ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"763"> extrémités, de maniere que cette couture n'empêche point qu'on éloigne ou qu'on rapproche l'une de l'autre, les anses du lacs de tire - botte revêtu de chamois, afin qu'il puisse convenir aux différentes grosseurs des membres aux quels on l'attache. Ce lacs qui a dix huit pouces de longueur & un de large, fait une anse de neuf pouces; la piece de chamois fait le tour du membre, & forme une compresse circulaire, afin que les lacs ne puissent blesser. Le cordon de soie fait deux tours sur le chamois, & on le lie d'un simple noeud ou d'une rose.

Pour se servir de cette machine, on la place toute montée au - dessous du membre. Quand on a posé l'arc - boutant & le lacs, on engage les bouts des branches dans les deux poches ou gaînes de l'arcboutant. On passe le lacs de la moufle mobile dans l'anse du lacs qui est attaché au membre, & on arrête ce lacs en passant le noeud de son extrémité dans l'une de ses boutonnieres: on met alors à l'essieu du treuil la manivelle, & on tourne autant qu'il est nécessaire pour allonger & réduire le membre démis.

Cette machine peut être appliquée pour faire les extensions dans certaines fractures, en pressant différemment les lacs.

Pour se servir de cette machine aux luxations de la cuisse, M. Petit a ajouté deux especes de croissans aux branches (voyez fig. 5.), dont l'un appuie sur l'os des îles, & l'autre sur la partie moyenne de la cuisse. On prend une serviette dont on noue ensemble deux angles, pour en former une anse dans laquelle on passe la cuisse jusque dans l'aîne, on en attache l'anse au cordon de la moufle mobile, & on tourne la manivelle: par - là on fait trois efforts différens. Le croissant supérieur arcboute contre l'os de la hanche; l'inférieur pousse le bas de la cuisse en - dedans, la serviette tire le haut du fémur en - dehors, & par le concours de ces trois mouvemens, la réduction se fait presque toujours sans peine, & sans qu'il soit nécessaire de faire d'autres extensions: on ne parle ici que de la luxation de la cuisse en - bas & en - dedans.

Il faut voir tous les détails dans l'auteur pour se mettre au fait des particularités dans lesquelles nous ne pouvons entrer. On trouve une machine destinée aux mêmes usages dans la chirurgie de Platner, mais si l'on fait bien attention aux regles posées par les meilleurs auteurs, & fondées en raison & en expérience, pour la réduction des luxations, on sentira combien peu l'on doit attendre de secours de toutes ces machines. La réduction des luxations dépend de plusieurs mouvemens combinés. Chaque espece de déplacement exige que le membre soit situé différemment, pour que les muscles qui sont accidentellement dans une tension contre nature, ne soient pas exposés à de nouvelles violences par l'effet des extensions nécessaires; on risque de déchirer les muscles, & de les arracher dans une opération mal dirigée. Il faut sûrement plus de lumieres & d'adresse que de forces, pour faire à propos tout ce qu'il convient, suivant la situation de la tête de l'os qui peut être portée en - haut, en - bas, en - devant, en - arriere, en - dedans, en - dehors; ce qui fait que les membres sont tantôt plus longs, tantôt plus courts, suivant l'espece de luxation. Comment donc pourroit - on réussir avec un instrument qui n'agit, & ne peut agir que suivant une seule & unique direction? dès qu'il est constant qu'il faut combiner les mouvemens pour oelâcher à propos certains muscles, en étendre d'autres avec des efforts variés en différens sens, à mesure que la tête de l'os se rapproche de sa cavité, pour y être replacée. C'est ce qui est exposé dans un plus grand détail, dans le discours préliminaire de la derniere édition du traité des maladies des os de feu M. Petit, en 1758. Voyez Ambi.

Machines pour arrêter les hémorrhagies, voyez Tourniquet.

Machine pour redresser les enfans bossus, Pl. VI. fig. 2. voyez Rachitis.

Machines pour les hernies de l'ombilic, Pl. VI. fig. 3. & Pl. XXIX. voyez Exomphale.

Machine pour les fractures compliquées de la jambe; voyez Boîte. (Y)

Luxe (Page 9:763)

Luxe, c'est l'usage qu'on fait des richesses & de l'industrie pour se procurer une existence agréable.

Le luxe a pour cause premiere ce mécontentement de notre état; ce desir d'être mieux, qui est & doit être dans tous les hommes. Il est en eux la cause de leurs passions, de leurs vertus & de leurs vices. Ce desir doit nécessairement leur faire aimer & rechercher les richesses; le desir de s'enrichir entre donc & doit entrer dans le nombre des ressorts de tout gouvernement qui n'est pas fondé sur l'égalité & la communauté des biens; or l'objet principal de ce desir doit être le luxe; il y a donc du luxe dans tous les états, dans toutes les sociétés: le sauvage a son hamac qu'il achete pour des peaux de bêtes; l'européen a son canapé, son lit; nos femmes mettent du rouge & des diamans, les femmes de la Floride mettent du bleu & des boules de verre.

Le luxe a été de tout tems le sujet des déclamations des Moralistes, qui l'ont censuré avec plus de morosité que de lumiere, & il est depuis quelque tems l'objet des eloges de quelques politiques qui en ont parlé plus en marchands ou en commis qu'en philosophes & en hommes d'état.

Ils ont dit que le luxe contribuoit à la population.

L'Italie, seion Tite - Live, dans le tems du plus haut degré de la grandeur & du luxe de la république romaine, étoit de plus de moitié moins peuplée que lorsqu'elle étoit divisée en petites républiques presque sans luxe & sans industrie.

Ils ont dit que le luxe enrichissoit les états.

Il y a peu d'états où il y ait un plus grand luxe qu'en Portugal; & le Portugal, avec les ressources de son sol, de sa situation, & de ses colonies, est moins riche que la Hollande qui n'a pas les mêmes avantages, & dans les moeurs de laquelle regnent encore la frugalité & la simplicité.

Ils ont dit que le luxe facilitoit la circulation des monnoies.

La France est aujourd'hui une des nations où regne le plus grand luxe, & on s'y plaint avec raison du défaut de circulation dans les monnoies qui passent des provinces dans la capitale, sans refluer également de la capitale dans les provinces.

Ils ont dit que le luxe adoucissoit les moeurs, & qu'il répandoit les vertus privées.

Il y a beaucoup de luxe au Japon, & les moeurs y sont toujours atroces. Il y avoit plus de vertus privées dans Rome & dans Athènes, plus de bienfaisance & d'humanité dans le tems de leur pauvreté que dans le tems de leur luxe.

Ils ont dit que le luxe étoit favorable aux progrès des connoissances & des beaux arts.

Quels progrès les beaux arts & les connoissances ont - ils fait chez les Sibarites, chez les Lydiens, & chez les Tonquinois.

Ils ont dit que le luxe augmentoit également la puissance des nations & le bonheur des citoyens.

Les Perses sous Cyrus avoient peu de luxe, & ils subjuguerent les riches & industrieux Assyriens. Devenus riches, & celui des peuples où le luxe regnoit le plus, les Perses furent subjugués par les Macédoniens, peuple pauvre. Ce sont des sauvages qui ont renversé ou usurpé les empires des Romains, des califes de l'Inde & de la Chine. Quant au bonheur du citoyen, si le luxe donne un plus grand nombre de commodités & de plaisirs, vous verrez, en par<pb-> [p. 764] courant l'Europe & l'Asie, que ce n'est pas du - moins au plus grand nombre des citoyens.

Les censeurs du luxe sont également contredits par les faits.

Ils disent qu'il n'y a jamais de luxe sans une extrème inégalité dans les richesses, c'est - à - dire, sans que le peuple soit dans la misere, & un petit nombre d'hommes dans l'opulence; mais cette disproportion ne se trouve pas toujours dans les pays du plus grand luxe, elle se trouve en Pologne & dans d'autres pays qui ont moins de luxe que Berne & Geneve, où le peuple est dans l'abondance.

Ils disent que le luxe fait sacrifier les arts utiles aux agréables, & qu'il ruine les campagnes en rassemblant les hommes dans les villes.

La Lombardie & la Flandre sont remplies de luxe & de belles villes; cependant les laboureurs y sont riches, les campagnes y sont cultivées & peuplées. Il y a peu de luxe en Espagne, & l'agriculture y est négligée; la plûpart des arts utiles y sont encore ignorés.

Ils disent que le luxe contribue à la dépopulation.

Depuis un siecle le luxe & la population de l'Angleterre sont augmentés dans la même proportion; elle a de plus peuplé des colonies immenses.

Ils disent que le luxe amollit le courage.

Sous les ordres de Luxembourg, de Villars & du comte de Saxe, les François, le peuple du plus grand luxe connu, se sont montrés le plus courageux. Sous Sylla, sous César, sous Lucullus, le luxe prodigieux des romains porté dans leurs armées, n'avoit rien ôté à leur courage.

Ils disent que le luxe éteint les sentimens d'honneur & d'amour de la patrie.

Pour prouver le contraire, je citerai l'esprit d'honneur & le luxe des françois dans les belles années de Louis XIV. & ce qu'ils sont depuis; je citerai le fanatisme de patrie, l'enthousiasme de vertu, l'amour de la gloire qui caractérisent dans ce moment la nation angloise.

Je ne prétends pas rassembler ici tout le bien & le mal qu'on a dit du luxe, je me borne à dire le principal, soit des éloges, soit des censures, & à montrer que l'histoire contredit les unes & les autres.

Les philosophes les plus modérés qui ont écrit contre le luxe, ont prétendu qu'il n'étoit funeste aux états que par son excès, & ils ont placé cet excès dans le plus grand nombre de ses objets & de ses moyens, c'est à - dire dans le nombre & la perfection des arts, à ce moment des plus grands progrès de l'industrie, qui donne aux nations l'habitude de jouir d'une multitude de commodités & de plaisirs, & qui les leur rend nécessaires. Enfin, ces philosophes n'ont vu les dangers du luxe que chez les nations les plus riches & les plus éclairées; mais il n'a pas été difficile aux philosophes, qui avoient plus de logique & d'humeur que ces hommes modérés, de leur prouver que le luxe avoit été vicieux chez des nations pauvres & presque barbares; & de conséquence en conséquence, pour faire éviter à l'homme les inconvéniens du luxe, on a voulu le replacer dans les bois & dans un certain état primitif qui n'a jamais été & ne peut être.

Les apologistes du luxe n'ont jusqu'à présent rien répondu de bon à ceux qui, en suivant le fil des événemens, les progrès & la décadence des empires, ont vû le luxe s'élever par degrés avec les nations, les moeurs se corrompre, & les empires s'affoiblir, décliner & tomber.

On a les exemples des Egyptiens, des Perses, des Grecs, des Romains, des Arabes, des Chinois, &c. dont le luxe a augmenté en même tems que ces peuples ont augmenté de grandeur, & qui depuis le moment de leur plus grand luxe n'ont cessé de perdre de leurs vertus & de leur puissance. Ces exemples ont plus de force pour prouver les dangers du luxe que les raisons de ses apologistes pour le justifier; aussi l'opinion la plus générale aujourd'hui est - elle que pour tirer les nations de leur foiblesse & de leur obscurité, & pour leur donner une force, une consistence, une richesse qui les élevent sur les autres nations, il faut qu'il y ait du luxe; il faut que ce luxe aille toujours en croissant pour avancer les arts, l'industrie, le commerce, & pour amener les nations à ce point de maturité suivi nécessairement de leur vieillesse, & enfin de leur destruction. Cette opinion est assez générale, & même M. Hume ne s'en éloigne pas.

Comment aucun des philosophes & des politiques qui ont pris le luxe pour objet de leurs spéculations, ne s'est - il pas dit: dans les commencemens des nations, on est & on doit être plus attache aux principes du gouvernement; dans les sociétés naissantes, toutes les lois, tous les réglemens, sont chers aux membres de cette société, si elle s'est établie librement; & si elle ne s'est pas établie librement, toutes les lois, tous les réglemens sont appuyés de la force du législateur, dont les vûes n'ont point encore varié, & dont les moyens ne sont diminués ni en force ni en nombre; enfin l'intérêt personnel de chaque citoyen, cet intérêt qui combat presque partout l'intérêt géneral, & qui tend sans cesse à s'en séparer, a moins eu le tems & les moyens de le combattre avec avantage, il est plus confondu avec lui, & par conséquent dans les sociétés naissantes, il doit y avoir plus que dans les anciennes sociétés un esprit patriotique, des moeurs & des vertus.

Mais aussi dans le commencement des nations, la raison, l'esprit, l'industrie, ont fait moins de progrès; il y a moins de richesses, d'arts, de luxe, moins de manieres de se procurer par le travail des autres une existence agréable; il y a nécessairement de la pauvreté & de la simplicité.

Comme il est dans la nature des hommes & des choses que les gouvernemens se corrompent avec le tems; & aussi dans la nature des hommes & des choses qu'avec le tems les états s'enrichissent, les arts se perfectionnent & le luxe augmente:

N'a - t - on pas vu comme cause & comme effet l'un de l'autre ce qui, sans être ni l'effet ni la cause l'un de l'autre, se rencontre ensemble & marche à peu - près d'un pas égal?

L'intérêt personnel, sans qu'il soit tourné en amour des richesses & des plaisirs, enfin en ces passions qui amenent le luxe, n'a - t - il pas, tantôt dans les magistrats, tantôt dans le souverain ou dans le peuple fait faire des changemens dans la constitution de l'état qui l'ont corrompu? ou cet intérêt personnel, l'habitude, les préjugés, n'ont - ils pas empêché de faire des changemens que les circonstances avoient rendu nécessaires? N'y a - t - il pas enfin dans la constitution, dans l'administration, des fautes, des défauts qui, très - indépendamment du luxe, ont amené la corruption des gouvernemens & la décadence des empires?

Les anciens Perses vertueux & pauvres sous Cyrus, ont conquis l'Asie, en ont pris le luxe, & se sont corrompus. Mais se sont - ils corrompus pour avoir conquis l'Asie, ou pour avoir pris son luxe, n'est ce pas l'étendue de leur domination qui a changé leurs moeurs! N'étoit - il pas impossible que dans un empire de cette étendue il subsistât un bon ordre ou un ordre quelconque. La Perse ne devoit - elle pas tomber dans l'abîme du despotisme? or par - tout où l'on voit le despotisme, pourquoi chercher d'autres causes de corruption?

Le despotisme est le pouvoir arbitraire d'un seul sur le grand nombre par le secours d'un petit nom<pb->

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