ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"430"> usances, est une lettre de change qui n'est payable qu'au bout d'un, deux ou trois mois; car en style de change, une usance signifie le délai d'un mois composé de trente jours, encore que le mois fût plus ou moins long. Voyez l'ordonnance du commerce, titre V. article v. & ci - devant Lettres de change. (A)

Lettre a vue (Page 9:430)

Lettre a vue est une lettre de change qui est payable aussi - tôt qu'elle est présentée à celui sur lequel elle est tirée, à la différence de celles qui ne sont exigibles qu'après un certain delai. Quand les lettres sont payables à tant de jours de vûe, le délai ne court que du jour que la lettre a été présentée. Voyez Lettre de change. (A)

Lettres (Page 9:430)

Lettres, s. f. (Gramm.) on comprend sous ce nom tous les caracteres qni composent l'alphabet des différentes nations. L'écriture est l'art de former ces caracteres, de les assembler, & d'en composer des mots tracés d'une maniere claire, nette, exacte, distincte, élégante & facile; ce qui s'exécute communément sur le papier avec une plume & de l'encre. Voyez les articles Papier, Plume & Encre.

L'écriture étoit une invention trop heureuse pour n'être pas regardée dans son commencement avec la plus grande surprise. Tous les peuples qui en ont successivement eu la connoissance, n'ont pû s'empêcher de l'admirer, & ont senti que de cet art simple en lui - même les hommes retireroient toujours de grands avantages. Jaloux d'en paroitre les inventeurs, les Egyptiens & les Phéniciens s'en sont longtems disputé la gloire; ce qui met encore aujourd'hui en question à laquelle de ces deux nations on doit véritablement l'attribuer.

L'Europe ignora les caracteres de l'écriture jusques vers l'an du monde 2620, que Cadmus passant de Phénicie en Grece pour faire la conquête de la Boeotie, en donna la connoissance aux Grecs; & 200 ans après, les Latins la reçurent d'Evandre, à qui Latinus leur roi donna pour récompense une grande étendue de terre qu'il partagea avec les Arcadiens qui l'avoient accompagné.

L'écriture étoit devenue trop utile à toutes les nations policées pour éprouver le sort de plusieurs autres découvertes qui se sont entiérement perdues. Depuis sa naissance jusqu'au tems d'Auguste, il paroit qu'elle a fait l'étude de plusieurs savans qui, par les corrections qu'ils y ont faites, l'ont portée à ce degré de perfection où on la voit sous cet empereur. On ne peut disconvenir que l'écriture n'ait dégénéré par la suite de la beauté de sa formation; & qu'elle ne soit retombée dans la grossiereté de son origine, lorsque les Barbares, répandus dans toute l'Europe comme un torrent, vinrent fondre sur l'empire romain, & porterent aux Arts les coups les plus terribles. Mais, toute défecteuse qu'elle étoit, on la recherchoit, & ceux qui la possédoient, étoient regardés comme des savans du premier ordre. A la renaissance des Sciences & des Arts, l'écriture fut, pour ainsi dire, la premiere à laquelle on s'appliqua le plus, comme à un art utile, & qui conduisoit à l'intelligence des autres. Comme on fit un principe de le rendre simple, on retrancha peu - à - peu les traits inutiles qui l'embarrassoient; & en suivant toujours cette méthode, on est enfin parvenu à lui donner cette forme gracieuse dont le travail n'est point difficile. N'est - il pas singulier que l'écriture si nécessaire à l'homme dans tous les états, qu'il ne peut l'ignorer sans s'avilir aux yeux des autres, à qui nous sommes redevables de tant de connoissances qui ont formé notre esprit & policé nos moeurs: n'est - il pas, dis - je, singulier qu'un art d'une si grande conséquence soit regardé aujourd'hui avec autant d'indifférence qu'il étoit recherché avec ardeur, quand il n'étoit qu'à peine dégrossi & privé des graces que le bon goût lui a fait acquérir? L'histoire nous fournit cent exemples du cas que les empereurs & les rois faisoient de cet art, & de la protection qu'ils lui accordoient. Entre autres, Suétone nous rapporte dans la vie d'Auguste, que cet empereur enseignoit à écrire à ses petits - fils. Constantin le Grand chérissoit la belle écriture au point qu'il recommanda à Eusebe de Palestine, que les livres ne fussent écrits que par d'excellens ouvriers, comme ils ne devoient être composés que par de bons auteurs. Pierre Messie en ses leçons, liv. III. chap. j. Charlemagne s'exerçoit à former le grand caractere romain. Hist. littéraire de la France. Selon la nouvelle diplomatique, tome II. p. 437. Charles V. & Charles VII. rois de France, écrivoient avec élégance & mieux qu'aucun maître de leur tems. Nous avons eu deux ministres, célebres par leur mérite, MM. Colbert & Desmarets, qui écrivoient avec la plus grande propreté. Le premier sur - tout aimoit & se connoissoit à cet art. Il suffisoit de lui présenter des pieces élégamment écrites pour obtenir des emplois. Ce siecle, où les belles mains étoient récompensées, a disparu trop tôt; celui auquel nous vivons, n'offre que rarement à la plume de si heureux avantages. Un trait arrivé presque de nos jours à Rome, & attesté par M. l'abbé Molardini, secrétaire du saint - office della propaganda fide, fera connoître que l'écriture trouve encore des admirateurs, & qu'elle peut conduire aux dignités les plus éminentes; il a assuré qu'un cardinal de la création de Clément XII. dût en partie son élévation à l'adresse qu'il avoit de bien écrire. Ce fait, tout véritable qu'il soit, paroitra extraordinaire & même douteux à beaucoup des personnes, mais les Italiens pensent autrement que nous sur l'écriture; un habile écrivain parmi eux est autant estimé qu'un fameux peintre; il est décoré du titre de virtuoso, & l'art jouit de la prérogative d'être libre.

S'il est indispensable de savoir écrire avec art & avec méthode, il est aussi honteux de ne le pas savoir ou de le savoir mal. Sans entrer ici dans les détails, & faire sentir les malheurs que cette ignorance occasionne, je ne m'arrêterai qu'à quelques faits. Quintillien, instit. orat. liv. I. chap. j. se plaint que de son tems on négligeoit cet art, non pas jusqu'à dédaigner d'apprendre à écrire, mais jusqu'à ne point se soucier de le faire avec élégance & promptitude. L'empereur Carin est blâmé par Vopisque d'avoir porté le dégoût pour l'écriture jusqu'à se décharger sur un secrétaire du soin de contrefaire sa signature. Egnate, liv. I. rapporte que l'empereur Licinius fut méprisé, parce qu'il ignoroit les lettres, & qu'il ne pouvoit placer son nom au bas de ses ordonnances. J'ai appris d'un homme très - connu par de savans ouvrages, & dont je tairai le nom, un trait singulier de M. le maréchal de Villars. Dans une de ses campagnes, ce héros conçut un projet qu'il écrivit de sa main. Voulant l'envoyer à la cour, il chargea un secrétaire de le transcrire; mais il étoit si mal écrit que ce secrétaire ne put le déchiffrer, & eut recours dans cet embarras au maréchal, qui ne pouvant lui - même lire ce que sa main avoit tracé, dit, que l'on avoit tort de faire négliger l'écriture aux jeunes seigneurs, laquelle étoit si nécessaire à un homme de guerre, qui en avoit besoin pour le secret, & pour que ses ordres étant bien lus, pussent être aussi exécutés ponctuellement. Ce trait prouve bien la nécessité de savoir écrire proprement. L'écriture est une ressource toujours avantageuse, & l'on peut dire qu'elle fait souvent sortir un homme de la sphere commune pour l'élever par degrés à un état plus heureux, où souvent il n'arriveroit pas s'il ne possédoit ce talent. Uu jeune gentilhomme, étant à l'armée, sollicitoit à la cour une place très - avantageuse dans une ville frontiere. Il étoit sur le point de l'obtenir, lorsqu'il envoya au ministre un mémoire [p. 431] qui étant mal écrit & mal conçu, fit voir une ignorance qui n'est pas pardonnable dans un homme de condition, & que le poste qu'il désiroit ne supportoit point; aussi n'en fut - il point pourvû.

On voit par cet exemple que l'art d'ecrire est aussi nécessaire aux grands qu'aux petits. Un roi, un prince, un ministre, un magistrat, un officier, peuvent se dispenser de savoir peindre, jouer d'un instrument, mais ils ne peuvent assez ignorer l'écriture pour ne la pas former au moins dans un goût simple & facile à lire. Ce n'est pas, me dira - t - on, qu'on refuse de leur donner des maîtres dans leur bas âge, il est vrai, mais a - t - on fait un bon choix? Il arrive tous les jours que des gens inconnus & d'une foible capacité sont admis pour instruire d'un art dont ils n'ont eux - mêmes qu'une légere teinture, & sur - tout de celui d'écrire, qui a le caractere unique d'être utile jusqu'au dernier instant de la vie. Dans tel genre de talens que ce soit, un bon maître doit être recherché, considéré & récompensé. Par son habileté & son expérience, on apprend dans le beau, dans le naturel, & d'une maniere qui ne se corrompt point, & qui se soutient toujours, parce que son enseignement est établi sur des principes certains & vrais. Je ne puis mieux donner pour imitation que ce qui a été observé aux éducations de deux princes vivans pour le bonheur des hommes. Ce sont M. le duc d'Orléans & M. le prince de Condé. Tous deux écrivent avec goût & avec grace; tous deux ont appris de maîtres titrés, écrivains habiles, & qui avoient donné des preuves de leur supériorité. Ce qui s'est exécuté dans l'établissement de l'école royale militaire, assure encore mon sentiment. On a fait choix pour l'écriture de maîtres connus, approuvés, & connoissant à fond leur art; ce qui prouve que M. Paris du Verney, à qui rien n'échappe, le regarde comme une des parties essentielles de l'éducation de la jeune noblesse qu'on y éleve. On peut dire, à la louange de ce grand homme, que les talens sont bien reçus chez lui, & que l'écriture y tient une place honorable. Le siecle de Colbert renaîtroit assurément, s'il étoit à portée, comme ce ministre, de favoriser les bons écrivains.

Je me suis un peu étendu sur l'art d'écrire, parce que j'ai cru qu'il étoit nécessaire de faire sentir combien on avoit tort de le négliger. Une fois persuadé de cette vérité, on doit encore être certain que l'écriture ne s'apprend que par des principes. Personne, je crois, ne met en doute qu'il n'est point d'art qui n'en soit pourvu, & il seroit absurde de soutenir que l'écriture en est exemte. Si elle étoit naturelle à l'homme, c'est - à - dire, qu'il pût écrire avec grace & proprement dès qu'il en auroit la volonté & sans l'avoir apprise, alors je conviendrois que cet art seroit le seul qui ne fût pas fondé sur les regles. Mais on sait que les arts ne s'apprennent point sans le secours des maîtres & sans les principes. Comme il faut tous ces secours, moins à la vérité pour des seigneurs, qui n'ont besoin que d'une écriture simple & réguliere, & plus pour ceux qui veulent approfondir l'art, il est clair que dans l'un & l'autre cas, on doit être enseigné par de bons maîtres & par les principes. Mais il ne faut pas que ces principes soient confus & multipliés; ils doivent être au contraire simples, naturels & démontrés si sensiblement, qu'on puisse soi - même connoitre les défauts de son caractere, lorsqu'il n'est pas tracé dans la forme que le maître a peint à l'imagination. Tous les arts, dit avec raison M. de Voltaire, sont accablés par un nombre prodigieux de regles, dont la plûpart sont inutiles ou fausses. En effet, la multiplicité des regles & l'obscurité dont l'artiste enveloppe ses démonstrations, rebutent souvent l'éleve, qui ne peut les éclaircir par son peu d'intelligence ou de volonté.

Je n'irai pas plus loin sur la nécessité des principes dans les arts, je passe à l'origine des écrirures qui sont en usage en France & à leurs caracteres distinctifs.

Trois écritures sont en usage; la françoise ou la ronde, l'italienne ou la batarde, la coulée ou de permission.

La ronde tire son origine des caracteres gothiques modernes qui prirent naissance dans le douzieme siecle. On l'appelle françoise, parce qu'elle est la seule écriture qui soit particulierement affectée à cette nation si connue pour la perfection qu'elle communique aux arts. Voilà pour sa naissance, voyons son caractere propre.

La ronde est une écriture pleine, frappante & majestueuse. La difformité la déguise entierement. Elle veut une composition abondante; ce n'est pas qu'elle ne slatte dans la simplicité, mais quand elle produit des effets mâles & recherchés, & qu'il y a une union intime entr'eux, elle acquiert beaucoup plus de valeur. Elle exige la perfection dans sa forme, la justesse dans ses majeures, le goût & la rectitude dans le choix & l'arrangement de ses caracteres, la délicatesse dans le toucher & la grace dans l'ensemble. Elle admet les passes & autres mouvemens, tantôt simples & tantôt compliqués, mais elle les veut conçus avec jugement, exécutés avec une vive modération & ptoportionnés à sa grandeur. Elle demande encore dans l'accessoire, qui sont les cadeaux & les lettres capitales, de la varieté, de la hardiesse & du piquant. Cette écriture est la plus convenable à la langue françoise, qui est féconde en parties courbes.

L'italienne ou la bâtarde tire son origine des caracteres des anciens romains. Elle a le surnom de bâtarde, lequel vient, suivant les uns, de ce qu'elle n'est point en France l'écriture nationale; & suivant les autres, de sa pente de droite à gauche. Cette pente n'a commencé à paroître dans cette écriture, qu'après les ravages que firent en Italie les Goths ou les Lombards.

L'essentiel de cette écriture consiste dans la simplicité & la précision. Elle ne veut que peu d'ornemens dans sa composition; encore les exige - t - elle naturels & de facile imitation. Elle rejette tout ce qui sent l'extraordinaire & le surprenant. Elle a dans son caractere uni bien des difficultés à rassembler pour la peindre dans sa perfection. Il lui faut nécessairement pour flatter les yeux, une position de plume soutenue, une pente juste, des majeures simples & correctes, des liaisons délicates, de la légereté dans les rondeurs, du tendre & du moëlleux dans le toucher. Son accessoire a pour fondement le rare & le simple. Rien de mieux que les caracteres de cette écriture pour exécuter la langue latine, qui est extrémement abondante en parties droites ou jambages.

La coulée ou l'écriture de permission dérive également des deux écritures dont je viens de parler: on l'appelle de permission, parce que chacun en l'écrivant y ajoûte beaucoup de son imagination. L'origine de cette écriture est du commencement de ce siecle.

Cette écriture la plus usitée de toutes, tient comme le milieu entre les deux autres. Elle n'a ni la force & la magnificence de la premiere, ni la simplicité de le seconde. Elle approche de toutes les deux, mais sans leur ressembler; elle reçoit dans sa composition toutes sortes de mouvemens & de variétés. Son essence est de paroître plus prompte & plus animée que les autres écritures. Elle demande dans son exécution de la facilité; dans son expédition, de la vîtesse; dans sa pente, de la régularité; dans ses liaisons, de la finesse; dans ses majeures, du feu & du

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