ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"755"> le feu très - fort avec les vaisseaux de verre & de terre lutés, & même dans le degré quelconque de feu mis avec les vaisseaux de verre lutés; cependant les bons artistes n'ont pas absolument besoin de ce secours, du - moins pour les vaisseaux de terre; & qu'il n'est point de bon ouvrier qui ne se chargeât d'exécuter, avec les vaisseaux de terre non lutés, les opérations qui se sont ordinairement avec ces vaisseaux lutés, il n'auroit besoin pour cela que d'un peu plus d'assiduité auprès de son appareil, & de faire toujours feu lui - même; au - lieu que communément on se contente de faire entretenir le feu par les apprentifs & les manoeuvres. Il faut savoir encore que les vaisseaux de verre très - minces, tels que ceux qu'on appelle dans les boutiques phioles à médecine, peuvent sans être lutés se placer sans ménagement à - travers un brasier ardent.

Cet autre avantage plus essentiel du lut dont on enduit les vaisseaux de verre ou de terre destinés à essuyer uu feu très - fort, c'est de les renforcer, de les maintenir, de leur servir pour ainsi dire de supplément ou d'en tenir lieu, lorsque les vaisseaux sont détruits en partie par la violence du feu. Ceci va devenir plus clair par le petit détail suivant: les cornues de verre employées à des distillations qui demandent un feu très violent (à celle du nitre ou du sel marin avec le bol, par exemple), coulent ou se fondent sur la fin de l'opération; si donc elles n'étoient soutenues par une enveloppe fixe indestructible, par une espece de second vaisseau, il est clair qu'une cornue qui se fond laisseroit répandre, tomber dans le foyer du fourneau les matieres qu'on y avoit renfermées, & qu'ainsi l'opération n'iroit pas jusqu'à la fin. Une bonne couche de lut bien appliquée, exactement moulée sur le vaisseau, devient dans ces cas le second vaisseau, & contient les matieres, qui dans le tems de l'opération, sont toujours seches jusqu'à ce qu'on les ait épuisées par le feu. On lute aussi quelquefois les creusets dans les mêmes vûes, lorsqu'on veut fondre dans ces vaisseaux des matieres très - fondantes, ou douées de la propriété des flux, (voyez Flux & Fondant, Chimie, Métal.) & qui attaquent, entament dans la fonte le creuset même, le pénetrent, le criblent, comme cela arrive souvent en procédant à l'examen des pierres & des terres par la fusion, selou la méthode du célebre M. Pott. Voyez Lithogeognosie, Pifrres, Terres

Le lut à cuirasser les vaisseaux (le terme est technique, du - moins en latin; loricare, luter, loricatio, action de luter) est diversement décrit dans presque tous les auteurs: mais la base en est toujours une terre argilleuse, dans laquelle on répand uniformément de la pai le hachée, de la fiente de cheval, de la filasse, de la bourre, ou autres matieres analogues, pour donner de la liaison au lut, l'empêcher autant qu'il est possible, de se gerser en se dessechant. L'addition de chaux, de sable, de limaille de fer, de litarge, de sang, &c qu'on trouve demandés dans les livres, est absolument inutile. Une argille quelconque, bien pétrie avec une quantité de bourre qu'on apprend facilement à déterminer par l'usage, & qu'il suffit de déterminer fort vaguement, fournit un bon lut, bien adhérent, & soutenant très - bien le feu. On y employe communément à Paris une espece de limon, connu sous le nom vulgaire de terre à four, & qui est une terre argilleuse mêlée de sablon & de marne. Cette terre est très - propre à cet usage; elle vaut mieux que de l'argille ou terre de potier commune; mais, encore un coup, cette derniere est très - suffisante.

Ce même lut sert à faire les garnis des fourneaux (voyez Garni), à fermer les jointures des fourneaux à plusieurs pieces, & le vuide qui se trouve entre les cous des vaisseaux & les bords des ouvertures par lesquelles ces cous sortent des fourneaux; à bâtir des domes de plusieurs pieces, ou à former avec des morceaux de briques, des débris de vaisseaux, des morceaux de lut secs, &c. des supplémens quelconques à des fourneaux incomplets, délabrés & dont on est quelquefois obligé de se servir; enfin à bâtir les fourneaux de brique; car comme dans la construction des fours de boulangers, des fourneaux de cuisine, &c. il ne faut y employer ni mortier ni plâtre. On peut se passer pour ce dernier usage de mêler des matieres filamenteuses à la terre.

Les luts à fermer les jointures des vaisscaux doivent être différens, selon la nature de vapeurs qui doivent parvenir à ces jointures; car ce n'est jamais qu'à des vapeurs qu'elles sont exposées. Celui qu'on employe à luter ensemble les différentes pieces d'un appareil destiné à la distillation des vapeurs salines, & sur - tout acides, doit être tel que ces vapeurs ne puissent pas l'entamer. Une argille pure, telle que la terre à pipes de Rouen, & la terre qu'on employe à Montpellier & aux environs, à la préparation de la crême de tartre, fournit la base convenable d'un pareil lut: reste à la préparer avec quelque liqueur visqueuse, ténace, qui puisse la réduire en une masse liée, continue, incapable de contracter la moindre gersure, qui soit d'ailleurs souple, ductile, & qui ne se durcisse point assez en se dessechant, pour qu'il soit difficile de la détacher des vaisseaux après l'opération; car la liaison grossiere & méchanique du lut à cuirasser seroit absolument insuffisante ici, où l'on se propose de fermer tout passage à la vapeur la plus subtile, & ce lut se desseche & se durcit au point qu'on risqueroit de casser les vaisseaux, en voulant enlever celui qui se seroit glissé entre deux.

Le meilleur lut de ce genre que je connoisse, est celui - ci, que j'ai toujours vû employer chez M. Rouelle, sous le nom de lut gras, & que M. Baron propose aussi dans ses notes sur la Chimie de Lémery.

Lut gras. Prenez de terre à pipes de Rouen, ou d'argille très - pure réduite en poudre très - fine, trois livres & demie; de vernis de succin (voyez Vernis & Succin), quinze onze; d'huile de lin cuite, sept a huit onces: incorporez exactement ces matieres en les battant long tems ensemble dans le grand mortier de fer ou de bronze. Pour rendre ce mélange aussi parfait & aussi égal qu'il est possible, on déchire par petits morceaux la premiere masse qu'on a formée, en faisant absorber peu - à - peu tout le vernis & toute l'huile à l'argille; on jette ces morceaux un à un dans le mortier, & en battant toujours, on les réunit à mesure qu'on les jette. On réitere cette manoeuvre cinq ou six fois. On apprend facilement par l'usage à determiner les proportions des différens ingrédiens, que les artistes exercés n'ont pas besoin de fixer par le poids. Si après avoir fait le mélange par estimation on ne le trouve pas assez collant, on ajoûte du vernis; si on veut simplement le ramollir, on ajoûte de l'huile; s'il manque de consistance, on augmente la proportion de la terre.

Ce lut doit être gardé exactement enveloppé d'une vessie. Moyennant cette précaution, il se conserve pendant plusieurs années sans se dessécher. Mais s'il devient enfin trop sec, on le ramollit en le battant dans le mortier avec un peu d'huile de lin cuite.

Un lut qui est éminemment agglutinatif, mais que les acides attaquent, & que les vapeurs aqueuses même détruisent, qui ne peut par conséquent être appliqué que sur un lieu sec & à l'abri de toute vapeur ou liqueur, c'est celui qui résulte du mélange de la chaux en poudre, soit vive, soit éteinte à l'air, & du fromage mou, ou du blanc d'oeuf. Une [p. 756] bande de linge bien imbibée de blanc d'oeuf, saupoudrée de chaux, humectée de nouveau avec le blanc d'oeuf, & chargée d'une nouvelle couche de chaux pétrie prestement avec le doigt, & étendue sur ce linge des deux cûtés; cette bande de linge ainsi préparée, dis - je, appliquée sur le champ & bien tendue sur les corps même les plus polis, comme le verre, y adhere fortement, s'y durcit bientôt, & forme un corps solide & presque continu avec celui auquel on l'applique. Ces qualités la rendent très - propre à affermir & retenir dans une situation constante les divers vaisseaux adaptés ensemble dans les appareils ordinaires de distillation, où l'on veut fermer les jointures le plus exactement qu'il est possible: c'est pour cela qu'après avoir bouché exactement le vuide de ces jointures avec du lut gras, on applique ensuite avec beaucoup d'avantage une bande de linge chargée de lut de blanc d'oeuf, sur les deux vaisseaux à réunir, de maniere que chacun des bords de la bande porte immédiatement sur le corps de l'un & l'autre vaisseau, & que la couche de lut soit embrassée & dépassée des deux côtés. Si on ne faisoit que recouvrir le lut, comme le prescrit M. Baron dans la note déjà citée, on ne rempliroit pas le véritable objet de l'emploi de ce second lut; car ce qui rend le premier insuffisant, c'est qu'étant naturellement mou, & pouvant se ramollir davantage par la chaleur, il peut bien réunir très - exactement des vaisseaux immobiles, mais non pas les fixer, empêcher qu'au plus léger mouvement ils ne changent de situation, & ne dérangent par - là la position du lut, qui deviendra alors inutile.

Les jointures des vaisseaux dans lesquels on distille ou on digere à une chaleur légere des matieres qui ne jettent que des vapeurs aqueuses & spiritueuses, peu dilatées, faisant peu d'effort contre ces jointures, on se contente de les fermer avec des bandelettes de vessie de cochon mouillées, ou de papier chargées de colle ordinaire de farine.

Enfin les vaisseaux félés ou cassés se recollent ou se rapiécent avec les bandes de linge chargées de lut de chaux & de blanc d'oeuf; sur quoi il faut observer, 1°. que des vaisseaux ainsi rajustés ne sauroient aller au feu ni à l'eau, & qu'ainsi ce radoub se borne aux chapiteaux, aux récipiens, aux poudriers, & aux bouteilles, qu'encore il ne faut point rincer en dehors; 2°. que lorsque ces vaisseaux à recoller sont destinés à contenir des liqueurs, il est bon d'étendre d'abord le long de la fente une couche mince & étroite, un filet de lut gras, & d'appliquer par - dessus une large bande de linge, &c. (G)

LUTH (Page 9:756)

LUTH, s. m. (Luth.) instrument de musique à cordes; comme il differe peu du théorbe, qui n'est à proprement parler qu'un luth à deux manches, nous renvoyons ce que nous avons à dire du luth à l'article Théorbe.

LUTHERANISME (Page 9:756)

LUTHERANISME, (Théol.) sentimens du docteur Luther & de ses sectateurs sur la Religion.

Le luthéranisme eut pour auteur, dans le xvj. siecle, Martin Luther, dont il a pris son nom. Cet hérésiarque naquit à Eisleben, ville du comté de Mansfeld en Thuringe, l'an 1483. Après ses études il entra dans l'ordre des Augustins en 1508: il vint à Vittemberg & y enseigna la Philosophie dans l'université qui y avoit été établie quelques années auparavant. En 1512 il prit le bonnet de docteur en théologie: il commença en 1516 à s'élever contre la théologie scholastique, qu'il combattit cette année là dans des theses. En 1517 Léon X. ayant fait prêcher des indulgences pour ceux qui contribueroient aux dépenses de l'édifice de S. Pierre de Rome, il en donna la commission aux Dominicains: les Augustins prétendirent qu'elle leur appartenoit préférablement à eux; & Jean Staupitz, leur commissaire général en Alle<cb-> magne, donna ordre à Luther de prêcher contre ces quêteurs. Voyez Indulgence.

Luther, homme violent & emporté, & d'ailleurs fort vain & fort plein de lui - même, s'acquitta de cette commission d'une autre maniere que son supérieur apparemment n'avoit voulu. Des prédicateurs des indulgences, il passa aux indulgences même, & déclama également contre les uns & contre les autres. Il avança d'abord des propositions ambiguës; engagé ensuite par la dispute, il les soutint dans un mauvais sens, & il en dit tant, qu'il fut excommunié par le pape l'an 1520. Il goûta si bien le plaisir flatteur de se voir chef de parti, que ni l'excommunication de Rome, ni la condamnation de plusieurs universités célebres, ne firent point d'impression sur lui. Ainsi il fit une secte que l'on a nommé luthéranisme, & dont les sectateurs sont appellés luthériens, du nom de Luther, qui approche du grec, & qu'il prit au lieu de celui de sa famille, qui étoit Loser ou Lauther. C'étoit la coutume des gens de lettres dans ce siecle de se donner des noms grecs, témoins Capnion, Erasme, Melanchton, Bucer, &c. Voyez Noms.

En 1523 Luther quitta tout - à - fait l'habit religieux, & en 1525 il séduisit une religieuse nommé Catherine de Bere, la débaucha & l'épousa ensuite publiquement. Après avoir attiré l'Allemagne à ses sentimens, sous la protection du due Saxe Georges, il mourut à Eislebe, sa patrie, l'an 1546. Voyez Réforme.

Les premiers qui reçurent le luthéranisme furent ceux de Mansfeld & ceux de Saxe: il fut prêché à Kreichsaw en 1621: il fut reçu à Groslar, à Rostoch, à Riga en Livonie, à Reutlinge & à Hall en Souabe, à Ausgbourg, à Hambourg, à Trept en Poméranie en 1522, en Prusse en 1523; à Einbech, dans le duché de Lunebourg, à Nuremberg & à Breslaw en 1525; dans la Hesse en 1526. A Aldenbourg, à Strasbourg & a Brunswich en 1528; à Gottingen, à Lemgou, à Lunebourg en 1530; à Munster & à Paderborn en Westphalie, en 1532; à Etlingen & à Ulm en 1533; dans le duché de Crubenhagen, à Hanovre & en Poméranie en 1534; dans le duché de Wirtemberg en 1535; à Cothus dans la basse Lusace, en 1537; dans le comté de Lipe en 1538; dans l'électorat de Brandebourg, à Brême, à Hall en Saxe, à Léipsic en Misnie, & à Quetlenbourg en 1539; à Embden dans la Frise orientale, à Hailbron, à Halberstad, à Magdebourg en 1540; au Palatinat dans les duchés de Neubourg, à Ragensbourg & à Wismar en 1540; à Buxtende, à Hildesheim & à Osnabruck en 1543; dans le bas Palatinat en 1546, dans le Meklembourg en 1552; dans le marquisat de Dourlach & de Hochberg en 1556; dans le comté de Bentheim en 1564; à Haguenau & au bas marquisat de Bade en 1568, & en 1570 dans le duché de Magdebourg. Jovet, tom. I. p. 460. 461.

Le luthéranisme a souffert plusieurs variations. soit pendant la vie, soit depuis la mort de son auteur. Luther rejettoit l'épître de S. Jacques, comme contraire à la doctrine de S. Paul touchant la justification, & l'apocalypse; mais ces deux livres sont aujourd'hui reçus par les Luthériens. Il n'admettoit de sacremens que le Baptême & l'Eucharistie; il croyoit l'impanation, c'est - à - dire que la matiere du pain & du vin reste avec le corps de Jesus - Christ, & c'est en quoi les Luthériens different des Calvinistes. Voyez Consubstantiation.

Luther prétendoit que la messe n'est point un sacrifice; il rejettoit l'adoration de l'hostie, la confession auriculaire, toutes les oeuvres satisfactoires, les indulgences, le purgatoire, le culte & l'usage des images. Luther combattoit la liberté, & soutenoit que nous sommes nécessités en toutes nos oeuvres, & que toutes les actions faites en péché mortel, &

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.