ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"116"> quand ils veulent, ou ils les retiennent toujours à leur service. Ce qu'il y a de louable dans cette vie libertine, c'est que les enfans que les Turcs ont de toutes leurs femmes, héritent également des biens de leur pere; avec cette différence seulement, qu'il faut que les enfans des femmes esclaves soient déclarés libres par testament; si le pere ne leur fait pas cette grace, ils suivent la condition de leur mere, & sont à la discrétion de l'aîné de la famille. (D. J.)

Mariage (Page 10:116)

Mariage. (Médec. Diete.) Nous ne prenons ici le mariage que dans le point particulier de son exécution physique, de sa consommation, où les deux sexes confondus dans des embrassemens mutuels, goûtent des plaisirs vifs & permis qui sont augmentés & terminés par l'éjaculation réciproque de la semence, cimentés & rendus précieux par la formation d'un enfant.

Ainsi nous n'envisagerons le mariage que sous le point de vûe où il est synonyme à coït; & nous avons à dessein renvoyé à cet article présent tout ce que nous avions à dire sur cette matiere; parce que le mariage regardé comme convention civile, politique, religieuse, est suivant les moeurs, les préjugés, les usages, les lois, la religion reçue, le seul état où le coït soit permis, la seule façon d'autoriser & de légitimer cette action naturelle. Ainsi toutes les remarques que nous aurons occasion de faire ici sur le mariage, ne regarderoient chez des peuples qui auroient d'autres moeurs, d'autres coutumes, une autre religion, &c. que l'usage du coït ou l'acte vénérien. En conséquence nous comprenons le mariage dans la classe des choses non naturelles, comme une des parties de la diete ou de la gymnastique. On peut considérer dans le mariage ou le coït légitime, 1° l'excrétion de la semence, 2° le méchanisme de cette excrétion, 3° les plaisirs qui y sont attachés, 4° enfin, les suites particulieres qu'elle a dans les femmes, savoir, la grossesse & l'accouchement: c'est de l'examen comparé de ces différentes considérations qu'on doit déduire les avantages ou les inconvéniens du mariage.

I°. Toute secrétion semble, dans l'ordre de la nature, exiger & indiquer l'excrétion de l'humeur séparée; ainsi l'excrétion de la semence devient, suivant ces mêmes lois, un besoin, & sa retention un état contre nature, souvent cause de maladie, lorsque cette humeur a été extraite, préparée, travaillée par les testicules devenus actifs, & qu'elle a été perfectionnée par son séjour & son accumulation dans les vésicules séminales. Alors les parties - organes de cette excrétion en marquent la nécessité par un accroissement plus prompt, par une demangeaison continuelle, par un feu secret, une ardeur qui les embrase, par des érections fréquentes involontaires. De - là naissent ces desirs violens, mais indéterminés, cet appetit naturel qu'on voudroit satisfaire; mais quelquefois on n'en connoît pas les moyens, souvent on n'ose pas les employer. Toutes ces sensations inaccoutumées attirent, occupent, absorbent l'esprit, en alterent les fonctions; plongent le corps dans un état de langueur insupportable, jusqu'à ce qu'instruit par la nature, on ait recours au remede spécifique en se mariant, ou que la pléthore de semence portée à un point excessif, n'en détermine l'excrétion; mais il arrive quelquefois que, par un séjour trop long elle s'altere, se corrompt, & occasionne des accidens très fâcheux. Les hommes plus libres, moins retenus, peut - être moins sensibles, sont moins incommodés que les femmes; il est rare que leur esprit en soit dérangé. Le plus souvent on n'observe dans ceux qui gardent sévérement la continence, que des priapismes, des demangeaisons affreuses, des tumeurs dans les testicules, &c. accidens légers que l'évacuation de la semence fait cesser à l'instant.

Les filles dans qui les aiguillons sont plus précoces & plus pressans, les passions plus vives, la retenue plus nécessaire, sont bien plus incommodées de la trop longue rétention de la semence; & ce qui me paroît encore contribuer à augmenter le nombre & la gravité des symptomes qu'attire la privation du mariage, c'est que non - seulement elles desirent l'évacuation de leur semence; mais en outre la matrice appete avec avidité la semence de l'homme; & quand ces deux objets ne sont pas remplis, elles tombent dans ce délire chlorétique, également funeste à la santé & à la beauté, biens que le sexe regarde comme les plus précieux; elles deviennent foibles, languissantes, mélancoliques, &c. D'autres fois au contraire, les impressions que la semence trop abondante & trop active fait sur les organes & ensuite sur l'esprit, sont si fortes, qu'elles l'emportent sur la raison. L'appetit vénérien parvenu à ce degré de violence, demande d'être satisfait; il les jette dans ce délire furieux connu sous le nom de fureur utérine. Dèslors emportées hors d'elles - mêmes, elles perdent de vûe toutes les lois de la pudeur, de la bienséance, cherchent par toutes sortes de moyens à assouvir la violence de leur passion; elles ne rougissent point d'attaquer les hommes, de les attirer par les postures les plus indécentes & les invitations les plus lascives. Tous les praticiens conviennent que les différens symptomes de vapeurs ou d'affections hystériques qui attaquent les filles ou les veuves, sont une suite de la privation du mariage. On peut observer en effet que les femmes, sur - tout bien mariées, en sont ordinairement exemptes; & que ces maladies sont très - communes dans ces vastes maisons qui renferment un grand nombre de filles qui se sont obligées par devoir & par état de garder leur virginité. Le mariage est dans tous ces cas utile, ou même nécessaire pour prévenir tous ces accidens: il peut même, quand ils sont déjà formés, les dissiper; & c'est souvent le seul secours dont l'efficacité soit assûrée. Tous les martiaux, les fondans, les soporatifs sont ordonnés sans succès à une fille chlorétique. Les Médecins sont souvent obligés de faire marier ces malades, & le succès du remede constate la bonté du conseil. Il en est de même de ces filles qui sont dans les accès d'une fureur utérine; c'est en vain qu'on les baigne, qu'on les gorge de tisanes nîtrées, d'émulsions, leur délire ne peut s'appaiser que par l'excrétion de l'humeur dont l'abondance & l'activité l'ont déterminée. Il est mille occasions où le coït légitimé par le mariage n'est pas possible; & la religion ne permet pas alors d'imiter l'heureuse témérité de Rolfink, qui ne voyant d'autre ressource pour guérir une fille dangereusement malade, que de procurer l'excrétion de la semence: au défaut d'un mari, il se servit dans ce dessein, d'un moyen artificiel, & la guérit entierement.

Ce moyen ne sera peut - être pas goûté par des censeurs rigides, qui croient qu'il ne faut jamais faire un mal dans l'espérance d'un bien. Je laisse aux théologiens à décider, si dans pareils cas, une pollution qui ne seroit nullement déterminée par le libertinage, mais par le besoin pressant, est un crime, ou s'il n'est pas des circonstances, où de deux maux, il faut éviter le pire. Il paroît assez naturel que dans certains cas extrèmes, on fait céder toute autre considération à celle de rendre la santé.

Il paroît par - là que le mariage, simplement considéré comme favorisant & déterminant l'excrétion de la semence, est très - avantageux à l'un & à l'autre sexe. C'est dans cet état seul où la santé peut être la [p. 117] plus complette, & où elle résulte de l'exercice, non - seulement possible, mais actuel de toutes les fonctions. Dans tous les temps, les lois politiques fondées sur celles de la nature, ont encourage le mariage, par des récompenses ou des distinctions accordées à ceux qui en subissoient le joug, & par des punitions ou un déshonneur qu'elles attachoient à ceux qui s'y soustrayoient. La stérilité ou le célibat étoit chez les Juifs une espece d'opprobre; les célibataires étoient chez les anciens chrétiens, jugés indignes des charges de la magistrature. Les Romains couronnoient ceux qui avoient été mariés plusieurs fois. Et d'un autre côté, les Spartiates, peuples gouvernés par des lois dont la sagesse sera à - jamais célebre, instituerent une fête où ceux qui n'étoient point mariés étoient fouettés par des femmes: & de nos jours, le célibat n'est honoré que parce qu'il est devenu un point de religion. L'on a vû cependant le mariage & la fécondité excités & récompensés par des pensions, par des diminutions d'impôts.

Mais comme l'excrétion de semence retenue peut être nuisible, de - même si elle est immodérée, elle devient la source de maladies très - sérieuses. V. Manustupration. Le mariage influe à un tel point sur la santé, que s'il est modéré, il contribue beaucoup à la rendre florissante & à l'entretenir. Son entiere privation n'est pas indifférente; & son usage désordonné ou son abus a pareillement ses inconvéniens; il ne peut produire que des mauvais effets, lorsqu'il est célébré à la suite d'une maladie; pendant la convalescence, après des pertes excessives, dans un état d'épuisement. Galien rapporte l'histoire d'un homme, qui commençant à se relever d'une maladie sérieuse coucha avec sa femme, & mourut la même nuit.

Sennert remarque très - judicieusement que le mariage, très - salutaire à une chlorétique, lui deviendra pernicieux, s'il y a chez elle un fond de maladie indépendant, s'il y a une lésion considérable dans les visceres. On peut assurer en général que le mariage est nuisible, lorsqu'il n'est pas déterminé par l'abondance ou l'activité de l'humeur séminale: c'est ce qui arrive principalement aux vieillards, & aux jeunes gens qui n'ont pas encore atteint l'âge de puberté. Tous les auteurs qui ont écrit sur cette matiere, se sont mis à la torture pour tâcher de déterminer exactement l'âge le plus propre au mariage; mais on trouve dans leurs écrits beaucoup de variétés. Les uns fixent ce terme à l'âge de quatorze ans; d'autres, fondés sur quelques exemples rares de personnes qui ont eu des enfans à huit & dix ans, avancent ce terme; il en est qui le reculent jusqu'à vingt - cinq ou trente ans. Ce désaccord qu'on observe dans ces différentes décisions, vient de la variété qu'il y a réellement dans la chose; car il est très - certain que des personnes sont en état de se marier à un âge où d'autres sont aussi insensibles aux plaisirs de l'amour qu'incapables de les goûter. Le climat, le tempérament, l'éducation même, une idiosyncratie particuliere, contribuent beaucoup aux différences. D'ailleurs il faut sur - tout dans les hommes, distinguer le tems où la secrétion de la semence commence à se faire, de celui où ils sont propres à soutenir les fatigues du mariage; & dans ce cas, le trop de promptitude nuit toujours plus qu'un délai, même poussé trop loin. Dans les premiers tems de la puberté, la semence est encore aqueuse, sans force, & sans activité; d'ailleurs repompée dans le sang, elle contribue à l'éruption des poils, à la force, à la vigueur mâle qui doit caractériser l'homme. Le tems auquel il peut la répandre sans danger & avec succès, n'est point fixé; il n'y a même aucun signe assuré qui le dénote, si ce n'est la cessation de l'accroissement, le bon état des parties de la génération, les érections fréquentes, & les desirs violens. Il ne faut pas confondre ici les desirs ou l'appétit vénériens, qui naissent d'un véritable besoin, qui sont l'effet naturel d'une irritation locale, avec ces cupidités folles, ces passions desordonnées qui proviennent d'une imagination deréglée, d'un libertinage outré qu'on voit souvent dans des jeunes gens, trop instruits avant de sentir, & chez des vieillards qui tâchent de ranimer leurs feux languissans. Le tems de la nubiité est beaucoup mieux marqué dans les femmes: il est pour l'ordinaire plus précoce. L'évacuation menstruelle est le signe ardemment desiré qui désigne leur maturité; & il n'y a point non plus de tems génétalement fixé pour cette évacuation. Elle commence plutôt dans les climats chauds, dans les villes, dans les tempéramens vifs, bilieux, &c. que dans les climats froids, à la campagne, & dans les tempéramens mols, pituiteux, &c. Le tem; qu'elles durent est à - peu - près le même dans tous les sujets; de facon que celles qui ont commencé à être réglées tard, cessent de même. La cessation du flux menstruel est le signe assuré qui fait connoître que les femmes ne font plus propres au mariage. Les hommes n'en ont d'autres marques que la flaccidité des parties qui en sont les instrumens, & l'extinction des desirs; ce qui arrive ordinairement lorsque le froid de la vieillesse vient glacer les membres, & que le corps desséché commence à décroître; mais la vieillesse vient plus ou moins promptement dans les différens sujets. C'est sans raison que quelques auteurs ont prétendu en déterminer le commencement à cinquante ou soixante ans; on voit tous les jours des personnes épuisées par les débauches, avoir avant cet âge toutes les incommodités d'une vieillesse avancée; tandis que d'autres ayant vécu dans la sobriété, satisfont avec modération à tous leurs besoins, & ne laissent pas d'être jeunes, quoique chargés d'années; ils sont longtems capables de donner, même dans l'âge qui chez quelques - uns est viellesse décrépite, des marques incontestables de virilité. Il n'est pas rare de voir des séxagenaires avoir des enfans; il y a même des exemples d'hommes qui sont devenus peres à quatre - vingt - dix & cent ans. Uladislas roi de Pologne fit deux garçons à l'âge de quatre - vingt - dix ans. Félix Platérus raconte que son grand - pere engendra à cent ans. Hoffman fait mention d'un homme qui à l'âge de cent deux ans a eu un garçon, & deux ans après une fille. Ces faits, quelque possibles qu'ils soient, sont toujours surprenans, & par - là même douteux, d'autant mieux qu'ils ne sont pas susceptibles de tous les genres de preuves, & qu'ils ne sont fondés que sur la fragile vertu d'une femme mariée à un vieillard; ils ne peuvent manquer de trouver des incrédules, persuadés que souvent on est entouré d'enfans dont on se croit le pere. Ce qui peut cependant en augmenter la vraissemblance, c'est qu'on a vu des femmes, déjà vieilles à l'âge de soixante ans, devenir enceintes & accoucher heureusement.

Ainsi on doit défendre le mariage aux hommes qui sont réellement vieux, à ceux qui n'ont pas atteint l'âge de puberté, à ceux en qui elle ne s'est pas manifestée par les signes exposés; il est même plus prudent d'attendre encore quelques années; il est rare qu'avant vingt ans un homme puisse sans danger subir le joug d'un mariage continué; & àmoins de maladie, à vingt - cinq ans il peut en soutenir les fatigues prises avec modération. Une fille pourroit être mariée dès l'instant qu'elle a eu ses regles; l'excrétion de la semence qui est très - petite ne l'affoiblit que très - peu; mais il y a d'autres considérations tirées de l'état de grossesse & de l'accou<pb->

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