ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"595"> siste en ce que plusieurs beaux - esprits prétendus ou véritables, ont introduit la coutume de condamner, comme une science de collége, les citations de passages grecs & latins, & toutes les remarques d'érudition. Ils ont été assez injustes pour envelopper dans leurs railleries, les écrivains qui avoient le plus de politesse & de connoissance de la science du monde. Qui oseroit donc après cela aspirer à la gloire de savant, en se parant à propos de ses lectures, de sa critique & de son érudition?

Si l'on s'étoit contenté de condamner les Hérilles, ceux qui citent sans nécessité les Platons & les Aristotes, les Hippocrates & les Varrons, pour prouver une pensée commune à toutes les sectes & à tous les peuples policés, on n'auroit pas découragé tant de personnes estimables; mais avec des airs dédaigneux, on a relégué hors du beau monde, & dans la poussiere des classes, quiconque osoit témoigner qu'il avoit fait des recueils, & qu'il s'étoit nourri des auteurs de la Grece & de Rome.

L'effet de cette censure méprisante a été d'autant plus grand, qu'elle s'est couverte du prétexte spécieux de dire, qu'il faut travailler à polir l'esprit, & à former le jugement, & non pas à entasser dans sa mémoire ce que les autres ont dit & ont pensé.

Plus cette maxime a paru véritable, plus elle a flatté les esprits paresseux, & les a porté à tourner en ridicule la Littérature & le savoir; tranchons le mot, le principal motif de telles gens, n'est que d'avilir le bien d'autrui, afin d'augmenter le prix du leur. Incapables de travailler, à s'instruire, ils ont blamé ou méprisé les savans qu'ils ne pouvoient imiter; & par ce moyen, ils ont répandu dans la république des lettres, un goût frivole, qui ne tend qu'à la plonger dans l'ignorance & la barbarie.

Cependant malgré la critique amere des bouffons ignorans, nous osons assurer que les lettres peuvent seules polir l'esprit, perfectionner le goût, & prêter des graces aux Sciences. Il faut même pour être profond dans la Littérature, abandonner les auteurs qui n'ont fait que l'effleurer & puiser dans les sources de l'antiquité, la connoissance de la religion, de la politique, du gouvernement, des lois, des moeurs, des coutumes, des cérémonies, des jeux, des fêtes, des sacrifices & des spectacles de la Grece & de Rome. Nous pouvons appliquer à ceux qui seront curieux de cette vaste & agréable érudition, ce que Plaute dit plaisamment dans le prologue des Ménechmes: « La scène est à Epidamne, ville de Macédoine; allez - y, Messieurs, & demeurez - y tant que la piece durera ». (D. J.)

LITTUS (Page 9:595)

LITTUS, (Géog. anc.) ce mot latin qui veut dire rivage, côte de la mer, étant joint à quelque épithète, a été donné par les anciens comme nom propropre à certains lieux. Ainsi dans Ptolomée, Littus Coesioe, étoit une ville de Corse, Littus magnum, une ville de Taprobane, &c. (D. J.)

Littus, Plagia, Portus, Statio, Positio, Coto, Refugium, Gradus, (Géog. marit. des Rom.): il y a dans tous ces mots de la navigation des Romains, des différences qu'il importe d'expliquer, non - seulement pour l'intelligence des auteurs, mais encore parce que l'itinéraire maritime d'Antonin est disposé par littora, plagia, portus, stationes, positiones, cotones, refugia, & gradus.

Je commence par le mot littus, rivage, terme qui a la plus grande étendue, & qui comprend tous les autres; car, à parler proprement, littus est la lisiere, le bord de la terre habitable qui touche les mers, comme ripa, la rive, signifie la lisiere qui borde les fleuves de part & d'autre. Il est vrai cependant qu'en navigation, ce mot général a une signification spéciale. En effet, il se prend dans les bons auteurs pour tout endroit où les bâtimens peuvent aborder à ter<cb-> re, & y rester à l'ancre avec quelque sureté; & pour lors, ce mot désigne ce que nous appellons une rade.

Plagia, plage, se confond assez ordinairement avec lictus & statio, comme Surita le remarque; mais aussi souvent les rades & plages, plagia, sont des parties du rivage, fortifiées par des ouvragès de maçonnerie pour en rendre l'accès plus sûr & plus facile. On appelloit ces sortes de fortifications ou remparemens, aggeres, nom commun à toute levée de terre, excédant en hauteur la surface du terrein.

Il se trouve aussi des rades ou stations, stationes, très - sûrs, & qui sont l'ouvrage seul de la nature. Telle est celle que Virgile dépeint dans ses Géorgiques, liv. II.

. . . . . . Est specus ingens Exesi latere in montis quo plurima vento Cogitur, inque sinus scindit sese unda reductos, Deprensis olim statio tutissima nautis.

Portus signifie tous ports faits par nature ou par art, ou désignés par la nature, & achevés par artifice.

Cotones sont les ports sûrs faits uniquement de main d'hommes; Cotones, dit Festus, appellantur portus in mari tutiores, arte & manu facti; tel étoit le port de Carthage en Afrique, que Scipion attaqua. Portum, dit Appius, quem cotonem appellant, ineunte vere aggressus est Scipio; tel étoit encore le port de Pouzzole près de Naples, au rapport de Strabon.

Stationes, les stations, tiennent le milieu entre les plages & les ports, plagia & portus; ce sont des lieux faits, soit naturellement, soit artificiellement, où les navires se tiennent plus sûrement que dans de simples piages; mais moins sûrement que dans les ports. Surita nous le fait entendre en disant: Stationes, sunt quoe portuum tutam mansionem non assequuntur, & tamen littoribus proestant: tel étoit dans l'île de Lesbos le havre dont parle Virgile en ces termes:

Nunc tantum sinus, & statio male fida carinis.

Positiones, les positions, désignent la même chose que les stations; positiones pro stationibus indifferenter usurpantur, dit un des commentateurs de l'itinéraire d'Antonin.

Refugium semble désigner en général tout rivage où l'on peut aborder: cependant, il paroît signifier spécialement un havre, où les navires qui y abordent peuvent rester avec assurance. Ego arbitror, dit Surita, voce refugii, stationes designare, quâ fida navibus mansio designatur.

Gradus, degré, signifie quelquefois une espece de pont sur le bord de la mer, ou sur le rivage des grands fleuves, faits exprès comme par degrés pour monter de terre dans le vaisseau, ou du vaisseau descendre sur terre avec plus de facilité. C'est la définition de Surita. J'ajoute, que les Romains donnerent plus communément le nom de gradus aux ports qui étoient à l'embouchure des rivieres, & où l'on avoit pratiqué des degrés. Enfin, ils nommerent gradus, les embouchures du Rhône. Ammian Marcellin nous l'apprend en décrivant le cours de ce fleuve: Rhodanus, dit - il, inter valles quas ei natura proescripsit, spumens gallico mari concorporatur; per patulum sinum, quem vocant, ad gradus, ab Arlate 18. fermè lapide disparacum; « le Rhône coulant entre des vallées que la nature lui a prescrites, se jette tout écumant dans la mer gauloise, par une ouverture qu'on nomme aux degrez, environ à 18. milles de la ville d'Arles ». Voyez Gradus. (D. J.)

LITUBIUM (Page 9:595)

LITUBIUM, (Géog.) ancien lieu de l'Italie dans la Ligurie, selon Tite - Live, liv. XXXII. C'est présentement Ritorbio, village du Milanez dans le Pavesan. (D. J.) [p. 596]

LITUITE (Page 9:596)

LITUITE, s. f. (Hist. nat.) nom donné par les naturalistes à une pierre formée ou moulée dans une coquille, que l'on nomme lituus ou le bâton - pastoral; elle est d'une figure conique, garnie de cloisons ou de concamérations; elle est droite dans une grande partie de sa longueur, & ensuite elle se courbe & va en spirale comme la crosse d'un évêque. Wallérius la nomme orthoceratitos.

N. B. L'article suivant qui est corrigé de la main de M. de Voltaire, est d'un ministre de Lausanne.

LITURGIE (Page 9:596)

LITURGIE, s. f. (Théolog.) c'est un mot grec, LEITDRGIA, il signifie une oeuvre, un ministere public; il est composé de LH\I=TOS2, pro LEI\OS2, publicus, & E)RGON, opus, manus officium, particulierement consacré au service des autels; il n'est plus employé aujourd'hui que pour désigner le culte & l'office divin, soit en général toutes les cérémonies qui s'y rapportent.

Suivant cette idée, on peut conclure qu'il y a eu des liturgies depuis que l'homme a reconnu une divinité, & senti la nécessité de lui rendre des hommages publics & particuliers: quelle fut la liturgie d'Adam? c'est ce qu'il ne seroit pas facile de décider; il paroît seulement par le récit de Moïse, que le culte de notre premier pere fut plutôt le fruit de la crainte, que celui de la gratitude ou de l'esperance. Gen. chap. iij. v. 10.

Ses fils offroient des sacrifices, s'ils suivoient la même liturgie, on peut conclure que celle de Caïn n'avoit pas cette droiture d'intention qui devoit en faire tout le mérite, qui seule étoit nécessaire dans ces premiers âges de la religion; au lieu que dans la suite les objets & la vénération religieuse, multipliés & mis par la révélation divine au - dessus de l'intelligence humaine, il n'a pas moins fallu qu'une vertu particuliere pour les croire; cette vertu connue sous le nom de foi, est sans doute ce qui donne toute l'efficace à une liturgie: il paroît que le successeur d'Abel fut l'auteur d'une liturgie; car sous lui, dit Moïse, on commença d'invoquer le nom de l'Eternel, Gen. ch. iv. v. 26. Cette liturgie se conserva dans sa postérité jusques à Abraham, sans doute par le soin qu'Enoch, septieme chef de famille depuis Adam, avoit pris de la rédiger par écrit, dans l'ancien livre de ce patriarche que saint Jude cite, v. 14. 16, & que les Abyssins se vantent encore d'avoir dans leur langue.

Mais sous Abraham la liturgie prit une face toute différente; la circoncision fut instituée comme un signe d'alliance entre Dieu & l'homme. L'Eternel exigea du pere des croyans les sacrifices les plus extraordinaires, les diverses visions, les visites assez fréquentes des messagers célestes, dont lui & sa famille furent honorés, sont autant de choses si peu rapprochées des relations que nous soutenons aujourd'hui avec la divinité, que nous ne pouvons avoir que des idées fort confuses de l'espece de liturgie dont ils faisoient usage.

Quelle fut la liturgie des Hébreux en Egypte? c'est ce qu'il n'est pas facile de décider. Adorateurs du vrai Dieu, mais trop aisément conduits aux diverses pratiques religieuses d'un peuple qui ne sembloit occupé que du soin de multiplier les objets de son adoration, voulant avoir comme leurs hôtes des dieux qui marchassent devant eux; leur liturgie dut se ressentir de tous ces contrastes, & présentoit sans doute quelque chose de monstrueux.

Moïse profita du séjour au desert pour rectifier & fixer le culte des Hébreux, cherchant à occuper par un culte onéreux & assujettissant, un peuple porté à tous vents de doctrine: cette liturgie respectable fut munie du sceau de la divinité; elle devint aussi intéressante par des allusions continuelles aux divers objets d'espérances flatteuses dont le coeur du peuple juif étoit en quelque sorte enivré.

Sous un roi poëte & musicien, la liturgie des Hébreux releva ses solemnités religieuses par une musique que l'ignorance entiere où nous sommes de leur mérite, ne nous permet pas même de deviner; les maîtres chantres de David exécuterent d'abord ces hymnes sacrées, ces pseaumes, ces Te Deum, dont la lecture prescrite par les liturgies, fit dans la suite une des principales parties du culte.

Salomon bâtit le temple de Jérusalem, la liturgie devint immense: elle régloit un culte des plus fastueux, & des plus propres à satisfaire un peuple qui trouvoit dans la multitude de ses ordonnances & de ses rites, dans la pompe de ses sacrifices, dans le nombre, & dans les divers ordres des ministres de la religion, l'image des cultes idolâtres qu'il regrettoit sans cesse, & auxquels il revenoit toujours avec plaisir.

Jéroboam proposa sans doute au peuple d'Israël une nouvelle liturgie pour le culte des dieux de Bethel & de Dan; mais ne seroit - ce pas lui faire trop d'honneur que de la supposer plus raisonnable que les idoles qui en furent l'objet?

Dans l'un & l'autre royaume, le culte religieux souffrit des altérations inconcevables, & qui durent apporter les plus grands changemens aux liturgies générales & particulieres.

Jamais les Juifs ne furent plus éloignés de l'idolâtrie que dans le tems que Jésus - Christ vint au monde, & jamais les dogmes & la morale n'avoient été plus corrompus; les Saducéens dont les erreurs se renouvellent aujourd'hui, & trouvent tant de deffenseurs, étoient une secte en crédit à Jérusalem, & jamais la liturgie n'avoit été plus exactement observée; celui qui nioit l'immortalité de l'ame, les anges, la résurrection, une vie à venir, ne perdoit rien de l'estime publique chez un peuple qui crioit au blasphème pour la petite infraction à la loi cérémonielle, & qui lapidoit impitoy ablement un artisan, pere de famille, qui auroit travaillé un jour de sabbat pour fournir à la subsistance de ses enfans; pour peu qu'on connoisse l'histoire de l'esprit humain, on ne doit pas s'étonner de ces contrastes & de ces inconséquences.

Jesus - Christ, l'auteur d'une religion toute divine, n'a rien écrit; mais on peut recueillir de ses discours une liturgie également simple & édifiante, il condamne les longues prieres & les vaines redites; il veut le recueillement, & le seul formulaire de priere qu'il laisse & qu'il prescrivit à ses disciples est également simple & édifiant, il institue des cérémonies religieuses; leur extrème simplicité donne beaucoup à la réflexion, & très - peu à l'extérieur & au faste.

L'institution du baptême au nom des trois Personnes fut embrassée par des sectateurs de Platon, devenus chrétiens; ils y trouvoient les sentimens de leur maître sur la divinité, puisqu'il distinguoit la nature en trois, le Pere, l'entendement du Pere, qu'il nomme aussi le germe de Dieu, ou l'ouvrier du monde, & l'ame qui contient toutes choses; ce que Chalcidius rend par le Dieu souverain, l'esprit ou la providence, & l'ame du monde, ou le second esprit; ou, comme l'exprime Numenius, cet autre célebre académicien, celui qui projette, celui qui commande, & celui qui exécute. Ordinans, jubens, insinuans.

La liturgie de l'institution de la sainte cène est aussi dans l'Evangile d'une simplicité tout - à - fait édifiante; on eût évité, en la suivant à la lettre & dans l'esprit de son auteur, bien des disputes & des schismes qui ont eu leur source dans la fureur des disciples, à vouloir aller toujours plus loin que leur maître.

On ne doit point passer sous silence la liturgie pour l'élection de saint Matthias, Act. ch. j. v. 24. 25.

Elle est des plus simples & des plus précises; on

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