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Dès qu'elle arrivoit sur le seuil de la porte, qui étoit ornée de guirlandes de fleurs, on lui présentoit le feu & l'eau, pour lui faire connoître qu'elle devoit avoir part à toute la fortune de son mari. On avoit soin auparavant de lui demander son nom, & elle répondoit Caia, pour certifier qu'elle seroit aussi bonne ménagere que Caïa Caecilia, mere de Tarquin l'ancien. Aussi tôt après on lui remettoit les clés de la maison, pour marquer sa jurisdiction sur le ménage; mais en même tems on la prioit de s'asseoir sur un siége couvert d'une peau de mouton avec sa laine, pour lui donner à entendre qu'elle devoit s'occuper du travail de la tapisserie, de la broderie, ou autre convenable à son sexe: ensuite on faisoit le festin de nôces. Dès que l'heure du coucher étoit arrivée, les époux se rendoient dans la chambre nuptiale, où les matrones qu'on appelloit pronuboe accompagnoient la mariée & la mettoient au lit génial, ainsi nommé, parce qu'il etoit dressé en l'honneur du génie du mari.
Les garçons & les silles en quittant les époux leur souhaitoient mille bénédictions, & leur chantoient quelques vers fescennins. On avoit soin cette premiere nuit de ne point laisser de lumiere dans la chambre nuptiale, soit pour épargner la modestie de la mariée, soit pour empêcher l'époux de s'appercevoir des défauts de son épouse, au cas qu'elle en cût de cacnés. Le lendemain des nôces il donnoit un festin où sa femme étoit assise à côté de lui sur le même lit de table. Ce même jour les deux époux recevoient les présens qu'on leur faisoit, & offroient de leur côté un sacrifice aux dieux.
Voilà les principales cerémonies du mariage chez les Romains; j'ajouterai seulement deux remarques: la premiere que les femmes mariées conservoient toujours leur nom de fille, & ne prenoient point celui du mari. On sait qu'un citoyen romain qui avoit seduit une fille libre, étoit obligé par les lois de l'épouser sans dot, ou de lui en donner une proportionnée à son état; mais la facilité que les Romains avoient de disposer de leurs esclaves, & le grand nombre de courtisannes rendoit le cas de la séduction extrèmement rare.
2°. Il faut distinguer chez les Romains deux manieres de prendre leurs semmes: l'une étoit de les épouser sans autre convention que de les retenir chez soi; elles ne devenoient de véritables épouses que quand elles étoient restées auprès de leurs maris un an entier, sans même une interruption de trois jours: c'est ce qui s'appelloit un mariage par l'usage, ex usu. L'autre maniere étoit d'épouser une femme après des conventions matrimoniales, & ce mariage s'appelloit de vente mutuelle, ex coemptione: alors la femme donnoit à son mari trois as en cérémonie, & le mari donnoit à sa femme les clés de son logis, pour marquer qu'il lui accordoit l'administration de son logis. Les femmes seules qu'on épousoit par une vente mutuelle, étoient appellées meres de famille, matresfamilias, & il n'y avoit que celles - là qui devinssent les uniques héritieres de leurs maris après leur mort.
Il résulte de - là que chez les Romains le matrimonium ex usu, ou ce que nous nommons aujourd'hui concubinage, étoit une union moins forte que le mariage de vente mutuelle; c'est pourquoi on lui donnoit aussi le nom de demi - mariage, semi - matrimonium, & à la concubine celui de demi - femme, semi - conjux. On pouvoit avoir une femme ou une concubine, pourvu qu'on n'eût pas les deux en même tems: cet usage continua depuis que par l'entrée de Constantin dans l'Eglise, les empereurs furent chrétiens. Constantin mit bien un frein au concubinage, mais il nel abolit pas, & il fut conservé pendant plusieurs siecles chez les chrétiens: on en a une preuve bien authentique dans un concile de Tolede, qui ordonne
Mariage légitime, & non légitime (Page 10:114)
Mariage des Hébreux (Page 10:114)
Mariage des Turcs (Page 10:115)
Non - seulement il est obligé d'assurer le douaire à sa femme pour le reste de ses jours; mais supposé que par un retour de tendresse il veuille la reprendre, il est condamné à la laisser coucher pendant 24 heures avec tel homme qu'il juge à propos: il choisit ordinairement celui de ses amis qu'il connoît le plus discret; mais on assure qu'il arrive quelquefois que certaines femmes qui se trouvent bien de ce changement, ne veulent plus revenir à leur premier mari. Cela ne se pratique qu'à l'égard des femmes qu'on a épousées. Il est permis aux Turcs d'en entretenir de deux autres sortes; savoir, celles que l'on prend à pension, & des esclaves; on loue les premieres, & on achete les dernieres.
Quand on vent épouser une filie dans les formes, on s'adresse aux parens, & on signe les articles après être convenu de tout en présence du cadi & de deux témoins. Ce ne sont pas les pere & mere de la fille qui dotent la sille, c'est le mari: ainsi, quand on a réglé le douaire, le cadi délivre aux parties la copie de leur contrat de mariage: la fille de son côté n'apporte que son trousseau. En attendant le jour des nôces, l'époux fait bénir son mariage par le prêtre; & pour s'attirer les graces du ciel, il distribue des aumônes, & donne la liberté à quelque esclave.
Le jour des nôces, la fille monte à cheval couverte d'un grand voile, & se promene par les rues sous un dais, accompagnée de plusieurs femmes, & de quelques esclaves, suivant la qualité du mari; les joueurs & les joueuses d'instrumens sont de - la cérémonie: on fait porter ensuite les nippes, qui ne sont pas le moindre ornement de la marche. Com<cb->
L'épousée est ainsi conduite en triomphe par le chemin le plus long chez l'époux, qui la reçoit à la porte: là ces deux personnes, qui ne se sont jamais vûes, & qui n'ont entendu parler l'une de l'autre que depuis peu, par l'entremise de quelques amis, se touchent la main, & se témoignent tout l'attachement qu'une véritable tendresse peut inspirer. On ne manque pas de faire la leçon aux moins éloquens; car il n'est guere possible que le coeur y ait beaucoup de part.
La cérémonie étant finie, en présence des parens & des amis, on passe la journée en festin, en danses, & à voir les marionettes, les hommes se réjouissent d'un côté, & les femmes de l'autre. Enfin la nuit vient, & le silence succede à cette joie tumultueuse. Chez les gens aisés la mariée est conduite par un eunuque dans la chambre qui lui est destinée; s'il n'y a point d'eunuques, c'est une parente qui lui donne la main, & qui la met entre les bras de son époux.
Dans quelques villes de Turquie il y a des femmes dont la profession est d'instruire l'épousée de ce qu'elle doit faire à l'approche de l'époux, qui est obligé de la deshabiller piece - à - piece, & de la placer dans le lit. On dit qu'elle récite pendant ce tems - là de longues prieres, & qu'elle a grand soin de faire plusieurs noeuds à sa ceinture, ensorte que le pauvre époux se morfond pendant des heures entieres avant que ce dénouement soit fini. Ce n'est d'ordinaire que sur le rapport d'autrui qu'un homme est informé, si celle qu'il doit épouser est belle ou laide.
Il y a plusieurs villes où, le lendemain des noces, les parens & les amis vont dans la maison des nouveaux mariés prendre le mouchoir ensanglanté, qu'ils montrent dans les rues, en se promenant avec des joueurs d'instrumens. La mere ou les parentes ne manquent pas de préparer ce mouchoir, à telle sin que de raison, pour prouver, en cas de besoin, que les mariés sont contens l'un de l'autre. Si les femmes vivent sagement, l'alcoran veut qu'on les traite bien, & condamne les maris qui en usent autrement, à réparer ce péché par des aumônes, ou par d'autres oeuvres pies qu'ils sont obligés de faire avant que de se reconcilier avec leurs femmes.
Lorsque le mari meurt le premier, la femme prend son douaire, & rien de plus. Les enfans dont la mere vient de décéder, peuvent forcer le pere de leur donner ce douaire. En cas de répudiation, le douaire se perd, si les raisons du mari sont pertinentes; si - non le mari est condamné à le continuer, & à nourrir les enfans.
Voilà ce qui regarde les femmes légitimes: pour
celles que l'on prend à pension, on n'y fait pas tant
de façon. Après le consentement du pere & de la
mere, qui veulent bien livrer leur fille à un tel, on
s'adresse au juge, qui met par écrit que ce tel veut
prendre une telle pour lui servir de femme, qu'il se
charge de son entretien, & de celui des enfans qu'ils
auront ensemble, à condition qu'il la pourra renvoyer
lorsqu'il le jugera à - propos, en lui payant la
somme convenue, à proportion du nombre d'années
qu'ils auront été ensemble. Pour colorer ce
mauvais commerce, les Turcs en rejettent le seandale
sur les marchands chrétiens, qui, ayant laissé
leurs femmes dans leurs pays, en entretiennent à
pension dans le Levant. A l'égard des esclaves, les
Mahométans, suivant la loi, en peuvent faire tel
usage qu'il leur plaît; ils leur donnent la liberté
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