ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"246"> melons, & c'est ce qui a fait dire qu'elle étoit réticulaire; sous cette membrane, on en trouve une autre, ou plutôt on trouve une espece de tissu fongueux, formé par les racines des mamelons, par les nerss, & par une substance qui paroît médullaire.

On voit en plusieurs sujets, sur la face supérieure de la langue, du côté de sa base, un trou particulier, plus ou moins profond, dont la surface interne est toute glanduleuse, & remplie de petits boutons, semblables aux mamelons de la premiere espece: on l'appelle le trou aveugle, le trou coecum de Morgagni, qui l'a le premier découvert.

Valther a été plus loin, & il y a indiqué des conduits qui lui ont paru salivaires; enfin Heister a trouvé distinctement deux de ces conduits, dont les orifices étoient dans le fonds du trou coecum, l'un à côté de l'autre; il en a donné la figure dans son anatomie.

La langue est peut - être la partie musculaire la plus souple, & la plus aisément mobile du corps humain: elle doit cette souplesse & cette mobilité à la varicté singuliere qui regne dans la disposition des fibres qui constituent sa structure; elle la doit encore aux mascles génio - stvlo hyoglosses, ainsi qu'à tous ceux qui tiennent à l'os hyoïde qui lui sert de base. C'est à l'aide de tous ces muscles différens qu'elle est capable de se mouvoir avec tant d'aisance, de rapidité, & selon toutes les directions possibles. Ces muscles reçoivent eux - mêmes leur force motrice, ou la faculté qu'ils ont d'agir de la troisieme branche de la cinquieme paire des nerfs, qui se distribue, par ses ramifications, à toutes les fibres charnues de la langue.

Entrons dans les autres détails. Les principaux de ces muscles sont les génio - glosses; ils partent de la partie postérieure de la symphise de la machoire insérieure, & marchent en arriere séparés par une membrane cellulaire; quand ils sont parvenus à l'os hyoïde, les fibres inférieures de ces museles s'y attachent, les moyennes forment des rayons en haut & latéralement, & les autres vont à la pointe de la langue.

Les muscles stylo - glosses se jettent à sa partie latérale supérieure; ils viennent de l'apophyse styloide, & vont cotoyer la langue.

Les hyo - glosses partent de la base de l'os hyoïde, des cornes & de la symphise; c'est à cause de ces diverses origines qu'on les a divisés en trois portions différentes; l'externe marche intérieurement à côté du stylo - glosse le long de la langue, & les autres bandes musculeuses en forment la partie moyenne supérieure.

On fait mention d'une quatrieme paire de muscles, qu'on nomme mylo - glosses; ils viennent de la base de la machoire au - dessus des dents molaires; mais on les rencontre très - rarement, & toujours avec quelque variété.

Les muscles qui meuvent l'os hyoïde, doivent être censés appartenir aussi à la langue, parce qu'elle en suit les mouvemens.

Outre cela, la langue est composée de plusieurs fibres charnues, disposées en tout sens, dont la totalité s'appelle communément muscle lingual; nous en parlerons tout - à - l'heure.

C'est des muscles génio - glosses, stylo - glosses & hyo - glosses, & de ceux de l'os hyoïde, que dépendent les mouvemens de la langue. La partie des génioglosses, qui va du menton à la base de la langue, porte cet organe en avant, & le fait sortir de la bouche. Les stylo - glosses, en agissant séparément, portent la langue vers les côtés, & en haut; lorsqu'ils agissent ensemble, ils la tirent en arriere, & ils l'élevent: chacun des hyo - glosses, en agissant séparément, la tire sur les côtés, & lorsqu'ils agissent tous les deux, ils la tirent en bas. Elle devient plus convexe par l'action de toutes les fibres des génioglosses, agissant en même tems, sur - tout lorsque les stylo - glosses sont en contraction.

On sent bien encore que là langue aura différens mouvemens, suivant que les differentes fibres qui composent le muscle lingual, agiront ou seules, ou avec le secours des autres muscles, dont nous venons de parler. Ces fibres du muscle lingual ont toutes sortes de situations dans la composition de la langue; il y en a de longitudinales, de verticales, de droites, de transverses, d'obliques, d'angulaires; ce sont en partie les épanouissemens des museles génio - glosses, hyo - glosses & stylo glosses.

Les fibres longitudinales racourcissent la langue; les transverses la retrécissent; les angulaires la tirent en - dedans; les obliques de côté; les droites compriment sa base, & d'autres servent à baisser son dos. C'est par l'action de toutes ces fibres musculaires, qui est différente selon leur direction, selon qu'elles agissent ensemble ou séparément, que la langue détermine les alimens solides entre les molaires, & porte ce qu'on mange & ce qu'on boit vers le gosier, à quoi concourt en même tems le concert des muscles propres de cet organe.

On découvre en gros la diversité & la direction des fibres qui composent le muscle lingual, en coupant la langue longitudinalement & transversalement après l'avoir fait macérer dans du fort vinaigre; mais il est impossible de démêler l'entrelacement singulier de toutes ces fibres, leur commencement & leur fin. On a beau macércr, ou cuire une langue de boeuf dans une eau souvent renouvellée, pour en ôter toute la graisse: on a beau la dépouiller adroitement de son épiderme, de son corps réticulaire & papillaire, on ne parvient point à dé voiler la structure parfaite de cet organe dans aucun des animaux, dont la langue destinée à brouter des plantes seches, est garnie de fibres fortes, beaucoup plus grandes & beaucoup plus évidentes que dans l'homme.

La langue humaine ainsi que celle des animaux, est parsemée de quantité de glandes dans sa partie superieure & postérieure, outre celles qu'on nomme sublinguales, qui sont les principales & qu'il suffit d'indiquer ici.

Les vaisseaux sanguins de la langue, sont ses arteres & ses veines; les arteres lui sont fournies par la carotide externe, & ses veines vont se décharger dans les jugulaires externes. on les appelle veines & arteres sublinguales, ou arteres & veines ranines. Les veines sont à côté du frein; & les arteres à côté des veines. On ouvre quelquefois ces veines ranines dans l'esquinancie; mais il faut prendre garde alors de ne pas plonger la lancette trop profondement, de peur d'ouvrir les arteres, dont l'hémorrhagie seroit difficile à réprimer.

La langue reçoit de chaque côté des nerfs très considérables, qui viennent de la cinquieme & de la neuviéme paire du cerveau, & qui se distribuent dans les membranes & dans le corps de la langue. La petite portion du nerf symphatique moyen, ou de la huitieme paire, produit aussi un nerf particulier à chaque côté de la langue.

Tel est cet instrument merveilleux, sans lequel les hommes seroient privés du plaisir & de l'avantage de la société. Il forme les différences des sons essentiels pour la parole; il est le principal organe du goût; il est absolument nécessaire à la mastication. Tantôt la langue par sa pointe qui est de la plus grande agilité, donne les alimens à broyer aux dents; tantôt elle va les chercher pour cet effet entre les dents & les joues; quelquefois d'un seul tour, avec cette adresse qui n'appartient qu'à la nature, elle les [p. 247] prend sur son dos pour les voiturer en diligence au fond du palais.

Elle n'est pas moins utile à la déglutition des liquides que des solides. Enfin elle sert tellement à l'action de cracher, que cette action ne peut s'exécuter sans son ministere, soit par le ramas qu'elle fait de la sérosité qui s'est séparée des glandes de la bouche, soit par la disposition dans laquelle elle met la salive qu'elle a ramassée, ou la matiere pituiteuse rejettée par les poumons.

Je sais que M. de Jussieu étant en Portugal en 1717, y vit une pauvre fille alors âgée de 15 ans, née sans langue, & qui s'acquittoit, dit - il, passablement de toutes les fonctions dont nous venons de parler. Elle avoit dans la bouche à la place de la langue, une petite éminence en forme de mamelon, qui s'élevoit d'environ trois ou quatre lignes de hauteur du milieu de la bouche. Il en a fait le récit dans les Mém. de pacad. des Sciences, ann. 1718.

Le sieur Rolnad, chirurgien à Saumur, avoit déjà décrit en 1630 une observation semblable dans un petit traité intitulé Aglossostomographie, ou description d'une bouche sans langue, laquelle parloit, & faisoit les autres fonctions de cet organe. La seule différence qui se trouve entre les deux sujets, est que celui dont parle Roland, étoit un garçon de huit à neuf ans, qui par des ulceres survenus dans la petite vérole avoit perdu la langue, au lieu que la fille vûe par M. de Jussieu, étoit née sans en avoir.

Cependant, malgré ces deux obser vations singulieres, je pense que les personnes à qui il ne reste que la base de la langue ne peuvent qu'ébaucher quelques - uns de ces sons, pour lesquels l'action des levres, & l'application du fond de la langue au palais sont seulement nécessaires; mais les sons qui ne se forment que par la pointe de la langue, par son recourbement, ou par d'autres mouvemens composés; ces sortes de sons, dis - je, me paroissent impossibles, quand la langue est mutilée, au point d'être réduite à un petit moignon.

Une langue double n'est pas un moindre obstacle à la parole. Les Transactions philosophiques, Février & Mars 1748, rapportent le cas d'un garçon né avec deux langues. Sa mere ne voulut iamais permettre qu'on lui retranchât ni l'une nil'autre; la nature fut plus avisée que cette mere, ou si l'on veut seconda ses vûes. La langue supérieure se dessecha, & se réduisit à la grosseur d'un pois, tandis que l'autre se fortifia, s'aggrandit, & vint par ce moyen à exécuter toutes ses fonctions.

Les éphémerides des curieux de la nature en citant long - tems auparavant, savoir en 1684, le cas d'une fille aimable qui vint au monde avec deux langues, remarquerent que la nature l'auroit plus favorisée en ne lui en donnant qu'une, qu'en multipliant cet organe, puisqu'elle priva cette fille de la parole, dont le beau sexe peut tirer tant d'usages pour son bonheur & pour le nôtre.

Théophile Protospatarius, médecin grec du xj siecle, est le premier qui a regardé la langue comme musculaire; Jacques Betengarius a connu le premier les glandes sublinguales & leurs conduits; Malpighi a le premier développé toute la texture de la langue; Bellini a encore perfectionné ce dévéloppement; Ruisch s'est attaché à dévoiler la fabrique des mamelons & des houpes nerveuses; les langues qu'il a injectées, laissent passer la matiere céracée par l'extrémité des poils artériels. Walther a décrit les glandes dont la langue est parsemée, & qui filtrent les sucs destinés à l'humecter continuellement; enfin Trew a représenté ses conduits salivaires, & ses vaisseaux sanguins. On doit encore consulter sur cet organe le célebre Morgagni, Santorini, & les tables d'Eustache & de Cowper.

La langue de plusieurs animaux a encore occupé les regards de divers anatomistes, & même ils nous en ont donné quelquefois la de scription, comme s'ils l'avoient tirée de la langue humaine. Mais nous connoissons assez imparfaitement celle des léopards, des lions, des tigres & autres bêtes féroces, qui ont la tunique externe du dessus de la langue hérissée de petites pointes dures, tournées en dedans, différentes de celles de la langue des poissons, dont les po ntes sont seulement rangées le long des bords du palais.

Il y a une espece de baleine qui a la langue & le palais si âpre par un poil court & dur, que c'est une sorte de décrotoir. La langue du renard marin est toute couverte de petites pieces osseuses de la grosseur d'une tête d'épingle; elles sont d'une dureté incioyable, d'une couleur argentine, d'une figure quarrée, & point du - tout piquantes.

Personne jusqu'ici n'a développe la structure de la langue du caméléon; on sait seulement qu'elle est très longue; qu'il peut l'allonger, la raccourcir en un instant, & qu'il la darde au dehors comme s'il la crachoit.

A l'égard des oiseaux, il n'y a presque que la langue du pic - verd qu'on ait décrit exactement. Enfin il reste bien des decouvertes à faire sur cet organe des animaux de toute espece; mais comme les maladies & les accidens de la langue humaine nous interessent encore davantage, nous leur relervons un article à part. (D. J.)

Langue (Page 9:247)

Langue, (Sémiotique.) « Ne vous retirez jamais, conseille fort lagement Bagivi, d'aupres d'un malade sans avoir aitentivement examiné la langue; elle indique plus sûrement & plus clairement que tous ses autres signes, l'état du sang. Les autres signes trompe t souvent, mais ceux ci ne sont jamais, ou que tres - rarement sautifs; & à moins que la cou'e ir, la saveur & autres accidens de la langue ne soient dans leur état naturel, gardez - vous, poursuit - il, d'assurer la guérilon e votre malade, sans quoi vous courrez r sque de nuire à votre réputation ». prax. medic. lib I. cap. xiij. w 3 Quoiqu'il faille rabaitre de ce é oges enthoasiastiques, on doit eviter l'exces oppoté vans le quel est tombé Santorius, qui regarde l'art de juger par la langue, d'inutile, de nul & purement arbitraire. Il est très certain qu'on peut tirer des différens états & quabtés de la langue beaucoup de lumieres pour le diagnostic & le prognostic des mal idies aiguës, mais ces signes ne sont pas plus certains que les autres qu'on tire du pouls, des urines, &c. Ainsi on auroit tort de s'y arrêter uniquemont. On doit, lorsqu'on veut atteindre au plus haut point de certitude medicinale, c'est - à - dire une grande probabiliré, rassembler, combiner & consulter tous les différens signes, encore ne sont ils pas necessairement infaillibles, mais ils se vérifient le plus ordinairement.

C'est dans la couleur principalement & dans le mouvement de la langue que l'on observe de l'altération dans les maladies aiguë,. 1°. La couleur peut varier de bien des façons; la langue peut devenir blanche, pâle, jaune, noire, livide, d'un rouge vif, &c. ou fleurie, comme l'appelle Hippocraie. Comme ces couleurs pourroient dependre de quelque boisson ou aliment précédent, il faut avoir attention lorsque l'on soupçonne pareille cause, de faire laver la bouche au malade; & quand on examine la langue, on doit la faire sortir autant qu'il est possible, afin d'en voir jusqu'à la racine; il est même des occasions où il faut regarder par - dessous, car, quelquefois, remarque Hippocrate, lib. II. de morb. la langue est noire dans cette partie, & les veines qui y sont se tuméfient & noircissent.

1°. La tumeur blanche de la langue provient d'une croûte plus ou moins épaisse, qui se forme sur la

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