ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"784"> fent pour avoir donné aux hommes les premieres notions de l'Astronomie.

Si on croit Diodore de Sicile, Uranus, pere d'Atlas, forma l'année sur le cours du soleil & sur celui de la lune. Atlas inventa la sphere; ce qui donna lieu à la fable qu'il portoit le ciel sur ses épaules. Le même auteur ajoûte qu'il enseigna cette science à Hercule, qui la porta en Grece: ce ne sauroit être Hercule fils d'Alcmene, puisqu'Atlas, selon le témoignage de Suidas, vivoit onze âges avant la guerre de Troie; ce qui remonte jusqu'au tems de Noé & de ses fils. En descendant plus bas on trouve des traces plus marquées de l'étude que l'on faisoit de l'Astronomie dans les tems fabuleux. Newton a remarqué que les noms des constellations sont tous tirés des choses que les poëtes disent s'être passées dans le tems de la guerre de Troie, & lors de l'expédition des Argonautes: aussi les fables parlent - elles de personnes savantes dans l'Astronomie; elles font mention de Chiron, d'Ancée, de Nausicaë, &c. qui tous paroissent avoir contribué au progrès de cette science.

Ce dont on ne peut douter, c'est que plusieurs nations ne se soient appliquées à l'étude du ciel longtems avant les Grecs: Platon convient même que ce fut un Barbare qui observa le premier les mouvemens célestes; occupation à laquelle il fut déterminé par la beauté du ciel pendant l'été, soit en Egypte, soit en Syrie, où l'on voit toûjours les étoiles; les nuées & les pluies ne les dérobant jamais à la vûe. Ce philosophe prétend que si les Grecs se sont appliqués fort tard à l'Astronomie, c'est au défaut seul d'une atmosphere, telle que celle des Egyptiens & des Syriens, qu'il faut s'en prendre.

Aussi quelque audace qu'ayent eu les Grecs pour s'attribuer les premiers commencemens des sciences & des beaux arts, elle n'a cependant jamais été assez grande pour qu'ils se soient donné l'honneur d'avoir jetté les fondemens de l'Astronomie. Il est vrai qu'on apprend par un passage de Diodore de Sicile, que les Rhodiens prétendoient avoir porté cette science en Egypte: mais ce récit est mêlé de tant de fables, qu'il se détruit de lui - même; & tout ce qu'on en peut tirer de vraissemblable, c'est que comme les Rhodiens étoient de grands navigateurs, ils pouvoient avoir surpassé les autres Grecs par rapport aux observations astronomiques qui regardent la Marine; tout le reste doit être regardé comme fabuleux. Quelques auteurs, il est vrai, ont donné les premieres observations célestes à Orphée, (comme Diogene Laerce sur l'autorité d'Eudemus, dans son Histoire Astrologique, qui a été suivie par Théon & par Lucien) à Palamede, à Atrée, & à quelques - autres, ce qu'Achilles Statius tâche de prouver par des passages d'Eschyle & de Sophocle, dans son commentaire sur les phénomenes d'Aratus; mais il est certain que le plus grand nombre des auteurs Grecs & Latins est d'un avis contraire: presque tous les attribuant aux Chaldéens ou Babyloniens.

L'Astronomie & l'Astrologie prirent donc naissance dans la Chaldée, au jugement du grand nombre des auteurs: aussi le nom de Chaldéen est - il souvent synonyme à celui d'Astronome, dans les anciens écrivains. Il y en a qui sur l'autorité de Joseph aiment mieux attribuer l'invention de ces sciences aux anciens Hébreux, & même aux premiers hommes.

Quelques Juifs & quelques Chrétiens s'accordent avec les Musulmans, pour en faire honneur à Enoch: quant aux autres Orientaux, ils regardent Cain comme le premier astronome: mais toutes ces opinions paroissent destituées de vraissemblance à ceux qui sont versés dans la langue de ces premiers peuples de la terre; ils ne rencontrent dans l'Hébreu pas un terme d'Astronomie: le Chaldéen au contraire en est plein. Cependant il faut convenir qu'on trou<cb-> ve dans Job & dans les livres de Salomon, quelque trace légere de ces sciences.

Quelques - uns ont donné une parfaite connoissance de l'Astronomie à Adam; & l'on a fait, comme nous venons de le dire, le même honneur aux descendans de Seth, mais tout cela gratuitement. Il ne faut pas cependant douter que l'on n'eût quelque connoissance de l'Astronomie avant le déluge: nous apprenons par le journal de ce terrible évenement, que l'année étoit de 360 jours, & qu'elle étoit formée de 12 mois; arrangement qui suppose quelque notion du cours des astres. Voyez Ante - diluvienne.

M. l'abbé Renaudot paroît incliner pour l'opinion qui attribue l'invention de l'Astronomie aux anciens Patriarches; & il se fonde pour cela sur plusieurs raisons.

1°. Sur ce que les Grecs & les Latins ont compris les Juifs sous le nom de Chaldéens; 2°. sur ce que la distinction des mois & des années, qui ne se pouvoit connoître sans l'observation du cours de la lune & celui du soleil, est plus ancienne que le déluge, comme on le voit par différens passages de la Genese; 3°. sur ce qu'Abraham étoit sorti de Chaldée, de Ur Chaldoeorum, & que des témoignages de Berose & d'Eupolemus, cités par Eusebe, liv. IX. de la Préparation évangélique, prouvent qu'il étoit O'URANIA EMPRO\, savant dans les choses célestes, & qu'il avoit inventé l'Astronomie & l'Astrologie judiciaire; KA TH\N *AROLOGIA, KA TH\N XALDAI=XHN EUREI=N; 4°. sur ce qu'on trouve dans la sainte Ecriture plusieurs noms de planetes & de constellations.

D'un autre côté, M. Basnage prétend que tout ce qu'on débite sur ce sujet a fort l'air d'un conte. Philon nous apprend que l'on instruisit Moyse dans la science des astres; il ne faut pas douter que ce législateur n'en eût quelque connoissance: mais l'on ne sauroit croire que l'on eût fait venir des Grecs pour l'instruire, comme le dit cet auteur Juif. Du tems de Moyse il n'y avoit point de philosophes dans la Grece; & c'est de l'Egypte ou de la Phénicie que les Grecs ont tiré leurs premieres connoissances philosophiques. A l'égard de Job, ceux qui le qualisient astronome, se fondent sur quelques passages où l'on croit qu'il nomme les endroits les plus remarquables du ciel, & des principales constellations. Mais outre que les interpretes ne sont point d'accord sur le sens des termes employés dans ces textes, la connoissance des noms de certaines constellations ne seroit point une preuve que Job fût astronome.

Quoi qu'il en soit, il ne paroît pas qu'on puisse douter que l'Astronomie n'ait commencé dans la Chaldée; au moins c'est le jugement qu'on doit en porter d'après toutes les preuves historiques qui nous restent; & M. l'abbé Renaudot en rapporte un fort grand nombre dans son mémoire sur l'origine de la sphere, imprimé dans le premier volume du Recueil de l'Académie Royale des Sciences & des Belles - Lettres.

Nous trouvons dans l'Ecriture sainte divers passages, qui marquent l'attachement des Chaldéens à l'étude des astres. Nous apprenons de Pline, que l'inventeur de cette science chez les Chaldéens fut Jupiter Belus, lequel fut mis ensuite au rang des dieux: mais on est fort embarrassé à déterminer qui est ce Belus, & quand il a vécu. Parmi les plus anciens astronomes Chaldéens, on compte Zoroastre: maisles mêmes difficultés ont lieu sur le tems de son existence, aussi bien que sur celle de Belesis, & de Berose.

Ne seroit - ce point s'exposer à partager avec Rudbeck le ridicule de son opinion, que de la rapporter? Il prétend que les Suédois ont été les premiers inventeurs de l'Astronomie; & il se fonde sur ce que la grande diversité dans la longueur des jours en Suede, a dû conduire naturellement ses habitans à conclurre que la terre étoit ronde, & qu'ils étoient voisins de [p. 785] l'une de ses extrémités; deux propositions dont la vérité étoit, dit - il, moins sensible pour les Chaldéens, & pour ceux qui habitoient les régions moyennes du globe. Delà, continue notre auteur, les uédois engagés dans l'examen & dans la recherche des causes de la grande différence des saisons, n'auront pas manqué de découvrir que le progrès du soleil dans les cieux est renfermé dans un certain espace, &c. mais tous ces raisonnemens ne sont point appuyés sur le témoignage de l'histoire, ni soûtenus d'aucun fait connu.

Si l'on en croit Porphyre, la connoissance de l'Astronomie est fort ancienne dans l'orient. Si l'on en croit cet auteur, après la prise de Babylone par Alexandre, on apporta de cette ville des observations célestes depuis 1903 ans, & dont les premieres étoient par conséquent de l'an 115 du déluge; c'est - à - dire, qu'elles avoient été commencées 15 ans après l'érection de la tour de Babel. Pline nous apprend qu'Epigene assûroit que les Babyloniens avoient des observations de 720 ans gravées sur des briques. Achilles Tatius attribue l'invention de l'Astronomie aux Egyptiens; & il ajoûte que les connoissances qu'ils avoient de l'état du ciel se transmettoient à leur postérité sur des colonnes sur lesquelles elles étoient gravées.

Les payens eux - mêmes se sont moqués, comme a fait entr'autres Cicéron, de ces prétendues observations célestes que les Babyloniens disoient avoir été faites parmi eux depuis 470000 ans, ainsi que de celles des Egyptiens: on peut en dire autant de la tradition confuse & embrouillée de la plûpart des Orientaux que les premiers Européens qui entrerent dans la Chine y trouverent établie, & de celle des Persans touchant leur roi Cayumarath, qui régna 1000 ans, & qui fut suivi de quelques autres Rois dont le regne duroit des siecles. Ces opinions, toutes ridicules qu'elles sont, ont été conservées par un assez grand nombre d'auteurs, qui les avoient prises de quelques livres Grecs, où cette prodigieuse antiquité des Assyriens & des Babyloniens étoit établie comme la base de l'histoire.

Diodore dit que lors de la prise de Babylone par Alexandre, ils avoient des observations depuis 43000 ans. Quelques - uns prennent ces années pour des mois, & les réduisent à 3476 ans solaires; ce qui remonteroit encore jusque bien près de la création du monde, puisque la ruine de l'empire des Perses tombe à l'an du monde 3620. Mais laissant les fables, tenons - nous en à ce que dit Simplicius: il rapporte d'après Porphyre, que Callisthene, disciple & parent d'Aristote, trouva à Babylone, lorsqu'Alexandre s'en rendit maître, des observations depuis 1903 ans; les premieres avoient donc été faites l'an du monde 1717, peu après le déluge.

Les auteurs qui n'ont pas confondu la fable avec l'histoire, ont donc réduit les observations des Babyloniens à 1900 années; nombre moins considérable de beaucoup, & qui cependant peut paroître excessif. Ce qu'il y a pourtant de singulier, c'est qu'en comptant ces 1900 ans depuis Alexandre, on remonte jusqu'au tems de la dispersion des nations & de la tour de Babylone, au - delà duquel on ne trouve que des fables. Peut - être la prétendue histoire des observations de 1900 ans signifie - t - elle seulement que les Babyloniens s'étoient appliqués à l'Astronomie depuis le commencement de leur empire. On croit avec fondement que la tour de Babel, élevée dans la plaine de Sennaar, fut construite dans le même lieu où Babylone fut ensuite bâtie. Cette plaine étoit fort étendue, & la vûe n'y étoit bornée par aucunes montagnes; ce qui a pû donner promptement naissance aux observations astronomiques.

Les Chaldéens n'étoient pas versés dans la Géométrie, & il manquoient des instrumens nécessaires pour faire des observations justes: leur grande étude étoit l'Astrologie judiciaire; science dont on reconnoît bien aujourd'hui le ridicule. Leur observatoire étoit le fameux temple de Jupiter Belus, à Babylone.

Les longues navigations des Phéniciens n'ont pû se faire sans quelque connoissance des astres: aussi voyons - nous que Pline, Strabon, & quelques autres, rendent témoignage à leur habileté dans cette science: mais nous ne savons rien de certain sur les découvertes qu'ils peuvent avoir faites. Plusieurs historiens rendent aux Egyptiens le témoignage d'avoir cultivé l'Astronomie avant les Chaldéens. Diodore de Sicile avance que les colonies Egyptiennes porterent la connoissance des astres dans les environs de l'Euphrate. Lucién prétend que comme les autres peuples ont tiré leurs connoissances des Egyptiens, ceux - ci les tiennent des Ethiopiens, dont ils sont une colonie. Les moins favorables aux Egyptiens, les joignent pour l'invention de l'Astronomie aux Chaldéens. Il n'est pas aisé de découvrir qui fut l'inventeur de l'Astronomie chez les Egyptiens. Diodore en fait honneur à Mercure; Socrate, à Thaul; Diogene Laerce l'attribue à Ninus, fils de Vulcain; & Isocrate, à Busiris. Les connoissances astronomiques des Egyptiens les avoient conduits à pouvoir déterminer le cours du soleil & de la lune, & à former l'année: ils observoient le mouvement des planetes; & ce fut à l'aide de certaines hypotheses, & par le secours de l'Arithmétique & de la Géométrie, qu'ils entreprirent de déterminer quel en étoit le cours. Ils inventerent aussi diverses périodes des mouvemens des cieux; enfin ils s'adonnerent à l'Astrologie. Tout cela est appuyé sur le témoignage d'Hérodote & de Diodore, &c. Nous apprenons de Strabon, que les prêtres Egyptiens, qui étoient les astronomes du pays, avoient renoncé de son tems à cette étude, & qu'elle n'étoit plus cultivée parmi eux. Les Egyptiens, qui prétendoient être le plus ancien peuple de l'univers, regardoient leur pays comme le berceau des sciences, & par conséquent de l'Astronomie.

L'opinion commune est que l'Astronomie passa de l'Egypte dans la Grece: mais la connoissance qu'on en eut, fut d'abord extrèmement grossiere, & on peut en juger par ce que l'on en trouve dans Homere & dans Hésiode; elle se bornoit à connoître certains astres qui servoient de guides, soit pour le travail de la terre, soit pour les voyages sur mer; c'est ce que Platon a fort bien remarqué; ils ne faisoient aucunes observations exactes, & ils ignoroient l'Arithmétique & la Géométrie nécessaires pour les diriger.

Laerce dit que Thalès fit le premier le voyage d'Egypte dans le dessein d'étudier cette science, & qu'Eudoxe & Pythagore l'imiterent en cela. Thalès vivoit vers la quatre - vingt - dixieme olympiade; il a le premier observé les astres, les éclipses de soleil, les solstices, & les avoit prédits; c'est ce qu'assûrent Diogène Laerce, d'après l'Histoire Astrologique d'Eudemus; Pline, liv. II. chap. xij. & Eusebe dans sa Chronique. Il naquit environ 640 ans avant Jesus - Christ. On peut voir dans Stanley (Hist. Philos.) un détail circonstancié de ses connoissances philosophiques. Anaximandre son disciple cultiva les connoissances qu'il avoit reçûes de son maître; il plaça la terre au centre de l'univers; il jugea que la lune empruntoit sa lumiere du soleil, & que ce dernier étoit plus grand que la terre, & une masse d'un feu pur. Il traça un cadran solaire, & construisit une sphere. Anaximene de Milet né 530 ans avant Jesus - Christ, regardoit les étoiles fixes comme autant de soleils autour desquelles des planetes faisoient leurs révolutions, sans que nous pussions découvrir ces planetes, à cause de leur grand éloignement. Trente

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