ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"890"> bâtit sur le mont - Palatin. Si ce qu'Auguste dit est vrai, qu'il avoit trouvé Rome bâtie de briques, & qu'il la laissoit revétue de marbre, on pourroit juger par ce propos de la magnificence des maisons & des édifices qu'on éleva sous son regne.

Il est du moins certain que sous les premiers empereurs, les marbres furent employés aux maisons plus communément qu'on n'avoit encore employé les pierres; & qu'on se servit pour les orner, de tout ce qu'il y avoit de plus rare & de plus précieux; les dorures, les peintures, les sculptures, l'ivoire, les bois de cédre, les pierres précieuses, rien de toutes ces magnificences ne fut épargné. Le pavé des appartemens bas n'étoit que des mosaïques, ou des morceaux de marbre rapportés avec symmétrie; cependant cette ville ne fut jamais plus magnifique, qu'après que Néron y eut fait mettre le feu, qui en consuma les deux tiers. On prétend, que lorsqu'elle fut rebâtie, on y comptoit quarante - huit mille maisons isolées, & dont l'élévation avoit été fixée par l'empereur; c'est Tacite qui nous apprend cette particularité. Nous savons aussi par Strabon, qu'il y avoit déja eu une ordonnance d'Auguste, qui défendoit de donner aux édifices plus de soixante dix piés de hauteur; il voulut par cette loi remédier aux accidens fréquens qui arrivoient par la trop grande élévation des maisons, lesquelles succombant sous la charge, tomboient en ruine au moment qu'on s'y attendoit le moins. Ce vice de construction s'étoit introduit à Rome à la fin de la derniere guerre punique; cette ville étant alors devenue extrèmement peuplée par l'affluence des étrangers qui s'y rendoient de toutes parts, on éleva extraordinairement les maisons pour avoir plus de logement. Enfin, Trajan fixa cette hauteur à soixante piés.

Dans la splendeur de la république, les maisons ou hôtels des personnes distinguées, étoient construites avec autant de magnificence que d'étendue. Elles contenoient plusieurs cours, avant - cours, appartemens d'hiver & d'été, corps - de - logis, cabinets, bains, étuves & salles, soit pour manger, soit pour y conférer des matieres d'état.

La porte formoit en - dehors une espece de portique, soutenue par des colonnes, & destinée à mettre à l'abri des injures du tems, les cliens qui venoient dès le matin faire leur cour à leur patron. La cour étoit ordinairement entourée de plusieurs corpsde - logis, avec des portiques au rez - de - chaussée. On appelloit cette seconde partie de la maison cavum oedium ou cavedium. Ensuite on trouvoit une grande salle nommée atrium interius, & le portier de cet atrium s'appelloit servus atriensis. Cette galerie étoit ornée de tableaux, de statues & de trophées de la famille; on y voyoit des batailles, peintes ou gravées, des haches, des faisceaux & autres marques de magistrature, que le maître de la maison ou ses ancêtres avoient exercée. On y voyoit les statues de la famille en bas relief, de cire, d'argent, de bronze, ou de marbre, mises dans des niches d'un bois précieux; c'est dans cet endroit que les gens d'un certain ordre s'assembloient, en attendant que le maître du logis fût visible, ou de retour.

Polybe rapporte que c'étoit au haut de la maison qu'étoient placées les statues de la famille, qu'on découvroit, & qu'on paroit de festons & de guirlandes, dans certains jours de fêtes & de solemnités publiques. Lorsque quelque homme de considération de la famille venoit à mourir, on faisoit porter les mêmes figures à ses funérailles, & on y ajoutoit le reste du corps, afin de leur donner plus de ressemblance; on les habilloit selon les dignités qu'avoient possédés ceux qu'elles représentoient; de la robe consulaire, s'ils avoient été consuls; de la robe triom<cb-> phale, s'ils avoient eu les honneurs du triomphe, & ainsi du reste. Voilà, dit Pline, comment il arrivoit que tous les morts d'une famille illustre assistoient aux funérailles, depuis le premier jusqu'au dernier.

On peut aisément concilier la différence des récits qu'on trouve dans les autres auteurs, avec ce passage de Polybe, en faisant attention que ces autres auteurs lui sont postérieurs; que de son tems le faste & le luxe n'avoient pas fait autant de progrès que sous les empereurs; qu'alors les Romains ne mettant plus de bornes à leur magnificence, eurent des salles basses ou des vestibules dans leur maison, pour placer de grandes statues de marbre, ou de quelqu'autre matiere précieuse, & que cela n'empêchoit pas qu'ils ne conservassent dans un appartement du haut les bustes de ces mêmes ancêtres, pour s'en servir dans les cérémonies funébres, comme étant plus commodes à transporter que des statues de marbre.

On voyoit dans ces maisons, diverses galeries soutenues par des colonnes, de grandes salles, des cabinets de conversation, des cabinets de peinture, & des basiliques. Les salles étoient ou corinthiennes ou égyptiennes, les premieres n'avoient qu'un rang de colonnes posées sur un pié - destal, ou même en bas sur le pavé, & ne soutenoient que leur architrave & leurs corniches de menuiserie ou de stuc, sur quoi étoit le plancher en voûte surbaissée: mais les dernieres avoient des architraves sur des colonnes, & sur les architraves des planchers d'assemblage, qui faisoient une terrasse découverte tournant tout au tour.

Ces hôtels, principalement depuis les réglemens qui en fixoient la hauteur, n'avoient ordinairement que deux étages au - dessus de l'entre sol. Au premier étoient les chambres à coucher, qu'on appelloit dormitoria; au second étoient les appartemens des femmes, & les salles à manger qu'on nommoit triclinia.

Les Romains n'avoient point de cheminées faites comme les nôtres dans leurs appartemens, parce qu'ils n'imaginerent pas de tuyaux pour laisser passer la fumée. On faisoit le feu au milieu d'une salle basse, sur laquelle il y avoit une ouverture pratiquée au milieu du toît, par où sortoit la fumée; cette sorte de salle servoit dans les commencemens de la république à faire la cuisine, c'étoit encore le lieu où l'on mangeoit; mais dès que le luxe se fut glissé dans Rome, les salles basses furent seulement destinées pour les cuisines.

On mettoit dans les appartemens des fourneaux portatifs ou des brasiers, dans lesquels on brûloit un certain bois, qui étant frotté avec du marc d'huile, ne fumoit point. Séneque dit, que de son tems, on inventa des tuyaux, qui passant dans les murailles, échauffoient également toutes les chambres, jusqu'au haut de la maison, par le moyen du feu qu'on faisoit dans les fourneaux placés le long du bas des murs. On rendoit aussi les appartemens d'été plus frais, en se servant pareillement de tuyaux qui s'élevoient des caves, d'où ils tiroient la fraicheur qu'ils répandoient en passant dans les appartemens.

On ignore ce qui servoit à leurs fenêtres pour laisser entrer le jour dans leurs appartemens, & pour se garantir des injures de l'air. C'étoit peut - être de la toile, de la gaze, de la mousseline; car on est bien assuré, que quoique le verre ne leur fût pas inconnu, puisqu'ils en faisoient des vases à boire, ils ne l'employoient point comme nous à des vîtres. Néron se servit d'une certaine pierre transparente comme l'albâtre, coupée par tables, au travers de laquelle le jour paroissoit.

L'historien Josephe nous parle encore d'une autre matiere qu'on employoit pour cet usage, mais [p. 891] sans s'expliquer clairement. Il rapporte que l'empereur Caligula donnant audience à Philon, ambassadeur des juifs d'Aléxandrie, dans une galerie d'un de ses palais proche Rome, fit fermer les fenêtres à cause du vent qui l'incommodoit; ensuite il ajoute que ce qui fermoit ces fenêtres, empêchant le vent d'entrer, & laissant seulement passer la lumiere, étoit si clair & si éclatant, qu'on l'auroit pris pour du crystal de roche. Il n'auroit pas eu besoin de faire une description aussi vague, s'il s'agissoit du verre, connu par les vases qu'on en faisoit; c'étoit peut - être du talc que Pline nomme une espece de pierre qui se fendoit en feuilles déliées comme l'ardoise, & aussi transparentes que le verre; il y a bien des choses dans l'antiquité dont nous n'avons que des connoissances imparfaites.

Il n'en est pas de même des citernes; on est certain qu'il y en avoit de publiques & de particulieres dans les grandes maisons. La cour intérieure qu'on nommoit impluvium, étoit pratiquée de maniere qu'elle recevoit les eaux de pluie de tout le bâtiment, qui alloient se rassembler dans la citerne.

Dans le tems de la grandeur de Rome, les maisons de gens de considération, avoient toujours des appartemens de réserve pour les étrangers avec lesquels ils étoient unis par les liens d'hospitalité. Enfin, on trouvoit dans plusieurs maisons des personnes aisées, des bibliotheques nombreuses & ornées; & dans toutes les maisons des personnes riches, il y avoit des bains qu'on plaçoit toujours près des salles à manger, parce qu'on étoit dans l'habitude de se baigner avant que se mettre à table. Le chevalier de Jaucourt.

Maisons (Page 9:891)

Maisons de plaisance des Romains, (Antiq. rom.) Les maisons de plaisance des Romains étoient des maisons de campagne, situées dans des endroits choisis, qu'ils prenoient plaisir d'orner & d'embellir, pour aller s'y divertir ou s'y reposer du soin des affaires. Horace les appelle tantôt nitidoe villoe, à cause de leur propreté, & tantôt villoe candentes, parce qu'elles étoient ordinairement bâties de marbre blanc qui jettoit le plus grand éclat.

Le mot de villa chez les premiers Romains, signifioit une maison de campagne qui avoit un revenu; mais dans la suite, ce même nom fut donné aux maisons de plaisance, soit qu'elles eussent du revenu, ou qu'elles n'en eussent point.

Ce fut bien autre chose sur la fin de la république, lorsque les Romains se furent enrichis des dépouilles de tant de nations vaincues; chaque grand seigneur ne songea plus qu'à employer dans l'Italie, en tout genre de luxe, ce qu'il avoit amassé de bien par toutes sortes de brigandages dans les provinces; alors ils firent bâtir de grandes maisons de plaisance, accompagnées de tout ce qui pouvoit les rendre plus magnifiques & plus délicieuses. Dans cette vûe, ils choisirent les endroits les plus commodes, les plus sains & les plus agréables.

Les côtés de la Campanie le long de la mer de Toscane, & en particulier les bord du golfe de Bayes, eurent la préférence dans la comparaison. Les historiens & les poëtes parlent si souvent des délices de ce pays, qu'il faut nous y arrêter avec M. l'abbé Couture, pour connoître les plus belles maisons de plaisance des Romains. Toute la côte voisine du golfe étoit poissonneuse, & la campagne aussi belle que fertile en grains & en vins. Il y avoit dans les environs une multitude de fontaines minérales, également propres pour le plaisir & pour la santé. Les promenades y étoient charmantes & en très - grand nombre, les unes sur l'eau, les autres dans des prairies, que le plus affreux hiver sembloit toujours respecter.

Cette image du golfe de Bayes, & de toute cette contrée de la Campanie, n'est qu'un léger crayon du tableau qu'en sont Pline & Strabon. Le dernier de ces auteurs qui vivoit sous Auguste, ajoute que les riches qui aimoient la vie luxurieuse, soit qu'ils fussent las des affaires, soit qu'ils fussent rebutés par la difficulté de parvenir aux grands emplois, ou que leur propre inclination les entraînât du côté des plaisirs, chercherent à s'établir dans un lieu délicieux, qui n'étoit qu'à une distance raisonnable de Rome, & où l'on pouvoit impunément vivre à sa fantaisie. Pompée, César, Védius Pollion, Hortensius, Pison, Servilius Vatia, Pollius, y firent élever de superbes maisons de plaisance. Cicéron en avoit au - moins trois le long de la mer de Toscane, & Lucullus autant.

D'abord on fut un peu retenu par la pudeur des moeurs antiques, à laquelle la vie qu'on menoit à Bayes étoit directement opposée; il falloit au - moins une ordonnance de médecin pour passeport. Scipion l'Africain fatigué des bruits injurieux que les tribuns du peuple répandoient tous les jours contre lui, choisit Literne pour le lieu de son exil & de sa mort, préférablement à Bayes, de peur de deshonorer les derniers jours de sa vie, par une retraite si peu convenable à ses commencemens.

Marius, Pompée, & Jules César ne furent pas tout - à - fait si réservés que Scipion; ils firent bâtir dans le voisinage, mais ils bâtirent leurs maisons sur la croupe de quelques collines, pour leur donner un air de châteaux & de places de guerre, plûtôt que de maisons de plaisance. Illi quidem ad quos primos fortuna populi romani publicas opes transtulit, C. Marius, & Cn. Pompeius & Coesar extruxerunt quidem villas in regione Baïanâ; sed illas imposuerunt summis jugis montium: videbatur hoc magis militare, ex edito speculari longè latèque subjecta: scias non villas fuisse sed castra. Croyez - vous, dit Séneque, car c'est de lui qu'on a tiré ces exemples, croyez - vous que Caton eût pu se résoudre à habiter dans un lieu aussi contraire à la bonne discipline, que l'est aujourd'hui Bayes? Et qu'y auroit - il fait? Quoi? Compter les femmes galantes qui auroient passé tous les jours sous ses fenêtres dans des gondoles de toutes sortes de couleurs, &c. Putas tu habitaturum fuisse in mica Catonem? (Mica étoit un salon sur le bord du golfe) ut proeter - navigantes adulteras dinumeraret, & adipisceret tot genera cymbarum, & fluitantem toto lacu rosam, & audiret canentium nocturna convicia. Voilà une peinture de la vie licentieuse de Bayes.

Cicéron en avoit parlé avant Séneque dans des termes moins étudiés, mais pas moins significatifs, dans son oraison pour Caelius. Ce jeune homme avoit fait à Bayes divers voyages avec des personnes d'une réputation assez équivoque, & s'y étoit comporté avec une liberté que la présence des censeurs auroit pu gêner dans Rome: ses accusateurs en prirent occasion de le décrier comme un débauché, & par conséquent capable du crime pour lequel ils le poursuivoient. Cicéron qui parle pour lui, convient de ce qu'il ne sauroit nier, que Baye étoit un lieu dangereux. Il dit seulement que tous ceux qui y vont, ne se perdent pas pour cela; que d'ailleurs il ne faut pas tenir les jeunes gens en brassieres, mais leur permettre quelques plaisirs, pourvu que ces plaisirs ne portent préjudice à personne, &c. mais ceux qui se piquoient de régularité, avoient beau déclamer contre la dissolution qui regnoit à Bayes & dans les environs, le goût nouveau l'emportoit dans le coeur des Romains; & ce qui dans ces commencemens ne s'étoit fait qu'avec quelque retenue, se pratiqua publiquement dans la suite.

Quand une fois on a passé les premieres barrieres de la pudeur, la dépravation va tous les jours en augmentant. Bayes devint le lieu de l'Italie le plus fréquenté & le plus peuplé. Les Romains s'y ren<pb->

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