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Les autres motifs étoient bo>nés à leur secte; c'étoit l'envie d'en soûtenir l'honneur & le crédit; & de tâcher de l'anoblir par ce faux lustre. Il est étonnant jusqu'à quel point ils étoient préoccupés & possédés de ce desir. L'histoire de la conversation de Pompée & de Possidonius le stoïque, qui est rapportée dans les Tusculanes de Ciceron, en est une exemple bien remarquable: ô douleur, disoit ce Philosophe malade & souffrant! tes efforts sont vains; tu peux être incommode, jamais je n'avouerai que tu sois un mal. Si la crainte de se rendre ridicule en désavoüant ses principes, peut engager des hommes à se faire une si grande violence, la crainte de se rendre généralement odieux n'a pas été un motif moins puissant pour
A l'égard des nations de sauvages athées, qui vivent dans l'état de nature sans société civile, avec plus de vertu que les idolatres qui les environnent; sans vouloir révoquer ce fait en doute, il suffira d'observer la nature d'une telle société, pour démasquer le sophisme de cet argument.
Il est certain que dans l'état de la société, les hommes sont constamment portés à enfraindre les lois. Pour y remédier, la société est constamment occupée à soûtenir & à augmenter la force & la vigueur de ses ordonnances. Si l'on cherche la cause de cette perversité, on trouvera qu'il n'y en a point d'autre que le nombre & la violence des desirs qui naissent de nos besoins réels & imaginaires. Nos besoins réels sont nécessairement & invariablement les mêmes, extrèmement bornés en nombre, extrèmement aisés à satisfaire. Nos besoins imaginaires sont infinis, sans mesure> sans regle, augmentant exactement dans la même proportion qu'augmentent les différens arts. Or ces différens arts doivent leur origine à la société civile: plus la police y est parfaite, plus ces arts sont cultivés & perfectionnés, plus on a de nouveaux besoins & >rdens desirs; & la violence de ces desirs qui ont pour objet de satisfaire des besoins imaginaires, est beaucoup plus forte que celle des desirs fondés sur les besoins réels, non - seulement parce que les premiers sont en plus grand nombre, ce qui fournit aux passions un exercice continuel; non - seulement, parce qu'ils sont plus déraisonnables, ce qui en rend la satisfaction plus difficile, & que n'étant point naturels, ils sont sans mesure: mais principalement parce qu'une coûtume vicieuse a attaché à la satisfaction de ces besoins, une espece d'honneur & de rép>tation, qui n'est point attachée à la satisfaction des besoins réels. C'est en conséquence de ces principes, que nous disons que toutes les précautions, dont la prévoyance humaine est capable, ne sont point suffisantes par elles - mêmes pour maintenir l'état de la société, & qu'il a été nécessaire d'avoir recours à quelqu'autre moyen. Mais dans l'état de nature où l'on ignore les arts ordinaires, les besoins des hommes réels sont en petit nombre, & il est aisé de les satisfaire: la nourriture & l'habillement sont tout ce qui est nécessaire au >oûtien de la vie; & la Providence a abondamment pourvû à ces besoins; ensorte qu'il ne doit y avoir guere de dispute, puisqu'il se trouve presque toûjours une abondance plus que suffisante pour satisfaire tout le monde.
Par - là, on peut voir clairement comment il est possible que cette canaille d'athées, s'il est permis de se servir de cette expression, vive paisiblement dans l'état de nature; & pourquoi la force des lois humaines ne pourroit pas retenir dans l'ordre & le devoir une société civile d'athées. Le sophisme de M. Bayle se découvre de lui - même. Il n'a pas soûtenu ni n'auroit voulu soûtenir que ces athées, qui vivent paisiblement dans leur état présent, sans le frein des lois humaines, vivroient de même sans le secours des lois, après qu'ils auroient appris les différens arts, [p. 815]
On peut observer qu'il regne un artifice uniforme
dans tous les sophismes, dont M. Bayle fait usage
pour soûtenir son paradoxe. Sa these étoit de prouver
que l'athéisme n'est pas pernicieux à la société; &
pour le prouver, il cite des exemples. Mais quels
exemples? De sophistes, ou de sauvages, d'un petit
nombre d'hommes spéculatifs fort au - dessous de ceux
qui dans un état forment le corps des citoyens, ou
d'une troupe de barbares & de sauvages infiniment
au - dessous d'eux, dont les besoins bornés ne réveillent
point les passions; des exemples, en un mot, dont on
ne peut rien conclurre, par rapport au commun des
hommes, & à ceux d'entr'eux qui vivent en société.
Voyez les dissertations de l'union de la religion, de
la morale & de la politique de M. Warbuton, d'ou
sont extraits la plûpart des raisonnemens qu'on fait
contre ce paradoxe de M. Bayle. Lisez l'article du
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