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LUT & LUTER (Page 9:754)
LUT & LUTER, (Chimie.) ce mot est tiré du latin lutum, boue, parce qu'un des luts le plus communément employés, est une boue ou de la terre détrempée.
On appelle lut toute matiere ténace qu'on applique aux vaisseaux chimiques, & qu'on y fait fortement adhérer, soit pour les munir contre l'action immédiate du feu, soit pour fermer les jointures des différens vaisseaux qu'on adapte les uns aux autres dans les appareils composés, soit enfin pour boucher les fentes des vaisseaux félés, en affermir & retenir les parties dans leur ancienne union, ou même les réunir lorsqu'elles sont entierement séparées.
Ce dernier usage n'est absolument que d'économie; mais cette économie est presque de nécessité dans les laboratoires de chimie; car s'il falloit mettre en rebut tous les vaisseaux, sur - tout de verre, félés & cassés, la consommation en deviendroit très dispendieuse: les deux autres usages des luts sont presque absolument indispensables.
Premierement, quant aux luts destinés à prémunir
les vaisseaux contre l'action immédiate du feu,
ce n'est autre chose qu'un garni, voyez
Cet autre avantage plus essentiel du lut dont on
enduit les vaisseaux de verre ou de terre destinés à
essuyer uu feu très - fort, c'est de les renforcer, de
les maintenir, de leur servir pour ainsi dire de supplément
ou d'en tenir lieu, lorsque les vaisseaux sont
détruits en partie par la violence du feu. Ceci va
devenir plus clair par le petit détail suivant: les
cornues de verre employées à des distillations qui
demandent un feu très violent (à celle du nitre ou
du sel marin avec le bol, par exemple), coulent ou
se fondent sur la fin de l'opération; si donc elles
n'étoient soutenues par une enveloppe fixe indestructible,
par une espece de second vaisseau, il est
clair qu'une cornue qui se fond laisseroit répandre,
tomber dans le foyer du fourneau les matieres qu'on
y avoit renfermées, & qu'ainsi l'opération n'iroit
pas jusqu'à la fin. Une bonne couche de lut bien appliquée,
exactement moulée sur le vaisseau, devient
dans ces cas le second vaisseau, & contient les matieres,
qui dans le tems de l'opération, sont toujours
seches jusqu'à ce qu'on les ait épuisées par le
feu. On lute aussi quelquefois les creusets dans les
mêmes vûes, lorsqu'on veut fondre dans ces vaisseaux
des matieres très - fondantes, ou douées de la
propriété des flux, (voyez
Le lut à cuirasser les vaisseaux (le terme est technique, du - moins en latin; loricare, luter, loricatio, action de luter) est diversement décrit dans presque tous les auteurs: mais la base en est toujours une terre argilleuse, dans laquelle on répand uniformément de la pai le hachée, de la fiente de cheval, de la filasse, de la bourre, ou autres matieres analogues, pour donner de la liaison au lut, l'empêcher autant qu'il est possible, de se gerser en se dessechant. L'addition de chaux, de sable, de limaille de fer, de litarge, de sang, &c qu'on trouve demandés dans les livres, est absolument inutile. Une argille quelconque, bien pétrie avec une quantité de bourre qu'on apprend facilement à déterminer par l'usage, & qu'il suffit de déterminer fort vaguement, fournit un bon lut, bien adhérent, & soutenant très - bien le feu. On y employe communément à Paris une espece de limon, connu sous le nom vulgaire de terre à four, & qui est une terre argilleuse mêlée de sablon & de marne. Cette terre est très - propre à cet usage; elle vaut mieux que de l'argille ou terre de potier commune; mais, encore un coup, cette derniere est très - suffisante.
Ce même lut sert à faire les garnis des fourneaux
(voyez
Les luts à fermer les jointures des vaisscaux doivent être différens, selon la nature de vapeurs qui doivent parvenir à ces jointures; car ce n'est jamais qu'à des vapeurs qu'elles sont exposées. Celui qu'on employe à luter ensemble les différentes pieces d'un appareil destiné à la distillation des vapeurs salines, & sur - tout acides, doit être tel que ces vapeurs ne puissent pas l'entamer. Une argille pure, telle que la terre à pipes de Rouen, & la terre qu'on employe à Montpellier & aux environs, à la préparation de la crême de tartre, fournit la base convenable d'un pareil lut: reste à la préparer avec quelque liqueur visqueuse, ténace, qui puisse la réduire en une masse liée, continue, incapable de contracter la moindre gersure, qui soit d'ailleurs souple, ductile, & qui ne se durcisse point assez en se dessechant, pour qu'il soit difficile de la détacher des vaisseaux après l'opération; car la liaison grossiere & méchanique du lut à cuirasser seroit absolument insuffisante ici, où l'on se propose de fermer tout passage à la vapeur la plus subtile, & ce lut se desseche & se durcit au point qu'on risqueroit de casser les vaisseaux, en voulant enlever celui qui se seroit glissé entre deux.
Le meilleur lut de ce genre que je connoisse, est celui - ci, que j'ai toujours vû employer chez M. Rouelle, sous le nom de lut gras, & que M. Baron propose aussi dans ses notes sur la Chimie de Lémery.
Lut gras. Prenez de terre à pipes de Rouen, ou
d'argille très - pure réduite en poudre très - fine, trois
livres & demie; de vernis de succin (voyez
Ce lut doit être gardé exactement enveloppé d'une vessie. Moyennant cette précaution, il se conserve pendant plusieurs années sans se dessécher. Mais s'il devient enfin trop sec, on le ramollit en le battant dans le mortier avec un peu d'huile de lin cuite.
Un lut qui est éminemment agglutinatif, mais que les acides attaquent, & que les vapeurs aqueuses même détruisent, qui ne peut par conséquent être appliqué que sur un lieu sec & à l'abri de toute vapeur ou liqueur, c'est celui qui résulte du mélange de la chaux en poudre, soit vive, soit éteinte à l'air, & du fromage mou, ou du blanc d'oeuf. Une [p. 756]
Les jointures des vaisseaux dans lesquels on distille ou on digere à une chaleur légere des matieres qui ne jettent que des vapeurs aqueuses & spiritueuses, peu dilatées, faisant peu d'effort contre ces jointures, on se contente de les fermer avec des bandelettes de vessie de cochon mouillées, ou de papier chargées de colle ordinaire de farine.
Enfin les vaisseaux félés ou cassés se recollent ou se rapiécent avec les bandes de linge chargées de lut de chaux & de blanc d'oeuf; sur quoi il faut observer, 1°. que des vaisseaux ainsi rajustés ne sauroient aller au feu ni à l'eau, & qu'ainsi ce radoub se borne aux chapiteaux, aux récipiens, aux poudriers, & aux bouteilles, qu'encore il ne faut point rincer en dehors; 2°. que lorsque ces vaisseaux à recoller sont destinés à contenir des liqueurs, il est bon d'étendre d'abord le long de la fente une couche mince & étroite, un filet de lut gras, & d'appliquer par - dessus une large bande de linge, &c. (G)
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