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MAÇONNERIE (Page 9:803)
MAÇONNERIE, sub. fém. (Arts méchaniques.)
De la Maçonnerie en général. Sous le nom de Maçonnerie, l'on entend non - seulement l'usage & la maniere d'employer la pierre de différente qualité, mais encore celle de se servir de libaye, de moilon, de plâtre, de chaux, de sable, de glaise, de roc, &c. ainsi que celle d'excaver les rerres pour la fouille des fondations (a) des bâtimens, pour la construction des terrasses, des taluds, & de tout autre ouvrage de cette espece.
Ce mot vient de maçon; & celui - ci, selon Isidore, du latin machio, un machiniste, à cause des machines qu'il emploie pour la construction des édifices & de l'intelligence qu'il lui faut pour s'en servir; & selon M. Ducange, de macerioe, muraille, qui est l'ouvrage propre du maçon.
Origine de la Maçonnerie. La Maçonnerie tient aujourd'hui le premier rang entre les arts mécaniques qui servent à la construction des édifices. Le bois avoit d'abord paru plus commode pour bâtir, avant que l'on eût connu l'usage de tous les autres matériaux servant aujourd'hui à la construction.
Anciennement les hommes habitoient les bois & les cavernes, comme les bêtes sauvages. Mais, au rapport de Vitruve, un vent impétueux ayant un jour par hasard poussé & agité vivement des arbres fort près les uns des autres, ils s'entrechoquerent avec une si grande violence, que le feu s'y mit. La flamme étonna d'abord ces habitans: mais s'étant approchés peu - à - peu, & s'étant apperçu que la température de ce feu leur pouvoit devenir commode. ils l'entretinrent avec d'autres bois, en firent connoître la commodité à leurs voisins, & y trouverent par la suite de l'utilité.
Ces hommes s'étant ainsi assemblés, poussoient de leurs bouches des sons, dont ils formerent par la suite des paroles de différentes especes, qu'ils appliquerent chacune à chaque chose, & commencerent à parler ensemble, & à faire société. Les uns se firent des huttes (b) avec des feuillages, ou des loges qu'ils creuserent dans les montagnes. Les autres imitoient les hirondelles, en faisant des lieux couverts. de branches d'arbres, & de terre grasse. Chacun se glorifiant de ses inventions, perfectionnoit la maniere de faire des cabanes, par les remarques qu'il faisoit sur celles de ses voisins, & bâtissoit toûjours de plus en plus commodément.
Ils planterent ensuite des fourches entrelacées de branches d'arbre, qu'ils remplissoient & enduisoient de terre grasse pour faire les murailles.
Ils en bâtirent d'autres avec des morceaux de terre grasse desséchés, élevés les uns sur les autres, sur lesquels ils portoient des pieces de bois en travers qu'ils couvroient de feuilles d'arbres, pour s'y mettre à l'abri du soleil & de la pluie; mais ces couvertures n'étant pas suffisantes pour se défendre contre les mauvais tems de l'hiver, ils imaginerent des especes de combles inclinées qu'ils enduisirent de terre grasse pour faire écouler les eaux.
(a) On distingue ce mot d'avec fondement, en ce que le premier est l'excavation ou la fouille faite dans la terre pour recevoir un massif capable de supporter l'édifice que l'on veut construire, & le second est le massif même: cependant on confond quelquefois ces deux mots dans la pratique; mais ce que l'on en dit les fait bientôt distinguer. (b) Espece de baraque ou cabane.[p. 804]
Nous avons encore en Espagne, en Portugal, en Aquitaine & même en France, des maisons couvertes de chaume ou de bardeau (c).
Au royaume de Pont dans la Colchide, on étend de part & d'autre sur le terrein des arbres; sur chacune de leurs extrémités on y en place d'autres, de maniere qu'ils enferment un espace quarré de toute leur longueur. Sur ces arbres placés horisontalement, on y en éleve d'autres perpendiculairement pour former des murailles que l'on garnit d'échalas & de terre grasse: on lie ensuite les extrémités de ces murailles par des pieces de bois qui vont d'angle en angle, & qui se croisent au milieu pour en retenir les quatre extrémités; & pour former la couverture de ces especes de cabanes, on attache aux quatre coins, par une extrémité, quatre pieces de bois qui vont se joindre ensemble par l'autre vers le milieu, & qui sont assez longues pour former un toît en croupe, imitant une pyramide à quatre faces, que l'on enduit aussi de terre grasse.
Il y a chez ces peuples de deux especes de toîts en croupe; celui - ci, que Vitruve appelle testudinatum, parce que l'eau s'écoule des quatre côtés à - la - fois; l'autre, qu'il appelle displuviatum, est lorsque le faîtage allant d'un pignon (d) à l'autre, l'eau s'écoule des deux côtés.
Les Phrygiens, qui occupent des campagnes où il n'y a point de bois, creusent des fossés circulaires ou petits tertres naturellement élevés qu'ils font les plus grands qu'ils peuvent, auprès desquels ils font un chemin pour y arriver. Autour de ces creux ils élevent des perches qu'ils lient par en haut en forme de pointe ou de cône, qu'ils couvrent de chaume, & sur cela ils amassent de la terre & du gason pour rendre leurs demeures chaudes en hiver & fraîches en été.
En d'autres lieux on couvre les cabanes avec des herbes prises dans les étangs.
A Marseille les maisons sont couvertes de terre grasse paîtrie avec de la paille. On fait voir encore maintenant à Athènes, comme une chose curieuse par son antiquité, les toîts de l'aréopage faits de terre grasse, & dans le temple du capitole, la cabane de Romulus couverte de chaume.
Au Pérou, les maisons sont encore aujourd'hui de roseaux & de cannes entrelacées, semblables aux premieres habitations des Egyptiens & des peuples de la Palestine. Celles des Grecs dans leur origine n'étoient non plus construites que d'argille qu'ils n'avoient pas l'art de durcir par le secours du feu. En Irlande, les maisons ne sont construites qu'avec des menues pierres ou du roc mis dans de la terre détrempée, & de la mousse. Les Abyssins logent dans des cabanes faites de torchis (e).
Au Monomotapa les maisons sont toutes construites de bois. On voit encore maintenant des peuples se construire, faute de matériaux & d'une certaine intelligence, des cabanes avec des peaux & des os de quadrupedes & de monstres marins.
Cependant on peut conjecturer que l'ambition de perfectionner ces cabanes & d'autres bâtimens élevés par la suite, leur fit trouver les moyens d'allier avec quelques autres fossiles l'argille & la terre grasse, que
(c) C'est un petit ais de mairain en forme de tuile ou de latte, de dix ou douze pouces de long, sur six à sept de large, dont on se sert encore à - présent pour couvrir des hangards, appentis, moulins, &c. (d) Pignon est, à la face d'un mur élevé d'à - plomb, le triangle formé par la base & les deux côtés obliques d'un toît dont les eaux s'écoulent de part & d'autre. (e) Torchis, espece de mortier fait de terre grasse détrempée, mêlée de foin & de paille coupée & bien corroyée, dont on se sert à - présent faute de meilleure liaison: il est ainsi appellé à cause des bâtons en forme de torche, au bout desquels on le tortille pour l'employer.
Aux édifices des Egyptiens, des Assyriens & des Hébreux, succéderent dans ce genre les ouvrages des Grecs, qui ne se contenterent pas seulement de la pierre qu'ils avoient chez eux en abondance, mais qui firent usage des marbres des provinces d'Egypte, qu'ils employerent avec profusion dans la construction de leurs bâtimens; bâtimens quipar la solidité immuable seroient encore sur pié, sans l'irruption des barbares & les siecles d'ignorance qui sont survenus. Ces peuples, par leurs découvertes, exciterent les autres nations à les imiter. Ils sirent naître aux Romains, possédés de l'ambition de devenir les maîtres du monde, l'envie de les surpasser par l'incroyable solidité qu'ils donnerent à leurs édifices; en joignant aux découvertes des Egyptiens & des Grecs l'art de la main - d'oeuvre, & l'excellente qualité des matieres que leurs climats leur procuroient: en sorte que l'on voit aujourd'hui avec étonnement plusieurs vestiges intéressans de l'ancienne Rome.
A ces superbes monumens succéderent les ouvrages des Goths; monumens dont la legereté surprenante nous retrace moins les belles proportions de l'Architecture, qu'une élégance & une pratique inconnue jusqu'alors, & qui nous assurent par leurs aspects que leurs constructeurs s'étoient moins attachés à la solidité qu'au goût de l'Architecture & à la convenance de leurs édifices.
Sous le regne de François I. l'on chercha la solidité de ces édifices dans ceux qu'il fit construire; & ce fut alors que l'Architecture sortit du cahos où elle avoit été plongée depuis plusieurs siecles. Mais ce fut principalement sous celui de Louis XIV. que l'on joignit l'art de bâtir au bon goût de l'Architecture, & où l'on rassembla la qualité des matieres, la beauté des formes, la convenance des bâtimens, les découvertes sur l'art du trait, la beauté de l'appareil, & tous les arts libéraux & méchaniques.
De la maçonnerie en particulier. Il y a de deux sortes de maçonnerie, l'ancienne, employée autrefois par les Egyptiens, les Grecs & les Romains, & la moderne, employée de nos jours.
Vitruve nous apprend que la maçonnerie ancienne se divisoit en deux classes; l'une qu'on appelloit ancienne qui se faisoit en liaison, & dont les joints étoient horisontaux & verticaux; la seconde, qu'on appelloit maillée, étoit celle dont les joints étoient inclinés selon l'angle de 45 degrés, mais cette derniere étoit très - défectueuse, comme nous le verrons ci - après.
Il y avoit anciennement trois genres de maçonnerie; le premier de pierres taillées & polies, le second de pierres brutes, & le troisieme de ces deux especes de pierres.
La maçonnerie de pierres taillées & polies étoit de deux especes; savoir la maillée, fig. premiere, appellée par Vitruve reticulatum, dont les joints des pierres étoient inclinés selon l'angle de 45 degrés, & dont [p. 805]
La seconde espece étoit celle en liaison (
Le second genre étoit celui de pierre brute,
Le troisieme genre appellé revinctum (
Table des manieres anciennes de bâtir, présentées sous un même aspect. la maillée, ou reticulatum. Des pierres taillées & polies, > insertum. en liaison, ou insertum, > la structure des Grecs. la structure des Grecs, > isodomum. De pierres brutes, > pseudisodomum. amplecton. De l'une & de l'autre, > revinctum.
Il y avoit encore deux manieres anciennes de bâtir; la premiere étoit de poser les pierres les unes sur les autres sans aucune liaison; mais alors il falloit que leurs surfaces fussent bien unies & bien planes. La seconde étoit de poser ces mêmes pierres les unes sur les autres, & de placer entre chacune d'elles une lame de plomb d'environ une ligne d'épaisseur.
Ces deux manieres étoient fort solides, à cause
du poids & de la charge d'un grand nombre de ces
pierres, qui leur donnoient assez de force pour se
soûtenir; mais les pierres étoient sujettes par ce
même poids à s'éclater & à se rompre dans leurs
angles, quoiqu'il y ait, selon Vitruve, des bâtimens
fort anciens où de très - grandes pierres avoient
été posées horisontalement, sans mortier ni plomb,
& dont les joints n'étoient point éclatés, mais étoient
demeurés presque invisibles par la jonction des pierres,
qui avoient été taillées si juste & se touchoient
en un si grand nombre de parties, qu'elles s'étoient
conservées entieres; ce qui peut très - bien arriver,
lorsque les pierres sont démaigries, c'est - à - dire plus
creuses au milieu que vers les bords, tel que le fait
voir la
Palladio rapporte dans son premier livre, qu'il y avoit anciennement six manieres de faire les murailles; la premiere en échiquier, la seconde de terre cuite ou de brique, la troisieme de ciment fait de cailloux de riviere ou de montagne, la quatrieme de pierres incertaines ou rustiques, la cinquieme de pierres de taille, & la sixieme de remplage.
Nous avons expliqué ci - dessus la maniere de bâtir
en échiquier rapportée par Palladio,
La deuxieme maniere etoit de bâtir en liaison, avec des carreaux de brique ou de terre cuite grands ou petits. La plus grande partie des édifices de Rome connue, la rotonde, les thermes de Dioclétien & beaucoup d'autres édifices, sont bâtis de cette maniere.
La troisieme maniere (
(f) Parement d'une pierre est sa partie extérieure; elle peut en avoir plusieurs, selon qu'elle est placée dans l'angle saillant ou rentrant d'un bâtiment.[p. 806]
La quatrieme maniere étoit celle appellée incertaine ou rustique (
La cinquieme maniere (
La sixieme maniere étoit les murs de remplage
(
Il y avoit encore une autre maniere ancienne de
faire les murailles (
Les anciens pavoient les grands chemins en pierre de taille, ou en ciment mêlé de sable & de terre glaise.
Le milieu des rues des anciennes villes se pavoit en grais, & les côtés avec une pierre plus épaisse & moins large que les carreaux. Cette maniere de paver leur paroissoit plus commode pour marcher.
La derniere maniere de bâtir, & celle dont on bâtit de nos jours, se divise en cinq especes.
La premiere (
Il faut observer, pour que cette construction soit bonne, d'éviter toute espece de garni & remplissage, & pour faire une meilleure liaison, de piquer les paremens intérieurs au marteau, afin que par ce moyen les agens que l'on met entre deux pierres puissent les consolider. Il faut aussi bien équarrir les pierres, & n'y souffrir aucun tendre ni bouzin
(g) Carreau, pierre qui ne traverse point l'épaisseur du mur, & qui n'a qu'un ou deux paremens au plus. (h) Boutisse, pierre qui traverse l'épaisseur du mur, & qui fait parement des deux côtés. On l'appelle encore pamieresse, pierre parpeigne, de parpein, ou faisant parpein.
La seconde est celle de brique, appellée en latin lateritium, espece de pierre rougeâtre faite de terre grasse, qui après avoir été moulée d'environ huit pouces de longueur sur quatre de largeur & deux d'épaisseur, est mise à sécher pendant quelque tems au soleil & ensuite cuite au four. Cette construction se fait en liaison, comme la précédente. Il se trouve à Athènes un mur qui regarde le mont Hymette, les murailles du temple de Jupiter, & les chapelles du temple d'Hercule faites de brique, quoique les architraves & les colonnes soient de pierre. Dans la ville d'Arezzo en Italie, on voit un ancien mur aussi en brique très - bien bâti, ainsi que la maison des rois attaliques à Sparte; on a levé de dessus un mur de brique anciennement bâti, des peintures pour les encadrer. On voit encore la maison de Crésus aussi bâtie en brique, ainsi que le palais du roi Mausole en la ville d'Haly carnasse, dont les murailles de brique sont encore toutes entieres.
On peut remarquer ici que ce ne fut pas par économie que ce roi & d'autres après lui, presque aussi riches, ont préféré la brique, puisque la pierre & le marbre étoient chez eux très - communs.
Si l'on défendit autrefois à Rome de faire des murs en brique, ce ne fut que lorsque les habitans se trouvant en grand nombre, on eut besoin de ménager le terrein & de multiplier les surfaces; ce qu'on ne pouvoit faire avec des murs de brique, qui avoient besoin d'une grande épaisseur pour être solides: c'est pourquoi on substitua à la brique la pierre & le marbre; & par - là on put non - seulement diminuer l'épaisseur des murs & procurer plus de surface, mais encore élever plusieurs étages les uns sur les autres; ce qui fit alors que l'on fixa l'épaisseur des murs à dix - huit pouces.
Les tuiles qui ont été long - tems sur les toîts, & qui y ont éprouvé toute la rigueur des saisons, sont, dit Vitruve, très - propres à la maçonnerie.
La troisieme est de moilon, en latin coementitium; ce n'est autre chose que des éclats de la pierre, dont il faut retrancher le bouzin & toutes les inégalités, qu'on réduit à une même hauteur, bien équarris, & posés exactement de niveau en liaison, comme ci - dessus. Le parement extérieur de ces moilons peut être piqué (l) ou rustiqué (m), lorsqu'ils sont apparens & destinés à la construction des soûterreins, des murs de cloture, de caves, mitoyens, &c.
La quatrieme est celle de limousinage, que Vitruve
appelle amplecton (
Il est cependant beaucoup mieux de dégrossir ces
moilons pour les rendre plus gissans & en ôter toute
espece de tendre, qui, comme nous l'avons dit précédemment,
absorberoit ou amortiroit la qualité de
la chaux qui compose le mortier. D'ailleurs si on
ne les équarrissoit pas au - moins avec la hachette
(
La cinquieme se fait de blocage, en latin structura ruderaria, c'est - à - dire de menues pierres qui s'emploient avec du mortier dans les fondations, & avec
(i) Bouzin, est la partie extérieure de la pierre abreuvée de l'humioité de la carriere, & qui n'a pas eu le tems de sécher, après en être sortie. (l) Piqué, c'est - à - dire dont les paremens sont piqués aveo la pointe du marteau. (m) Rustiqué, c'est - à - dire dont les paremens, après avoir été équarris & hachés, sont grossierement plqués avec la pointe du marteau.[p. 807]
Des murs en général. La qualité du terrein, les différens pays où l'on se trouve, les matériaux que l'on a, & d'autres circonstances que l'on ne sauroit prévoir, doivent décider de la maniere que l'on doit bâtir: celle où l'on emploie la pierre est sans doute la meilleure; mais comme il y a des endroits où elle est fort chere, d'autres où elle est très - rare, & d'autres encore où il ne s'en trouve point du tout, on est obligé alors d'employer ce que l'on trouve, en observant cependant de pratiquer dans l'épaisseur des murs, sous les retombées des voûtes, sous les poutres, dans les angles des bâtimens & dans les endroits qui ont besoin de solidité, des chaînes de pierre ou de grais si on en peut avoir, ou d'avoir recours à d'autres moyens pour donner aux murs une fermeté suffisante.
Il faut observer plusieurs choses en bâtissant: premierement,
que les premieres assises au rez - de - chaussée soient en pierre dure, même jusqu'à une certaine
hauteur, si l'édifice est très - élevé: secondement,
que celles qui sont sur un même rang d'assises soient
de même qualité, afin que le poids supérieur, chargeant
également dans toute la surface, trouve aussi
une résistance égale sur la partie inférieure: troisiemement,
que toutes les pierres, moilons, briques
& autres matériaux, soient bien unis ensemble &
posés bien de niveau. Quatriemement, lorsqu'on
emploie le plâtre, de laisser une distance entre les
arrachemens A,
Des murs de face & de refend. Lorsque l'on construit des murs de face, il est beaucoup mieux de faire en sorte que toutes les assises soient d'une égale hauteur, ce qui s'appelle bâtir à assise égale; que les joints des paremens soient le plus serrés qu'il est possible. C'est à quoi les anciens apportoient beaucoup d'attention; car, comme nous l'avons vu, ils appareilloient leurs pierres & les posoient les unes sur les autres sans mortier, avec une si grande justesse, que les joints devenoient presqu'imperceptibles, & que leur propre poids suffisoit seul pour les rendre fermes. Quelques - uns croient qu'ils laissoient sur tous les paremens de leurs pierres environ un pouce de plus, qu'ils retondoient lors du ravalement total, ce qui paroît destitué de toute vraissemblance, par la description des anciens ouvrages dont l'His<cb->
Quoique l'épaisseur des murs de face doive différer
selon leur hauteur, cependant on leur donne communément
deux piés d'épaisseur, sur dix toises de
hauteur, ayant soin de leur donner six lignes par
toise de talut ou de retraite en dehors A,
La hauteur de ces murs n'est pas la seule raison qui doit déterminer leur épaisseur; les différens poids qu'ils ont à porter doivent y entrer pour beaucoup, tels que celui des planchers, des combles, la poussée des arcades, des portes & des croisées; les scellemens des poutres, des solives, sablieres, corbeaux, &c. raison pour laquelle on doit donner des épaisseurs différentes aux murs de même espece.
Les angles d'un bâtiment doivent être non - seulement élevés en pierre dure, comme nous l'avons vû, mais aussi doivent avoir une plus grande épaisseur, à cause de la poussée des voûtes, des planchers, des croupes & des combles; irrégularité qui se corrige aisément à l'extérieur par des avant - corps qui font partie de l'ordonnance du bâtiment, & dans l'intérieur par des revétissemens de lambris.
L'épaisseur des murs de refend doit aussi différer selon la longueur & la grosseur des pieces de bois qu'ils doivent porter, sur - tout lorsqu'ils séparent des grandes pieces d'appartement, lorsqu'ils servent de cage à des escaliers, où les voûtes & le mouvement continuel des rampes exigent une épaisseur relative à leurs poussées, ou enfin lorsqu'ils contiennent dans leur épaisseur plusieurs tuyaux de cheminées qui montent de fond, seulement séparés par des languettes de trois ou quatre pouces d'épaisseur.
Tous ces murs se payent à la toise superficielle, selon leur épaisseur.
Les murs en pierre dure se payent depuis 3 liv. jusqu'à 4 liv. le pouce d'épaisseur. Lorsqu'il n'y a qu'un parement, il se paye depuis 12 liv. jusqu'à 16 livres; lorsqu'il y en a deux, le premier se paye depuis 12 jusqu'à 16 livres, & le second depuis 10 livres jusqu'à 12 livres.
Les murs en pierre tendre se payent depuis 2 liv. 10 sols jusqu'à 3 liv. 10 sols le pouce d'épaisseur. Lorsqu'il n'y a qu'un parement, il se paye depuis 3 liv. 10 sols jusqu'à 4 liv. 10 sols. Lorsqu'il y en a deux, le premier se paye depuis 3 liv. 10 sols jusqu'à [p. 808]
Les murs en moilon blanc se payent depuis 18 sols jusqu'à 22 sols le pouce; & chaque parement, qui est un enduit de plâtre ou de chaux, se paye depuis 1 liv. 10 sols jusqu'à 1 liv. 16 sols.
Tous ces prix different selon le lieu où l'on bâtit, selon les qualités des matériaux que l'on emploie, & selon les bonnes ou mauvaises façons des ouvrages; c'est pourquoi on fait toujours des devis & marchés avant que de mettre la main à l'oeuvre.
Des murs de terrasse. Les murs de terrasse different
des précédens en ce que non - seulement ils n'ont qu'un
parement, mais encore parce qu'ils sont faits pour
retenir les terres contre lesquels ils sont appuyés.
On en fait de deux manieres: les uns (
Il faut observer de les élever perpendiculairement du côté des terres, & inclinés de l'autre. Si cependant on jugeoit à - propos de les faire perpendiculaires à l'extérieur, il faudroit alors leur donner plus d'épaisseur, & placer en - dedans les contreforts que l'on auroit dû mettre en - dehors.
Quelques - uns donnent à leur sommet la sixieme partie de leur hauteur, & de talut la septieme partie: d'autres ne donnent à ce talut que la huitieme partie. Vitruve dit que l'épaisseur de ces murs doit être relative à la poussée des terres, & que les contreforts que l'on y ajoute sont faits pour le fortifier & l'empêcher de se détruire; il donne à ces contreforts, pour épaisseur, pour saillie, & pour intervalle de l'un à l'autre, l'épaisseur du mur, c'est - à - dire qu'ils doivent être quarrés par leur sommet, & la distance de l'un à l'autre aussi quarrée; leur empatement, ajoute - t - il, doit avoir la hauteur du mur.
Lorsque l'on veut construire un mur de terrasse, on commence d'abord par l'élever jusqu'au rez - dechaussée, en lui donnant une épaisseur & un talut convenables à la poussée des terres qu'il doit soutenir: pendant ce tems - là, on fait plusieurs tas des terres qui doivent servir à remplir le fossé, selon leurs qualités: ensuite on en fait apporter près du mur & à quelques piés de largeur, environ un pié d'épaisseur, en commençant par celles qui ont le plus de poussée, réservant pour le haut celles qui en ont moins. Précaution qu'il faut nécessairement prendre, & sans laquelle il arriveroit que d'un côté le mur ne se trouveroit pas assez fort pour retenir la poussée des terres, tandis que de l'autre il se trouveroit plus fort qu'il ne seroit nécessaire. Ces terres ainsi apportées, on en fait un lit de même qualité que l'on pose bien de niveau, & que l'on incline du côté du terrein pour les empêcher de s'ébouler, & que l'on affermit ensuite en les battant, & les arrosant à mesure: car si on remettoit à les battre après la construction du mur, non - seulement elles en seroient moins fermes, parce qu'on ne pourroit battre que la superficie, mais encore il seroit à craindre qu'on n'ébranlât la solidité du mur. Ce lit fait, on en recommence un autre, & ainsi de suite, jusqu'à
De la pierre en général. De tous les matériaux compris sous le nom de maçonnerie, la pierre tient aujourd'hui le premier rang; c'est pourquoi nous expliquerons ses différentes especes, ses qualités, ses défauts, ses façons & ses usages; après avoir dit un mot des carrieres dont on la tire, & cité les auteurs qui ont écrit de l'art de les réunir ensemble, pour parvenir à une construction solide, soit en enseignant les développemens de leur coupe, de leurs joints & de leurs lits relativement à la pratique, soit en démontrant géométriquement la rencontre des lignes, la nature des courbes, les sections des solides, & les connoissances qui demandent une étude particuliere.
On distingue deux choses également intéressantes dans la coupe des pierres, l'ouvrage & le raisonnement, dit Vitruve; l'un convient à l'artisan, & l'autre à l'artiste. Nous pouvons regarder Philibert Delorme, en 1567, comme le premier auteur qui ait traité méthodiquement de cet art. En 1642, Mathurin Jousse y ajouta quelques découvertes, qu'il intitula, le secret de l'Architecture. Un an après, le P. Deraut sit paroître un ouvrage encore plus profond sur cet art, mais plus relatif aux besoins de l'ouvrier. La même année, Abraham Bosse mit au jour le système de Desargue. En 1728, M. de la Rue renouvella le traité du P. Deraut, le commenta, & y fit plusieurs augmentations curieuses; ensorte que l'on peut regarder son ouvrage comme le résultat de tous ceux qui l'avoient précédé sur l'art du trait. Enfin, en 1737, M. Fraizier, ingénieur en chef des fortifications de Sa Majesté, en a démontré la théorie d'une maniere capable d'illustrer cette partie de l'Architecture, & la mémoire de ce savant.
Il faut savoir qu'avant que la géométrie & la méchanique fussent devenues la base de l'art du trait pour la coupe des pierres, on ne pouvoit s'assurer précisément de l'équilibre & de l'effort de la poussée des voutes, non plus que de la résistence des piés droits, des murs, des contreforts, &c. de maniere que l'on rencontroit lors de l'exécution des difficultés que l'on n'avoit pu prévoir, & qu'on ne pouvoit résoudre qu'en démollissant ou retondant en place les parties défectueuses jusqu'à ce que l'oeil fût moins mécontent; d'où il résultoit que ces ouvrages coutoient souvent beaucoup, & duroient peu, sans satisfaire les hommes intelligens. C'est donc à la théorie qu'on est maintenant redevable de la légércté qu'on donne aux voutes de différentes especes, ainsi qu'aux voussures, aux trompes, &c. & de ce qu'on est parvenu insensiblement à abandonner la maniere de bâtir des derniers siecles, trop difficile par l'immensité des poids qu'il falloit transporter & d'un travail beaucoup plus lent. C'est même ce qui a donné lieu à ne plus employer la méthode des anciens, qui étoit de faire des colonnes & des architraves d'un seul morceau, & de préférer l'assemblage de plusieurs pierres bien plus faciles à mettre en oeuvre. C'est par le secours de cette théorie que l'on est parvenu à soutenir des plate - bandes, & à donner à l'architecture ce caractere de vraissemblance & de légéreté inconnue à nos prédécesseurs. Il est vrai que les architectes gothiques ont poussé très - loin la témérité dans la coupe des pierres, n'ayant, pour ainsi dire, d'autre but dans leurs ouvrages que de s'attirer de l'admiration. Malgré nos découvertes, nous sommes devenus plus modérés; & bien - loin de vouloir imiter leur trop grande hardiesse, nous ne nous servons de la facilité de l'art du trait que pour des cas indispensables relatifs à l'économie, ou à la sujétion qu'exige certain genre de construction: les préceptes n'enseignant pas une singularité présomptueuse, & la vraissemblance de<pb-> [p. 809]
On distingue ordinairement de deux especes de pierres: l'une dure, & l'autre tendre. La premiere est, sans contredit, la meilleure: il arrive quelquefois que cette derniere résiste mieux à la gelée que l'autre; mais cela n'est pas ordinaire, parce que les parties de la pierre dure ayant leurs pores plus condensés que celles de la tendre, doivent résister davantage aux injures des tems, ainsi qu'aux courans des eaux dans les édifices aquatiques. Cependant, pour bien connoître la nature de la pierre, il faut examiner pourquoi ces deux especes sont sujettes à la gelée, qui les fend & les détruit.
Dans l'assemblage des parties qui composent la pierre, il s'y trouve des pores imperceptibles remplis d'eau & d'humidité, qui, venant à s'enfler pendant la gelée, fait effort dans ses pores, pour occuper un plus grand espace que celui où elle est resserrée; & la pierre ne pouvant résister à cet effort, se fend & tombe par éclat. Ainsi plus la pierre est composée de parties argilleuses & grasses, plus elle doit participer d'humidité, & par conséquent être sujette à la gelée. Quelques - uns croient que la pierre ne se détruit pas seulement à la gelée, mais qu'elle se mouline (n) encore à la lune: ce qui peut arriver à de certaines especes de pierres, dont les rayons de la lune peuvent dissoudre les parties les moins compactes. Mais il s'en suivroit de - là que ses rayons seroient humides, & que venant à s'introduire dans les pores de la pierre, ils seroient cause de la séparation de ses parties qui tombant insensiblement en parcelles, la feroient paroître moulinée.
Des carrieres & des pierres qu'on en tire. On appelle
communément carriere des lieux creusés sous terre
A (
La pierre se trouve ordinairement dans la carriere disposée par banc, dont l'épaisseur change selon les lieux & la nature de la pierre. Les ouvriers qui la tirent, se nomment carriers.
Il faut avoir pour principe dans les bâtimens, de poser les pierres sur leurs lits, c'est - à - dire dans la même situation qu'elles se sont trouvé placées dans la carriere, parce que, selon cette situation, elles sont capables de résister à de plus grands fardeaux; au lieu que posées sur un autre sens, elles sont très sujettes à s'éclater, & n'ont pas à beaucoup près tant de force. Les bons ouvriers connoissent du premier coup - d'oeil le lit d'une pierre; mais si l'on n'y prend garde, ils ne s'assujetrissent pas toujours à la poser comme il faut.
La pierre dure supportant mieux que toute autre un poids considérable, ainsi que les mauvais tems, l'humidité, la gelée, &c. il faut prendre la précaution de les placer de préférence dans les endroits exposés à l'air, réservant celles que l'on aura reconnu moins bonnes pour les fondations & autres lieux à couvert. C'est de la premiere que l'on emploie le plus communément dans les grands édifices, surtout jusqu'à une certaine hauteur. La meilleure est la plus pleine, serrée, la moins coquilleuse, la moins remplie de moye (o), veine (p) ou moliere (q),
(n) Une pierre est moulinée, lorsqu'elle s'écrase sous le pouce, & qu'elle se réduit en poussiere. (o) Moye est une partie tendre qui se trouve au milieu de la pierre, & qui suit son lit de carriere. (p) Veine, défaut d'une pierre à l'endroit où la partie tendre se joint à la partie dure. (q) Moliere, partie de la pierre remplie de trous; ce qui est un défaut de propreté dans les paremens extérieurs.
La pierre dure & tendre se tire des carrieres par gros quartiers que l'on débite sur l'attelier, suivant le besoin que l'on en a. Les plus petits morceaux servent de libage ou de moilon, à l'usage des murs de fondation, de refends, mitoyen, &c. on les unit les unes aux autres par le secours du mortier, fait de ciment ou de sable broyé avec de la chaux, ou bien encore avec du plâtre, selon le lieu où l'on bâtit. Il faut avoir grand soin d'en ôter tout le bouzin, qui n'étant pas encore bien consolidé avec le reste de la pierre, est sujet à se dissoudre par la pluie ou l'humidité, de maniere que les pierres dures ou tendres, dont on n'a pas pris soin d'ôter cette partie défectueuse, tombent au bout de quelque tems en poussiere, & leurs arrêtes s'égrainent par le poids de l'édifice. D'ailleurs ce bouzin beaucoup moins compacte que le reste de la pierre, & s'abreuvant facilement des esprits de la chaux, en exige une très - grande quantité, & par conséquent beaucoup de tems pour la sécher: de plus l'humidité du mortier le dissout, & la liaison ne ressemble plus alors qu'à de la pierre tendre réduite en poussiere, posée sur du mortier; ce qui ne peut faire qu'une très - mauvaise construction.
Mais comme chaque pays a ses carrieres & ses différentes especes de pierres, auxquelles on s'assujettit pour la construction des bâtimens, & que le premier soin de celui qui veut bâtir est, avant même que de projetter, de visiter exactement toutes celles des environs du lieu où il doit bâtir, d'examiner soigneusement ses bonnes & mauvaises qualités, soit en consultant les gens du pays, soit en en exposant une certaine quantité pendant quelque tems à la gelée & sur une terre humide, soit en les éprouvant encore par d'autres manieres; nous n'entreprendrons pas de faire un dénombrement exact & général de toutes les carrieres dont on tire la pierre. Nous nous contenterons seulement de dire quelque chose de celles qui se trouvent en Italie, pour avoir occasion de rapporter le sentiment de Vitruve sur la qualité des pierres qu'on en tire, avant que de parler de celles dont on se sert à Paris & dans les environs.
Les carrieres dont parle Vitruve, & qui sont aux environs de Rome, sont celles de Pallienne, de Fidenne, d'Albe, & autres, dont les pierres sont rouges & très - tendres. On s'en sert cependant à Rome en prenant la précaution de les tirer de la carriere en été, & de les exposer à l'air deux ans avant que de les employer, afin que, dit aussi Palladio, celles qui ont résisté aux mauvais tems sans se gâter, puissent servir aux ouvrages hors de terre, & les autres dans les fondations. Les carrieres de Rora, d'Amiterne, & de Tivoli fournissent des pierres moyennement dures. Celles de Tivoli résistent sort bien à la charge & aux rigueurs des saisons, mais non au feu qui les fait éclater, pour le peu qu'il les approche; parce qu'étant naturellement composées d'eau & de terre, ces deux élémens ne sauroient lutter contre l'air & le feu qui s'insinuent aisément dans ses porosités. Il s'en trouve plusieurs d'où l'on tire des pierres aussi dures que le caillou. D'autres encore dans la terre de Labour, d'où l'on en tire que l'on appelle tuf rouge & noir. Dans l'Omberie, le Pisantin, & proche de Venise, on tire aussi un tuf blanc qui se coupe à la scie comme le bois. Il y a chez les Tarquiniens des carrieres appellées avitiennes, dont les pierres sont rouges comme celles d'Albe, & s'amassent près du lac de Balsenne & dans le gouvernement Statonique: elles résistent très - bien à la gelée & au feu, parce qu'elles sont composées de très - peu d'air, de fer, & d'humidité, [p. 810]
Des différentes pierres dures. De toutes les pierres dures, la plus belle & la plus fine est celle de liais, qui porte ordinairement depuis sept jusqu'à dix pouces de hauteur de banc (r).
Il y en a de quatre sortes. La premiere qu'on appelle liais franc, la seconde liais ferault, la troisieme liais rose, & la quatrieme franc liais de S. Leu.
La premiere qui se tire de quelques carrieres derriere les Chartreux fauxbourg S. Jacques à Paris, s'emploie ordinairement aux revêtissemens du dedans des pieces où l'on veut éviter la dépense du marbre, recevant facilement la taille de toutes sortes de membres d'architecture & de sculpture: considération pour laquelle on en fait communément des chambranles de cheminées, pavés d'anti - chambres & de salles à manger, ballustres, entrelas, appuis, tablettes, rampes, échifres d'escaliers, &c. La seconde qui se tire des mêmes carrieres, est beaucoup plus dure, & s'emploie par préférence pour des corniches, bazes, chapiteaux de colonnes, & autres ouvrages qui se font avec soin dans les façades extérieures des bâtimens de quelqu'importance. La troisieme qui se tire des carrieres proche S. Cloud, est plus blanche & plus pleine que les autres, & reçoit un très - beau poli. La quatrieme se tire le long des côtes de la montagne près S. Leu.
La seconde pierre dure & la plus en usage dans toutes les especes de bâtimens, est celle d'Arcueil, qui porte depuis douze jusqu'à quinze pouces de hauteur de banc, & qui se tiroit autrefois des carrieres d'Arcueil près Paris; elle étoit très - recherchée alors, à cause des qualités qu'elle avoit d'être presqu'aussi ferme dans ses joints que dans son coeur, de résister au fardeau, de s'entretenir dans l'eau, ne point craindre les injures des tems: aussi la préféroit - on dans les fondemens des édifices, & pour les premieres assises. Mais maintenant les bancs de cette pierre ne se suivant plus comme autrefois, les Carriers se sont jettés du côté de Bagneux près d'Arcueil, & du côté de Montrouge, où ils trouvent des masses moins profondes dont les bancs se con tinuent plus loin. La pierre qu'on en tire est celle dont on se sert à - présent, à laquelle on donne le nom d'Arcueil. Elle se divise en haut & bas appareil: le premier porte depuis dix - huit pouces jusqu'à deux piés & demi de hauteur de banc; & le second depuis un pié jusqu'à dix - huit pouces. Celui - ci sert à faire des marches, seuils, appuis, tablettes, cimaises de corniches, &c. Elle a les mêmes qualités que celle d'Arcueil, mais plus remplie de moye, plus sujette à la gelée, & moins capable de résister au fardeau.
La pierre de cliquart qui se tire des mêmes carrieres, est un bas appareil de six à sept pouces de hauteur de banc, plus blanche que la derniere, ressemblante au liais, & servant aussi aux mêmes usages. Elle se divise en deux especes, l'une plus dure que l'autre: cette pierre un peu grasse est sujette à la gelée: c'est pourquoi on a soin de la tirer de la carriere, & de l'employer en été.
La pierre de bellehache se tire d'une carriere
(r) La hauteur d'un banc est l'épaisseur de la pierre dans la carriere; il y en a plusieurs dans chacune.
La pierre de souchet se tire des carrieres du fauxbourg S. Jacques, & porte depuis douze pouces jusqu'à vingt - un pouces de hauteur de banc. Cette pierre qui ressemble à celle d'Arcueil, est grise, trouée & poreuse. Elle n'est bonne ni dans l'eau ni sous le fardeau: aussi ne s'en sert - on que dans les bâtimens de peu d'importance. Il se tire encore une pierre de souchet des carrieres du fauxbourg S. Germain, & de Vaugirard, qui porte depuis dix - huit jusqu'à vingt pouces de hauteur de banc. Elle est grise, dure, poreuse, grasse, pleine de fils, sujette à la gelée, & se moulinant à la lune. On s'en sert dans les fondemens des grands édifices & aux premieres assises, voussoirs, soupiraux de caves, jambages de portes, & croisées des maisons de peu d'importance.
La pierre de bonbave se tire des mêmes carrieres, & se prend au - dessus de cette derniere. Elle porte depuis quinze jusqu'à vingt - quatre pouces de hauteur de banc, fort blanche, pleine & très fine: mais elle se mouline à la lune, résiste peu au fardeau, & ne sauroit subsister dans les dehors ni à l'humidité: on s'en sert pour cela dans l'intérieur des bâtimens, pour des appuis, rampes, échifres d'escaliers, &c. on l'a quelquefois employée à découvert où elle n'a pas gelé, mais cela est fort douteux. On en tire des colonnes de deux piés de diametre; la meilleure est la plus blanche, dont le lit est coquilleux, & a quelques molieres.
Il se trouve encore au fauxbourg S. Jacques un bas appareil depuis six jusqu'à neuf pouces de hauteur de banc, qui n'est pas si beau que l'arcueil, mais qui sert à faire des petites marches, des appuis, des tablettes, &c.
Après la pierre d'Arcueil, celle de S. Cloud est la meilleure de toutes. Elle porte de hauteur de banc depuis dix - huit pouces jusqu'à deux piés, & se tire des carrieres de S. Cloud près Paris. Elle est un peu coquilleuse, ayant quelques molieres; mais elle est blanche, bonne dans l'eau, résiste au fardeau, & se délite facilement. Elle sert aux façades des bâtimens, & se pose sur celle d'Arcueil. On en tire des colonnes d'une piece, de deux piés de diametre; on en fait aussi des bassins & des auges.
La pierre de Meudon se tire des carrieres de ce nom, & porte depuis quatorze jusqu'à dix - huit pouces de hauteur de banc. Il y en a de deux especes. La premiere qu'on appelle pierre de Meudon, a les mêmes qualités que celles d'Arcueil, mais pleine de trous, & incapable de résister aux mauvais tems. On s'en sert pour des premieres assises, des marches, tablettes, &c. Il s'en trouve des morceaux d'une grandeur extraordinaire. Les deux cimaises des corniches rampantes du fronton du Louvre sont de cette pierre, chacune d'un seul morceau. La seconde qu'on appelle rustique de Meudon, est plus dure, rougeâtre, & coquilleuse, & n'est propre qu'aux libages & garni des fondations de piles de ponts, quais & angles de bâtimens.
La pierre de S. Nom, qui porte depuis dix - huit jusqu'à vingt - deux pouces de hauteur de banc, se tire au bout du parc de Versailles, & est presque de même qualité que celle d'Arcueil, mais grise & coquilleuse: on s'en sert pour les premieres assises.
La pierre de la chaussée, qui se tire des carrieres près Bougival, à côté de S. Germain en Laye, & qui porte depuis quinze jusqu'à vingt pouces de hauteur de banc, approche beaucoup de celle de [p. 811]
La pierre de montesson se tire des carrieres proche Nanterre, & porte neuf à dix pouces de hauteur de banc. Cette pierre est fort blanche, & d'un très - beau grain. On en fait des vases, balustres, entrelas, & autres ouvrages des plus délicats.
La pierre de Fécamp se tire des carrieres de la vallée de ce nom, & porte depuis quinze jusqu'à dix - huit pouces de hauteur de banc. Cette pierre qui est très - dure, se fend & se feuillette à la gelée, lorsqu'elle n'a pas encore jetté toute son eau de carriere. C'est pourquoi on ne l'emploie que depuis le mois de Mars jusqu'au mois de Septembre, après avoir long - tems séché sur la carriere: celle que l'on tiroit autrefois étoit beaucoup meilleure.
La pierre dure de saint - Leu se tire sur les côtes de la montagne d'Arcueil.
La pierre de lambourde, ou seulement la lambourde, se tire près d'Arcueil, & porte depuis dix - huit pouces jusqu'à cinq piés de hauteur de banc. Cette pierre se délite (s), parce qu'on ne l'emploie pas de cette hauteur. La meilleure est la plus blanche, & celle qui résiste au fardeau autant que le Saint - Leu.
On tire encore des carrieres du fauxbourg saint Jacques & de celles de Bagneux, de la lambourde depuis dix - huit pouces jusqu'à deux piés de hauteur de banc. Il y en a de deux especes: l'une est graveleuse & se mouline à la lune; l'autre est verte, se feuillette, & ne peut résister à la gelée.
La pierre de Saint Maur qui se tire des carrieres du village de ce nom, est fort dure, résiste très - bien au fardeau & aux injures des tems. Mais le banc de cette pierre est fort inégal, & les quartiers ne sont pas si grands que ceux d'Arcueil: cependant on en a tiré autrefois beaucoup, & le château en est bâti.
La pierre de Vitry qui se tire des carrieres de ce nom, est de même espece.
La pierre de Passy dont on tiroit autrefois beaucoup des carrieres de ce nom, est fort inégale en qualité & en hauteur de banc. Ces pierres sont beaucoup plus propres à faire du moilon & des libages que de la pierre de taille.
La pierre que l'on tire des carrieres du fauxbourg Saint Marceau, n'est pas si bonne que celle des carrieres de Vaugirard.
Toutes les pierres dont nous venons de parler se vendent au pié - cube, depuis 10 sols jusqu'à 50, quelquefois 3 livres; & augmentent ou diminuent de prix, selon la quantité des édifices que l'on bâtit.
La pierre de Senlis se tire des carrieres de S. Nicolas, près Senlis, à dix lieues de Paris, & porte depuis douze jusqu'à seize pouces de hauteur de banc; cette pierre est aussi appellée liais. Elle est très - blanche, dure & pleine, très - propre aux plus beaux ouvrages d'Architecture & de Sculpture. Elle arrive à Paris par la riviere d'Oise, qui se décharge dans la Seine.
La pierre de Vernon à douze lieues de Paris, en Normandie, qui porte depuis deux piés jusqu'à trois piés de hauteur de banc, est aussi dure & aussi blanche que celle de S. Cloud. Elle est un peu difficile à tailler, à cause des cailloux dont elle est composée; on en fait cependant plusieurs usages, mais principalement pour des figures.
La pierre de Tonnerre à trente lieues de Paris, en
(s) Déliter une pierre, c'est la moyer ou la fendre par sa moye, ou par des parties tendres qui suivent le lit de la pierre.
La pierre de meuliere ainsi appellée, parce qu'elle est de même espece à peu près, que celles dont ont fait des meules de moulins, est une pierre grise, fort dure & poreuse, à laquelle le mortier s'attache beaucoup mieux qu'à toutes autres pierres pleines, étant composée d'un grand nombre de cavités. C'est de toutes les mâçonneries la meilleure que l'on puisse jamais faire, sur - tout lorsque le mortier est bon, & qu'on lui donne le tems nécessaire pour sécher, à cause de la grande quantité qui entre dans les pores de cette pierre: raison pour laquelle les murs qui en sont faits sont sujets à tasser beaucoup plus que d'autres. On s'en sert aux environs de Paris, comme à Versailles, & ailleurs.
La pierre fusiliere est une pierre dure & seche, qui tient de la nature du caillou: une partie du pont Notre - Dame en est bâti. Il y en a d'autre qui est grise; d'autre encore plus petite que l'on nomme pierre à fusil, elle est noire, & sert à paver les terrasses & les bassins de fontaines; on s'en sert en Normandie pour la construction des bâtimens.
Le grais est une espece de pierre ou roche qui se trouve en beaucoup d'endroits, & qui n'ayant point de lit, se débite sur tous sens & par carreaux, de telle grandeur & grosseur que l'ouvrage le demande. Mais les plus ordinaires sont de deux piés de long, sur un pié de hauteur & d'épaisseur. Il y en a de deux especes; l'une tendre, & l'autre dure. La premiere sert à la construction des bâtimens, & sur - tout des ouvrages rustiques, comme cascades, grottes, fontaines, reservoirs, aqueducs, &c. tel qu'il s'en voit à Vaux - le - vicomte & ailleurs. Le plus beau & le meilleur est le plus blanc, sans fil, d'une dureté & d'une couleur égale. Quoiqu'il soit d'un grand poids, & que les membres d'architecture & de sculpture s'y taillent difficilement, malgré les ouvrages que l'on en voit, qui sont faits avec beaucoup d'adresse; cependant la nécessité contraint quelquefois de s'en servir pour la construction des grands édifices, comme à Fontaincbleau, & fort loin aux environs; ses paremens doivent être piqués, ne pouvant être lissés proprement, qu'avec beaucoup de tems.
Le grais dans son principe, étant composé de grains de sable unis ensemble & attachés successivement les uns aux autres, pour se former par la suite des tems un bloc; il est évident que sa constitution aride exige, lors de la construction, un mortier composé de chaux & de ciment, & non de sable; parce qu'alors les différentes parties anguleuses du ciment, s'insinuant dans le grais avec une forte adhérence, unissent si bien par le secours de la chaux, toutes les parties de ce fossile, qu'ils ne font pour ainsi dire qu'un tout: ce qui rend cette construction indissoluble, & très - capable de résister aux injures des tems. Le pont de Ponts - sur - Yonne en est une preuve; les arches ont soixante - douze piés de largeur, l'arc est surbaissé, & les voussoirs de plus de quatre piés de long chacun, ont été enduits de chaux & de ciment, & non de sable: il faut cependant avoir soin de former des cavités en zigzag dans les lits de cette pierre, afin que le ciment puisse y entrer en plus grande quantité, & n'être pas sujet à se sécher trop promptement par [p. 812]
Une des causes principales de la dureté du grais, vient de ce qu'il se trouve presque toujours à découvert, & qu'alors l'air le durcit extrèmement; ce qui doit nous instruire qu'en général, toutes les pierres qui se trouvent dans la terre sans beaucoup creuser, sont plus propres aux bâtimens que celles que l'on tire du fond des carrieres; c'est à quoi les anciens apportoient beaucoup d'attention: car pour rendre leurs édifices d'une plus longue durée, ils ne se servoient que du premier banc des carrieres, précautions que nous ne pouvons prendre en France, la plûpart de nos carrieres étant presque usées dans leur superficie.
Il est bon d'observer que la taille du grais est fort dangereuse aux ouvriers novices, par la subtilité de la vapeur qui en sort, & qu'un ouvrier instruit évite, en travaillant en plein air & à contrevent. Cette vapeur est fi subtile, qu'elle traverse les pores du verre; expérience faite, à ce qu'on dit, avec une bouteille remplie d'eau, & bien bouchée, placée près de l'ouvrage d'un tailleur de grais, dont le fond s'est trouvé quelque jours après, couvert d'une poussiere très fine.
Il faut encore prendre garde lorsque l'on pose des dalles, seuils, canivaux & autres ouvrages en grais de cette espece, de les bien caller & garnir par - dessous pour les empêcher de se gauchir; car on ne pourroit y remédier qu'en les retaillant.
Il y a plusieurs raisons qui empêchent d'employer le grais à Paris; la premiere est, que la pierre étant assez abondante, on le relegue pour en faire du pavé. La seconde est, que sa liaison avec le mortier n'est pas si bonne, & ne dure pas si long - tems que celle de la pierre, beaucoup moins encore avec le plâtre. La troisieme est, que cette espece de pierre couteroit trop, tant pour la matiere, que pour la main - d'oeuvre.
La seconde espece de grais qui est la plus dure, ne sert qu'à faire du pavé; & pour cet effet se taille de trois différentes grandeurs. La premiere, de huit à neuf pouces cubes, sert à paver les rues, places publiques, grands chemins, &c. & se pose à sec sur du sable de riviere. La seconde, de six à sept pouces cubes, sert à paver les cours, basses - cours, perrons, trotoirs, &c. & se pose aussi à sec sur du sable de riviere, comme le premier, ou avec du mortier de chaux & de ciment. La troisieme, de quatre à cinq pouces cubes, sert à paver les écuries, cuisines, lavoirs, communs, &c. & se pose avec du mortier de chaux & ciment.
La pierre de Caën, qui se tire des carrieres de ce nom, en Normandie, & qui tient de l'ardoise, est fort noire, dure, & reçoit très - bien le poli; on en fait des compartimens de pavé dans les vestibules, salles à manger, sallons, &c.
Toutes ces especes de pavés se payent à la toise superficielle.
Il se trouve dans la province d'Anjou, aux environs de la ville d'Angers, beaucoup de carrieres très - abondantes en pierre noire & assez dure, dont on fait maintenant de l'ardoise pour les couvertures des bâtimens. Les anciens ne connoissant pas l'usage qu'on en pouvoit faire, s'en servoient dans la construction des bâtimens, tel qu'il s'en voit encore dans la plûpart de ceux de cette ville, qui sont faits de cette pierre. On s'en sert quelquefois dans les compartimens de pavé, en place de celle de Caën.
Des différentes pierres tendres. Les pierres tendres ont l'avantage de se tailler plus facilement que les autres, & de se durcir à l'air. Lorsqu'elles ne sont pas bien choisies, cette dureté ne se trouve qu'aux paremens extérieurs qui se forment en croute, & l'intérieur se mouline: la nature de ces pierres doit faire éviter de les employer dans des lieux humides; c'est pourquoi on s'en sert dans les étages supérieurs, autant pour diminuer le poids des pierres plus dures & plus serrées, que pour les décharger d'un fardeau considérable qu'elles sont incapables de soutenir, comme on vient de faire au second ordre du portail de S. Sulpice, & au troisieme de l'intérieur du Louvre.
La pierre de Saint - Leu qui se tire des carrieres, près Saint - Leu - sur - Oise, & qui porte depuis deux, jusqu'à quatre piés de hauteur de banc, se divise en plusieurs especes. La premiere qu'on appelle, pierre de Saint - Leu, & qui se tire d'une carriere de ce nom, est tendre, douce, & d'une blancheur tirant un peu sur le jaune. La seconde qu'on appelle de Maillet, qui se tire d'une carriere appellée ainsi, est plus ferme, plus pleine & plus blanche, & ne se délite point: elle est très propre aux ornemens de sculpture & à la décoration des façades. La troisieme qu'on appelle de Trocy, est de même espece que cette derniere; mais de toutes les pierres, celle dont le lit est le plus difficile à trouver; on ne le découvre que par des petits trous. La quatrieme s'appelle pierre de Vergelée: il y en a de trois sortes. La premiere qui se tire d'un des bancs des carrieres de Saint - Leu, est fort dure, rustique, & remplie de petits trous. Elle résiste très - bien au fardeau, & est fort propre aux bâtimens aquatiques; on s'en sert pour faire des voûtes de ponts, de caves, d'écuries & autres lieux humides. La seconde sorte de vergelée qui est beaucoup meilleure, se tire des carrieres de Villiers, près Saint - Leu. La troisieme qui se prend à Carriere - sous - le - bois, est plus tendre, plus grise & plus remplie de veine que le Saint - Leu, & ne sauroit résister au fardeau.
La pierre de tuf, du latin tophus, pierre rustique, tendre & trouée, est une pierre pleine de trous, àpeu près semblable à celle de meuliere, mais beaucoup plus tendre. On s'en sert en quelques endroits en France & en Italie, pour la construction des bâtimens.
La pierre de craye est une pierre très - blanche & fort tendre, qui porte depuis huit pouces jusqu'à quinze pouces de hauteur de banc, avec laquelle on bâtit en Champagne, & dans une partie de la Flandres. On s'en sert encore pour tracer au cordeau, & pour dessiner.
Il se trouve encore à Belleville, Montmartre, & dans plusieurs autres endroits, aux environs de Paris, des carrieres qui fournissent des pierres que l'on nomme pierres à plâtre, & qui ne sont pas bonnes à autre chose. On en emploie quelquefois hors de Paris, pour la construction des murs de clôture, barraques, cabanes, & autres ouvrages de cette espece. Mais il est défendu sous de séveres peines aux entrepreneurs, & même aux particuliers, d'en employer à Paris, cette pierre étant d'une très - mauvaise qualité, se moulinant & se pourrissant à l'humidité.
De la pierre selon ses qualités. Les qualités de la pierre dure ou tendre, sont d'être vive, fiere, franche, pleine, trouée, poreuse, choqueuse, gelisse, verte ou de couleur.
On appelle pierre vive celle qui se durcit autant dans la carriere que dehors, comme les marbres de liais, &c.
Pierre fiere, celle qui est difficile à tailler, à cause de sa grande sécheresse, & qui résiste au ciseau, [p. 813]
Pierre franche, celle qui est la plus parfaite que l'on puisse tirer de la carriere, & qui ne tient ni de la dureté du ciel de la carriere, ni de la qualité de celles qui sont dans le fond.
Pierre pleine, toute pierre dure qui n'a ni cailloux, ni coquillages, ni trous, ni moye, ni molieres, comme sont les plus beaux liais, la pierre de tonnere, &c.
Pierre entiere, celle qui n'est ni cassée ni fêlée, dans laquelle il ne se trouve ni fil, ni veine courante ou traversante; on le connoît facilement par le son qu'elle rend en la frappant avec le marteau.
Pierre trouée, poreuse, ou choqueuse, celle qui étant taillée est remplie de trous dans ses paremens, tel que le rustic de Meudon, le tuf, la meuliere, &c.
Pierre gelisse ou verte, celle qui est nouvellement tirée de la carriere, & qui ne s'est pas encore dépouillée de son humidité naturelle.
Pierre de couleur, celle qui tirant sur quelques couleurs, cause une variété quelquefois agréable dans les bâtimens.
De la pierre selon ses défauts. Il n'y a point de pierre qui n'ait des défauts capables de la faire rebuter, soit par rapport à elle - même, soit par la négligence ou mal - façon des ouvriers qui la mettent en oeuvre, c'est pourquoi il faut éviter d'employer celles que l'on appelle ainsi.
Des défauts de la pierre par rapport à elle - même. Pierre de ciel, celle que l'on tire du premier banc des carrieres; elle est le plus souvent défectueuse ou composée de parties très - tendres & très - dures indifféremment, selon le lieu de la carriere où elle s'est trouvee.
Pierre coquilleuse ou coquilliere, celle dont les paremens taillés sont remplis de trous ou de coquillages, comme la pierre de S. Nom, à Versailles.
Pierre de soupré, celle du fond de la carriere de S. Leu, qui est trouée, poreuse, & dont on ne peut se servir à cause de ses mauvaises qualités.
Pierre de souchet, en quelques endroits, celle du fond de la carriere, qui n'étant pas formée plus que le bouzin, est de nulle valeur.
Pierre humide, celle qui n'ayant pas encore eu le tems de sécher, est sujette à se feuilleter ou à se geler.
Pierre grasse, celle qui étant humide, est par conséquent sujette à la gelée, comme la pierre de cliquart.
Pierre feuilletée, celle qui étant exposée à la gelée, se délite par feuillet, & tombe par ecaille, comme la lambourde.
Pierre délitée, celle qui après s'être fendue par un fil de son lit, ne peut être taillée sans déchet, & ne peut servir après cela que pour des arrases.
Pierre moulinée, celle qui est graveleuse, & s'égraine à l'humidité, comme la lambourde qui a particulierement ce défaut.
Pierre félée, celle qui se trouve cassée par une veine ou un fil qui court ou qui traverse.
Pierre moyée, celle dont le lit n'étant pas également dur, dont on ôte la moye & le tendre, qui diminue son épaisseur, ce qui arrive souvent à la pierre de la chaussée.
Des défauts de la pierre, par rapport à la main - d'oeuvre. On appelle pierre gauche, celle qui au sortir de la main de l'ouvrier, n'a pas ses paremens opposés paralleles, lorsqu'ils doivent l'être suivant l'épure (t), ou dont les surfaces ne se bornoyent point, & qu'on ne sauroit retailler sans déchet.
(t) Une épure est un dessein ou développement géométrique des lignes droites & courbes des voûtes.
Pierre coupée, celle qui ayant été mal taillée, & par conséquent gâtée, ne peut servir pour l'endroit où elle avoit été destinée.
Pierre en délit, ou délit en joint, celle qui dans un cours d'assises, n'est pas posée sur son lit de la même maniere qu'elle a été trouvée dans la carriere, mais au contraire sur un de ses paremens. On distingue pierre en délit de délit en joint, en ce que l'un est lorsque la pierre étant posée, le parement de lit fait parement de face, & l'autre lorsque ce même parement de lit fait parement de joint.
De la pierre selon ses façons. On entend par façon la premiere forme que reçoit la pierre, lorsqu'elle sort de la carriere pour arriver au chantier, ainsi que celle qu'on lui donne par le secours de l'appareil, selon la place qu'elle doit occuper dans le bâtiment; c'est pourquol'on appelle.
Pierre au binard, celle qui est en un si gros volume, & d'un si grand poids, qu'elle ne peut être transportée sur l'attelier, par les charrois ordinaires, & qu'on est obligé pour cet effet de transporter sur un binard, espece de chariot tiré par plusieurs chevaux attelés deux à deux, ainsi qu'on l'a pratiqué au Louvre, pour des pierres de S. Leu, qui pesoient depuis douze jusqu'à vingt - deux & vingt - trois milliers, dont on a fait une partie des frontons.
Pierre d'échantillon, celle qui est assujettie à une mesure envoyée par l'appareilleur aux carrieres, & à laquelle le carrier est obligé de se conformer avant que de la livrer à l'entrepreneur; au lieu que toutes les autres sans aucune mesure constatée, se livrent à la voie, & ont un prix courant.
Pierre en debord, celle que les carriers envoient à l'attelier, sans être commandée.
Pierre velue, celle qui est brute, telle qu'on l'a amenée de sa carriere au chantier, & à laquelle on n'a point encore travaillé.
Pierre bien faite, celle où il se trouve sort - peu de déchet en l'équarissant.
Pierre ébouzinée, celle dont on a ôté tout le tendre & le bouzin.
Pierre tranchée, celle où l'on a fait une tranchée
avec le marteau,
Pierre débitée, celle qui est sciée. La pierre dure
& la pierre tendre ne se débitent point de la même
maniere. L'une se debite à la scie sans dent,
Pierre de haut & bas appareil, celle qui porte plus ou moins de hauteur de banc, après avoir été atteinte jusqu'au vif.
Pierre en chantier, celle qui se trouve callée par le tailleur de pierre, & disposée pour être taillée.
Pierre esmillée, celle qui est équarrie & taillée grossierement avec la pointe du marteau, pour être employée dans les fondations, gros murs, &c. ainsi qu'on l'a pratiqué aux cinq premieres assises des fondemens de la nouvelle église de Sainte Génevieve, & à ceux des bâtimens de la place de Louis XV.
Pierre hachée, celle dont les paremens sont dressés
avec la hache A du marteau bretelé
Pierre layée, celle dont les paremens sont travaillés
au marteau bretelé,
Pierre rustiquée, celle qui ayant été équarrie &
hachée, est piquée grossierement avec la pointe du
marteau,
Pierre piquée, celle dont les paremens sont piqués
avec la pointe du marteau,
Pierre ragrée au fer, ou riflée, celle qui a été passée
au riflard,
Pierre traversée, celle qui après avoir été bretelée, les traits des bretelures se croisent.
Pierre polie, celle qui étant dure, a reçu le poli au grais, en sorte qu'il ne paroît plus aucunes marques de l'outil avec lequel on l'a travaillée.
Pierre taillée, celle qui ayant été coupée, est taillée de nouveau avec déchet: on appelle encore de ce nom celles qui provenant d'une démolition, a été taillee une seconde fois. pour être de rechef mise en oeuvre.
Pierre faite, celle qun est entierement taillée, & prete à être enlevée, pour être mise en place par le poseur.
Pierre nette, celle qui est équarrie & atteinte jusqu'au vif.
Pierré retournée, celle dont les paremens opposés sont d'équerre & paralleles entre eux.
Pierre louvée, celle qui a un trou méplat pour recevoir
la louve,
Pierre d'encoignure, celle qui ayant deux paremens d'équerre l'un à l'autre, se trouve placée dans l'angle de quelques avants ou arrieres corps.
Pierre parpeigne, de parpein, ou faisant parpein, celle qui traverse l'épaisseur du mur, & fait parement des deux côtés; on l'appelle encore pamieresse.
Pierre fusible, celle qui change de nature, & devient transparente par le moyen du feu.
Pierre statuaire, celle qui étant d'échantillon, est propre & destinée pour faire une statue.
Pierre fichée, celle dont l'intérieur du joint est rempli de mortier clair ou de coulis.
Pierres jointoyées, celles dont l'extérieur des joints est bouché, & ragréé de mortier serré, ou de plâtre.
Pierres feintes, celles qui pour faire l'ornement d'un mur de face, ou de terrasse, sont séparées & comparties en maniere de bossage en liaison, soit en relief ou seulement marquées sur le mur par les enduits ou crepis.
Pierres à bossages, ou de refend, celles qui étant posées, representent la hauteur égale des assises, dont les joints sont refendus de différentes manieres.
Pierres artificielies, toutes especes de briques, tuiles, carreaux, &c. pétries & moulées, cuites ou crues.
De la pierre selon ses usages. On appelle premiere pierre, celle qui avant que d'élever un mur de fondation d'un édifice, est destinée à renfermer dans une cavité d'une certaine profondeur, quelques médailles d'or ou d'argent, frappées relativement à la destination du monument, & une table de bronze, sur laquelle sont gravées les armes de celui par les ordres duquel on construit l'édifice. Cette cérémonie qui se fait avec plus ou moins de magnificence, selon la dignité de la personne, ne s'observe cependant que dans les édifices royaux & publics, & non dans les bâtimens particuliers. Cet usage existoit du tems des Grecs, & c'est par ce moyen qu'on a pu apprendre les époques de l'édification de leurs monumens, qui sans cette précaution seroit tombée dans l'oubli, par la destruction de leurs bâtimens, dans les différentes révolutions qui sont survenues.
Derniere pierre, celle qui se place sur l'une des faces d'un édifice, & sur laquelle on grave des inscriptions, qui apprennent à la postérité le motif de son édification, ainsi qu'on l'a pratiqué aux piédestaux des places Royale, des Victoires, de Vendôme à Paris, & aux fontaines publiques, porte S. Martin, saint Denis, saint Antoine, &c.
Pierre percée, celle qui est faite en dalle (u), & qui se pose sur le pavé d'une cour, remise ou écurie, ou qui s'encastre dans un chassis aussi de pierre, soit pour donner de l'air ou du jour à une cave, ou
(u) Dalle est une pierre platte & très - mince.
Pierre à chassis, celle qui a une ouverture circulaire, quarrée, ou rectangulaire, de quelque grandeur que ce soit, avec feuillure ou sans feuillure, pour recevoir une grille de fer maillée ou non maillée, percée ou non percée, & servir de fermeture à un regard, fosse d'aisance, &c.
Pierre à évier, du latin emissarium, celle qui est creuse, & que l'on place à rez - de - chaussée, ou à hauteur d'appui, dans un lavoir ou une cuisine, pour faire écouler les eaux dans les dehors. On appelle encore de ce nom une espece de canal long & étroit, qui sert d'égout dans une cour ou allée de maison.
Pierre à laver, celle qui forme une espece d'auge plate, & qui sert dans une cuisine pour laver la vaisselle.
Pierre perdue, celle que l'on jette dans quelques fleuves, rivieres, lacs, ou dans la mer, pour sonder, & que l'on met pour cela dans des caissons, lorsque la profondeur ou la qualité du terrain ne permet pas d'y enfoncer des pieux; on appelle aussi de ce nom celles qui sont jettées à baies de mortier dans la maçonnerie de blocage.
Pierres incertaines, ou irrégulieres, celles que l'on emploie au sortir de la carriere, & dont les angles & les pans sont inégaux: les anciens s'en servoient pour paver; les ouvriers la nomment de pratique, parce qu'ils la font servir sans y travailler.
Pierres jectices, celles qui se peuvent poser à la main dans toute sorte de construction, & pour le transport desquelles on n'est pas obligé de se servir de machines.
Pierres d'attente, celles que l'on a laissé en bossage, pour y recevoir des ornemens, ou inscriptions taillées, ou gravées en place. On appelle encore de ce nom celles qui lors de la construction ont été laissées en harpes (x), ou arrachement (y), pour attendre celle du mur voisin.
Pierres de rapport, celles qui étant de différentes couleurs, servent pour les compartimens de pavés mosaïques (z), & autres ouvrages de cette espece.
Pierres précieuses, toutes pierres rares, comme l'agate, le lapis, l'aventurine, & autres, dont on enrichit les ouvrages en marbre & en marqueterie, tel qu'on en voit dans l'église des carmelites de la ville de Lyon, où le tabernacle est composé de marbre & de pierres précieuses, & dont les ornemens sont de bronze.
Pierre spéculaire, celle qui chez les anciens étoit transparente comme le talc, qui se débitoit par feuillet, & qui leur servoit de vitres; la meilleure, selon Pline, venoit d'Espagne: Martial en fait mention dans ses épigrammes, livre II.
Pierres milliaires, celles qui en forme de socle, ou de borne, chez les Romains, étoient placées sur les grands chemins, & espacées de mille en mille, pour marquer la distance des villes de l'empire, & se comptoient depuis la milliaire dorée de Rome, tel que nous l'ont appris les historiens par les mots de primus, secundus, tertius, &c. ab urbe lapis; cet usage existe encore maintenant dans toute la Chine.
Pierres noires, celles dont se servent les ouvriers dans le bâtiment pour tracer sur la pierre: la plus tendre sert pour dessiner sur le papier. On appelle
(x) Harpes, pierres qu'on a laissées a l'épaisseur d'un mur alternativement en saillie, pour faire liaison avec un mur voisin qu'on doit élever par la suite. (y) Arrachemens sont des pierres ou moilons aussi en saillie, qui attendent l'édification du mur voisin. (z) Mosaique, ouvrage composé de verres de toutes sortes de couleurs, taillés & ajustés quarrément sur un fond de stuc, qui imitent très bien les diverses couleurs de la peinture, & avec lesquels on exécute différens sujets.[p. 815]
Pierre d'appui, ou seulement appui, celle qui étant placée dans le tableau insérieur d'une croisée, sert à s'appuyer.
Auge, du latin lavatrina, une pierre placée dans des basses - cours, pour servir d'abreuvoir aux animaux domestiques.
Seuil, du latin limen, celle qui est posée au rezde - chaussée, dont la longueur traverse la porte, & qui formant une espece de feuillure, sert de battement à la traverse inférieure du chassis de la porte de menuiserie.
Borne, celle qui a ordinairement la forme d'un cône de deux ou trois piés de hauteur, tronqué dans son sommet, & qui se place dans l'angle d'un pavillon, d'un avant - corps, ou dans celui d'un piédroit de porte cochere, ou de remise, ou le long d'un mur, pour en éloigner les voitures, & empêcher que les moyeux ne les écorchent & ne les fassent éclater.
Banc, celle qui est placée dans des cours, bassescours, où à la principale porte des grands hôtels, pour servir de siege aux domestiques, ou dans un jardin, à ceux qui s'y promenent.
Des libages. Les libages sont de gros moilons ou quartiers de pierre rustique & malfaite, de quatre, cinq, six, & quelquefois sept à la voie, qui ne peuvent être fournis à la toise par le carrier, & que l'on ne peut équar>ir que grossierement, à cause de leur dureté, provenant le plus souvent du ciel des carrieres, ou d'un banc trop mince. l a qualité des libages est proportionnée à celle de la pierre des differentes carrieres d'où on les tire: on ne s'en sert que pour les garnis, sondations, & autres ouvrages de cette espece. On emploie encore en libage les pierres de taille qui ont été coupées, ainsi que celles qui proviennent des démolitions, & qui ne peuvent plus servit.
On appelle quartier de pierre, lorsqu'il n'y on a qu'un à la voie.
Carreaux de pierre, lorsqu'il y en a deux ou trois.
Libage, lorsqu'il y en a quatie, cinq, six, & quelquefois sept à la voie.
Du moilon. Le moilon, du latin mollis. que Vitruve appelle coementum, n'étant autre chose que l'éclat de la pierre, en est par conséquent la partie la plus tenore: il provient aussi quelquefois d'un banc trop mince. Si qualité principale est d'être bien équarri & bien gistant, parce qu'alors il a plus de lit, & consomme moins de mortier ou de plâtre.
Le meilleur est celui que l'on tire des carrieres d'Arcueil. La qualité des autres est proportionnée à la pierre des carrieres dont on le tire, ainsi que celui du saubourg saint Jacques, du sauboug saint Marceau, de Vaugirard, & autres.
On l'emplore de quatre manieres différentes; la premiere qu'on appelle en moilon de plat, est de le poser horisontalement sur son >t, & en liaison dans la construction des murs mitoyens, de refend & autres de cette espece élevés d'aplomb. La seconde qu'on appelle en modon d'appareil, & dont le parement est apparent, exige qu'il soit bien équarri, à vives arrêtes, comme la pierre, piqué proprement, de hauteur, & de largeur égale, & bien posé de niveau, & en haison dans la construction des murs de sace, de terrasse, &c. La troisieme qu'en appelle en moilon de couge, est de le poser sur son champ (&) dans la construction des voutes. La quatrieme qu'on appelle en moilon piqué, est après l'avoir équarri & ébouriné, de le piquer sur son parement avec la
(>) > platte, est la surface la plus >
Du moilon selon ses façons. On appelle moilon blanc, chez les ouvriers, un platras, & non un moilon; ce qui est un défaut dans la construction.
Moilon esmillé, celui qui est grossierement équarri, & ébouziné avec la hachette,
Moilon bourru ou de blocage, celui qui est trop mal - fait & trop dur pour être équarri, & que l'on emploie dans les fondations, ou dans l'intérieur des murs, tel qu'il est sorti de la carriere.
Le moilon de roche, dit de meuliere, est de cette derniere espece.
Toutes ces especes de moilons se livrent à l'entrepreneur à la voie ou à la toise, & dans ce dernier cas l'entrepreneur se charge du toisé.
Du marbre en général. Le marbre, du latin marmor, dérivé du grec
Le marbre se divise en deux especes; l'une qu'on appelle antique, & l'autre moderne: par marbre antique, l'on comprend ceux dont les carrieres sont épuisées, perdues ou inaccessibles, & que nous ne connoissens que par les ouvrages des anciens: par marbres modernes, l'on comprend ceux dont on se sert actuellement dans les bâtimens, & dont les carrieres sont encore existantes. On ne l'emploie le plus communément, à cause de sa cheretée, que par revêtissement ou incrustation, étant rare que l'on en fasse usage en bloc, à l'exception des vases, figures, colonnes & autres ouvrages de cette espece. Il se trouve d'assez beaux exemples de l'emploi de cette matiere dans la décoration intérieure & extérieure des châtcaux de Versailles, Trianon, Marly, Sceaux, &c. ainsi que dans les différens bosquets de leurs jardins.
Quoique la diversité des marbres soit infinie, on les réduit cependant à deux especes; l'une que l'on nomme veiné, & l'autre breche; celui - ci n'étant autre chose qu'un amas de petits cailloux de différente couleur fortement unis ensemble, de maniere que lorsqu'il se casse, il s'en forme autant de breches qui lui ont fait donner ce nom.
Des marbres antiques. Le marbre antique, dont les carrieres étoient dans la Grece, & dont on voit encore de si belles statues en Italie, est absolument inconnu aujourd'hui; à son défaut on se sert de celui de Carrare.
Le lapis est estimé le plus beau de tous les marbres antiques; sa couleur est d'un bleu foncé, moucheté d'un autre bleu plus clair, tirant sur le céleste, & entremêlé de quelque veines d'or. On ne s'en sert, a cause de sa rareté, que par incrustation, tel qu'on en voit quelques pieces de rapport à plusieurs tables dans les appartemens de Trianon & de Marly.
Le porphyre, du grec
Le serpentin, appellé par les anciens ophites, du
grec
L'albâtre, du grec
Le granit, ainsi appellé, parce qu'il est marqué de petites taches formées de plusieurs grains de sables condensés, est très - dur & reçoit mal le poli; il est évident qu'il n'y a point de marbre dont les anciens n'ayent tiré de si grands morceaux, & en si grande quantité; puisque la plûpart des édifices de Rome, jusqu'aux maisons des particuliers, en étoient décorés. Ce marbre étoit sans doute très - commun, par la quantité des troncs de colonnes qui servent encore aujourd'hui de bornes dans tous les quartiers de la ville. Il en est de plusieurs especes; celui d'Egypte, d'Italie & de Dauphiné; le verd & le violet. Le granit d'Egypte, connu sous le nom de Thebaïcum marmor, & qui se tiroit de la Thébaïde, est d'un fond blanc sale, mêlé de petites taches grises & verdâtres, & presque aussi dur que le porphyre. De ce marbre sont les colonnes de sainte Sophie à Constantinople, qui passent 40 piés de hauteur. Le granit d'Italie qui, selon M. Felibien, se tiroit des carrieres de l'île d'Elbe, a des petites taches un peu verdâtres, & est moins dur que celui d'Egypte. De ce marbre sont les seize colonnes corinthiennes du porche du Panthéon; ainsi que plusieurs cuves de bains servant aujourd'hui à Rome de bassins de fontaines. Le granit de Dauphiné qui se tire des côtes du Rhône, près de l'embouchure de Lisere, est très - ancien, comme il paroît par plusieurs colonnes qui sont en Provence. Le granit verd est une espece de serpentin ou verd antique, mêlé de petites taches blanches & vertes; on voit à Rome plusieurs colonnes de cette espece de marbre. Le granit violet qui se tire des carrieres d'Egypte, est mêlé de blanc, & de violet par petites taches. De ce marbre sont la plûpart des obélisques antiques de Rome, tel que ceux de saint Pierre du Vatican, de saint Jean de Latran, de la porte du Peuple, & autres.
Le marbre de jaspe, du grec
Le marbre de Paros se tiroit autrefois d'une île de
l'Archipel, nommée ainsi, & qu'on appelle aujourd'hui Peris ou Parissa. Varron lui avoit donné le
nom de marbre lychnites, du grec
Le marbre verd antique, dont les carrieres sont perdues, est très rare. Sa couleur est mêlée d'un verd de gazon, & d'un verd noir par taches d'inégales formes & grandeur; il n'en reste que quelques chambranles dans le vieux château de Meudon.
Le marbre blanc & noir, dont les carrieres sont pordues, est mêlé par plaques de blanc très - pur, & de noir très - noir. De ce marbre sont deux petites colonnes corinthiennes dans la chapelle de S. Roch aux Mathurins, deux autres composites dans celle de Rostaing aux Feuillans rue S. Honoré, une belle table au tombeau de Louis de la Trémouille aux Célestins, ainsi que les pié d'estaux & le parement d'autel de la chapelle de S. Benoît dans l'église de [p. 817]
Le marbre de petit antique est de cette derniere espece, c'est à - dire blanc & noir; mais plus brouillé, & par petites veines, ressemblant au marbre de Barbançon. On en voit deux petites colonnes ïoniques dans le petit appartement des bains à Versailles.
Le marbre de brocatelle se tiroit autrefois près d'Andrinople en Grece: sa couleur est mêlée de petites nuances grises, rouges, pâles, jaunes, & isabelles: les dix petites colonnes corinthiennes du tabernacle des Mathurins, ainsi que les huit composites de celui de sainte Génevieve, sont de ce marbre. On en voit encore quelques chambranles de cheminées dans les appartemens de Trianon, & quelques tables de moyenne grandeur dans les magazins du roi.
Le marbre africain est tacheté de rouge brun, mêlé de quelques veines de blanc sale, & de couleur de chair, avec quelques silets d'un verd soncé. Il se trouve quatre consolles de ce marbre en maniere de cartouche, au tombeau du marquis de Gesvres dans l'église des peres Célestins à Paris. Scamozzi parle d'un autre marbre africain très - dur, recevant un très - beau poli, d'un fond blanc, mêlé de couleur de chair, & quelquefois couleur de sang, avec des veines brunes & noires fort déliées, & ondées.
Le marbre noir antique étoit de deux especes;
l'un qui se nommoit marmor luculleum, & qui se tiroit
de Grece, étoit fort tendre. C'est de ce marbre
que Marcus Scaurus fit tailler des colonnes de trente - huit
piés de hauteur, dont il orna son palais; l'autre
appellé par les Grecs
Le marbre de cipolin, de l'italien cipolino, que Scamozzi croit être celui que les anciens appelloient augustum ou tiberium marmor, parce qu'il fut découvert en Egypte du tems d'Auguste & Tibere, est formé de grandes ondes ou de nuances de blanc, & de vert pâle couleur d'eau de mer ou de ciboule, d'où il tire son nom. On ne l'employoit anciennement que pour des colonnes ou pilastres. Celles que le roi fit apporter de Lebeda autrefois Leptis, près de Tripoli, sur les côtes de Barbarie, ainsi que les dix corinthiennes du temple d'Antonin & de Faustine, semblent être de ce marbre. On en voit encore plusieurs pilastres dans la chapelle de l'hôtel de Conti, près le collége Mazarin, du dessein de François Mansard.
Le marbre jaune est de deux especes; l'une appellée jaune de sienne, est d'un jaune isabelle, sans veine, & est très - rare: aussi ne l'emploie - t - on que par incrustation dans les compartimens. On voit de ce marbre dans le sallon des bains de la reine au Louvre, des scabellons de bustes, qui sans doute sont très - précieux. L'autre appellée dorée, plus jaune que le précédent, est celui à qui Pausanias a donné le nom de marmor croceum, à cause de sa couleur de safran: il se tiroit près de la Macédoine; les bains publics de cette ville en étoient construits. Il se trouve encore à Rome dans la chapelle du mont de
Le marbre de bigionero, dont les carrieres sont perdues, est très rare. Il y en a quelques morceaux dans les magazins du roi.
Le marbre de lumachello, appellé ainsi, parce que sa couleur est mêlée de taches blanches, noires & grises, formées en coquilles de limaçon, d'où il tire son nom, est très - rare, les carrieres en étant perdues: on en voit cependant quelques tables dans les appartemens du roi.
Le marbre de picciniseo, dont les carrieres sont aussi perdues, est veiné de blanc, & d'une couleur approchante de l'isabelle: les quatorze colonnes corinthiennes des chapelles de l'église de la Rotonde à Rome, sont de ce marbre.
Le marbre de breche antique, dont les carrieres sont perdues, est mêlé par tache ronde de différente grandeur, de blanc, de noir, de rouge, de bleu & de gris. Les deux corps d'architecture qui portent l'entablement où sont nichées les deux colonnes de la sépulture de Jacques de Rouvré, grand - prieur de France, dans l'église de S. Jean de Latran à Paris, sont de ce marbre.
Le marbre de breche antique d'Italie, dont les carrieres sont encore perdues, est blanc, noir, & gris: le parement d'autel de la chapelle de S. Denys à Montmartre, est de ce marbre.
Des marbres modernes. Le marbre blanc qui se tire maintenant de Carrare, vers les côtes de Gènes, est dur & fort blanc, & très - propre aux ouvrages de sculpture. On en tire des blocs de telle grandeur que l'on veut; il s'y rencontre quelquefois des crystallins durs. La plûpart des figures modernes du petit parc de Versailles sont de ce marbre.
Le marbre de Carrare, que l'on nomme marbre vierge, est blanc, & se tire des Pyrénées du côté de Bayonne. Il a le grain moins fin que le dernier, reluit comme une espece de sel, & ressemble au marbre blanc antique, dont toutes les statues de la Grece ont été faites; mais il est plus tendre, pas si beau, sujet à jaunir & à se tacher: on s'en sert pour des ouvrages de sculpture.
Le marbre noir moderne est pur & sans tache, comme l'antique; mais beaucoup plus dur.
Le marbre de Dinant, qui se tire près de la ville de ce nom dans le pays de Liége, est fort commun & d'un noir très - pur & très - beau: on s'en sert pour les tombeaux & sépultures. Il y a quatre colonnes corinthiennes au maître autel de l'église de S. Martindes - Champs, du dessein de François Mansard; six colonnes de même ordre au grand autel de S. Louis des peres Jésuites, rue S. Antoine, quatre autres de même ordre dans l'église des peres Carmes déchaussés; & quatre autres composites à l'autel de sainte Thérese de la même église, sont de ce marbre. Les plus belles colonnes qui en sont faites, sont les six corinthiennes du maître autel des Minimes de la Place royale à Paris.
Le marbre de Namur est aussi fort commun, & aussi noir que celui de Dinant, mais pas si parfait, tirant un peu sur le bleuâtre, & étant traversé de quelques filets gris: on en fait un grand commerce de carreau en Hollande.
Le marbre de Thée qui se tire du pays de Liege, du côté de Namur, est d'un noir pur, tendre, & facile à tailler: recevant un plus beau poli que celui de Namur & de Dinant. Il est par conséquent très propre aux ouvrages de sculpture. On en voit quelques chapiteaux corinthiens dans les églises de Flandres, & plusieurs têtes & bustes à Paris.
Le marbre blanc veiné qui vient de Carrare, est d'un bleu foncé sur un fond blanc, mêlé de taches grises & de grandes veines. Ce marbre est sujet à jaunir & à se tacher. On en fait des piédestaux, en<pb-> [p. 818]
Le marbre de Margorre qui se tire du Milanez, est fort dur & assez commun. Sa couleur est d'un fond bleu, mêlé de quelques veines brunes, couleur de fer; une partie du dome de Milan en a été bâti.
Le marbre noir & blanc qui se tire de l'abbaye de Leff près de Dinant, a le fond d'un noir très - pur avec quelques veines fort blanches. De ce marbre sont les quatre colonnes corinthiennes du maître - autel de l'Eglise des Carmélites du faubourg S. Jacques.
Le marbre de Barbançon qui se tire du pays de Hainaut, est un marbre noir veiné de blanc, qui est assez commun. Les six colonnes torses composites du baldaquin du Val - de - Grace, l'architrave de corniche corinthienne de l'autel de la chapelle de Créqui aux Capucines, sont de ce marbre. Le plus beau est celui dont le noir est le plus noir, & dont les veines sont les plus blanches & déliées.
Le marbre de Givet se tire près de Charlemont, sur les frontieres de Luxembourg. Sa couleur est d'un noir veiné de blanc, mais moins brouillé que le Barbançon. Les marches du baldaquin du Val - de - Grace sont de ce marbre.
Le marbre de Portor se tire du pié des Alpes, aux environs de Carrare. Il en est de deux sortes; l'un qui a le fond très - noir mêlé de quelques taches & veines jaunes dorées, est le plus beau; l'autre dont les veines sont blanchâtres est moins estimé. On voit de ce marbre deux colonnes ioniques au tombeau de Jacques de Valois, duc d'Angoulême, dans l'église des Minimes de la Place royale; deux autres de même ordre dans la chapelle de Rostaing de l'église des Feuillans rue S. Honoré; plusieurs autres dans l'appartement des bains à Versailles, & plusieurs tables, chambranles de cheminées, foyers, &c. au même château, à Marly & à Trianon.
Le marbre de S. Maximin est une espece de portor, dont le noir & le jaune sont très - vifs: on en voit quelques échantilions dans les magasins du roi.
Le marbre de serpentin moderne vient d'Allemagne, & sert plutôt pour des vases & autres ornemens de cette espece, que pour des ouvrages d'Architecture.
Le marbre verd moderne est de deux especes; l'une que l'on nomme improprement verd d'Egypte, se tire près de Carrare sur les côtes de Gènes. Sa couleur est d'un verd foncé, mêlé de quelques taches de blanc & de gris - de - lin. Les deux cuves rectangulaires des sontaines de la Gloire, & de la Victoire dans le bosquet de l'arc de triomphe à Versailles, la cheminée du cabinet des bijoux, & celle du cabinet de monseigneur le dauphin à S. Germain en Laye, sont de ce marbre; l'autre qu'on nomme verd de mer, se tire des environs. Sa couleur est d'un verd plus clair, mêlé de veines blanches. On en voir quatre colonnes ioniques dans l'église des Carmélites du faubourg saint Jacques à Paris.
Le marbre jaspé est celui qui approche du jaspe antique; le plus beau est celui qui en approche le plus.
Le marbre de Lumachello moderne vient d'Italie, & est presque semblable à l'antique; mais les taches n'en sont pas si bien marquées.
Le marbre de Breme qui vient d'Italie, est d'un fond jaune mêlé de taches blanches.
Le marbre occhio di pavone, oeil de paon, vient aussi d'Italie, & est mêlé de taches blanches, bleuâtres, & rouges, ressemblantes en quelque sorte aux especes d'yeux qui sont au bourdes plumes de la queue des paons; ce qui lui a fait donner ce nom.
Le marbre porta sancta ou serena, de la porte sainte ou seraine, est un marbre mêlé de grandes taches &
Le marbre fior di persica, ou fleur de pêcher, qui vient d'Italie, est mêlé de taches blanches, rouges & un peu jaunes: on voit de ce marbre dans les magasins du roi.
Le marbre di Vescovo, ou de l'évêque, qui vient aussi d'Italie, est mêlé de veines verdâtres, ttaversées de bandes blanches, allongées, arrondies & transparentes.
Le marbre de brocatelle, appellé brocatelle d'Espagne, & qui se tire d'une carriere antique de Tortose en Andalousie, est très - rare. Sa couleur est mêlée de petites nuances de couleurs jaune, rouge, grise, pâle & isabelle. Les quatre colonnes du maître - autel des Mathurins à Paris sont de ce marbre; ainsi que quelques chambranles de cheminées à Trianon, & quelques petits blocs dans les magasins du roi.
Le marbre de Boulogne est une espece de brocatelle qui vient de Picardie, mais dont les taches sont plus grandes, & mêlées de quelques filets rouges. Le jubé de l'église métropolitaine de Paris en est construit.
Le marbre de Champagne qui tient de la brocatelle, est mêlé de bleu par taches rondes comme des yeux de perdrix; il s'en trouve encore d'autres mêlés par nuances de blanc & de jaune pâle.
Le marbre de Sainte Baume se tire du pays de ce nom en Provence. Sa couleur est d'un fond blanc & rouge, mêle de jaune approchant de la brocatelle. Ce marbre est fort rare, & a valu jusqu'à 60 livres le pié cube. Il s'en voit deux colonnes corinthiennes à une chapelle à côté du maître - autel de l'église du Calvaire au Marais.
Le marbre de Tray qui se tire près Sainte Baume en Provence, ressemble assez au précédent. Sa couleur est un fond jaunâtre, tacheté d'un peu de rouge, de blanc & de gris mêlé. Les pilastres ioniques du sallon du château de Seaux, quelques chambranles de cheminée au même château, & quelques autres à Trianon, sont de ce marbre.
Le marbre de Languedoc est de deux especes; l'une qui se tire près de la ville de Cosne en Languedoc, est très - commun. Sa couleur est d'un fond rouge, de vermillon sale, entremêlé de grandes veines & taches blanches. On l'emploie pour la décoration des principales cours, vestibules, péristiles, &c. Les retraites de la nef de S. Sulpice, l'autel de Notre Dame de Savonne dans l'église des Augustins déchaussés à Paris, ainsi que les quatorze colonnes ioniques de la cour du château de Trianon, sont de ce marbre; l'autre qui vient de Narbonne, & qui est de couleur blanche, grise & bleuâtre, est beaucoup plus estimé.
Le marbre de Roquebrue qui se tire à sept lieues de Narbonne, est à - peu - près semblable à celui du Languedoc; & ne differe qu'en ce que ses taches blanches sont toutes en forme de pommes rondes: il s'en trouve plusieurs blocs dans les magasins du roi.
Le marbre de Caen en Normandie, est presque semblable à celui de Languedoc, mais plus brouillé, & moins vif en couleur. Il se trouve de ce marbre à Vallery en Bourgogne, au tombeau de Henri de Bourbon prince de Condé.
Le marbre de griotte, ainsi appellé, parce que sa couleur approche beaucoup des griottes ou cerises, se tire près de Cosne en Languedoc, & est d'un rouge foncé, mêlé de blanc sale; le chambranle de cheminée du grand appartement du roi à Trianon, est de ce marbre.
Le marbre de bleu turquin vient des côtes de Genes. Sa couleur est mêlé de blanc sale, sujette à [p. 819]
Le marbre de Serancolin se tire d'un endroit appellé le Val d'or, ou la vallée d'or, près Serancolin & des Pyrénées en Gascogne. Sa couleur est d'un rouge couleur de sang, mêlé de gris, de jaune, & de quelques endroits transparens comme l'agate; le plus beau est très - rare, la carriere en étant épuisée. Il se trouve dans le palais des tuileries quelques chambranles de cheminées de ce marbre. Les corniches & bases des piédestaux de la galerie de Versailles, le pié du tombeau de M. le Brun dans l'église de S. Nicolas du chardonnet, sont aussi de ce marbre: on en voit dans les magasins du roi des blocs de douze piés, sur dix - huit pouces de grosseur.
Le marbre de Balvacaire se tire au bas de Saint - Bertrand, près Cominges en Gascogne. Sa couleur est d'un fond verdâtre, mêlée de quelques taches rouges, & fort peu de blanches: il s'en trouve dans les magasins du roi.
Le marbre de campan se tire des carrieres prés Tarbes en Gascogne, & se nomme de la couleur qui y domine le plus: il y en a de blanc, de rouge, de verd & d'isabelle, mêlé par taches & par veines. Celui que l'on nomme verd de campan est d'un verd très vif, mêlé seulement de blanc, & est fort commun. On en fait des chambranles, tables, soyers, &c. Les plus grands morceaux que l'on en ait, sont les huit colonnes ioniques du château de Trianon.
Le marbre de siguan qui est d'un verd brun mêlé de taches rouges, qui sont quelquefois de couleur de chair mêlée de gris, & de quelques filets verds dans un même morceau; il ressemble assez au moindre campan verd. Le piédestal extraordinaire de la cosonne funéraire d'Anne de Montmorency, Connétable de France, aux Célestins; les piédestaux, socles & appuis de l'autel des Minimes de la Place royale, & les quatre pilastres corinthiens de la chapelle de la Vierge dans l'église des Carmes déchaussés à Paris, sont de ce marbre.
Le marbre de Savoie qui se tire du pays de ce nom, est d'un fond rouge, mêlé de plusieurs autres couleurs, qui semblent être mastiquées De ce marbre sont les deux colonnes ioniques de la porte de l'hôtel - de - ville de Lyon.
Le marbre de gauchenet qui se tire près de Dlnant, est d'un fond rouge brun, tacher, & mêle de quelques veines blanches. On voit de ce marbre quatre colonnes au tombeau du cardinal de Biraque, dans l'église de la Culture sainte Catherine; quatre aux autels de saint Ignace & de saint François Xavier, dans l'église de saint Louis des peres Jésuites, rue saint Antoine; six au maître - autel de l'église de saint Eustache, quatre à celui de l'église des Cordeliers, & quatre au maître - autel de l'église des Filles - Dieu, rue saint Denis, toutes d'ordre corinthien.
Le marbre de Leff, abbaye près de Dinant, est d'un rouge pâle, avec de grandes plaques & quelques veines blanches. Le chapiteau du sanctuaire derriere le baldaquin du Val - de - grace à Paris, est de ce marbre.
Le marbre de rance qui se tire du pays de Hainaut, & qui est très - commun, est aussi de différente beauté. Sa couleur est d'un fond rouge sale, mêlé de taches, & de veines bleues & blanches. Les plus grands morceaux que l'on en ait à Paris, sont les six colonnes corinthiennes du maître - autel de l'église de la Sorbonne. On en voit à la chapelle de la Vierge de la même église, quatre autres de même ordre & de moyenne grandeur; & huit plus petites aux quatre autres petits autels. Les huit colonnes ioniques de la
Le marbre de Bazalto a le fond d'un brun clair & sans tache, avec quelques filets gris seulement, mais si déliés, qu'ils ressemblent à des cheveux qui commencent à grisonner: on en voit quelques tables dans les appartemens du Roi.
Le marbre d'Auvergne, qui se tire de cette province, est d'un fond couleur de rose, mêlé de violet, de jaune & de vert; il se trouve dans la piece entre la salle des ambassadeurs & le sallon de lagrande galerie à Versailles, un chambranle de cheminée de ce marbre.
Le marbre de Bourbon, qui se tire du pays de ce nom, est d'un gris bleuâtre & d'un rouge sale, mêlé de veines de jaune sale. On en fait communément des compartimens de pavé de sallons, vestibules, péristiles, &c. Le chambranle de la cheminée de la salle du bal à Versailles, & la moitié du pavé au premier étage de la galerie du nord, de plain pié à la chapelle, sont de ce marbre.
Le marbre de Hon, qui vient de Liege, est de couleur grisâtre & blanche, mêlé d'un rouge couleur de sang. Les piédestaux, architraves & corniches du maître autel de l'église de S. Lambert à Liege, sont de ce marbre.
Le marbre de Sicile est de deux especes; l'un que l'on nomme ancien, & l'autre moderne. Le premier est d'un rouge brun, blanc & isabelle, & par taches quarrées & longues, semblables à du taffetas rayé; ses couleurs sont très - vives. Les vingt - quatre petites colonnes corinthiennes du tabernacle des PP. de l'Oratoire rue saint Honoré, ainsi que quelques morceaux de dix à douze piés de long dans les magasins du Roi, sont de ce marbre. Le second, qui ressemble à l'ancien, est une espece de breche de Verone; voyez ci - après. On en voit quelques chambranles & attiques de cheminée dans le château de Meudon.
Le marbre de Suisse est d'un fond bleu d'ardoise, mêlé par nuance de blanc pâle.
Des marbres de breche moderne. La breche blanche est mêlée de brun, de gris, de violet, & de grandes taches blanches.
La breche noire ou petite breche est d'un fond gris, brun, mêlé de taches noires & quelques petits points blancs. Le socle & le fond de l'autel de Notre - Dame de Savonne, dans l'église des PP. Augustins déchaussés à Paris, sont de ce marbre.
La breche dorée est mêlée de taches jaunes & blanches. Il s'en trouve des morceaux dans les magasins du Roi.
La breche coraline ou serancoline a quelques taches de couleur de corail. Le chambranle de la principale piece du grand appartement de l'hôtel de Saint - Pouange à Paris, est de ce marbre.
La breche violette ou d'Italie moderne a le fond brun, rougeâtre, avec de longues veines ou taches violettes mêlées de blanc. Ce marbre est très - beau pour les appartemens d'été; mais si on le néglige & qu'on n'ait pas soin de l'entretenir, il passe, se jaunit, & est sujet à se tacher par la graisse, la cire, la peinture, l'huile, &c.
La breche isabelle est mêlée de taches blanches, violettes & pâles, avec de grandes plaques de couleur isabelle. Les quatre colonnes doriques isolées dans le vestibule de l'appartement des bains à Versailles, sont de ce marbre. [p. 820]
La breche des Pyrénées est d'un fond brun, mêlé de gris & de plusieurs autres couleurs. De ce marbre sont deux belles colonnes corinthiennes au fond du maître autel de Saint Nicolas des Champs à Paris.
La breche grosse ou grosse breche, ainsi appellée parce qu'elle a toutes les couleurs des autres breches, est mêlée de taches rouges, grises, jaunes, bleues, blanches & noires. Des quatre colonnes qui portent la châsse de Sainte Génevieve dans l'église de ce nom à Paris, les deux de devant sont de ce marbre.
La breche de Vérone est entremêlée de bleu, de rouge pâle & cramoisi. Il s'en trouve un chambranle de cheminée dans la derniere piece de Trianon, sous le bois du côté des sources.
La breche sauveterre est mêlée de taches noires, grises & jaunes. Le tombeau de la mere de M. Lebrun, premier peintre du Roi, qui est dans sa chapelle à Saint Nicolas du chardonnet, est de ce marbre.
La breche saraveche a le fond brun & violet, mêlé de grandes taches blanches & isabelles. Les huit colonnes corinthiennes du maître autel des grands Augustins, sont de ce marbre.
La breche saraveche petite, ou petite breche saraveche, n'est appellée ainsi que parce que les taches en sont plus petites.
La breche sette bazi ou de sept bases, a le fond brun, mêlé de petites taches rondes de bleu sale. Il s'en trouve dans les magasins du Roi.
Il se trouve encore à Paris plusieurs autres marbres, comme celui d'Antin, de Laval, de Cerfontaine, de Bergoopzom, de Montbart, de Malplaquet, de Merlemont, de Saint - Remy & le royal, ainsi que quelques breches, comme celles de Florence, de Florieres, d'Alet, &c.
Les marbres antiques s'emploient par corvée, & se payent à proportion de leur rareté; les marbres modernes se payent depuis douze livres jusqu'à cent livres le pié cube, façon à part, à proportion de leur beauté & de leur rareté.
Des défauts du marbre. Le marbre, ainsi que la pierre, a des défauts qui peuvent le faire rebuter: ainsi on appelle.
Marbre fier celui qui, à cause de sa trop grande dureté, est difficile à travailler, & sujet à s'éclater comme tous les marbres durs.
Marbre pouf, celui qui est de la nature du grais, & qui étant travaillé ne peut retenir ses arrêtes vives, tel est le marbre blanc des Grecs, celui des Pyrénées & plusieurs autres.
Marbre terrasseux, celui qui porte avec lui des parties tendres appellées terrasses, qu'on est souvent obligé de remplir de mastic, tel que le marbre de Languedoc, celui de Hon, & la plûpart des breches.
Marbre filardeux, celui qui a des fils qui le traversent, comme celui de Sainte - Baume, le serancolin, le rance, & presque tous les marbres de couleur.
Marbre camelotté, celui qui étant de même couleur après avoir été poli, paroît tabisé, comme le marbre de Namur & quelques autres.
Du marbre selon ses façons. On appelle marbre brut celui qui étant sorti de la carriere en bloc d'échantillon ou par quartier, n'a pas encore été travaillé.
Marbre dégrossi, celui qui est débité dans le chantier à la scie, ou seulement équarri au marteau, selon la disposition d'un vase, d'une figure, d'un profil, ou autre ouvrage de cette espece.
Marbre ébauché, celui qui ayant déja reçu quelques
membres de sculpture ou d'architecture, est travaillé
à la double pointe (
Marbre píqué, celui qui est travaillé avec la pointe
du marteau (
Marbre mattc, celui qui est frotté avec de la prêle (a) ou de la peau de chien de mer (b), pour détacher des membres d'architecture ou de sculpture de dessus un fond poli.
Marbre poli, celui qui ayant été frotté avec le grais & le rabot (c) & ensuite repassé avec la pierre de ponce, est poli à force de bras avec un tampon de linge, & de la potée d'émeril pour les marbres de couleur, & de la potée d'étain pour les marbres blancs, celle d'émeril les rouffissant. Il est mieux de se servir, ainsi qu'on le pratique en Italie, d'un morceau de plomb au lieu de linge, pour donner au marbre un plus beau poli & de plus longue durée; mais il en coûte beaucoup plus de tems & de peine. Le marbre sale, terne ou taché, se repolit de la même maniere. Les taches d'huile, particulierement sur le blanc, ne peuvent s'effacer, parce qu'elles pénetrent.
Marbre fini, celui qui ayant reçu toutes les opérations de la main - d'oeuvre, est prêt à être posé en place.
Marbre artificiel, celui qui est fait d'une composition de gypse en maniere de stuc, dans laquelle on met diverses couleurs pour imiter le marbre. Cette composition est d'une consistance assez dure & reçoit le poli, mais sujette à s'écailler. On fait encore d'autres marbres artificiels avec des teintures corrosives sur du marbre blanc, qui imitent les différentes couleurs des autres marbres, en pénétrant de plus de quatre lignes dans l'épaisseur du marbre: ce qui fait que l'on peut peindre dessus des figures & des ornemens de toute espece: ensorte que si l'on pouvoit débiter ce marbre par feuilles très - minces, on en auroit autant de tableaux de même façon. Cette invention est de M. le comte de Cailus.
Marbre feint, peinture qui imite la diversité des couleurs, veines & accidens des marbres, à laquelle on donne une apparence de poli sur le bois ou sur la pierre, par le vernis que l'on pose dessus.
De la brique en général. La brique est une espece de pierre artificielle, dont l'usage est très - nécessaire dans la construction des bâtimens. Non - seulement on s'en sert avantageusement au lieu de pierre, de moilon ou de plâtre, mais encore il est de certains genres de construction qui exigent de l'employer préférablement à tous les autres matériaux, comme pour des voûtes legeres, qui exigent des murs d'une moindre épaisseur pour en retenir la poussée; pour des languettes (d) de cheminées, des contre - coeurs, des foyers, &c. Nous avons vu ci - devant que cette pierre étoit rougeâtre & qu'elle se jettoit en moule; nous allons voir maintenant de quelle maniere elle se fabrique, connoissance d'autant plus nécessaire, que dans de certains pays il ne s'y trouve souvent point de carrieres à pierre ni à plâtre, & que par - là on est forcé de faire usage de brique, de chaux & de sable.
De la terre propre à faire de la brique. La terre la plus propre à faire de la brique est communément appellée terre glaise; la meilleure doit être de couleur grise ou blanchâtre, grasse, sans graviers ni cailloux, étant plus facile à corroyer. Ce soin étoit fort recommandé par Vitruve, en parlant de celles dont les anciens se servoient pour les cloisons, murs, planchers, &c. qui étoient mêlées de foin & de paille hachée, & point cuites, mais seulement séchées au soleil pendant quatre ou cinq ans, parce
(a) Prêle, espece de plante aquatique très - rude. (b) Chien de mer, sorte de poisson de mer dont la peau d'une certaine rudesse est très - bonne pour cet usage. (c) Rabot, est un morceau de bois dur avec lequel on frotte le marbre. (d) Espece de cloison qui sépare plusieurs tuyaux de cheminée dans une souche.[p. 821]
La terrequi est rougeâtre est beaucoup moins estimée pour cet usage, les briques qui en sont faites étant plus sujettes à se feuilleter & à se réduire en poudre à la gelée.
Vitruve prétend qu'il y a trois sortes de terre propres à faire de la brique; la premiere, qui est aussi blanche que de la craie; la seconde, qui est rouge; & la troisieme, qu'il appelle sablon mâle. Au rapport de Pérault, les interpretes de Vitruve n'ont jamais pu décider quel étoit ce sablon mâle dont il parle, & que Pline prétend avoir été employé de son tems pour faire de la brique. Philander pense que c'est une terre solide & sablonneuse; Barbaro dit que c'est un sable de riviere gras que l'on trouve en pelotons, comme l'encens mâle: & Baldus rapporte qu'il a été appellé mâle, parce qu'il étoit moins aride que l'autre sable. Au reste, sans prendre garde scrupuleusement à la couleur, on reconnoîtra qu'une terre est propre à faire de bonnes briques, si après une petite pluie on s'apperçoit qu'en marchant dessus elle s'attache aux piés & s'y amasse en grande quantité, sans pouvoir la détacher facilement, ou si en la paitrissant dans les mains on ne peut la diviser sans peine.
De la maniere de faire la brique. Après avoir choisi
un espace de terre convenable, & l'ayant reconnu
également bonne par - tout, il faut l'amasser par monceaux
& l'exposer à la gelée à plusieurs reprises,
ensuite la corroyer avec la houe (
On y mêle quelquefois de la bourre & du poil de boeuf pour la mieux lier, ainsi que du sablon pour la rendre plus dure & plus capable de resister au fardeau lorsqu'elle est cuite. Cette pâte faite, on la jette par motte dans des moules faits de cadres de bois de la même dimension qu'on veut donner à la brique; & lorsqu'elle est à demi seche, on lui donne avec le couteau la forme que l'on juge à propos.
Le tems le plus propre à la faire sécher, selon Vitruve, est le printems & l'automne, ne pouvant sécher en hiver, & la grande chaleur de l'êté la séchant trop promprement à l'extérieur, ce qui la fait fendre, tandis que l'intérieur reste humide. Il est aussi nécessaire, selon lui, en parlant des briques crues, de les laisser sécher pendant deux ans, parce qu'étant employés nouvellement faites, elles se resserent & se séparent à mesure qu'elles se sechent: d'ailleurs l'enduit qui les retient ne pouvant plus se soutenir, se détache & tombe; & la muraille s'affaissant de part & d'autre inégalement, fait périr l'édifice.
Le même auteur rapporte encore que de son tems
dans la ville d'Utique il n'étoit pas permis de se servir
de brique pour bâtir qu'elle n'eût été visitée par
le magistrat, & qu'on eût été sûr qu'elle avoit séché
pendant cinq ans. On se sert encore maintenant de
briques crues, mais ce n'est que pour les fours à
chaux (
La meilleure brique est celle qui est d'un rouge pâle tirant sur le jaune, d'un grain serré & compacte, & qui lorsqu'on la frappe rend un son clair & net. Il arrive quelquefois que les briques faites de même terre & préparées de même, sont plus ou moins rouges les unes que les autres, lorsqu'elles sont cuites, & par conséquent de différente qualité: ce qui vient des endroits où elles ont été placées dans le four, & où le feu a eu plus ou moins de force pour les cuire. Mais la preuve la plus certaine pour connoître la meilleure, sur - tout pour des édifices de quelque importance, est de l'exposer à l'humidité & à la gelée
Autrefois on se servoit à Rome de trois sortes de briques; la premiere qu'on appelloit didodoron, qui avoit deux palmes en quarré; la seconde, tetradoron, qui en avoit quatre; & la troisieme, pentadoron, qui en avoit cinq: ces deux dernieres manieres ont été long tems employées par les Grecs. On faisoit encore à Rome des demi - briques & des quarts de briques, pour placer dans les angles des murs & les achever. La brique que l'on faisoit autrefois, au rapport de Vitruve, à Calente en Espagne, à Marseille en France, & à Pitence en Asie, nageoit sur l'eau comme la pierre - ponce, parce que la terre dont on la faisoit étoit très - spongieuse, & que ses pores externes étoient tellement serrés lorsqu'elle étoit seche, que l'eau n'y pouvoit entrer, & par conséquent la faisoit surnager. La grandeur des briques dont on se sert à Paris & aux environs, est ordinairement de huit pouces de longueur, sur quatre de largeur & deux d'épaisseur, & se ven d depuis 30 jusqu'à 40 livres le millier.
Il faut éviter de les faire d'une grandeur & d'une épaisseur trop considérable, à moins qu'on ne leur donne pour sécher un tems proportionné à leur grosseur; parce que sans cela la chaleur du feu s'y communique inégalement, & le coeur étant moins atteint que la superficie, elles se gersent & se fendent en cuisant.
La tuile pour les couvertures des bâtimens, le carreau pour le sol des appartemens, les tuyaux de grais pour la conduite des eaux, les boisseaux pour les chausses d'aisance, & généralement toutes les autres poteries de cette espece, se font avec la même terre, se préparent & se cuisent exactement de la même maniere. Ainsi ce que nous avons dit de la brique, peut nous instruire pour tout ce que l'on peut faire en pareille terre.
Du plâtre en général. Le plâtre du grec
De la pierre propre à faire le plâtre. La pierre propre à faire du plâtre se trouve dans le sein de la terre, comme les autres pierres. On n'en trouve des carrieres qu'aux environs de Paris, comme à Montmartre, Belleville, Meudon, & quelques autres endroits. Il y en a de deux especes: l'une dure, & l'autre tendre. La premiere est blanche & remplie de petits grains luisans: la seconde est grisâtre, & sert, comme nous l'avons dit ci - devant, à la construction des bicoques & murs de clôtures dans les campagnes. L'une & l'autre se calcinent au feu, se blanchissent & se réduitent en poudre apres la cuisson. Mais les ouvriers préferent la derniere, étant moins dure à cuir.
De la maniere de faire cuir le plâtre. La maniere de faire cuir le plâtre consiste à donner un degré de chaleur capable de dessecher peu - à - peu l'humidité qu'il renferme, de faire évaporer les parties qui le lient, & de disposer aussi le feu de maniere que la chaleur agisse toujours également sur lui. Il faut encore arranger dans le four les pierres qui doivent être calcinées, ensorte qu'elles soient toutes égale<pb-> [p. 822]
Le plâtre bien cuit se connoît lorsqu'en le maniant on sent une espece d'onctuosité ou graisse, qui s'attache aux doigts; ce qui fait qu'en l'employant il prend promptement, se durcit de même, & fait une bonne liaison; ce qui n'arrive point lorsqu'il a été mal cuit.
Il doit être employé le plutôt qu'il est possible, en sortant du four, si cela se peut: car étant cuit, il devient une espece de chaux, dont les esprits ne peuvent jamais être trop - tôt fixés: du - moins si on ne peut l'employer sur le champ, faut - il le tenir à couvert dans des lieux secs & à l'abri du soleil; car l'humidité en diminue la force, l'air dissipe ses esprits & l'évente, & le soleil l'échauffe & le fait fermenter: ressemblant en quelque sorte, suivant M. Belidor, à une liqueur exquise qui n'a de saveur qu'autant qu'on a eu soin d'empêcher ses esprits de s'évaporer. Cependant lorsque dans un pays où il est cher, on est obligé de le conserver, il faut alors avoir soin de le serrer dans des tonneaux bien fermés de toute part, le placer dans un lieu bien sec, & le garder le moins de tems qu'il est possible.
Si l'on avoit quelque ouvrage de conséquence à faire, & qu'il fallût pour cela du plâtre cuit à propos, il faudroit alors envoyer à la carriere, prendre celui qui se trouve au milieu du four, étant ordinairement plutôt cuit que celui des extrémités. Je dis au milieu du four, parce que les ouvriers ont bien soin de ne jamais le laisser trop cuire, étant de leur intérêt de consommer moins de bois. Sans cette précaution, on est sûr d'avoir toujours de mauvais plâtre: car, après la cuisson, ils le mêlent tout ensemble; & quand il est en poudre, celui des extrémités du four & celui du milieu sont confondus. Ce dernier qui eût été excellent, s'il avoit été employé à part, est altéré par le mélange que l'on en fait, & ne vaut pas à beaucoup près ce qu'il valoit auparavant.
Il faut aussi éviter soigneusement de l'employer pendant l'hiver ou à la fin de l'automne, parce que le froid glaçant l'humidité de l'eau avec laquelle il a été gaché (e), & l'esprit du plâtre étant amorti, il ne peut plus faire corps; & les ouvrages qui en sont faits tombent par éclats, & ne peuvent durer long - tems.
Le plâtre cuit se vend 10 à 11 livres le muid, contenant 36 sacs, ou 72 boisseaux, mesure de Paris, qui valent 24 piés cubes.
Du plâtre selon ses qualités. On appelle plâtre cru la pierre propre à faire le plâtre, qui n'a pas encore été cuite au four, & qui sert quelquefois de moilons après l'avoir exposé long - tems à l'air.
Plâtre blanc, celui qui a été rablé, c'est à - dire dont on a ôté tout le charbon provenant de la cuisson; précaution qu'il faut prendre pour les ouvrages de sujétion.
Plâtre gris, celui qui n'a pas été rablé, étant destiné pour les gros ouvrages de maçonnerie.
Plâtre gras, celui qui, comme nous l'avons dit, étant cuit à - propos, est doux & facile à employer.
Plâtre vert, celui qui ayant été mal cuit, se dissout en l'employant, ne fait pas corps, & est sujet à se gerser, à se fendre & à tomber par morceau à la moindre gelée.
Plâtre mouillé, celui qui ayant été exposé à l'humidité ou à la pluie, a perdu par - là la plus grande
(e) Gâcher du plâtre, c'est se mêler avec de l'eau.
Plâtre éventé, celui qui ayant été exposé trop long - tems à l'air, après avoir été pulvérisé, a de la peine à prendre, & fait infailliblement une mauvaise construction.
Du plâtre selon ses façons. On appelle gros plâtre celui qui ayant été concassé grossierement à la carriere, est destiné pour la construction des fondations, ou des gros murs bâtis en moilon ou libage, ou pour hourdir (f) les cloisons, bâtis de charpente, ou tout autre ouvrage de cette espece. On appelle encore de ce nom les gravois criblés ou rebattus, pour les renformis (g), hourdis ou gobetayes (h).
Plâtre au panier, celui qui est passé dans un mancquin
d'osier clair (
Plâtre au sas, celui qui est fin, passé au sas (k), & qui sert pour les enduits (l) des membres d'architecture & de seulpture.
Toutes ces manieres d'employer le plâtre exigent aussi de le gacher serré, clair ou liquide.
On appelle plâtre gaché - serré celui est le moins abreuvé d'eau, & qui sert pour les gres ouvrages, comme enduits, scellement, &c.
Plâtre gaché clair, celui qui est un peu plus abreuvé d'eau, & qui sert à trainer au calibre des membres d'architecture, comme des chambranles, corniches, cimaises, &c.
Plâtre gaché liquide, celui qui est le plus abreuvé d'eau, & qui sert pour couler, caller, ficher & jointoyer les pierres, ainsi que pour les enduits des cloisons, plafonds, &c.
De la chaux en général. La chaux, du latin calx, est une pierre caleinéc, & cuite au four qui se détrempe avec de l'eau, comme le plâtre: mais qui ne pouvant agir seule comme lui pour lier les pierres ensemble, a besoin d'autres agens, tel que le sable, le ciment ou la pozolanne, pour la faire valoir. Si l'on piloit, dit Vitruve, des pierres avant que de les cuir, on ne pourroit en rien faire de bon: mais fi on les cuit assez pour leur faire perdre leur premiere solidité & l'humidité qu'elles contiennent naturellement, elles deviennent poreuses & remplies d'une chaleur intérieure, qui fait qu'en les plongeant dans l'eau avant que cette chaleur soit dissipée, elles acquierent une nouvelle force, & s'échauffent par l'humidité qui, en les refroidissant, pousse la chaleur au - dehors. C'est ce qui fait que quoique de même grosseur, elles pesent un tiers de moins après la cuisson.
De la pierre propre à faire de la chaux. Toutes les pierres sur lesquelles l'eau - forte agit & bouillonne, sont propres à faire de la chaux; mais les plus dures & les plus pesantes sont les meilleures. Le marbre même, lorsqu'on se trouve dans un pays où il est commun, est préférable à toute autre espece de pierre. Les coquilles d'huitres sont encore très - propres pour cet usage: mais en général celle qui est tirée fraîchement d'une carriere humide & à l'ombre, est très bonne. Palladio rapporte que, dans les montagnes de Padoue, il se trouve une espece de pierre écaillée, dont la chaux est excellente pour les ouvrages exposés à l'air, & ceux qui sont dans l'eau, parce qu'elle prend promptement & dure très - long - tems.
(f) Hourdir, est mâconner grossierement avec du mortier ou du plâtre; c'est aussi faire l'aire d'un plancher sur des lattes. (g) Renformis, est la réparation des vieux murs. (h) Gobeter, c'est jetter du plâtre avec la truclle, & le faire entrer avec la main dans les joints des murs. (i) Crepis, plâtre ou mortier employé avec un balai, sans passer la main ni la truelle par - dessus. (k) Sas est une espece de tamis,[p. 823]fig. 140 . (l) Enduit, est une couche de plâtre ou de mortier sur un mur de moilon, ou sur une cloison de charpente.
Philibert Delorme conseille de faire la chaux avec les mêmes pierres avec lequelles on bâtit, parce que, dit - il, les sels volatils dont la chaux est dépourvue après sa cuisson, lui sont plus facilement rendus par des pierres qui en contiennent de semblables.
De la maniere à faire cuire la chaux. On se sert pour
cuire la chaux de bois ou de charbon de terre, mais
ce dernier est préférable, & vaut beaucoup mieux;
parce que non - seulement il rend la chaux beaucoup
plus grasse & plus onctueuse, mais elle est bien plutôt
cuite. La meilleure chaux, selon cet auteur, est
blanche, grasse, sonore, point éventée; en la
mouillant, rend une fumée abondante; & lorsqu'on
la détrempe, elle se lie fortement au rabot,
Il est bon de savoir que plus la chaux est vive, plus elle foisonne en l'éteignant, plus elle est grasse & onctueuse, & plus elle porte de sable.
Si la qualité de la pierre peut contribuer beaucoup à la bonté de la chaux, aussi la maniere de l'éteindre avant que de l'unir avec le sable ou le ciment, peut réparer les vices de la pierre, qui ne se rencontre pas également bonne par - tout où l'on veut bâtir.
De la maniere d'éteindre la chaux. L'usage ordinaire
d'éteindre la chaux en France, est d'avoir deux
bassins A & B,
La chaux ainsi éteinte, on la laissera refroidir quelques jours, après lesquels on pourra l'employer. Quelques - uns prétendent que c'est - là le moment de
Mais si on vouloit la conserver, il faudroit avoir soin de la couvrir de bon sable, d'environ un pié ou deux d'épaisseur. Alors elle pourroit se garder deux ou trois ans sans perdre sa qualité.
Il arrive quelquefois que l'on trouve dans la chaux éteinte des parties dures & pierreuses, qu'on appelle biscuits ou recuits, qui ne sont d'aucun usage, & qui pour cela sont mis à part pour en tenir compte au marchand. Ces biscuits ne sont autre chose que des pierres qui ont été mal cuites, le feu n'ayant pas été entretenu également dans le fourneau; c'est pour cela que Vitruve & Palladio prétendent que la chaux qui a demeuré deux ou trois ans dans le bassin, est beaucoup meilleure; & leur raison est que s'il se rencontre des morceaux qui ayent été moins cuits que les autres, ils ont eu le tems de s'éteindre & de se détremper comme les autres. Mais Palladio en excepte celle de Padoue, qu'il faut, dit - il, employer aussi - tôt après sa fusion: car si on la garde, elle se brûle & se consomme de maniere qu'elle devient entierement inutile.
La maniere que les anciens pratiquoient pour
éteindre la chaux, étoit de faire usage seulement
d'un bassin creusé dans la terre, comme seroit celui
B de la
Les endroits qui fournissent le plus communément de la chaux à Paris & aux environs, sont Boulogne, Senlis, Corbeil, Melun, la Chaussée près Marly, & quelques autres. Celle de Boulogne qui est faite d'une pierre un peu jaunâtre, est excellente & la meilleure. On employe à Mets & aux environs une chaux excellente qui ne se fuse point. Des gens qui n'en connoissoient pas la qualité, s'aviserent d'en fuser dans des trous bien couverts de sable. L'année suivante, ils la trouverent si dure, qu'il fallut la casser avec des coins de fer, & l'employer comme du moilon. Pour bien éteindre cette chaux, dit M. Belidor, il la faut couvrir de tout le sable qui doit entrer dans le mortier, l'asperger ensuite d'eau à différente reprise. Cette chaux s'éteint ainsi sans qu'il sorte de fumée au dehors, & fait de si bon mortier, que dans ce pays - là toutes les caves en sont faites sans aucun autre mélange que de gros gravier de riviere, & se change en un mastic si dur, que lorsqu'il a fait corps, les meilleurs outils ne peuvent l'entamer.
Comme il n'est point douteux que ce ne peut être que l'abondance des sels que contiennent de certaines pierres, qui les rendent plus propres que d'autres à faire de bonne chaux; il est donc possible par ce moyen d'en faire d'excellente dans les pays où elle a coutume d'être mauvaise, comme on le va voir. [p. 824]
Il faut d'abord commencer, comme nous l'avons
dit ci - dessus, par avoir deux bassins A & B,
Il faut encore remarquer que toutes les eaux ne sont pas propres à éteindre la chaux; celles de riviere & de source sont les plus convenables: celle de puits peut cependant être d'un bon usage, mais il ne faut pas s'en servir sans l'avoir laissé séjourner pendant quelque tems à l'air, pour lui ôter sa premiere fraîcheur qui ne manqueroit pas sans cela de resserrer les pores de la chaux, & de lui ôter son activité. Il faut sur - tout éviter de se servir d'eau bourbeuse & croupie, étant composée d'une infinité de corps étrangers capables de diminuer beaucoup les qualités de la chaux. Quelques uns prétendent que l'eau de la mer n'est pas propre à éteindre la chaux, ou l'est très - peu, parce qu'étant salée, le mortier fait de cette chaux seroit difficile à sécher. D'autres au contraire prétendent qu'elle contribue à faire de bonne chaux, pourvû que cette derniere soit forte & grasse, parce que les sels dont elle est composée, quoique de différente nature, concourent à la coagulation du mortier; au lieu qu'étant foible, ses sels détruisent ceux de la chaux comme leur étant inférieurs.
De la chaux selon ses façons. On appelle chaux vive celle qui bout dans le bassin lorsqu'on la détrempe.
Chaux éteinte ou fusée, celle qui est détrempée, & que l'on conserve dans le bassin. On appelle encore chaux fusée, celle qui n'ayant point été éteinte, est restée trop long - tems exposée à l'air, & dont les sels & les esprits se sont évaporés, & qui par conséquent n'est plus d'aucun usage.
Lait de chaux, ou laitance, celle qui a été détrempée claire, qui ressemble à du lait, & qui sert à blanchir les murs & plafonds.
La chaux se vend à Paris, au muid contenant douze septiers, le septier deux mines, & la mine deux minots, dont chacun contient un pié cube. On la mesure encore par futailles, dont chacune contient quatre piés cubes: il en faut douze pour un muid, dont six sont mesurés combles, & les autres rases.
Du sable. Le sable, du latin sabulum, est une matiere qui differe des pierres & des cailloux; c'est une espece de gravier de différente grosseur, âpre, raboteux & sonore. Il est encore diafane ou opaque, selon ses différentes qualités, les sels dont il est formé, & les différens terreins où il se trouve: il y en a de quatre especes; celui de terrein ou de cave, celui de riviere, celui de ravin, & celui de mer. Le sable de cave est ainsi appellé, parce qu'il se tire de la fouille des terres, lorsque l'on construit des fondations de bâtiment. Sa couleur est d'un brun noir. Jean Martin, dans sa traduction de Vitruve, l'appelle sable de fossé. Philibert de Lorme l'appelle sable de terrain. Perault n'a point voulu lui donner ce nom, de peur qu'on ne l'eût confondu avec terreux, qui est le plus mauvais dont on puisse jamais se servir. Les ouvriers l'appellent sable de cave, qui est l'arena di cava des Italiens. Ce sable est très bon lorsqu'il a été séché quelque tems à l'air. Vitruve prétend qu'il est meilleur pour les enduits & crépis des murailles & des plafonds, lorsqu'on l'emploie nouvellement tiré de la terre; car si on le garde, le soleil & la lune l'alterent, la pluie le dissout, & le convertit en terre. Il ajoute encore qu'il vaut beaucoup mieux pour la maçonnerie que pour les enduits, parce qu'il est si gras & se seche si promptement, que le mortier se gerse; c'est pourquoi, dit Palladio, on l'emploie préférablement dans les murs & les voutes continues.
Ce sable se divise en deux especes; l'une que l'on nomme sable mâle, & l'autre sable femelle. Le premier est d'une couleur foncée & égale dans son même lit; l'autre est plus pâle & inégale.
Le sable de riviere est jaune, rouge, ou blanc,
& se tire du fond des rivieres ou des fleuves, avec
des dragues,
Le sable de riviere est un gravier, qui selon Scammozzi & Alberti, n'a que le dessus de bon, le dessous étant des petits cailloux trop gros pour pouvoir s'incorporer avec la chaux & faire une bonne liaison. Cependant on ne laisse pas que de s'en servir dans la construction des fondemens, gros murs, &c. après avoir été passé à la claye. (m)
Le sable de mer, est une espece de sablon fin, que l'on prend sur les bords de la mer & aux envi<->
(m) Une claie est une espece de grille d'osier, qui sert à tamiser le sable.[p. 825]
En général, le meilleur sable est celui qui est net, & point terreux; ce qui se connoit de plusieurs manieres. La premiere, lorsqu'en le frottant dans les mains, on sent une rudesse qui fait du bruit, & qu'il n'en reste aucune partie terreuse dans les doigts. La seconde lorsqu'après en avoir jetté un peu dans un vase plein d'eau claire & l'avoir brouillé; si l'eau en est peu troublée, c'est une marque de sa bonté. On le connoit encore, lorsqu'apres en avoir étendu sur de l'étosse blanche, ou sur du linge, on s'apperçoit qu'après l'avoir secoué, il ne reste aucune partie terreuse attachée dessus.
Du ciment. Le ciment n'est autre chose, dit Vitruve, que de la brique ou de la tuile concassée; mais cette derniere est plus dure & préférable. A son défaut, on se sert de la premiere, qui étant moins cuite, plus tendre & plus terreuse, est beaucoup moins capable de résister au fardeau.
Le ciment ayant retenu après sa cuisson la causticité des sels de la glaise, dont il tire son origine, est bien plus propre à faire de bon mortier, que le sable. Sa dureté le rend aussi capable de résister aux plus grands sardeaux, ayant reçu différentes formes par sa pulvérisation. La multiplicité de ses angles fait qu'il peut mieux s'encastrer dans les inégalités des pierres qu'il doit lier, étant joint avec la chaux dont il soatient l'action par ses sels, & qui l'ayant environné, lui communique les siens; de façon que les uns & les autres s'animant par leur onctuosité mutuelle, s'insinuent dans les pores de la pierre, & s'y incorporent si intimement, qu'ils cooperent de concert à recueillir, & à exciter les sels des différens minéraux auxquels ils sont joints: de maniere qu'un mortier fait de l'un & de l'autre est capable, même dans l'eau, de rendre la construction immuable.
De la pozzolane, & des différentes poudres qui servent aux mêmes usages. La pozzolane, qui tire son nom de la ville de Pouzzole, en Italie, si fameuse par ses grottes & ses eaux minerales, se trouve dans le territoire de cette ville. au pays de Baye, & aux environs du Mont - Vésuve; c'est une espece de poudre rougeâtre, admirable par sa vertu. Lorsqu'on la mêle avec la chaux, elle joint si fortement les pierres ensemble, fait corps, & s'endurcit tellement au fond même de la mer, qu'il est impossible de les désunir. Ceux qui en ont cherché la raison, dit Vitruve, ont remarqué que dans ces montagnes & dans tous ces environs; il s'y trouve une quantité de fontaiues bouillantes, qu'on a cru ne pouvoir venir que d'un feu souterrain, de soufre, de bitume & d'alun, & que la vapeur de ce feu traversant les veines de la terre, la rend non - seulement plus légere, mais encore lui donne une aridité capable d'attirer l'humidité. C'est pourquoi, lorsque l'on joint par le moyen de l'eau, ces trois choses qui sont engendrées par le feu, elles s'endurcissent si promptement & font un corps si ferme, que rien ne peut le rompre, ni dissoudre.
La comparaison qu'en donne M. Bélidor, est que la tuile étant une composition de terre, qui n'a de vertu pour agir avec la chaux, qu'après sa cuisson & apres avoir été concassée & reduise en poudre: de même aussi la terre bitumineuse qui se trouve aux environs de Naples, étant brûlée par les feux souterrains, les petites parties qui en résultent & que l'on peut considérer comme une cendre, composent la poudre de pozzolane, qui doit par conséquent participer des propriétés du ciment. D'ailleurs la nature du terrein & les effets du feu peuvent y avoir aussi beaucoup de part.
Vitruve remarque que dans la Toscane & sur le territoire du Mont Appenin, il n'y a presque point de sable de cave; qu'en Achaie vers la mer Adriatique, il ne s'en trouve point du tout: & qu'en Asie au - delà de la mer, on n'en a jamais entendu parler. De sorte que dans les lieux où il y a de ces fontaines bouillantes, il est très - rare qu'il ne s'y fasse de cette poudre, d'une maniere ou d'une autre; car dans les endroits où il n'y a que des montagnes & des rochers, le feu ne laisse pas que de les pénétrer, d'en consumer le plus tendre, & de n'y laisser que l'âpreté. C'est pour cette raison, que la terre brûlée aux environs de Naples, se change en cette poudre. Celle de Toscane se change en une autre à - peu - près semblable, que Vitruve appelle carbunculus, & l'une & l'autre sont excellentes pour la mâçonnerie; mais la premiere est préférée pour les ouvrages qui se font dans l'eau, & l'autre plus tendre que le tuf, & plus dure que le sable ordinaire, est reservée pour les édifices hors de l'eau.
On voit aux environs de Cologne, & près du bas - Rhin, en Allemagne, une espece de poudre grise, que l'on nomme terrasse de Hollande, faite d'une terre qui se cuit comme le plâtre, que l'on écrase & que l'on réduit en poudre avec des meules de moulin. Il est assez rare qu'elle soit pure & point falsisiée; mais quand on en peut avoir, elle est excellente pour les ouvrages qui sont dans l'eau; résiste également à l'humidité, à la sécheresse, & à toutes les rigueurs des différentes saisons: elle unit si fortement les pierres ensemble, qu'on l'emploie en France & aux Pays - bas, pour la construction des édifices aquatiques, au défaut de pozzolane, par la difficulté que l'on a d'en avoir à juste prix.
On se sert encore dans le même pays au lieu de terrasse de Hollande, d'une poudre nommée cendrée de Tournay, que l'on trouve aux environs de cette ville. Cette poudre n'est autre chose qu'un composé de petites parcelles d'une pierre bleue, & très - dure, qui tombe lorsqu'on la fait cuire, & qui fait d'excellente chaux. Ces petites parcelles en tombant sous la grille du fourneau, se mêlent avec la cendre du charbon de terre, & ce mélange compose la cendrée de Tournay, que les marchands débitent telle qu'elle sort du fourneau.
On fait assez souvent usage d'une poudre artificielle, que l'on nomme ciment de fontainier ou ciment perpétuel, composé de pots & de vases de grais cassés & pillés, de morceaux de machefer provenant du charbon de terre brûlé dans les forges, aussi réduit en poudre, mêlé d'une pareille quantité de ciment, de pierre de meule de moulin & de chaux, dont on compose un mortier excellent, qui résiste parfaitement dans l'eau.
On amasse encore quelquefois des cailloux ou gallets, que l'on trouve dans les campagnes ou sur le bord des rivieres, que l'on fait rougir, & que l'on réduit ensuite en poudre; ce qui fait une espece de terrasse de Hollande, très - bonne pour la construction.
Du mortier. Le mortier, du latin mortarium, qui, selon Vitruve, signifie plutôt le bassin où on le fait, [p. 826]
La principale qualité du mortier étant de lier les pierres les unes avec les autres, & de se durcir quelque tems après pour ne plus faire qu'un corps solide; cette propriété venant plutôt de la chaux que des autres matériaux, il sera bon de savoir pourquoi la pierre, qui dans le four a perdu sa dureté, la reprend étant mêlée avec l'eau & le sable.
Le sentiment des Chimistes étant que la dureté des corps vient des sels qui y sont répandus, & qui servent à lier leurs parties; de sorte que selon eux, la destruction des corps les plus durs, qui se fait à la longueur des tems, vient de la perte continuelle de leurs sels, qui s'évaporent par la transpiration, & que s'il arrive que l'on rende à un corps les sels qu'il a perdus, il reprend son ancienne dureté par la jonction de ses parties:
Lorsque le feu échauffe & brûle la pierre, il emporte avec lui la plus grande partie de ses sels volatils & sulfurés qui lioient toutes ses parties; ce qui la rend plus poreuse & plus légere. Cette chaux cuite & bien éteinte, étant mêlée avec le sable, il se fait dans ce mélange une fermentation causée par les parties salines & sulfurées qui restent encore dans la chaux, & qui faisant sortir du sable une grande quantité de sels volatils, se mêlent avec la chaux, & en remplissent les pores; & c'est la plus ou meins grande quantité des sels qui se rencontrent dans de certains sables, qui fait la différence de leurs qualités. De - là vient que plus la chaux & le sable sont broyés ensemble, plus le mortier s'endurcit quand il est employé, parce que les frottemens réitérés font sortir du sable une plus grande quantité de sels. C'est pour cela que le mortier employé aussitôt, n'est pas si bon qu'au bout de quelques jours, parce qu'il faut donner le tems aux sels volatils du sable de passer dans la chaux, afin de faire une union indissoluble; l'expérience fait encore voir que le mortier qui a demeuré longtems sans être employé, & par conséquent dont les sels se sont évaporés, se desseche, ne fait plus bonne liaison, & n'est plus qu'une matiere seche & sans onctuosité; ce qui n'arrive pas étant employé à propos, faisant sortir de la pierre d'autres sels, qui passent dans les pores de la chaux, lorsqu'elle - même s'insinue dans ceux de la pierre; car quoiqu'il semble qu'il n'y ait plus de fermentation dans le mortier lorsqu'on l'emploie, elle ne laisse pas cependant que de subsister encore fort longtems après son emploi, par l'expérience que l'on a d'en voir qui acquierent de plus en plus de la dureté par les sels volatils qui passent de la pierre dans le mortier, & par la transpiration que sa chaleur y entretient; ce que l'on remarque tous les jours dans la démolition des anciens édifices, où l'on a quelquefois moins de peine à rompre les pierres qu'à les désunir, sur - tout lorsque ce sont des pierres spongieuses, dans lesquels le mortier s'est mieux insinué.
Plusieurs pensent que la chaux a la vertu de brûler certains corps, puisqu'elle les détruit. Il faut se garder de croire que ce soit par sa chaleur: cela vient plutôt de l'évaporation des sels qui lioient leurs parties ensemble, occasionnée par la chaux, & qui sont
La dose du sable avec la chaux est ordinairement de moitié; mais lorsque le mortier est bon, on y peut mettre trois cinquiemes de sable sur deux de chaux, & quelquefois deux tiers de sable sur un de chaux, selon qu'elle foisonne plus ou moins; car lorsqu'elle est bien grasse & faite de bons cailloux, on y peut mettre jusqu'à trois quarts de sable sur un de chaux; mais cela est extraordinaire, car il est fort rare de trouver de la chaux qui puisse porter tant de sable. Vitruve prétend que le meilleur mortier est celui où il y a trois parties de sable de cave, ou deux de sable de riviere ou de mer, contre une de chaux, qui, ajoute - t - il, sera encore meilleur, si à ce dernier on ajoute une partie de tuileau pilé, qui n'est autre chose que du ciment.
Le mortier fait de chaux & de ciment se fait de la même maniere que le dernier; les doses sont les mêmes plus ou moins, selon que la chaux foisonne. On fait quelquefois aussi un mortier composé de ciment & de sable, à l'usage des bâtimens de quelque importance.
Le mortier fait avec de la pozzolane se fait aussi à peu - près comme celui de sable. Il est, comme nous l'avons dit ci - devant, excellent pour les édifices aquatiques.
Le mortier fait de chaux & de terrasse de Hollande se fait en choisissant d'abord de la meilleure
chaux non éteinte, & autant que l'on peut en employer
pendant une semaine; on en étend un pié d'épaisseur
dans une espece de bassin, que l'on arrose
pour l'éteindre; ensuite on le couvre d'un autre lit
de terrasse de Hollande, aussi d'environ un pié d'épaisseur;
cette préparation faite, on la laisse reposer
pendant deux ou trois jours, afin de donner à la
chaux le tems de s'éteindre, après quoi on la brouille
& on la mêle bien ensemble avec des houes (
En plusieurs provinces le mortier ordinaire se prépare ainsi, cette maniere ne pouvant que contribuer beaucoup à sa bonté.
Comme l'expérience fait voir que la pierre dure fait toujours de bonne chaux, & qu'un mortier de cette chaux mêlé avec de - la poudre provenant du charbon ou mache fer que l'on tire des forges, est une excellente liaison pour les ouvrages qui sont dans l'eau; il n'est pas étonnant que la cendrée de Tournay soit aussi excellente pour cet usage, participant en même tems de la qualité de ces deux matieres; car il n'est pas douteux que les parties de charbon qui se trouvent mêlées avec la cendrée, ne contribuent beaucoup à l'endurcir dans l'eau.
Pour faire de bon mortier avec la cendrée de
Tournay, il faut d'abord bien nettoyer le fond d'un
bassin B
Il faut encore prendre garde quand on la rebat pour s'en servir de ne mettre que très - peu d'eau, & même point du tout s'il se peut, car à force de bras, elle devient assez grasse & assez liquide; c'est pourquoi ce sera plutôt la paresse des ouvriers, & non la nécessite, qui les obligera d'en remettre pour la rebattre; ce qui pourroit très - bien, si l'on n'y prenoit garde, la dégraisser, & diminuer beaucoup de sa bonté.
Ce mortier doit être employé depuis le mois d'Avril jusqu'au mois de Juillet, parce qu'alors il n'éclate jamais, ce qui est une de ses propriétés remarquables, la plûpart des cimens étant sujets à se gerser.
Il arrive quelquefois qu'on la mèle avec un sixieme de tuileau pilé; M. Belidor souhaiteroit qu'on la mélât plutôt avec de la terrasse de Hollande; ce qui seroit, dit - il, un ciment le plus excellent qu'il fut possible d'imaginer, pour la construction des ouvrages aquatiques.
Dans les provinces où la bonne chaux est rare, on en emploie quelquefois de deux especes en même tems; l'une faite de bonne pierre dure, qui est sans contredit la meilleure, & qu'on appelle bon mortier, sert aux ouvrages de conséquence; & l'autre saite de pierre commune, qui n'a pas une bonne qualité, & qu'on appelle pour cela mortier blanc, s'emploie dans les fondations & dans les gros ouvrages. On se sert encore d'un mortier qu'on appelle bâtard, & qui est fait de bonne & mauvaise chaux, qu'on emplore aussi dans les gros murs, & qu'on se garde bien d'employer dans les édifices aquatiques.
Quelques uns prétendent que l'urine dans laquelle on a détrempe de la suie de cheminée, mêlée avec l'eau dont on se sert pour corroyer le mortier, le fait prendre promptement; mais ce qu'il y a de vrai, c'est que le sel armoniac dissout dans l'eau de riviere, qui sert à corroyer le mortier, le fait prendre aussi promptement que le plâtre; ce qui peut être d'un bon usage dans les pays où il est très - rare; mais si au lieu de sable on pulvérisoit de la même pierre avec laquelle on a fait la chaux, & qu'on s'en servît au lieu de plâtre, ce mortier seroit sans doute beaucoup meilleur.
Le mortier, dit Vitruve, ne sauroit se lier avec lui - même, ni faire une bonne liaison avec les pierres, s'il ne reste longtems humide; car lorsqu'il est trop tôt sec, l'air qui s'y introduit dissipe les esprits volatils du sable & de la pierre à mesure que la chaux les attire à elle, & les empêche d'y pénétrer pour lui donner la dureté nécessaire; ce qui n'arrive point lorsque le mortier est longtems humide; ces sels ayant alors le tems de pénétrer dans la chaux. C'est pourquoi dans les ouvrages qui sont dans la terre, on met moins de chaux dans le mortier, parce que la terre étant naturellement humide, il n'a pas tant besoin de chaux pour conserver son humidité; ainsi une plus grande quantité de chaux ne fait pas plus d'effet pendant peu de tems, qu'une moindre pendant un long tems. C'est par cette raison là que les anciens faisoient leurs murs d'une très - grande épaisseur, persuadés qu'ils étoient qu'il leur falloit à la vérité beaucoup de tems pour sécher, mais aussi qu'ils en devenoient beaucoup plus solides.
Des excavations des terres, & de leurs transports. On entend par excavation, non - seulement la fouille des terres pour la construction des murs de fondation, mais encore celles qu'il est nécessaire de faire pour dresser & applanir des terrains de cours, avant<cb->
Il y a deux manieres de dresser le terrain, l'une qu'on appelle de mveau, & l'autre selon sa pente naturelle; dans la premiere on fait usage d'un instrument appellé niveau d'eau, qui facilite le moyen de dresser sa surface dans toute son étendue avec beaucoup de précision; dans la seconde on n'a besoin que de raser les butes, & remplir les cavités avec les terres qui en proviennent. Il se trouve une infinité d'auteurs qui ont traité de cette partie de la Géométrie pratique assez amplement, pour qu'il ne soit pas besoin d'entrer dans un trop long détail.
L'excavation des terres, & leur transport, étant des objets très - considérables dans la construction, on peut dire avec vérité que rien ne demande plus d'attention; si on n'a pas une grande expérience à ce sujet, bien loin de veiller à l'économie, on multiplie la dépense sans s'en appercevoir; ici parce qu'on est obligé de rapporter des terres par de longs circuits, pour n'en avoir pas assez amassé avant que d'élever des murs de maçonnerie ou de terrasse; là, parce qu'il s'en trouve une trop grande quantité, qu'on est obligé de transporter ailleurs, quelquefois même auprès de l'endroit d'où on les avoit tirés: de maniere que ces terres au - lieu de n'avoir été remuées qu'une fois, le sont deux, trois, & quelquefois plus, ce qui augmente beaucoup la dépense; & il arrive souvent que si on n'a pas bien pris ses précautions, lorsque les fouilles & les fondations sont faites, on a dépensé la somme que l'on s'étoit prcposée pour l'ouvrage entier.
La qualité du terrein que l'on fouille, l'éloignement du transport des terres, la vigilance des inspecteurs & des ouvriers qui y sont employés, la connoissance du prix de leurs journées, la provision suffisante d'outils qu'ils ont besoin, leur entretien, les relais, le soin d'appliquer la force, ou la diligence des hommes aux ouvrages plus ou moins pénibles, & la saison où l'on fait ces sortes d'ouvrages, sont autant de considérations qui exigent une intelligence consommée, pour remédier à toutes les difficultés qui peuvent se rencontrer dans l'exécution. C'est - là ordinairement ce qui fait la science & le bon ordre de cette partie, ce qui détermine la depense d'un bâtiment, & le tems qu'il faut pour l'élever. Par la négligence de ces différentes observations & le desir d'aller plus vîte, il résulte souvent plusieurs inconvéniens. On commence d'abord par fouiller une partie du terrein, sur laquelle on construit; alors l'attelier se trouve surchargé d'équipages, & d'ouvriers de différente espece, qui exigent chacun un ordre particulier. D'ailleurs ces ouvriers, quelquefois en grand nombre, appartenant à plusieurs entrepreneurs, dont les intérêts sont différens, se nuisent les uns aux autres, & par conséquent aussi à l'accélération des ouvrages. Un autre inconvénient est, que les fouilles & les fondations étant faites en des tems & des saisons différentes, il arrive que toutes les parties d'un bâtiment où l'on a préféré la diligence à la solidité ayant été bâtis à diverses reprises, s'affaissent inégalement, & engendrent des surplombs, lézardes (n), &c.
Le moyen d'user d'économie à l'égard du transport des terres, est non - seulement de les transporter le moins loin qu'il est possible, mais encore d'user des charrois les plus convenables; ce qui doit en décider, est la rareté des hommes, des bêtes de somme ou de voitures, le prix des fourages, la situation des lieux, & d'autres circonstances encore
(n) Especes de crevasses.[p. 828]
Cependant la meilleure maniere, lorsqu'il y a loin, est de se servir de tombereaux qui contiennent environ dix à douze piés cubes de terre chacun; ce qui coûte beaucoup moins, & est beaucoup plus prompt que si l'on employoit dix ou douze hommes avec des hottes ou brouettes, qui ne contiennent guère chacune qu'un pié cube.
Il faut observer de payer les ouvriers préférablement à la toise, tant pour éviter les détails embarrassans que parce qu'ils vont beaucoup plus vîte, les ouvrages traînent moins en longueur, & les fouilles peuvent se trouver faites de maniere à pouvoir élever des fondemens hors de terre avant l'hiver.
Lorsque l'on aura beaucoup de terre à remuer, il faudra obliger les entrepreneurs à laisser des témoins (o) sur le tas jusqu'à la fin des travaux, afin qu'ils puissent servir à toiser les surcharges & vuidanges des terres que l'on aura été obligé d'apporter ou d'enlever, selon les circonstances.
Les fouilles pour les fondations des bâtimens se font de deux manieres: l'une dans toute leur étendue, c'est - à - dire dans l'intérieur de leurs murs de face: lorsqu'on a dessein de faire des caves souterreines aquéducs, &c. on fait enlever généralement toutes les terres jusqu'au bon terrein: l'autre seulement par partie, lorsque n'ayant besoin ni de l'un ni de l'autre, on fait seulement des tranchées, de l'épaisseur des murs qu'il s'agit de fonder, que l'on trace au cordeau sur le terrein, & que l'on marque avec des repaires.
Des différentes especes de terreins. Quoique la diversité
des terreins soit très - grande, on peut néanmoins
la réduire à trois especes principales; la prem ere est
celle de tuf ou de roc, que l'on connoît facilement
par la dureté, & pour lesquels on est obligé d'employer
le pic,
La seconde est celle de rocaille, ou de fable,
pour lesquels on n'a besoin que du pic,
(o) Des tèmoins sont des mottes de terre de la hauteur du terrein, qu'on laisse de distance à autre, pour pouvoir le toiser après le déblais ou remblais.
La troisieme est de terres franches, qui se divise en deux especes; les unes que l'on appelle terres hors d'eau, se tirent & se transportent sans difficultés; les autres qu'on appelle terres dans l'eau, coûtent souvent beaucoup, par les peines que l'on a de détourner les sources, ou par les épuisemens que l'on est obligé de faire. Il y en a de quatre sortes, la terre ordinaire, la terre grasse, la terre glaise, & la terre de tourbe. La premiere se trouve dans tous les lieux secs & élevés; la seconde que l'on tire des lieux bas & profonds, est le plus souvent composée de vase & de limon, qui n'ont aucune solidité; la troisieme qui se tire indifféremment des lieux bas & élevés, peut recevoir des fondemens solides, surtout lorsqu'elle est ferme, que son banc a beaucoup d'épaisseur, & qu'elle est par - tout d'une égale consistance; la quatrieme est une terre grasse, noire, & bitumineuse, qui se tire des lieux aquatiques & marécageux, & qui étant séche se consume au feu. On ne peut fonder solidement sur un pareil terrein, sans le secours de l'art & sans des précautions que l'on connoîtra par la suite. Une chose très - essentielle, lorsque l'on voudra connoître parfaitement un terrein, est de consulter les gens du pays: l'usage & le travail continuel qu'ils ont fait depuis long - tems dans les mêmes endroits, leur ont fait faire des remarques & des observations dont il est bon de prendre connoissance.
La solidité d'un terrein, dit Vitruve, se connoît par les environs, soit par les herbes qui en naissent, soit par des puits, citernes, ou par des trous de sonde.
Une autre preuve encore de sa solidité, est lorsque laissant tomber de fort haut un corps très - pesant, on s'apperçoit qu'il ne raisonne ni ne tremble, ce que l'on peut juger par un tambour placé près de l'endroit où doit tomber ce corps, ou un vase plein d'eau dont le calme n'en est pas troublé.
Mais avant que d'entrer dans des détails circonstanciés sur la maniere de fonder dans les différens terreins, nous dirons quelque chose de la maniere de planter les bâtimens.
De la maniere de planter les bâtimens. L'expérience & la connoissance de la géométrie sont des choses également nécessaires pour cet objet, c'est par le moyen de cette derrniere que l'on peut tracer sur le terrein les tranchées des fondations d'un bâtiment, qu'on aura soin de placer d'alignement aux principaux points de vûe qui en embellissent l'aspect: cette observation est si essentielle, qu'il y a des occasions où il seroit mieux de préférer les alignemens directs des principales issues, à l'obliquité de la situation du bâtiment.
Il faut observer de donner des desseins aux traits, les cotter bien exactement, marquer l'ouverture des angles, supprimer les saillies au - dessus des fondations, exprimer les empattemens nécessaires pour le retour des corps saillans ou rentrans, intérieurs ou extérieurs, & prendre garde que les mesures particulieres s'accordent avec les mesures générales.
Alors pour faciliter les opérations sur le terrein, on place à quelque distance des murs de face, des [p. 829]
Il ne sera pas inutile encore, lorsque les fondations seront hors de terre, de recommencer les opérations d'alignement, afin que les dernieres puissent servir de preuves aux premieres, & par - là s'assurer de ne s'être pas trompé.
Des fondemens en général. Les fondemens exigent beaucoup d'attention pour parvenir à leur donner une solidité convenable. C'est ordinairement de - là que dépend tout le succès de la construction: car, dit Palladio, les fondemens étant la base & le pié du bâtiment, ils sont difficiles à réparer; & lorsqu'ils se détruisent, le reste du mur ne peut plus subsister. Avant que de fonder, il faut considérer si le terrein est solide: s'il ne l'est pas, il faudra peut - être fouiller un peu dans le sable ou dans la glaise, & suppléer ensuite au défaut de la nature par le secours de l'art. Mais, dit Vitruve, il faut fouiller autant qu'il est nécessaire jusqu'au bon terrein, afin de soutenir la pesanteur des murs, bâtir ensuite le plus solidement qu'il sera possible, & avec la pierre la plus dure; mais avec plus de largeur qu'au rezde chaussée. Si ces murs ont des voutes sous terre, il leur faudra donner encore plus d'épaisseur.
Il faut avoir soin, dit encore Palladio, que le plan de la tranchée soit de niveau, que le milieu du mur soit au milieu de la fondation, & bien perpendiculaire; & observer cette méthode jusqu'au faîte du bâtiment; lorsqu'il y a des caves ou souterreins, qu'il n'y ait aucune partie de mur ou colonne qui porte à faux; que le plein porte toûjours sur le plein, & jamais sur le vuide; & cela afin que le bâtiment puisse tasser bien également. Cependant, dit - il, si on vouloit les faire à plomb, ce ne pourroit être que d'un côté, & dans l'intérieur du bâtiment, étant entretenues par les murs de refend & par les planchers.
L'empattement d'un mur que Vitruve appelle steréobatte, doit, selon lui, avoir la moitié de son épaisseur. Palladio donne aux murs de fondation le double de leur épaisseur supérieure; & lorsqu'il n'y a point de cave, la sixieme partie de leur hauteur: Scamozzi leur donne le quart au plus, & le sixieme au moins; quoiqu'aux fondations des tours, il leur ait donné trois fois l'épaisseur des murs supérieurs. Philibert de Lorme, qui semble être fondé sur le sentiment de Vitruve, leur donne aussi la moitié; les Mansards aux Invalides & à Maisons, leur ont donné la moitié; Bruaut à l'hôtel de Belle - Isle, leur a donné les deux tiers. En général, l'épaisseur des fondemens doit se regler, comme dit Palladio, sur leur profondeur, la hauteur des murs, la qualité du terrein, & celle des matériaux que l'on y employe; c'est pourquoi n'étant pas possible d'en regler au juste l'épaisseur, c'est, ajoute cet auteur, à un habile architecte qu'il convient d'en juger.
Lorsque l'on veut, dit - il ailleurs, ménager la dépense
des excavations & des fondemens, on pratique
des piles A,
Léon Baptiste Alberti, Scamozzi, & plusieurs
autres, proposent de fonder de cette maniere dans
les édifices où il y a beaucoup de colonnes, afin d'éviter
la dépense des fondemens & des fouilles au - dessous
des entrecolonnemens; mais ils conseillent
en même tems de renverser les arcs C,
Il faut encore observer, dit Palladio, de donner de l'air aux fondations des bâtimens par des ouvertures qui se communiquent, d'en fortifier tous les angles, d'éviter de placer trop près d'eux des portes & des croisées, étant autant de vuides qui en diminuent la solidité.
Il arrive souvent, dit M. Belidor, que lorsque l'on vient à fonder, on rencontre des sources qui nuisent souvent beaucoup aux travaux. Quelques-uns prétendent les éteindre en jettant dessus de la chaux vive mélée de cendre; d'autres remplissent, disent - ils, de vif - argent les trous par où elles sortent; afin que son poids les oblige à prendre un autre cours. Ces expédiens étant fort douteux, il vaut beaucoup mieux prendre le parti de faire un puits au - delà de la tranchée, & d'y conduire les eaux par des rigolles de bois ou de brique couvertes de pierres plates, & les élever ensuite avec des machines: par ce moyen on pourra travailler à sec. Néanmoins pour empêcher que les sources ne nuisent dans la saite aux fondemens, il est bon de pratiquer dans la maçonnerie des especes de petits aqueducs, qui leur donnent un libre cours.
Des fondemens sur un bon terrein. Lorsque l'on veut fonder sur un terrein solide, il ne se trouve pas alors beaucoup de difficultés à surmonter; on commence d'abord par préparer le terrein, comme nous l'avons vû précédemment, en faisant des tranchées de la profondeur & de la largeur que l'on veut faire les fondations. On passe ensuite dessus une assise de gros libages, ou quartier de pierres plates à bain de mortier; quoique beaucoup de gens les posent à sec, ne garnissant de mortier que leurs joints. Sur cette premiere assise, on en éleve d'autres en liaison à carreau & boutisse alternativement. Le milieu du mur se remplit de moilon mélé de mortier: lorsque ce moilon est brut, on en garnit les interstices avec d'autres plus perits que l'on enfonce bien avant dans les joints, & avec lesquels on arrase les lits. On continue de même pour les autres assises, observant de conduire l'ouvrage toûjours de niveau dans toute sa longueur; & des retraites, on talude en diminuant jusqu'à l'épaisseur du mur au rez - dechaussée.
Quoique le bon terrein se trouve le plus souvent dans les lieux élevés, il arrive cependant qu'il s'en trouve d'excellens dans les lieux aquatiques & profonds, & sur lesquels on peut fonder solidement, & avec confiance; tel que ceux de gravier, de marne, de glaise, & quelquefois même sur le sable [p. 830]
Des fondemens sur le roc. Quoique les fondemens sur le roc paroissent les plus faciles à faire par la solidité du fonds, il n'en faut pas pour cela prendre moins de précautions. C'est, dit Vitruve, de tous les fondemens les plus solides; parce qu'ils sont déja fondés par le roc même. Ceux qui se font sur le tuf & la seareute (p), ne le sont pas moins, dit Palladio, parce que ces terreins sont naturellement sondés eux - mêmes.
Avant que de commencer à fonder sur le roc A,
Il est arrivé une chose à - peu - près semblable à Abbeville, lorsque l'on eut élevé les fondemens de la manufacture de Vanrobais. Ce fait est rapporté par M. Briseux, dans son traité des maisons de campagne, & par M. Blondel, dans son Architecture françoise. Ce bâtiment étant fondé dans sa totalité, il s'enfonça également d'environ six piés en terre: ce fait parut surprenant, & donna occasion de chercher le sujet d'un événement si subit & si général. L'on découvrit enfin, que le même jour on avoit achevé de percer un puits aux environs, & que cette ouverture ayant donné de l'air aux sources, avoit donné lieu au bâtiment de s'affaisser. Alors on se détermina à le combler; ce que l'on ne put faire malgré la quantité de matériaux que l'on y jetta; de maniere que l'on fut obligé d'y enfoncer un rouet de charpente de la largeur du puits, & qui n'étoit point percé à jour. Lorsqu'il fut descendu jusqu'au fond, on jetta dessus de nouveaux matériaux jusqu'à ce qu'il fût comblé: mais en le remplissant, on s'apperçut qu'il y en étoit entré une bien plus grande quantité qu'il ne sembloit pouvoir en contenir. Cependant lorsque cette opération fut finie, on continua le bâtiment avec succès, & il subsiste encore aujourd'hui.
Jean - Baptiste Alberti, & Philibert de Lorme, rapportent qu'ils se sont trouvés en pareil cas dans d'autres circonstances.
Lorsque l'on sera assuré de la solidité du roc A,
Lorsque l'on y adossera de la maçonnerie B,
Lorsque la surface du roc est très - inégale, on
(p) La seareute est une espece de pierre très - suffisante pour supporter de grands bâtimens, tant dans l'eau que dehors.
Ces sortes de fondemens sont appellés pierrées, & se font de cette maniere.
Après avoir creusé le roc A,
Lorsque le roc est fort escarpé A,
La hauteur des fondemens étant etablie, & arrasée convenablement dans toute l'étendue que l'on a embrassée; on continue la même chose en prolongeant, observant toujours de faire obliques les extrémités de la maçonnerie déja faite, jetter de l'eau dessus, & bien battre la nouvelle, afin de les mieux lier ensemble. Une pareille maçonnerie faite avec de bonne chaux, dit M. Bélidor, est la plus excellente & la plus commode que l'on puisse faire.
Lorsque l'on est dans un pays où la pierre dure est rare, on peut, ajoûte le même auteur, faire les soubassemens des gros murs de cette maniere, avec de bonne chaux s'il est possible, qui, à la vérité renchérit l'ouvrage par la quantité qu'il en faut; mais l'économie, dit - il encore, ne doit pas avoir lieu lorsqu'il s'agit d'un ouvrage de quelque importance. Cependant, tout bien considéré, cette maçonnerie coute moins qu'en pierre de taille; ses paremens ne sont pas agréables à la vûe à cause de leurs inégalités; mais il est facile d'y remédier, comme nous allons le voir.
Avant que de construire on fait de deux especes de mortier; l'un mêlé de gravier, & l'autre, comme nous l'avons dit, de menues pierres. Si on se trouvoit dans un pays où il y eût de deux especes de [p. 831]
Il est cependant beaucoup mieux, disent quelques-uns, d'employer la pierre, ou le libage, s'il est possible, sur - tout pour les murs de face, de refend ou de pignons; & faire, si l'on veut, les remplissages en moilon à bain de mortier, lorsque le roc est d'inégale hauteur dans toute l'étendue du bâtiment.
On peut encore par économie, ou autrement,
lorsque les fondations ont beaucoup de hauteur,
pratiquer des arcades B,
Des fondemens sur la glaise. Quoique la glaise ait
l'avantage de retenir les sources au - dessus & au - dessous d'elle, de sorte qu'on n'en est point incommodé
pendant la bâtisse, cependant elle est sujette à de
très - grands inconvéniens. Il faut éviter, autant qu'il
est possible, de fonder dessus, & prendre le parti
de l'enlever, à moins que son banc ne se trouvât
d'une épaisseur si considérable, qu'il ne fût pas possible
de l'enlever sans beaucoup de dépense; & qu'il
ne se trouvât dessous un terrein encore plus mauvais,
qui obligeroit d'employer des pieux d'une longueur
trop considérable pour atteindre le bon fonds; alors
il faut tourmenter la glaise le moins qu'il est possible,
raison pour laquelle on ne peut se servir de pilotis;
(q) l'expérience ayant appris qu'en enfonçant un
pilot,
(q) Pilotis est un assemblage de pilots fichés près à - près dans la terre.
Lorsqu'il s'agit d'un bâtiment de peu d'importance, on se contente quelquefois de poser les premieres assises sur un terrain ferme, & lié par des racines & des herbes qui en occupent la totalité, & qui se trouvent ordinairement de trois ou quatre piés d'épaisseur posés sur la glaise.
Des fondemens sur le sable. Le sable se divise en deux especes; l'une qu'on appelle sable ferme, est sans difficulté le meilleur, & celui sur lequel on peut fonder solidement & avec facilité; l'autre qu'on appelle sable bouillant, est celui sur lequel on ne peut fonder sans prendre les précautions suivantes.
On commence d'abord par tracer les alignemens sur le terrain, amasser près de l'endroit où l'on veut bâtir, les matériaux nécessaires à la construction, & ne fouiller de terre que pour ce que l'on peut faire de maçonnerie pendant un jour; poser ensuite sur le fond, le plus diligemment qu'il est possible, une assise de gros libages, ou de pierres plates, sur laquelle on en pose une autre en liaison, & à joint recouvert avec de bon mortier; sur cette derniere on en pose une troisieme de la même maniere, & ainsi de suite, le plus promptement que l'on peut, afin d'empêcher les sources d'inonder le travail, comme cela arrive ordinairement. Si l'on voyoit quelquefois les premieres assises flotter & paroître ne pas prendre une bonne consistance, il ne faudroit pas s'épouvanter, ni craindre pour la solidité de la maçonnerie, mais au contraire continuer sans s'inquiéter de ce qui arrivera; & quelque tems après on s'appercevra que la maçonnerie s'affermira comme si elle avoit été placée sur un terrein bien solide. On peut ensuite élever les murs, sans craindre jamais que les fondemens s'affaissent davantage. Il faut sur tout faire attention de ne pas creuser autour de la maçonnerie, de peur de donner de l'air à quelques sources, & d'y attirer l'eau, qui pourroit faire beaucoup de tort aux fondemens. Cette maniere de fonder est d'un grand usage en Flandre, principalement pour les fortifications.
Il se trouve à Bethune, à Arras, & en quelques autres endroits aux environs, un terrein tourbeux, qu'il est nécessaire de connoître pour y fonder solidement. Dès que l'on creuse un peu dans ce terrein, il en sort une quantité d'eau si prodigieuse, qu'il est impossible d'y fonder sans qu'il en coute beaucoup pour les épuisemens. Après avoir employé une infinité de moyens, on a enfin trouvé que le plus court & le meilleur étoit de creuser le moins qu'il est possible, & de poser hardiment les fondations, employant les meilleurs matériaux que l'on peut trouver. Cette maçonnerie ainsi faite, s'affermit de plus en plus, sans être sujette à aucun danger. Lorsque l'on se trouve dans de semblables terreins que l'on ne connoît pas, il faut les sonder un peu eloignés de l'endroit où l'on veut bâtir, afin que si l'on venoit à sonder trop avant, & qu'il en sortît une source d'eau, elle ne pût incommoder pendant les ouvrages. Si quelquefois on employoit la maçonnerie de pierrée, dit M. Belidor, ce devroit être principalement dans ce cas; car étant d'une prompte exécution, & toutes ses parties faisant une bonne liaison, sur - tout lorsqu'elle est faite avec de la pozzolanne, de la cendrée de Tournay, ou de la terrasse de Hollande, elle fait un massif, ou une espece de banc, qui ayant reçu deux piés ou deux piés & demi d'épaisseur, est si solide, que l'on peut fonder dessus avec confiance. Cependant, lorsque l'on est obligé d'en faire usage, il faut donner plus d'empatement à la fondation, afin que comprenant plus de [p. 832]
On peut encore fonder d'une maniere différente de
ces dernieres, & qu'on appelle par coffre,
Lorsque l'on veut fonder dans l'eau, & qu'on ne peut faire des épuisemens, comme dans de grands lacs, bras de mer, &c. si c'est dans le fond de la mer, on profite du tems que la marée est basse, pour unir le terrain, planter les repaires, & faire les alignemens nécessaires. On doit comprendre pour cela non - seulement le terrain de la grandeur du bâtiment, mais encore beaucoup au - delà, afin qu'il y ait autour des murailles, une berme assez grande pour en assurer davantage le pié; on emplit ensuite une certaine quantité de bateaux, des matériaux nécessaires, & ayant choisi le tems le plus commode, on commence par jetter un lit de cailloux, de pierres, ou de moilons, tels qu'ils sortent de la carriere, sur lesquels on fait un autre lit de chaux, mêlé de pozzolanne, de cendrée de Tournay, ou de terrasse de Hollande. Il faut avoir soin de placer les plus grosses pierres sur les bords, & leur donner un talud de deux fois leur hauteur; ensuite on fait un second lit de moilon ou de cailloux que l'on couvre encore de chaux & de pozzolanne comme auparavant, & alternativement un lit de l'un & un lit de l'autre. Par la propriété de ces différentes poudres, il se forme aussi - tôt un mastic, qui rend cette maçonnerie indissoluble, & aussi solide que si elle avoit été faite avec beaucoup de précaution; car quoique la grandeur des eaux & les crues de la mer empêchent qu'on ne puisse travailler de suite, cependant on peut continuer par reprises, sans que cela fasse aucun tort aux ouvrages. Lorsque l'on aura élevé cette maçonnerie au - dessus des eaux, ou au rez - de - chaussée, on peut la laisser pendant quelques années à l'épreuve des inconvéniens de la mer, en la chargeant de tous les matériaux nécessaires à la construction de l'édifice, afin qu'en lui donnant tout le poids qu'elle pourra jamais porter, elle s'affaisse également & suffisamment par - tout. Lorsqu'au bout d'un tems on s'apperçoit qu'il n'est arrivé aucun accident considérable à ce massif, on peut placer un grillage de charpente,
On peut encore fonder dans l'eau d'une autre maniere
(
Des fondemens sur pilotis. Il arrive quelquefois
qu'un terrein ne se trouvant pas assez bon pour fonder
solidement, & que voulant creuser davantage,
on le trouve au contraire encore plus mauvais: alors
il est mieux de creuser le moins que l'on pourra, &
poser dessus un grillage de charpente A,
Mais lorsqu'il s'agit de donner encore plus de solidité au terrein, on enfonce diagonalement dans chacun des intervalles du grillage, un ou deux pilots D de remplage ou de compression sur toute l'étendue des fondations; & sur les bords du grillage, des pilots de cordage ou de garde E près - à - près, le long desquels on pose des palplanches pour empêcher le courant des eaux, s'il s'en trouvoit, de dégrader la maçonnerie. Palladio recommande expressément, lorsque l'on enfonce des pilots, de les frapper à petits coups redoublés, parce que, dit - il, en les chassant avec violence, ils pourroient ébranler le fond. On acheve ensuite de remplir de charbon, comme dit Vitruve, ou, ce qui vaut encore mieux, de cailloux ou de moilons à bain de mortier, les vuides que la tête des pilots a laissés: on arrase bien le tout, & on éleve dessus les fondemens.
Pour connoître la longueur des pilots, que Vitruve conseille de faire en bois d'aune, d'olivier ou de chêne, & que Palladio recommande sur - tout de faire en chêne, il faut observer, avant que de piloter, jusqu'à quelle profondeur le terrein fait une assez grande résistance, & s'oppose fortement à la pointe d'un pilot que l'on enfonce exprès. Ainsi sachant de [p. 833]
Comme ces pilots ont ordinairement une de leurs
extrémités faite en pointe de diamant, dont la longueur
doit être depuis une fois & demie de leur diametre
jusqu'à deux fois, il faut avoir soin de ne pas
leur donner plus ni moins; car lorsqu'elles ont plus,
elles deviennent trop soibles & s'émoussent lorsqu'elles trouvent des parties dures; & lorsqu'elles
sont trop courtes, il est très - difficile de les faire entrer.
Quand le terrein dans lequel on les enfonce ne
résiste pas beaucoup, on se contente seulement, selon
Palladio, de brûler la pointe pour la durcir, & quelquefois
aussi la tête, afin que les coups du mouton ne
l'éclatent point; mais s'il se trouve dans le terrein
des pierres, cailloux ou autres choses qui résistent &
qui en émoussent la pointe, on la garnit alors d'un
sabot ou lardoir A,
Lorsque l'on veut placer des pilots de bordage ou
de garde A,
Pour joindre les palplanches avec les pilots, on enfonce d'abord deux pilots perpendiculairement dans la terre, distant l'un de l'autre de la largeur des palplanches, qui est ordinairement de douze à quinze pouces, en les plaçant de maniere que deux rainures se trouvent l'une vis - à - vis de l'autre. Après cela on enfonce au refus du mouton une palplanche entre les deux, & on la fait entrer à force entre les deux rainures; ensuite on pose à la même distance un pilot, & on enfonce comme auparavant une autre palplanche, & on continue ainsi de suite à battre alternativement un pilot & une palplanche. Si le terrein résistoit à leur pointe, on pourroit les armer comme les pilots, d'un sabot de fer par un bout, & d'une frette par l'autre.
On peut encore fonder sur pilotis, en commençant
d'abord par enfoncer le long des fondemens,
au refus du mouton, des rangées de pilots (
Quoiqu'il arrive très - souvent que l'on emploie les pilots pour affermir un mauvais terrein, cependant il se trouve des circonstances où on ne peut les employer, sans courir un risque évident. Si l'on fondoit, par exemple, dans un terrein aquatique, sur un sable mouvant, &c. alors les pilots seroient non - seulement très - nuisibles, mais encore éventeroient les sources, & fourniroient une quantité prodigieuse d'eau qui rendroit alors le terrein beaucoup plus mauvais qu'auparavant: d'ailleurs on voit tous les jours que ces pilots ayant été enfoncés au refus du mouton avec autant de difficulté que dans un bon terrein, sortent de terre quelques heures après, ou le lendemain, l'eau des sources les ayant repoussés, en faisant effort pour sortir; de maniere que l'on a renoncé à les employer à cet usage.
Si l'on entreprenoit de rapporter toutes les manieres de fonder, toutes les différentes qualités de terreins, & toutes les différentes circonstances où l'on se trouve, on ne finiroit jamais. Ce que l'on vient de voir est presque suffisant pour que l'on puisse de soi - même, avec un peu d'intelligence & de pratique, faire un choix judicieux des différens moyens dont on peut se servir, & suppléer aux inconvéniens qui surviennent ordinairement dans le cours des ouvrages.
Des outils dont se servent les carriers pour tirer la
pierre des carrieres. La
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Des outils dont se servent les maçons & tailleurs de
pierre dans les bâtimens. La
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(r) Des filieres sont des especes de joints qui se trouvent naturellement entre les pierres dans les carrieres. (s) Une embrasure est l'intervalle d'une porte ou d'une croisée, entre la superficie extérieure du mur & la superficie intérieure.
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