ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"797"> en cette occasion redevable de la vie. Cet homme qui savoit quelque chose du métier d'ingénieur, soit qu'il fût instruit de l'habileté de Jambelli & du chagrin qu'on lui avoit fait en Espagne, soit par une inspiration de Dieu qui avoit voulu qu'Anvers fût pris par Alexandre de Parme, s'approcha de ce prince, & le conjura de se retirer puisqu'il avoit donné tous les ordres nécessaires. Il le fit jusqu'à trois fois, sans que ce prince voulût suivre son conseil; mais l'enseigne ne se rebuta pas: & au nom de Dieu, dit - il à ce prince, en se jettant à ses piés, croyez seulement pour cette fois le plus affectionné de vos serviteurs. Je vous assure que votre vie est ici en danger; & puis se relevant, il le tira après lui. Alexandre aussi surpris de la liberté de cet homme que du ton, en quelque façon inspiré, dont il lui parloit, le suivit, accompagné de Caëtan, & Duguast.

A peine étoient - ils arrivés au fort de Sainte - Marie, sur le bord de la riviere du côté de Flandre, que le vaisseau creva avec un fracas épouventable. On vit en l'air une nuée de pierres, de poutres, de chaînes, de boulets; le château de bois, auprès duquel la mine avoit joué, une partie des bateaux du pont, les canons qui étoient dessus, les soldats furent enlevés & jettés de tous côtés. On vit l'Escaut s'enfoncer en abyme, & l'eau poussée d'une telle violence qu'elle passa sur toutes les digues, & un pié au - dessus du fort de Sainte - Marie; on sentit la terre trembler à près de quatre lieues de - là; on trouva de ces grosses tombes dont la mine avoit été couverte à mille pas de l'Escaut ».

Un des autres bateaux qui avoit échoué contre le rivage de Flandre, fit encore un grand effet; il périt huit cens hommes de différent genre de mort; une infinité furent estropiés. & quelques - uns échapperent par des hazards surprenans.

Le vicomte de Bruxelle, dit l'historien, fut transporté fort loin, & tomba dans un navire sans se faire aucun mal. Le capitaine Tuc, auteur d'une relation de cette avanture, après avoir été quelque tems suspendu en l'air tomba dans la riviere; & comme il savoit nager, & que dans le mouvement du tourbillon qui l'emporta, sa cuirasse s'étoit detachée de son corps, il regagna le bord en nageant; enfin, un des gardes du prince de Parme fut porté de l'endroit du pont qui touchoit à la Flandre, à l'autre rivage du côté du Brabant, & ne se blessa qu'un peu à l'épaule en tombant. Pour ce qui est du prince de Parme, on le crut mort; car comme il étoit prêt d'entrer dans Sainte - Marie, il fut terrassé par le mouvement de l'air, & frappé en même tems entre les épaules & le casque d'une poutre; on le trouva évanoui & sans connoissance: mais il revint à lui un peu après; & la premiere chose qu'il sit fut de faire amener promptement quelques vaisseaux, non pas pour réparer la breche du pont, car il falloit beaucoup de tems pour cela, mais seulement pour boucher l'espace que la mine avoit ruiné, afin que le matin il ne parût point à la flotte hollandoise, qu'il y eût de passage ouvert; cela lui réussit. Les Hollandois voyant des soldats dans toute la longueur du pont qui n'avoit point été ruinée, & dans les bateaux dont on avoit bouché la breche, & entendant sonner de tous côtés les tambours & les trompettes, n'oserent tenter de forcer le passage. Cela donna le loisir aux Espagnols de réparer leur pont; & quelque tems après, Anvers fut contraint de capituler.

Voilà donc l'époque des machines insernales & de ces mines sur l'eau dont on a tant parlé dans les dernieres guerres, & qui ont fait bien plus de bruit que de mal; car nulle n'a eu un si bon succès à beaucoup près que celle de Jambelli en eut un au pont d'An<cb-> vers, quoiqu'à ces dernieres l'on eût ajouté des hombes & des carcasses dont on n'avoit point encore l'usage dans le tems du siege de cette ville. Histoire de la milice françoise.

Pour donner une idée de la machine infernale échouée devant Saint - Malo, on en donne fig. 6. Pl. XI. de fortification, la coupe ou le profil.

B. C'est le fond de calle de cette machine, rempli de sable.

C. Premier pont rempli de vingt milliers de poudre, avec un pié de maçonnerie au - dessus.

D. Second pont garni de six cens bombes à feu & carcassieres, & de deux piés de maçonnerie au - dessus.

E. Troisieme pont au - dessus du gaillard, garni de cinquante barils à cercle de fer, remplis de toutes sortes d'artifices.

F. Canal pour conduire le feu aux poudres & aux amorces.

Le tillac, comme on le voit en A, étoit garni de vieux canons & d'autres vieilles pieces d'artillerie de différentes especes.

« Si l'on avoit été persuadé en France que ces sortes d'inventions eussent pû avoir une réussite infaillible, il est sans difficulté que l'on s'en seroit servi dans toutes les expéditions maritimes, que l'on a terminées si glorieusement sans ce secours; mais cette incertitude, & la prodigieuse dépense que l'on est obligé d'y faire, ont été cause que l'on a négligé cette maniere de bombe d'une construction extraordinaire, que l'on a vûe long - tems dans le port de Toulon, & qui avoit été coulée & préparée pour un pareil usage; ce fut en 1688, & voici comme elle étoit faite, suivant ce qu'en écrivit en ce tems - là un officier de Marine.

La bombe qui est embarquée sur la Flûte le Chameau, est de la figure d'un oeuf; elle est remplie de sept à huit milliers de poudre; on peut de - là juger de sa grosseur; on l'a placée au fond de ce bâtiment dans cette situation. Outre plusieurs grosses poutres qui la maintiennent de tous côtés, elle est encore appuyée de neuf gros canons de fer de 18 livres de balle, quatre de chaque côté, & un sur le derriere qui ne sont point chargés, ayant la bouche en bas. Par dessus on a mis encore dix pieces de moindre grosseur, avec plusieurs petites bombes & plusieurs éclats de canon, & l'on a fait une mâçonnerie à chaux & à ciment qui couvre & environne le tout, où il est entré trente milliers de brique; ce qui compose comme une espece de rocher au milieu de ce vaisseau, qui est d'ailleurs armé de plusieurs pieces de canon chargées à crever, de bombes, carcasses & pots à feu, pour en défendre l'approche. Les officiers devant se retirer après que l'ingenieur aura mis le feu à l'amorce qui durera une heure, cette flûte doit éclater avec sa bombe, pour porter de toutes parts les éclats des bombes & des carcasses, & causer par ce moyen l'embrasement de tout le port de la ville qui sera attaquée. Voilà l'effet qu'on s'en promet: on dit que cela coutera au roi quatre - vingt mille livres ».

Suivant M. Deschiens de Ressons « cette bombe fut faite dans la vûe d'une machine infernale pour Alger; & celles que les ennemis ont exécutées à Saint Malo & à Dunkerque, ont été faites à l'instar de celle - ci. Mais toutes ces machines ne vallent rien, parce qu'un bâtiment étant à flot, la poudre ne fait pas la centieme partie de l'effort qu'elle feroit sur un terrain ferme; la raison de cela est, que la partie la plus foible du bâtiment cédant lors de l'effet, cette bombe se trouvant surchargée de vieux canons, de bombes, carcasses & autres, tout l'effort se fait par - dessous [p. 798] dans l'eau, ou dans la vase ou le sable; de sorte qu'il n'en peut provenir d'autre incommodité que quelques débris qui ne vont pas loin, & une fraction de vitres, tuiles, portes, & autres bagatelles, par la grande compression de l'air causée par l'agitation extraordinaire; c'est pourquoi on l'a refondue, la regardant comme inutile.

Celle - ci contenoit huit milliers de poudre; elle avoit neuf piés de longueur, & cinq de diametre en dehors, six pouces d'épaisseur; mais quand je l'ai fait rompre, j'ai trouvé que le noyau avoit tourné dans le moule, & que toute l'épaisseur étoit presque d'un côté, & peu de choses de l'autre; ce qui ne se peut guere éviter, parce que la fonte coulant dans le moule, rougit le chapelet de fer qui soutient le noyau, dont le grand poids fait plier le chapelet.

Il se rapportoit dessus un chapiteau, dans lequel étoit ajusté la fusée, qui s'arrêtoit avec deux barres de fer qui passoient dans les anses.

La fusée étoit un canon de mousquet rempli de composition bien battue; ce qui ne valoit rien, par la raison que la crasse du salpêtre bouchoit le canon lorsque la fusée étoit brûlée à demi, ce qui faisoit éteindre la fusée. Ainsi les Anglois ont été obligés de mettre le feu au bâtiment de leur machine, pour qu'il parvînt ensuite à la poudre ». Mémoires d'Artillerie, par M. de Saint - Remy.

Machine a mater (Page 9:798)

Machine a mater, (Marine.) c'est celle qui sert à élever & poser les mâts dans un vaisseau; elle est faite à peu près comme une grue ou un engin que l'on place sur un ponton. Quelquefois on ne se sert que d'un ponton avec un mât, un vindas avec un cabestan, & des seps de drisse. (Z)

Machine (Page 9:798)

Machine, en Architecture, est un assemblage de pieces de bois disposées, de maniere qu'avec le secours de poulies, mouffles & cordages, un petit nombre d'hommes peuvent enlever de gros fardeaux, & le poser en place, comme sont le vindas, l'engin, la grue, le grueau, le treuil, &c. qui se montent & démontent selon le besoin qu'on en a. Voyez nos Pl. de Charp.

Machine pyrique (Page 9:798)

Machine pyrique, (Artificier.) c'est un assemblage de pieces d'artifice, rangées sur une carcasse de tringles de bois ou de fer, disposées pour les recevoir & diriger la communication de leurs feux, comme sont celles qui paroissent depuis quelques années sur le théâtre italien à Paris.

Machine (Page 9:798)

Machine, (Peinture.) terme dont on se sert en Peinture, pour indiquer qu'il y a une belle intelligence de lumiere dans un tableau. On dit voilà une belie machine; ce peintre entend bien la machine. Et lorsqu'on dit une grande machine, il signifie non - seulement belle intelligence de lumieres, mais encore grande ordonnance, grande composition.

Machine a forer (Page 9:798)

Machine a forer, voyez l'article Forer. Cette machine soulage l'ouvrier, lorsque les pieces qu'il a à percer ne peuvent l'être à la poitrine. L'ouvrier fore à la poitrine, lorsqu'il pose la palette à forer contre sa poitrine, qu'il appuie du bout rond le foret contre la palette, & qu'en poussant & faisant tourner le foret avec l'archet, il fait entrer le bout aigu du foret dans la piece à percer. La machine qui le dispense de cette fatigue, est composée de trois pieces, la palette, la vis & l'écrou à queue. La palette est toute de fer; le bout de sa queue est recourbé en crochet: ce crochet ou cette queue recourbée, se place dans l'épaisseur de l'établi. Audessous de la palette il y a un oeil qui correspond à la boîte de l'étau, pour recevoir la vis de la machine à forer. A un des bouts de la vis il y a un crochet en rond, qui sert à accrocher cette vis sur la boîte, & la partie taraudée passe par l'oeil de la queue de la palette. C'est à la partie qui excede l'oeil, que se met l'écrou à queue, de sorte que le compagnon qui a posé le crochet de la palette à une distance convenable de l'étau, suivant la longueur du forêt, en tournant l'écrou, force la palette sur laquelle est posée le foret, à le presser contre la piece qu'il veut percer, & qui est entre les mâchoires de l'étau. Au moyen de la vis & des autres parties de cette machine, l'ouvrier a toute sa force, & réussit en très peu de tems à forer une piece dont il ne viendroit peut - être jamais à bout.

Machine pour la tire (Page 9:798)

Machine pour la tire, instrument du métier d'étosse de soie. Ce qu'on appelle machine pour servir au métier des étoffes de soie est d'une si grande utilité, qu'avant qu'elle eut été inventée par le sieur Garon de Lyon, il falloit le plus souvent deux filles à chaque métier d'étoffes riches pour tirer; depuis qu'elle est en usage, il n'en faut qu'une, ce qui n'est pas une petite économie, outre qu'au moyen de cette machine l'étoffe se fait infiniment plus nette.

Le corps de cette machine est simple; c'est aussi sa simplicité qui en fait la beauté: c'est un bois de trois pouces en quarré qui descend de l'estave du métier au côté droit de la tireuse, qui va & vient librement. De ce bois quarré, il se présente à côté du temple deux fourches rondes, & une troisieme qui est aussi ronde qui tient les deux autres; elle monte directement à côté du premier bois dont il est ci - dessus parlé. La fille pour se servir de cette machine, tire à elle son lacs, passe la main derriere, & entrelace ses cordes de temple entre les deux fourches qui sont à côté, & après les avoir enfilées, elle prend la fourche qui monte en haut, & à mesure qu'elle la descend en la tirant, elle fait faire en même tems un jeu aux deux fourches qui embrassent les cordes. Par ce mouvement elle tire net, & facilite l'ouvrier à passer sa navette sans endommager l'étoffe. Après que le coup est passé, elle laisse partir sa machine qui s'en retourne d'elle même sans poids ni contrepoids pour la renvoyer; la main seule de la tireuse suffit. Voyez cette machine dans nos Pl. de Soicrie.

Machine (Page 9:798)

Machine, (Littérat.) en poëme dramatique se dit de l'artifice par lequel le poëte introduit sur la scene quelque divinité, génie, ou autre être surnaturel, pour faire réussir quelque dessein important, ou surmonter quelque difficulté supérieure au pouvoir des hommes.

Ces machines, parmi les anciens, étoient les dieux, les génies bons ou malfaisans, les ombres, &c. Shakespear, & nos modernes françois avant Corneille, employoient encore la derniere de ces ressources. Elles ont tiré ce nom des machines ou inventions qu'on a mis en usage pour les faire apparoître sur la scène, & les en retirer d'une maniere qui imite le merveilleux.

Quoique cette même raison ne subsiste pas pour le poëme épique, on est cependant convenu d'y donner le nom de machines aux êtres surnaturels qu'on y introduit. Ce mot marque & dans le dramatique & dans l'épopée l'intervention ou le ministere de quelque divinité; mais comme les occasions qui peuvent dans l'une & l'autre amener les machines, ou les rendre nécessaires, ne sont pas les mêmes, les regles qu'on y doit suivre sont aussi différentes.

Les anciens poëtes dramatiques n'admettoient jamais aucune machine sur le théâtre, que la présence du dieu ne fût absolument nécessaire, & ils étoient siflés lorsque par leur faute ils étoient réduits à cette nécessité, suivant ce principe fondé dans la nature, que le dénouement d'une piece doit naître du fond même de la fable, & non d'une machine étrangere, que le génie le plus stérile peut amener pour se tirer tout - à - coup d'embarras, comme dans Médée qui se dérobe à la vengeance de Créon, en fendant les airs sur un char traîné par des dragons aîlés. Horace

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