ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"38"> cle, jamais peuple n'eut plus besoin des supercheries de l'éloquence que celui - là.

Les puissances modernes étalent à leur tour, dans leurs écrits publics, tous les artifices de la rhétorique, & tout ce qu'elle a d'adresse, pour exposer la justice des causes qui leur font prendre les armes, & les torts qu'ils prétendent avoir reçus.

Un motif de politique a rendu nécessaires ces manifestes, dans la situation où sont à l'égard des uns des autres les princes de l'Europe, liés ensemble par la religion, par le sang, par des alliances, par des ligues offensives & défensives. Il est de la prudence du prince qui déclare la guerre à un autre, de ne pas s'attirer en même tems sur les bras tous les alliés de celui qu'il attaque: c'est en partie pour détourner cet inconvénient qu'on fait aujourd'hui des manifestes, qui renferment quelquefois la raison qui a déterminé le prince à commencer la guerre sans la déclarer.

Ce n'est pas cependant sur ces sortes de pieces qu'ils fondent le plus le succès de leurs armes, c'est sur leurs préparatifs, leurs forces, leurs alliances & leurs négociations. Ils pourroient tous s'exprimer comme fit un préteur latin dans une assemblée où l'on délibéroit ce qu'on répondroit aux Romains, qui sur des soupçons de révoste, avoient mandé les magistrats du Latium. « Messieurs, dit - il, il me semble que dans la conjoncture présente nous devons moins nous embarrasser de ce que nous avons à dire que de ce que nous avons à faire; car quand nous aurons bien pris notre parti, & bien concerté nos mesures, il ne sera pas difficile d'y ajuster des paroles ». (D. J.)

Manifeste (Page 10:38)

Manifeste, s. m. (Comm.) est le nom que les François, Anglois, Hollandois donnent, dans les échelles du Levant, à ce que nous nommons autrement une déclaration.

Les reglemens de la nation angloise portent que les écrivains des vaisseaux seront tenus de remettre des manifestes fideles de leurs chargemens, à peine d'être punis comme contrebandiers, & chassés du service. Ceux de la nation hollandoise ordonnent aux capitaines, pilotes, & écrivains de remettre leurs manifestes au trésorier, tant à leur arrivée qu'avant leur départ, & d'assurer par serment qu'ils sont fideles, à peine de mille écus d'amande, & d'être privés de leur emploi.

Ces manifestes sont envoyés tous les ans par le trésorier des échelles, aux directeurs du Levant établis à Amsterdam, pour servir à l'examen de son compte. Dict. de commerce. (G)

MANIFESTAIRES (Page 10:38)

MANIFESTAIRES, s. m. (Théolog.) hérétiques de Prusse, qui suivoient les impiétés des Anabatistes, & croyoient que c'étoit un crime de nier leur doctrine, lorsqu'ils étoient interrogés. Prateole. Voyez Manifest. Gantier Cron. sac. l. XVII. c. lxxvij.

MANIGUETTE ou MELEGUETTE (Page 10:38)

MANIGUETTE ou MELEGUETTE, s. m. (Hist. nat. des Epiceries.) graine étrangere nommée maniguetta ou meleguetta dans les boutiques; par Cordus cardamomum piperatum, & par Geoffroy cardamomum majus, semine piperate.

Le maniguctte est une graine luisante, anguleuse, plus petite que le poivre, rousse ou brune à sa superficie, blanche en - dedans, âcre, brûlante comme le poivre & le gingembre, dont elle a semblablement l'odeur. On nous en apporte en grande quantité, & on s'en sert à la place du poivre pour assaisonner les mets. Quelquefois on substitue cette graine au cardamome dans les compositions pharmaceutiques. Elle naît dans l'Afrique, dans l'île de Madagascar & dans les Indes orientales, d'où les Hollandois nous l'apportent; mais personne jusqu'à ce jour n'a pris la peine de nous décrire la plante. On est avide de gagner de l'argent, & fort peu de l'avancement de la Botanique.

Je sais bien que Matthiole prétend que la meleguette ou maniguette est la graine du grand cardamome; mais, premierement, le goût du grand cardamome est doux, tres - agréable, & ne brule pas la langue; secondement, quand cela seroit, nous n'en serions pas plus avancés, car nous ignorons quelle est la plante qui produit le grand cardamome: on en connoît le fruit & rien de plus. (D. J.)

MANILLE (Page 10:38)

MANILLE, s. f. terme de jeu. Au jeu de quadrille c'est la seconde & la plus haute carte apres espadille: c'est le deux en couleur noire, & le sept en cou eur rouge.

Manille à la comete, neuf de carreau que l'on fait valoir pour telle carte qu'on veut, pour roi, pour dame, valet & dix, & ainsi des autres cartes inférieures. Il y a de l'habileté à faire valoir cette carte à - propos.

Manille (Page 10:38)

Manille, (Géogr.) ville forte des Indes, capitale de l'île de Luçon, & la seule ville de cette île, avec un bon château, un havre magnifique, & un archevêché. On y jouit presque toujours d'un équinoxe perpétuel, car la longueur des jours ne differe pas de celle des nuits d'une heure pendant toute l'année, mais la chaleur y est excessive.

Cette ville, qui appartient aux Espagnols, est située au pié d'une file de montagnes sur le bord oriental de la baie de Luçon. Les maisons y sont presque toutes de bois, à cause des tremblemens de terre. On y compte environ trois mille habitans, tous nés de l'union d'espagnols, d'indiens, de chinois, de malabares, de noirs & d'autres.

Les femmes de distinction s'habillent à l'espagnole, & elles sont rares; toutes les autres n'ont pas besoin de tailleurs: elles s'attachent de la ceinture en bas un morceau de toile peinte qui leur sert de jupe, tandis qu'un morceau de la même toile leur sert de manteau. La grande chaleur du pays les dispense de porter des bas & des souliers.

On permet aux Portugais de négocier à Manille, mais les Chinois y font la plus grande partie du commerce. Long. selon Lieutaud, 137. 51'. 30". latit. 14. 30. Selon les Espagnols long. 138. 59'. 45". lat. 14. 16.

Manille (Page 10:38)

Manille, île, (Géog.) voyez Luçon.

Manilles (Page 10:38)

Manilles, iles, (Géogr.) voyez Philippines.

MANIMI (Page 10:38)

MANIMI, (Géog. anc.) ancien peuple de la Germanie, selon Tacite, qui le regarde comme faisant partie de la nation des Lygiens, sans nous en marquer le pays; mais les modernes se sont égayés à lui en chercher un dans la basse Autriche & ailleurs. (D.J.)

MANIOC ou MAGNIOC (Page 10:38)

MANIOC ou MAGNIOC, s. m. (Botan.) plante dont la racine préparée tient lieu de pain à la plûpart des peuples qui habitent les pays chauds de l'Amérique.

Le manioc vient ordinairement de bouture; il pousse une tige ligneuse, tendre, cassante, partagée en plusieurs branches tortueuses, longues de cinq à six piés, paroissant remplies de noeuds ou petites éminences qui marquent les places qu'occupoient les premieres feuilles, dont la plante s'est dépouillée à mesure qu'elle a acquis de la hauteur. Ses feuilles sont d'un verd brun, assez grandes, découpées profondément en maniere de rayons, & attachées à de longues queues.

L'écorce du manioc est mince, d'une couleur ou grise ou rougeâtre, tirant sur le violet, & la pellicule qui couvre les racines participe de cette couleur selon l'espece, quoique l'intérieur en soit toujours extrèmement blanc & rempli de suc laiteux fort abondant, plus blanc que le lait d'amande, & si dangereuxavant d'être cuit, que les hommes & les animaux ont en plusieurs fois éprouvé des effets funestes, quoique ce suc ne paroisse ni acide ni corrosif. Les racines du [p. 39] manioc sont communement plus grosses que des betteraves: elles viennent presque toujours trois ou quatre attachées ensemble; il s'en trouve des especes qui mûrissent en sept ou huit mois de tems, mais la meilleure, & celle dont on fait le plus d'usage, demeure ordinairement 15 ou 18 mois en terre avant de parvenir à une parfaite maturité: pour lors avec un peu d'essort on ebranle les tiges; & les racines étant peu adhérentes à la terre, elles s'en détachent fort aisément.

Préparation des racines pour en faire soit de la cassave, ou de la farine de manioc. Les racines, après avoir été séparées des tiges, sont transportées sous un angard, où l'on a soin de les bien ratisser & de les laver en grande eau pour en enlever toutes les malpropretes, & les mettre en état d'être gragées, c'est - à - dire rapées sur des grages ou grosses rapes de cuivre rouge courbées en demi - cylindre, longues & larges de 18 à 20 pouces, & attachées sur des planches de trois piés & demi de longueur, dont le bout d'en bas se pose dans un auge de bois, & l'autre s'appuic contre l'estomac de celui qui grage, lequel à force de bras réduit les racines en une rapure grossiere & fort humide, dont il faut extraire le suc auparavant de la faire cuire. Pour cet effet on en remplit des sacs tissus d'écorce de latanier, on arrange ces sacs les uns sur les autres, ayant soin de mettre des bouts de planches entre deux, ensuite de quoi on les place sous une presse composée d'une longue & forte piece de bois située horisontalement, & disposée en bras de levier, dont l'une des extrémités doit être passée dans un trou fait au tronc d'un gros arbre: on charge l'autre extrémité avec de grosses pierres; & toute la piece portant en - travers sur la planche qui couvre le plus élevé des sacs, il est aisé d'en concevoir l'effet: c'est la façon la plus ordinaire de presser le manioc. On emploie quelquefois au lieu de sacs, qui s'usent en peu de tems, de grandes & sortes caisses de bois percées de plusieurs trous de tarriere, ayant chacune un couvercle qui entre librement en dedans des bords: on charge ce couvercle de quelques bouts de soliveaux, par - dessus lesquels on fait passer le bras du levier, comme on l'a dit en parlant des sacs.

Les Caraïbes ou Sauvages des Isles ont une invention fort ingénieuse, mais qui ne pouvant servir que pour exprimer le suc d'une médiocre quantité de manioc, il paroît inutile de répéter ici ce que l'on a dit à l'article Couleuvre.

Après dix ou douze heures de presse, la rapure du manioc étant suffisamment dégagée de son suc superflu, on la passe au travers d'un hébichet, espece de crible un peu gros, & on la porte dans la caze ou lieu destiné à la faire cuire, pour en fabriquer soit de la cassave, ou de la farine de manioc.

Maniere de faire la cassave. Il faut avoir une platine de fer coulé, ronde, bien unie, ayant à - peu - près deux piés & demi de diametre, épaisse de six à sept lignes, & élevée sur quatre piés, entre lesquels on allume du feu. Lorsque la platine commence à s'échauffer, on répand sur toute sa surface environ deux doigts d'épaisseur de la susdite rapure passée au crible, ayant soin de l'étendre bien également par - tout, & de l'applatir avec un large couteau de bois en forme de spatule. On laisse cuire le tout sans le remuer aucunement, afin que les parties de la rapure, au moyen de l'humidité qu'elles contiennent encore, puissent s'attacher les unes aux autres pour ne former qu'un seul corps, qui diminue considérablement d'épaisseur en cuisant. Il faut avoir soin de le retourner sur la platine, étant essentiel de donner aux deux surfaces un égal degré de cuisson: c'est alors que cette espece de galette ayant la figure d'un large croquet, s'appelle cassave. On la met refroidir à l'air, où elle acheve de prendre une consistance seche, ferme & aisée à rompre par morceaux.

Les Caraibes font leur cassave beaucoup plus épaisse que la nôtre, elle paroît aussi plus blanche, étant moins rissolée; mais elle ne se conserve pas si long - tems. Avant que l'usage des platines fût introduit parmi ces sauvages, ils se servoient de grandes pierres plates peu épaisses, sous lesquels ils allumoient du feu & faisoient cuire ainsi leur cassave.

Maniere de faire la farine de manioc. Elle ne differe de la cassave qu'en ce que les parties de la rapure dont il a été parlé ne sont point liées les unes aux autres, mais toutes séparées par petits grumeaux qui ressemblent à de la chapelure de pain, ou plûtôt à du biscuit de mer grossierement pilé.

Pour faire à - la - fois une grande quantité de farine, on se sert d'une poële de cuivre à fond plat, d'environ quatre piés de diametre, profonde de sept à huit pouces, & scellée contre le mur de la caze dans une maçonnerie en pierre de taille ou en brique, formant un fourneau peu élevé, dont la bouche du foyer doit être en - dehors du mur. La poële étant échauffée, on y jette la rapure du manioc, & sans perdre de tems on la remue en tous sens avec un rabot de bois semblable à ceux dont se servent les maçons pour corroyer leur mortier. Par ce mouvement continuel on empêche les parties de la rapure de s'attacher les unes aux autres; elles perdent leur humidité & cuisent également. C'est à l'odeur savoureuse & à la couleur un peu roussâtre qu'on juge si la cuisson est exacte: pour lors on retire la farine avec une pelle de bois, on l'étend sur des napes de grosse toile, & lorsqu'elle est refroidie on l'enferme dans des barils, où elle se conserve long - tems.

Quoique la farine de manioc, ainsi que la cassave, puissent être mangées seches & sans autre préparation que ce qui a été dit, il est cependant d'usage de les humecter avec un peu d'eau fraîche ou avec du bouillon clair, soit de viande ou de poisson: ces substances se renflent considérablement, & font une si excellente nourriture dans les pays chauds, que ceux qui y sont accoutumés la préferent au meilleur pain de sroment. J'en ai par - devers moi l'expérience de plusieurs années.

Par l'édit du roi, nommé le code noir, donné à Versailles au mois de Mars 1685, il est expressément ordonné aux habitans des îles trançoises de fournir pour la nourriture de chacun de leurs esclaves âgé au - moins de dix ans, la quantité de deux pots & demi de farine de manioc par semaine, le pot contenant deux pintes; ou bien au défaut de farine, trois cassaves pesant chacune deux livres & demie.

L'eau exprimée du manioc, ou le suc dangereux dont il a été parlé ci - dessus, s'emploie à plusieurs choses. Les sauvages en mettent dans leurs sauces; & après l'avoir fait bouillir, ils en usent journellement sans en ressentir aucune incommodité, ce qui prouve que ce suc, par une fort ébullition, perd sa qualité malfaisante.

Si l'on reçoit l'eau de manioc dans des vases propres, & qu'on la laisse reposer, elle s'éclaircit; la fécule blanche s'en sépare & se précipite d'elle - même au fond des vases. On décante comme inutile l'eau qui surnage, & l'on verse sur la fécule une suffisante quantité d'eau commune pour la bien laver: on lui donne encore le tems de se précipiter, on décante de nouveau; & après avoir réitéré cette manoeuvre pendant cinq ou six fois, on laisse sécher la fécule à l'ombre. Cette substance s'appelle mouchache, mot espagnol qui veut dire enfant ou petit, comme qui diroit le petit du manioc.

La moucbache est d'une extrème blancheur, d'un grain fin, faisant un petit craquement lorsqu'elle est froissée entre les doigts, à - peu - près comme fait l'a<pb->

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