ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"76"> préparées pour le papier commun; on observe seulement d'en charger davantage le baquet: mais comme à mesure qu'on enleve la couleur avec la tranche que l'on trempe, les couleurs s'étendent, on trempe son doigt dans le blanc, & l'on étend ce blanc à la place de la couleur enlevée, & qui resserre toutes les autres.

Les livres, au sortir des mains du marbreur, sont mis à sécher pour passer au doreur. Quand ils sont secs, il les égratigne avec un grattoir, puis il couche son or, & frotte son fer contre son visage, pour qu'il puisse enlever l'or. Voyez l'article Relier. Voyez aussi fig. 11. un ouvrier a qui marbre la tranche d'un livre b, son baquet c, &c.

Du papier marbré dit à la pate. C'étoit sur le papier une espece d'imitation des toiles peintes en deux ou trois couleurs. Voici comme on y procédoit; car depuis que les découpures, les indiennes, les papiers en tapisserie, les papiers de la Chine sont devenus à la mode, les papiers marbrés à la pate en sont passés

L'on faisoit une colle d'amydon, dont on encolloit d'abord les feuilles avec une brosse à vergette. Encollées, on les laissoit sécher. On broyoit ensuite des couleurs avec la même colle. On les mettoit dans autant de petits pots de fayance vernissés; on en prenoit avec un pinceau, & l'on dessinoit ce qu'on vouloit. On avoit une aiguille à tête de verre, dont on se servoit pour faire les blancs, ou tous les petits contours. Cela fait, on plioit la feuille en deux; on la faisoit sécher; on la ciroit, & on la lissoit.

Observations sur la maniere de fabriquer le papier marbré. 1. Richelet & Trévoux se sont lourdement trompés aux articles papier marbré; l'un, en disant que pour le faire, on se servoit d'une eau dans laquelle on avoit détrempé des couleurs avec de l'huile & du fiel de boeuf, & sur laquelle on appliquoit le papier. Ce n'est pas cela; on ne détrempe point les couleurs dans l'eau. L'autre, que les couleurs doivent être broyées avec l'huile ou le fiel de boeuf. L'huile n'a jamais été employée dans la fabrication du papier marbré, & ne peut y être employée. Cela est aussi ridicule que de dire qu'un peintre à l'huile broye ses couleurs à l'huile ou à l'eau.

2. Il y en qui prétendent qu'il faut ajouter à l'eau de gomme adragant, l'alun, dans le broyement des couleurs.

3. Il faut avoir des pinceaux de différentes grosseurs. Celui qu'on voit dans nos planches est fait comme une petite brosse. Il est emmanché d'un jonc applati. Il y en a au - dessous de celui - ci, de cinq ou six sortes, plus petits, mais faits de la même maniere.

4. On emplit les baquets d'eau pure, alunée ou gommée, jusqu'à un pouce du bord. On fait encore entrer ici l'alun, & l'on en donne le choix, ou de la gomme.

5. Les baquets sont placés ou sur des trepiés, ou sur un établi, à hauteur convenable. Les couleurs sont arrangées dans des pots. Pour les jetter, l'ouvrier tient le pinceau de la droite, & frappe de son manche sur la main gauche, ce qui détache la couleur avec vîtesse.

6. Lorsqu'on marbre un livre à demeure, c'est - à - dire que la tranche n'en doit pas être dorée, on ajoute aux couleurs du papier commun, le noir & le verd. On jette les couleurs en cet ordre, bleu, rouge, noir, verd, jaune très - menu; puis on trempe les livres.

7. Il y a un ordre à observer dans le jet des couleurs.

8. On ne les jette pas toutes, il y en a qu'on coucbe.

9. Il y a des ouvriers qui disent que pour faire prendre également la couleur au papier, & la lui faire prendre toute, il faut passer légerement dessus la feuille étendue sur le baquet, une regle de bois mince, qui rejettera en même tems ce qui s'est élevé des couleurs par - dessus ses bords. Si cela est, il seroit convenable que les bords du baquet fussent bien egalisés, que le baquet fût plus rigoureusement de niveau, & qu'afin que la regle appuyât également par - tout, & ne fît qu'effleurer la surface de la feuille, elle fût entaillée par les deux bouts, d'une certaine quantité, telle que ces entailles portant sur les bords du baquet, le côté insérieur de la regle ne descendît dans le baquet qu'autant qu'il faudroit pour attendre la feuille: alors on n'auroit qu'à la pousser hardiment; les bords du baquet & les entailles la dirigeroient. Voyez dans nos Planches cette regle entaillée. Mais l'habitude & l'adresse de la main peuvent suppléer à ces précautions difficiles d'ailleurs à prendre, parce que la profondeur des eaux va toujours en diminuant à mesure qu'on travaille, de la quantité dont chaque feuille s'en charge, & que la profondeur des entailles seroit toujours la même. Ainsi quoique je trouve cette manoeuvre preserite dans un des mémoires que j'ai sur le papier marbré, je ne crois pas qu'elle soit d'usage.

10. On prescrit de lever la feuille de dessus le baquet, en la prenant par les angles.

11. Il y a trois sortes de lissoirs. Nous avons parlé de deux. La troisieme est un plateau de verre, avec son manche de verre, qu'on voit dans nos Planches. Elle est aussi à l'usage des lingeres.

12. On voit que selon que les dents sur les peignes seront également ou inégalement écartées, on aura des ondes ou frisons égaux ou inégaux; plus les dents seront écartées, plus les frisons seront grands; si elles sont inégalement écartées sur la longueur du peigne, on aura sur le papier une ligne de frisons inégaux.

13. On conçoit qu'on veine le papier marbré d'autant de couleurs différentes qu'on en peut préparer, & que les figures régulieres ou irrégulieres correspondant à la variété infinie des traits qu'on peut former sur le tapis de couleur avec la pointe, & des mouvemens qu'on peut faire avec le peigne, elles n'ont point de limite. Il y a autant d'especes de papiers marbrés, qu'il y a de manieres de combiner les couleurs & de les brouiller.

14. Cet art est très - ingénieux, & fondé sur des principes assez subtils. Ceux qui le pratiquent sont dans la misere: leur travail n'est pas payé en raison du goût & de l'adresse qu'il demande.

15. Si sur un tapis à bandes de différentes couleurs, on fait mouvoir deux peignes en fens contraire, partant toutes deux du même lieu; mais l'un brouillant en montant, & l'autre brouillant de la même maniere en descendant, il est évident qu'on aura des frisons, des pennaches & autres figures adossées, & tournées en sens contraire. En s'y prenant autrement, on les auroit se regardant. Je ne doute point que cet art ne soit susceptible d'une perfection qu'il n'a point encore eue, & qu'un ouvrier habile ne parvînt à disposer de son tapis de couleurs d'une maniere très - surprenante.

16. Un marbreur avoit trouvé le moyen d'imiter la mosaïque, les fleurs & même le paysage. Pour cet effet il avoit gravé en bois des planches où le trait étoit bien évuidé, large, épais, & les fonds avoient un pouce ou environ de profondeur. On voit un de ces morceaux dans nos Planches. Il formoit sur les eaux du baquet un tapis de couleurs, & les laissoit dans leur ordre, ou les brouilloit soit avec la pointe, soit avec le peigne; puis il appliquoit sa planche à la surface. Les traits saillans de la planche empor<pb-> [p. 77] toient avec eux les couleurs qu'ils atteignoient, & laissoient les mêmes parties vuides sur le baquet: alors il prenoit une feuille qu'il étendoit sur le baquet ainsi disposé, & sa feuille se coloroit par - tout, excepté aux endroits d'où la planche en bois avoit précédemment enlevé la couleur; il parvenoit donc à avoir sur sa feuille le dessein de sa planche.

17. Du mélange des couleurs que nous avons indiquées, on en pourra tirer une infinité d'autres.

Ainsi l'on aura la couleur de café, si l'on prend un quarteron de rouge d'Angleterre, qu'on le broye avec gros comme une noisette de gomme & deux ceuillerées de fiel de boeuf.

Un brun, si à un mélange de noir de fumée préparé avec l'indigo, & de rouge d'Angleterre, on ajoute de la gomme & du fiel de boeuf.

Un gris, si l'on broye ensemble du noir de fumée, du blanc d'Espagne & de l'indigo.

Un aurore, si on mêle l'orpin avec l'ochre, ajoutant aussi la gomme & le fiel de boeuf.

Un bleu turquin, en mettant dans la couleur précédente plus d'indigo & moins de blanc d'Espagne.

Un bleu céleste, en mettant au contraire dans la même couleur plus de blanc d'Espagne & moins d'inligo.

Un verd, en mettant de l'orpin jaune avec de l'ochre, broyant & délayant à l'ordinaire.

Un verd céleste, en ajoutant au verd précédent un peu de blanc d'Espagne.

Un verd foncé, par le moyen d'un noir de fumée broyé avec de l'indigo & de l'ochre.

Au reste, entre ces couleurs, il y en a quelquesunes dont la préparation varie, du moins quant aux dosis relatives des drogues dont on les compose, selon l'espece de papier qu'on veut marbrer. Mais quelle qu'elle soit, & quelles que soient les couleurs qu'on y veut employer, il ne faut pas les employer sur le champ; il faut qu'elles ayent reposé du soir au lendemain.

18. Voyez les outils du marbreur dans nos Planches, au bas des vignettes: a a a, les baquets; b, le pot à beurre ou la baratte; c, le tamis; d d d d, les pinceaux; e e e e e, les peignes; f, la pointe; g g g g, des pots à couleur; h, l'étendoir; i i i, les châssis; k, pierre; l, la molette; m, ramassoire pour les couleurs; n, ramassoire pour les eaux; o, établi; p, pierre à broyer & à lisser; q q q, lissoir; r, plioir.

19. Au reste, il ne faut pas imaginer qu'on fera bien da papier marbré tout en débutant; qu'il ne s'agit que d'avoir les instrumens, les couleurs, les preparer, les étendre sur les baquets, & y appliquer des feuilles de papier; il n'y aura que l'habitude, l'expérience & l'adresse qui apprendront à éviter un grand nombre de petits inconvéniens de détail, & à atteindre à des petites manoeuvres qui perfectionnent. Plus il est facile de se passer des ouvrages, plus il faut y apporter des soins, & moins on en est récompensé. C'est - là ce qui a fait vraisemblablement tomber le papier marbré. On n'en fait presque plus de beau. C'est un métier qui ne laisse pas d'entrainer des dépenses, qui suppose de l'industrie, & qui rend peu.

Si l'on veut pratiquer sur le papier marbré des filets d'or, ou autres agrémens de cette nature, il faut avoir un patron découpé, le ployer sur la feuille marbrée, appliquer un mordant à tous les endroits qui paroissent à travers les découpures du patron, y appliquer l'or, le laisser prendre, ensuite ôter le patron, & frotter la feuille avec du coton. Le coton enlevera le superflu de l'or que le mordant n'avoit pas attaché, & ce qui restera formera les fisets & autres figures qu'on voudra donner à la feuille marbrée.

MARBRIER (Page 10:77)

MARBRIER, s.m. (Art. mécan.) ouvrier qui fait des ouvrages communs en marbre, compris sous le nom de Marbrerie, &c. Par le nom de marbrerie, l'on entend non - seulement l'usage & la maniere d'employer les marbres de différente espece & qualité, mais encore l'art de les tailler, polir, & assembler avec propreté & délicatesse, selon les ouvrages où ils doivent être employés.

Le marbre du latin marmor, dérivé du grec MARMAI/<-> REIN, reluire, à cause du beau poli qu'il reçoit, est une espece de pierre calcaire, dure, difficile à tailler, qui porte le nom des différentes provinces où sont les carrieres d'où on le tire. C'est de cette espece de pierre que l'on fait les plus beaux ornemens des palais, temples, & autres monumens d'importance, comme les colonnes, autels, tombeaux, vases, figures, lambris, pavés, &c.

Les anciens qui en avoient en abondance en faisoient des bâtimens entiers, en revétissoient non seulement l'intérieur de leurs maisons particulieres, mais même quelquefois l'extérieur. Il en est de plusieurs couleurs; les uns sont blancs ou noirs; d'autres sont variés ou mêlés de taches, veines, mouches, ondes & nuages, différemment colorés; les uns & les autres sont opaques; le blanc seul est transparant lorsqu'il est débité par tranche mince; aussi, au rapport de M. Félibien, les anciens s'en servoient - ils au lieu de verre qu'ils ne connoissoient pas alors pour les croisées des bains, étuves, & autres lieux, qu'ils vouloient garantir du froid. On voyoit même à Florence, ajoute cet auteur, une église très - bien éclairée, dont les croisées en étoient garnies.

La marbrerie se divise en deux parties: l'une consiste dans la connoissance des différentes especes de marbre, & l'autre dans l'art de les travailler pour en faire les plus beaux ornemens des édifices publics & particuliers.

Nous avons traité la premiere à l'article Maçonnerie, voyez cet article. Il ne nous reste ici qu'à parler de la seconde.

Du marbre selon ses façons. On appelle marbre brut, celui qui étant sorti de la carriere en bloc d'échantillon ou par quartier, n'a pas encore été travaillé.

Marbre dégrossi, celui qui est débité dans le chantier à la scie, ou seulement équarri au marteau, selon la disposition d'un vase, d'une figure, d'un profil, ou autre ouvrage de cette espece.

Marbre ébauché, celui qui ayant dêja reçu quelques membres d'architecture ou de sculpture, est travaillé à la double pointe pour l'un, & approché avec le ciseau pour l'autre.

Marbre piqué, celui qui est travaillé avec la pointe du marteau pour détacher les avant - corps des arriere - corps dans l'extérieur des ouvrages rustics.

Marbre matte, celui qui est frotté avec de la prêle ou de la peau de chien de mer, pour détacher des membres d'architecture ou de sculpture de dessus un fond poli.

Marbre poli, celui qui ayant été frotté avec le grès & le rabot, qui est de la pierre de Gothlande, & ensuite repassé avec la pierre de ponce, est poli à force de bras avec un tampon de linge & de la potée d'émeril pour les marbres de couleur, & de la potée d'étain pour les marbres blancs; celle d'émeril les rougissant, il est mieux de se servir, ainsi qu'on le pratique en Italie, d'un morceau de plomb au lieu de linge, pour donner au marbre un plus beau poli & de plus longue durée; mais il en coûte beaucoup plus de tems & de peine; le marbre sale, terne ou taché, se repolit de la même maniere; les taches d'huile particulierement sur le blanc, ne peuvent s'effacer, parce qu'elles pénetrent.

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