ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"551"> rabaisser considérablement. Il en est de même du péril du roui & du blanchissage. Il faut encore ajoûter à cela le loyer, la dixme, les impositions, le ravage de la guerre fréquente en Flandres, les rentes seigneuriales dont les terres sont chargées, l'entretien du ménage, &c.

Ce qui soutient l'agriculteur, c'est l'espérance d'une bonne année qui le dédommagera; & puis il met en lin & en colsat, sa terre qui repose, aulieu de la laisser en jachere.

Il faut savoir que la même terre ne porte lin qu'une fois tous les cinq à six ans. On l'ensemence autrement dans l'intervalle; on aime cependant à semer le lin sur une terre qui a porté du trefle, & le blé vient très - bien après le lin.

De la culture du lin. Les agriculteurs distinguent trois sortes de lins, le froid, le chaud, & le moyen entre les extrêmes.

Le lin chaud croît le premier. Il pousse fort d'abord & s'éleve beaucoup au - dessus des autres; mais cette vigueur apparente ne dure pas; il s'arrête & reste au - dessous des autres. Il a d'ailleurs un autre défaut considérable, c'est d'abonder en graine, & par conséquent en têtes; or ces têtes naissent quelquefois de fort bas; quand on travaille le lin, elles cassent, se détachent, & le lin déjà court, se racourcit encore.

Le lin froid croît au contraire fort lentement d'abord. On en voit qui six semaines & plus après avoir été semé, n'a pas la hauteur de deux doigts; mais il devient vigoureux & finit par s'élever au - dessus des autres; il porte peu de graines; il a peu de branches; il ne se racourcit pas autant que le chaud; en un mot ses qualités sont aussi bonnes que celles du lin sont mauvaises.

Le lin moyen participe de la nature du froid & du chaud. Il ne croît pas si vîte que le lin chaud; il porte moins de graine; il s'éleve davantage. Quant à la maturité, le lin chaud murit le premier, le moyen ensuite, le froid le dernier.

Ces especes de lins sont très - mêlées; mais ne pourroit - on pas les séparer? On ne sait pour avoir la graine du lin froid, que de l'acheter en tonnes de lineuse de Riga en Livonie. On en trouve à Coutras, à Saint - Amant, à Valenciennes, &c. mais on peut être trompé.

La linuise de Riga est la meilleure. Le lin froid se défend mieux contre la gelée que toutes les autres especes. Mais comme la linuise n'est jamais parfaite, il vient à la récolte des plantes d'autres sortes de lins; le mélange s'accroît à chaque semaille, les lins chauds produisant plus de grains que les lins froids, & l'on est forcé de revenir à l'achat de nouvelle linuise tous les trois ou quatre ans.

La linuise de Riga est mêlée d'une petite semence rousse & oblongue avec quelques brins de lin & un peu de la terre du pays. On la reconnoît à cela. Mais comme il faut purger la linuise de ces ordures, il arrive aussi que les marchands les gardent, & s'en servent pour tromper plus surement, en les mêlant à de la linuise du pays. Il n'y a aucun caractere qui spécifie une linuise du pays d'une linuise de Riga.

On considere dans le lin la longueur, la finesse & la force. Pour avoir la longueur, il ne suffit pas de s'être pourvû de bonne graine, il faut l'avoir semée en bonne terre & bien meuble, qui seche facilement après l'hiver, & qui soit de grand jet; c'est - à - dire, qui pousse toutes les plantes qu'on y seme avant l'hiver; on aura par ce moyen de la longueur. Mais il faut savoir si l'on veut ou si l'on ne veut pas le ramer. Dans ce dernier cas, on peut s'en tenir à une terre qui ait porté du blé, de l'avoine ou du trefle dans l'année; labourer ou fumer modérément avant l'hiver. Dans le dernier, les frais seront considérables; il faut pour s'assurer du succès, choisir une terre en jachere, la bien cultiver pendant l'été, fumer extraordinairement, & laisser passer l'hiver sur un labour fait dans le mois d'Août. Par ce moyen elle se disposera beaucoup mieux au printems vers le 20 de Mars. Si la terre est assez seche pour pouvoir être bien labourée, hersée & ameublie, on y travaillera, & l'on semera. Plûtôt on semera, mieux on fera, plus le lin aura de force. Il faut si bien choisir son tems, que l'on n'essuie pas de grandes pluies pendant ce travail, la terre en seroit gâtée & le travail retardé.

Un des moyens les plus surs, est de semer en même tems que le lin la fiente de pigeon bien pulvérisée, de herser immédiatement après, & de resserrer la graine avec un bon rouleau bien lourd. On prépare, ou plûtôt on tue toutes les mauvaises graines contenues dans la fiente de pigeon, en l'arrosant d'eau, ce qui l'échauffe. Quand on juge que l'espece de fermentation occasionnée par l'eau a tué les graines de la fiente, & éteint sa chaleur propre, on la fait sécher & on la bat.

On obtient la finesse du lin en le semant dru. En semant jusqu'à deux avots de linuise, mesure de l'île, sur chaque cent de terre, contenant cent verges quarrées, de dix piés la verge, on s'en est fort bien trouvé: d'autres se réduisent à une moindre quantité. Il s'agit ici de lins ramés. Un avot de semaille pour les autres lins, suffit par cent de terre.

Aussi tôt que le lin peut être sarclé, il faut y procéder. On ne pourra non plus le ramer trop tôt. Il seroit difficile d'expliquer cette opération. Il faut la voir faire, & si l'on n'a pas d'ouvriers qui s'y entendent, il faut en appeller des endroits où l'on rame.

Il ne faut jamais attendre pour recueillir que le lin soit mur. En le cueillant, toûjours un peu verd, on l'étend derriere soi sur les ramures. On retourne quand il est sec d'un côté: ensuite on le range droit autour d'une perche fichée en terre. On l'y attache par le haut, même à plusieurs étages: quand il est assez sec, on le lie par bottes & on le serre.

Il faut sur - tout bien prendre garde qu'il ne soit mouillé, lorsque les petites feuilles commencent à secher; s'il lui survient cet accident, il noircira comme de l'encre & sans remede. Lorsqu'il est assez sec pour être lié, sans qu'il y ait risque qu'il moisisse, on l'emporte, comme on a dit, & l'on fait secher la graine; pour cet effet on dresse les bottes & l'on les tient exposées au soleil. Si le tems est fixé au beau, on les laisse dehors la nuit, sinon on les remet à sec.

Il ne faut pas sur - tout qu'il soit trop serré, ni trop tôt entassé, car il se gâteroit par le haut. On le visitera souvent dans les tems humides, principalement au commencement. On reconnoîtra la secheresse du lin à la siccité de sa graine.

Quand la graine est bien seche, il faudra battre la tige le plutôt possible, pour se garantir du dégât des souris. On ne bat pas avec le fléau; on a une piece de bois épaisse de deux pouces & demi à trois pouces, plus longue que large, emmanchée d'un gros baton un peu recourbé; c'est avec cet instrument qu'on écrase la tête du lin qu'on tient sous le pié. & qu'on frappe de la main. Ensuite on vanne la graine & l'on en fait de l'huile, ou on la garde, selon qu'elle est ou maigre ou pleine.

Il s'agit ensuite de le rouir. On commence par le bien arranger à mesure qu'on le bat. On le lie par grosses poignées qu'on attache par le haut avec du lin même. On range ensuite les poignées les unes sur les autres, les racines en dehors à chaque bout; & quand on a formé une botte de six à sept piés de tour, [p. 552] on a deux bons liens dont on la serre à chaque extrémité, après quoi on jette les bottes en grande eau; & on les charge de bois, de maniere qu'elles soient arrêtées, pressées & toutes couvertes. Il faut que l'eau soit belle. Les eaux coulantes sont préférables aux croupissantes; mais le rouir en est dur. Le point important est de le tirer à tems du rouir. Il faut avoir égard à la saison & aux circonstances, & même à l'usage auquel on destine le lin.

On choisit ordinairement pour rouir le lin, les mois ou de Mai ou de Septembre. Si les eaux sont froides, on l'y laisse plus long - tems. Si les eaux sont chaudes & le tems orageux, le rouir ira plus vîte. Il faut veiller à ceci avec attention. On attend communément que sa soie se détache bien du pié & qu'elle se leve facilement d'un bout à l'autre de la tige. Alors il faut se hâter de le retirer, le faire essuyer, l'étendre sur l'herbe courte, le secher, le retourner, & le lier.

Plus le lin a été roui, moins il a de force. Aussi s'il a été ramé & qu'on le destine à la malquinerie, il faut le retirer aussi - tôt qu'il se pourra tiller. Il ne peut être trop fort, pour le filer si fin, & pour soutenir les opérations par lesquelles il passera. Il faudra d'abord le mailler, c'est - à - dire, l'écraser à grands coups de mail. Le mail est une piece de bois emmenchée & pareille à celle qui sert à battre la linuise. On le brisera ensuite à grands coups d'une lame de bois, large de trois ou quatre pouces, plate & un peu aiguisée, comme on l'a pratiqué aux lins plus communs. On l'écorchera après cela, ou si l'on veut on le dégagera de sa paille avec trois couteaux, qu'on employera l'un après l'autre, & sur lesquels on le frottera jusqu'à ce que toute la paille soit enlevée. Les couteaux sont plus larges par le bout que vers le manche, où ils n'ont qu'environ dix lignes de large. Ils ne sont pas coupans; le tranchant en est arrondi; ils vont en augmentant de finesse, & le plus grossier sert le premier. Enfin le lin étant parfaitement nettoyé, on le pliera, & l'on le laissera plié jusqu'à ce qu'on veuille le mettre en ouvrage. Toutes ces opérations supposent des ouvriers attentifs & instruits.

Il y a beaucoup moins de façons aux lins non ramés, qu'on appelle gros lins: si on les passe aux couteaux, c'est seulement pour les polir un peu. On peut donc les rouir plus fort. Quand on les voudra filer, on se contentera de les séranner. Voyez comment on séranne à l'article Chanvre.

Quant au filer des lins fins, on n'y procede qu'après les avoir passés ou refendus à la brosse ou peigne; il faut que tous les brins en soient bien séparés, bien dégagés. On pousse cet affinage selon la qualité du lin & de l'ouvrage auquel on destine le fil.

Un arpent de terre d'un lin ramé fin & de trois à quatre piés de hauteur, vaut au - moins deux cens écus, argent comptant, vendu sur terre, tous frais & risques à la charge du marchand. Quand il n'est pas ramé, il faut qu'il soit beau pour être vendu la moitié de ce prix.

Au reste, il ne faut avoir égard à ces prix que relativement au tems où nous avons obtenu le mémoire, je veux dire, le commencement de cet ouvrage. Nous en avons déjà averti, & nous y revenons encore: tout peut avoir considérablement changé depuis.

On trouve dans les mémoires de l'académie de Suede, année 1746, une méthode pour préparer le lin d'une maniere qui le rende semblable à du coton; & M. Palmquist, qui la propose, croit que par son moyen on pourroit se passer du coton. Voici le procédé qu'il indique: on prend une chaudiere de fer fondu ou de cuivre étamé; on y met un peu d'eau de mer; on répand sur le fond de la chaudiere parties égales de chaux & de cendres de bouleau ou d'aûne; après avoir bien tamisé chacune de ces matieres, on étend par - dessus une couche de lin, qui couvrira tout le fond de la chaudiere; on remettra par - dessus assez de chaux & de cendres, pour que le lin en soit entierement couvert; on fera une nouvelle couche de lin, & l'on continuera à faire de ces couches alternatives, jusqu'à ce que la chaudiere soit remplie à un pié près, pour que le tout puisse bouillonner. Alors on mettra la chaudiere sur le feu; on y remettra de nouvelle eau de mer, & on fera bouillir le mélange pendant dix heures, sans cependant qu'il seche; c'est pourquoi on y remettra de nouvelle eau de mer à mesure qu'elle s'évaporera. Lorsque la cuisson sera achevée, on portera le lin ainsi préparé à la mer, où on le lavera dans un panier, où on le remuera avec un bâton de bois bien uni & bien lisse. Lorsque tout sera refroidi au point de pouvoir y toucher avec les mains, on savonnera ce lin doucement comme on fait pour laver le linge ordinaire, & on l'exposera à l'air pour se sécher, en observant de le mouiller & de le retourner souvent, sur - tout lorsque le tems est sec. On finira par bien laver ce lin; on le battra, on le lavera de nouveau, & on le fera sécher. Alors on le cardera avec précaution, comme cela se pratique pour le coton, & ensuite on le mettra en presse entre deux planches, sur lesquelles on placera des pierres pesantes. Au bout de deux fois vingt quatre heures ce lin sera propre à être envoyé comme du coton. Voyez les mémoires de l'académie de Suede, année 1746.

Lin (Page 9:552)

Lin, (Pharmacie & Mat. med.) la semence seule de cette plante est d'usage en Medecine: elle est composée d'une petite amande émulsive, & d'une écorce assez épaisse, qui contient une grande quantité de mucilage.

La graine de lin concassée ou réduite en farine & imbibée avec suffisante quantité d'eau, fournit un excellent cataplasme émollient & résolutif, dont on fait un usage fort fréquent dans les tumeurs inflammatoires.

On fait entrer aussi cette graine à la dose d'une pincée, dans les décoctions pour les lavemens, contre les tranchées, la dyssenterie, le tenesme, & les maladies du bas - ventre & de la vessie.

On s'en sert aussi, quoique plus rarement, pour l'usage intérieur: on l'ajoûte aux tisanes & aux aposèmes adoucissans, qu'on destine principalement à tempérer les ardeurs d'urine, à calmer les coliques néphrétiques par quelque cause d'irritation qu'elles soient occasionnées, à faciliter même l'excrétion & la secrétion des urines, & la sortie du gravier & des petites pierres. On doit employer dans ces cas la graine de lin à fort petite dose, & ne point la faire bouillir, parce que le mucilage qu'elle peut même fournir à froid, donneroit à la liqueur, s'il y étoit contenu en trop grande quantité, une consistence épaisse & gluante, qui la rendroit très - desagréable au goût, & nuisible à l'estomac.

L'infusion de graine de lin est excellente contre l'action des poisons corrosifs: on peut dans ce casci, on doit même charger la liqueur, autant qu'on doit l'éviter dans le cas précédent.

Le mucilage de graine de lin tiré avec l'eau rose, l'eau de fenouil, ou telle autre prétendue ophtalmique, est fort recommandé contre les ophtalmies douloureuses; mais cette propriété, aussi - bien que toutes celles que nous avons rapportées, lui sont communes avec tous les mucilages. Voyez Mucilage.

On retire de la graine de lin une huile par expression, que plusieurs auteurs ont recommandée tant pour l'usage intérieur que pour l'usage extérieur;

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