ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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IV. Éxposition des principes que Leibnitz opposa à Clarke dans leur dispute. Dans les ouvrages de Dieu, la force se conserve toujours la même. Elle passe de la matiere à la matiere, selon les lois de la nature & l'ordre le meilleur préétabli.

Si Dieu produit un miracle, c'est une grace & non un effet de nature; ce n'est point aux mathématiques, mais à la métaphy sique qu'il faut recourir contre l'impiété.

Le principe de contradiction est le fondement de toute vérité mathématique; c'est par celui de la raison suffisante, qu'on passe des mathématiques à la physique. Plus il y a de matiere dans l'univers, plus Dieu a pu exercer sa sagesse & sa puissance. Le vuide n'a aucune raison suffisante.

Si Dieu sait tout, ce n'est pas seulement par sa présence à tout, mais encore par son opération; il conserve par la même action qu'il a produite, & les êtres, & tout ce qu'il y a en eux de perfection.

Dieu a tout prévû, & si les créatures ont un besoin continuel de son secours, ce n'est ni pour corriger, ni pour améliorer l'univers.

Ceux qui prennent l'espace pour un être absolu, s'embarrassent dans de grandes difficultés; ils admettent un être éternel, infini, qui n'est pas Dieu, car l'espace a des parties, & Dieu n'en a pas.

L'espace & le tems ne sont que des relations. L'espace est l'ordre des co - existences; le tems, l'ordre des successions.

Ce qui est surnaturel surpasse les forces de toute créature; c'est un miracle; une volonté sans motif est une chimere, contraire à la nature de la volonté, & à la sagesse de Dieu.

L'ame n'a point d'action sur le corps; ce sont deux êtres qui conspirent en conséquence des lois de l'harmonie préétablie.

Il n'y a que Dieu qui puisse ajoûter des forces à la nature, & c'est une action miraculeuse & surnaturelle.

Les images dont l'ame est affectée immédiatement, sont en elle; mais elle sont coordonnées avec les actions du corps.

La présence de l'ame au corps n'est qu'imparfaite.

Celui qui croit que les forces actives & vives souffrent de la diminution dans l'univers, n'entend ni les loix primitives de la nature, ni la beauté de l'oeuvre divine.

Il y a des miracles, les uns que les anges peuvent opérer, d'autres qui sont dans la puissance de Dieu seul, comme anéantir ou créer.

Ce qui est nécessaire, l'est essentiellement, & ce qui est contingent doit son existence à un être meilleur, qui est la raison suffisante des choses.

Les motifs inclinent, mais ne forcent point. La conduite des contingens est infaillible, mais n'est pas nécessaire.

La volonté ne suit pas toûjours la décision de l'entendement; on prend du tems pour un examen plus mûr.

La quantité n'est pas moins des choses relatives, que des choses absolues; ainsi quoique le tems & l'espace soient des rapports, ils ne sont pas moins apprétiables.

Il n'y a point de substance créée, absolument sans matiere. Les anges même y sont attachés.

L'espace & la matiere ne sont qu'un. Point d'espace où il n'y a point de matiere.

L'espace & la matiere ont entr'eux la même différence que le tems & le mouvement: quoique différens, ils ne sont jamais séparés.

La matiere n'est éternelle & nécessaire que dans la fausse supposition de la nécessité & de l'éternité de l'espace.

Le principe des indiscernables renverse l'hypothèse des atomes & des corps similaires.

On ne peut conclure de l'étendue à la durée.

Si l'univers se perfectionne ou se détériore, il a commencé.

L'univers peut avoir eu un commencement, & ne point avoir de sin. Quoi qu'il en soit, il y a des limites.

Le monde ne seroit pas soustrait à la toute - puissance de Dieu par son éternité. Il faut remonter à la monade, pour y trouver la cause de l'harmonie universelle. C'est par elle qu'on lie un état conséquent à un autre antécédent. Tout être qui suit des causes sinales, est libre, quoiqu'il agisse de concert avec un être assujetti, sans connoissance, à des causes efficientes.

Si l'universalité des corps s'accroît d'une force nouvelle, c'est par miracle, car cet accroissement se fait dans un lieu, sans qu'il y ait diminution dans un autre. S'il n'y avoit point de créatures, il n'y auroit ni tems ni espace, & l'éternité & l'immensité de Dieu cesseroit.

Celui qui niera le principe de la raison suffisante, sera réduit à l'absurde.

V. Prineipes du droit naturel, selon Leibnitz. Le droit est une sorte de puissance morale; & l'obligation, une néceité du même genre. On entend par moral ce qui auprès d'un homme de bien équivaut au naturel. L'homme de bien est celui qui aime tous ses semblables, autant que la raison le permet. La justice, ou cette vertu qui regle le sentiment, que les Grecs ont désignée sous le nom de philantropie, est la charité du sage. La charité est une bienveillance universelle; & la bienveillance, une habitude d'aimer. Aimer, c'est se réjouir du bonheur d'un autre, ou faire de sa félicité une partie de la sienne. Si un objet est beau & sensible en même tems, on l'aime d'amour. Or comme il n'y a rien de si parfait que Dieu, rien de plus heureux, rien de plus puissant, rien d'aussi sage; il n'y a pas d'amour supérieur à l'amour divin. Si nous sommes sages, c'est - à - dire, si nous aimons Dieu, nous participerons a son bonheur, & il fera le nôtre.

La sagesse n'est autre chose que la science du bonheur; voilà la source du droit naturel, dont il y a trois dégrés: droit strict dans la justice commutative; équité, ou plus rigoureusement, charité dans la justice distributive, & piété ou probité dans la justice universelle. De - là naissent les préceptes de n'offenser personne, de rendre à chacun ce qui lui appartient, de bien vivre.

C'est un principe de droit strict, qu'il ne faut offenser personne, afin qu'on n'ait point d'action contre nous dans la cité, point de ressentiment hors de la cité: de - là naît la justice commutative.

Le degré supérieur au droit strict peut s'appeller équité, ou si l'on aime mieux, charité, vertu qui ne s'en tient pas à la rigueur du droit strict, mais en conséquence de laquelle on contracte des obligations qui empêchent ceux qui pourroient y être intéressés à exercer contre nous une action qui nous contraint.

Si le dernier dégré est de n'offenser personne, un intermédiaire est de servir à tous, mais autant qu'il convient à chacun, & qu'ils en sont dignes; car il n'est pas permis de favoriser tous ses semblables, ni tous également.

C'est - là ce qui constitue la justice distributive, & fonde le principe de droit qui ordonne de rendre à chacun ce qui lui est dû.

C'est ici qu'il faut rappeller les lois politiques: ces lois sont instituées dans la république pour le bonheur des sujets; elles appuient ceux qui n'avoient que le droit, lorsqu'ils exigent des autres ce [p. 379] qu'il étoit juste qu'ils rendissent; c'est à elles à peser le mérite: de - là naissent les privileges, les châtimens & les récompenses. Il s'ensuit que l'équité s'en tient dans les assaires au droit strict, & qu'elle ne perd de vûe l'égalité naturelle, que dans les cas où elle y est contrainte par la raison d'un plus grand bien; ce qu'on appelle l'acception des personnes, peut ayoir lieu dans la distribution des biens publies ou des nôtres, mais non dans l'échange des biens d'autrui.

Le premier dégré de droit ou de justice, c'est la probité ou la piété. Le droit strict garantit de la misere & du mal. Le degré supérieur au droit strict tend au bonheur, mais à ce bonheur qu'il nous est permis d'obtenir dans ce monde, sans porter nos regards au delà; mais si l'on se propose la démonstration universelle, que tout ce qui est honnête est utile, & que tout ce qui est deshonnête est nuisible, il faut monter à - un principe plus élevé, l'immortalité de l'ame, & l'existence d'un Dieu créateur du monde, de maniere que nous soyons tous considérés comme vivans dans une cité tres parfaite, & sous un souverain si sage qu'il ne peut se tromper, si puissant que nous ne pouvons par quelque voie que ce soit, échapper à son autorité, si bon que le bonheur soit de lui obéir.

C'est par sa puissance & sa providence admise par les hommes, que ce qui n'est que droit devient fait, que personne n'est offensé ou blessé que par lui - même, qu'aucune bonne action n'existe sans récompense assurée, aucune mauvaise, sans un châtiment certain: car rien n'est négligé dans cette république du monde, par le souverain universel.

Il y a sous ce point de vûe une justice universelle qui proserit l'abus des choses qui nous appartient de droit naturel, qui nous retient la main dans le malheur, qui empêche un grand nombre d'actions mauvaises, & qui n'en commande pas un moindre nombre de bonnes; c'est la soumission au grand monarque, à celui qui nous a fait, & à qui nous nous devons nous & le nôtre; c'est la craine de nuire à l'harmonie universelle.

C'est la même considération ou croyance qui fait la force du principe de droit, qu'il faut bien vivre, c'est - à - dire, honnêtement & pieusement.

Outre les lois éternelles du droit, de la raison, & de la nature, dont l'origine est divine, il en est de volontaires qui appartiennent aux moeurs, & qui ne sont que par l'autorité d'un supérieur.

Voilà l'origine du droit civil; ce droit tient sa force de celui qui a le pouvoir en main dans la république, hors de la république de ceux qui ont le même pouvoir que lui; c'est le consentement volontaire & tacite des peuples, qui fonde le droit des gens.

Ce droit n'est pas le même pour tous les peuples & pour tous les tems, du - moins cela n'est pas nécessaire.

La base du droit social est dans l'enceinte du droit de la nature.

Le droit des gens protege celui qui doit veiller à la liberté publique, qui n'est point soumis à la puissance d'un autre, qui peut lever des troupes, avoir des hommes en armes, & faire des traités, quoiqu'il soit lié à un supérieur par des obligations, qu'il doive foi & hommage, & qu'il ait voué l'obéissance: delà les notions de potentat & de souverain.

La souveraineté n'exclut point une autorité supérieure à elle dans la république. Celui - là est souverain, qui jouit d'une puissance & d'une liberté telle qu'il en est autorisé à intervenir aux affaires des nations par ses armes, & à assister dans leurs traités.

Il en est de la puissance civile dans les républiques libres, comme dans la nature; c'est ce qui a volonté.

Si les lois fondamentales n'ont pas pourvu dans la république à ce que, ce qui a volonté, jouisse de son droit, il y a vice.

Les actes sont des dispositions qui tiennent leur essicacité du droit, ou il faut les regarder comme des voies de fait.

Les actes qui tiennent leur efficacité du droit, sont ou judiciaires ou intrajudiciaires; ou un seul y intervient, ou plusieurs; un seul, comme dans les testamens; plusieurs, comme dans les conventions.

Voilà l'analy se succinte de la philosophie de Leibnitz: nous traiterons plus au long quèlques uns de ses points principaux, aux différens articles de ce Dictionnaire. Voyez Optimisme, Raison suffisante, Monades, Indiscernable, Harmonie préétablie , &c.

Jamais homme peut - être n'a autant lû, autant étudié, plus médité, plus écrit que Leibnitz; cependant il n'existe de lui aucun corps d'ouvrages; il est surprenant que l'Allemagne à qui cet homme fait lui seul autant d'honneur que Platon, Aristote & Archimede ensemble en font à la Grece, n'ait pas encore recueilli ce qui est sorti de sa plume. Ce qu'il a composé sur le monde, sur Dieu, sur la nature, sur l'ame, comportoit l'eloquence la plus sublime. Si ces idées avoient été exposées avec le coloris de Platon, le philosophe de Leipsic ne le céderoit en rien au philosophe d'Athenes.

On s'est plaint, & avec quelque raison peut - être, que nous n'avions pas rendu à ce philosophe toute la justice qu'il méritoit. C'étoit ici le lieu de réparer cette faute si nous l'avons commise; & nous le faisons avec joie. Nous n'avons jamais pensé a déprimer les grands hommes: nous sommes trop jaloux de l'honneur de l'espece humaine; & puis nous aurions beau dire, leurs ouvrages transmis à la postérité déposeroient en leur faveur & contre nous; on ne les verroit pas moins grands, & on nous trouveroit bien petits.

LEICESTER (Page 9:379)

LEICESTER, Licestria, (Géog.) ville à marché d'Angleterre, capitale du Leicestershire. La qualité de comte de Leicester est plus ancienne que la conquête d'Angleterre par les Normands; car il y a eu trois comtes de Leicester, savoir, Leofrike, Algar, & Edwin, du tems que les Saxons regnoient. La ville est riche, commerçante, bien peuplée, & dans une agréable situation, à 80 milles nord - ouest de Londres. Long. 16. 25. lat. 52. 35. (D. J.)

LEICESTERSHIRE (Page 9:379)

LEICESTERSHIRE, (Géog.) province d'Angleterre dans l'intérieur du pays, au diocese de Lincoln. Elle a 96 milles de tour, contient environ 560 mille arpens, & 98 mille 700 maisons. C'est un un pays de bon air, d'un terroir fertile en blé, on patutages, & abondant en charbon de terre; la laine est la plus grande du royaume. Ses principales rivieres sont la Stoure, le Reck & le Swist: Leicester en est la capitale.

Joseph Hall, Sir Edouard Leigh, & Thomas Marschall, tous trois connus par leurs travaux, étoient du comté de Leicester.

Le premier florissoit sur la fin du. xvj. siecle, & devint par son mérite évêque de Norwich. C'étoit un homme sage, plein d'esprit & de lumieres. Il prétendoit que le livre le plus utile, seroit, de paucis credendis ad salutem. Il dit dans un sermon qu'il prononça devant le synode de Dordrecht, qu'il y avoit deux sortes de Théologie; l'une bonne & simple, qui faisoit le chrétien; l'autre mauvaise, scholastique & subtile, qui faisoit le disputeur; & qu'il comparoit cette derniere théologie à la quantité des Géometres, laquelle est divisible à l'infini. Plusieurs de ses écrits ont paru dans notre langue. Son traité contre les voyages, intitulé mundus alter & idem, est une pein<pb->

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