoir de bons mémoires. 3°. Les falfifications commises par les hérétiques. 4°. La crédulité des légendaires, & leur audace à fabriquer des actes à leur fantaisie. 5°. La dévotion mal entendue des peuples, qui a accrédité plusieurs traditions ou incertaines, ou fausses, ou suspectes. 6°. La timidité des bons écrivains, qui n'ont osé choquer les préjugés populaires. Il est vrai pourtant que, depuis la renaissance des lettres, & les progrés qu'a fait la critique, les Bollandistes, MM. de Launoy, de Tillemont, Baillet, & plusieurs autres, ont purgé les vies des saints de plusieurs traits, qui, loin de tourner à l'édification des fideles, servoient de ma<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.