ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"208"> le petit - lait, séparé du lait coagulé par les acides. Car on peut bien par ce moyen même obtenir un petit - lait très - doux: il n'y a pour cela qu'à être circonspect sur la proportion de l'acide employé; & M. Cartheuser n'exige pas qu'on employe l'acide en une quantité surabondante. En un mot, le serum lactis acidulum de M. Cartheuser est du petit - lait ordinaire, dont nous allons nous occuper sur le champ.

Celui - ci, c'est - à - dire le petit - lait ordinaire, qu'on pourroit aussi appeller doux, en le comparant au précédent, au lait de beurre, est celui qu'on sépare du lait coagulé par la pressure ordinaire, ou même, quoique beaucoup moins usuellement, par des acides végétaux. La coagulation du lait, pour la préparation pharmaceutique du petit - lait, & la séparation de cette derniere liqueur d'avec le caillé, n'ont rien de particulier. On s'y prend dans les Pharmacies comme dans les Laiteries. Voyez Lait, Economie rustiq. L'opération vraiment pharmaccutique qu'on exécute sur le petit lait, c'est la clarification. Voici cette opération: prenez du petit - lait récent, qui est naturellement très - trouble; ajoutezy à froid un blanc d'oeuf sur chaque livre de liqueur; mêlez exactement en fouettant; faites bouillir, & jettez dans la liqueur pendant l'ébullition, environ 18 ou 20 grains de crême de tartre; passez au blanchet & ensuite au papier à filtrer.

Quoique ce soit principalement la saveur & l'élégance du remede, le jucundè qu'on a en vûe dans cette clarification, il faut convenir aussi que les parties fromageuses & butireuses qui sont suspendues dans le petit - lait trouble, non - seulement rendent ce remede dégoûtant, & souvent trop laxatif, mais même peuvent le disposer à engendrer dans les pre mieres voies, ces concrétions butyreuses & fromageuses que nous avons comptées parmi les mauvais effets du lait. Il faut convenir encore que c'est vraissemblablement une pratique très mal entendue que l'usage constant de donner toujours le petit - lait le mieux clarifié qu'il est possible. Car quoiqu'il n'en faille pas croire M. Quincy, qui assure dans sa Pharmacopée, que le petit - lait ainsi clarifié, n'est qu'un pur phlegme, qui n'est bon à rien: il est indubitable cependant qu'il est des cas où une liqueur, pour ainsi dire moins seche, plus muqueuse, plus grasse que le petit - lait très - clarifié, est plus indiquée que le petit - lait clair comme de l'eau. Au reste, ces petitslaits ne différeroient entr'eux que par des nuances d'activité; & je ne voudrois pas qu'on admît dans l'usage l'extrème opposé au tres - clair, c'est - à - dire le petit - lait brut très - trouble, tel qu'il se sépare du caillé.

Il est une troisieme espece de petit - lait, qui doit peut - être tenir lieu de ce dernier, du petit - lait éminemment gras; savoir, celui qui est connu sous le nom de petit - lait d'Hoffman, & que M. Cartheuser appelle petit - lait doux, serum lactis dulce. Voici comment Frédérick Hoffman en expose la préparation dans sa dissertation de saluberrima seri lactis virtute. Il prend du lait sortant du pis; il le fait évaporer au feu nud dans un vaisseau d'étain (il vaut beaucoup mieux exécuter cette évaporation au bainmarie) jusqu'à ce qu'il obtienne un résidu qui se présente sous la forme d'une poudre jaunâtre & grumelée. Alors il jette sur ce résidu autant d'eau qu'il s'en est dissipé par l'évoparation; il donne quelques bouillons, & il filtre. L'auteur prétend, avec raison, que cette liqueur, qui est son petit - lait (& qu'il appelle eau de lait par décoction, ou petit - lait artificiel), a bien des qualités au - dessus du petit - lait ordinaire, du moins s'il est vrai que le petit - lait soit d'autant meilleur, que la substance muqueuse qu'il contient, est plus grasse, plus savonneuse: car il est très - vrai que les substances salines & sucrées quelconques, se chargent facilement des matieres oléagineuses, lorsqu'elles ont avec ces matieres une communication pareille à celle que la matiere sucrée du petitlait a, dans la méthode d'Hoffman, avec la matiere butyreuse.

Ce caractere, qui distingue le petit - lait d'Hoffman d'avec le petit - lait ordinaire, n'a cependant rien d'absolu: il ne peut constituer qu'une variété dans le degré d'action, & même une variété peu considérable.

Une livre de petit - lait (apparemment de vache) fournie par une livre & demie de lait entier, filtrée, évaporée au bain - marie, & rapprochée autant qu'il est possible, & cependant imparfaitement, a donné à M. Geoffroi une once un gros & trois grains de matiere concrete, qui est le sel ou sucre de lait dont nous allons parler dans un moment.

Hoffman n'a retiré, par l'évaporation, d'une livre de medecine (qui répond à 10 ou 12 onces, poids de marc) qu'un gros, c'est - à dire 60 ou 72 grains de matiere sucrée. La différence prodigieuse de ces deux produits ne paroît pas pouvoir être raisonnablement déduite de ce que M. Geoffroi a desseché sa matiere au bain - marie, & qu'Hoffman a employé la chaleur d'un bain de sable. On ne peut cependant avoir recours qu'à cette cause, ou à la différence individuelle des laits que chacun de ces chimistes a traités, ou enfin à l'inexactitude de l'un d'eux, ou de tous les deux: car il ne faut pas soupçonner que la matiere concrescible du petit - lait ayant été une fois dessechée, soit devenue moins soluble qu'elle ne l'étoit auparavant, & que le beurre & le fromage avec lesquels elle a été intimement entremêlée dans cette dessication, la défendent contre l'action de l'eau. Le sucre de lait est une substance trop soluble par le menstrue aqueux, pour qu'on puisse former raisonnablement cette conjecture.

Vertus ou usages medicinaux du petit - lait. Presque tous les auteurs, sur - tout les anciens, que Fréd. Hoffman a imités en cela, recommandent par préférence le petit - lait de chevre. On se sert en France principalement du petit - lait de vache, excepté dans les cantons où le lait de chevre est plus commun que celui de vache. A Paris, où cette raison de commodité n'est pas un titre de préférence, on distingue ces deux petits - laits dans l'usage, & beaucoup de medecins assurent qu'ils different réellement en vertu, de même que les Apoticaires observent qu'ils présentent des phénomenes différens dans la coagulation & dans la clarification.

Nous croyons cependant pouvoir regarder ces différences d'action médicamenteuse, comme méritant d'être constatées par de nouvelles observations, ou comme peu considérables. D'après ce sentiment nous ne parlerons que des vertus communes à l'un & à l'autre petit - lait. Au reste, comme on ne prépare ordinairement que ces deux especes, ce que nous dirons du petit lait en général ne sera censé convenir qu'à celles là.

La vertu la plus évidente du petit lait est d'être un laxatif doux & assez sûr, peut - être le premier ou le plus réel des eccoprotiques. Il pousse aussi assez communément par les urines. On le donne pour exciter l'une ou l'autre de ces deux évacuations, ou seul, ou chargé de différentes matieres purgatives ou diurétiques. Plusieurs auteurs le proposent même comme un bon excipient des purgatifs les plus forts, dont ils croyent que le petit - lait opere une véritable correction; mais ce mélange est assez chimérique dans cette vûe.

Il n'y a point d'inconvénient de mêler le petit - lait aux remedes acides, tels que les tamarins, les sucs acidules des fruits, &c. Le petit - lait n'est point, comme le lait, altéré par ces substances; au con<pb-> [p. 209] trairè, leur mélange avec le petit - lait peut être agréable & salutaire toutes les fois qu'on se propose de rafraîchir & de relâcher. Une légere limonade préparée avec le petit - lait au lieu de l'eau, doit mériter la préférence sur la limonade commune dans les ardeurs d'entrailles & des voies urinaires, avec menace d'inflammation, &c. Une décoction de tamarins dans le petit lait, vaut mieux aussi que la décoction de ces fruits dans l'eau commune, lorsqu'on se propose de lâcher le ventre dans les mêmes cas.

Le petit - lait est regardé, avec raison, comme le premier des remedes relâchans, humectans & adoucissans. On s'en sert efficacement en cette qualité dans toutes les affections des visceres du bas - ventre qui dépendent de tensions spontanées ou nerveuses, ou d'irritations, par la présence de quelque humeur vitiée, ou de quelque poison ou remede trop actif. On le donne par conséquent avec succés dans les maladies hypochondriaques & hystériques, principalement dans les digestions fougueuses, les coliques habituelles d'estomac, manifestement dûes à la tension & à la sécheresse de ce viscere, les flux hémorrhoïdaux irréguliers & douloureux, les jaunisses commençantes & soudaines, le flux hépatiques, les coliques bilieuses, les fleurs blanches, les flux dissentériques, les diarrhées douloureuses, les tenesmes, les superpurgations, &c. Il est regardé aussi comme capable d'étendre sa salutaire influence au - delà des premieres voies, du moins de produire de bons effets dans des maladies qu'on peut regarder comme plus génerales que celles dont nous venous de parler. On le donne avec succès dans toutes les fievres aigues, & principalement dans la sievre ardente & dans la fievre maligne.

Il est utile aussi dans tous les cas d'inflammation présente ou imminente des organes particuliers, des parties de la génération; par exemple, dans les maladies vénériennes inflammatoires, dans l'inflammation d'une partie des intestins, après une blessure ou une opération chirurgicale, dans les ophtalmies exquises, &c.

On peut assurer que dans tous ces cas il est préférable aux émulsions & aux ptisanes mucilagineuses qu'on a coûtume d'employer.

Hoffman remarque (dans sa dissertation sur le petitlit) que les plus habiles auteurs qui nt traité du scorbut, recommandent le petit - lait contre cette maladie. M. Lind, auteur bien postérieur à Hoffman, qui a composé un traité du scorbut très - complet, le met aussi au rang des remedes les plus efficaces de ce mal.

Fréd. Hoffman attribue encore au petit - lait, d'après Sylvaricus, célebre medecin italien, de grandes vertus contre la manie, certaines menaces de paralysie, l'épilepsie, les cancers des mameiles commençans, &c.

Le petit - lait a beaucoup d'analogie avec le lait d'ânesse. Hippocrate ordonne presque indifféremment le lait d'ânesse ou le petit - lait de chevre; & Fréd. Hoffman, dans la dissertation que nous avons déja citée plusieurs fois, attribue au petit - lait, sur l'autorité d'Hippocrate, toutes les vertus que cet auteur attribue au lait d'ânesse, lors même qu'il ne propose pas l'alternative de ce remede ou du petitlait.

En général le petit - lait doit être donné à grandes doses & continué longtems: il faut prendre garde cependant qu'il n'affadisse point l'estomac, c'est - à - dire qu'il ne fasse point perdre l'appétit & qu'il n'abatte point les forces; car c'est - là son unique, mais très - grave inconvénient. On voit bien au reste que cette considération ne peut avoir lieu que dans les incommodités & les maladies chroniques; car dans les cas urgens, tels que les fievres aiguës & les inflammations des visceres, l'appétit & les forces musculaires ne sont pas des facultés que l'on doive se mettre en peine de ménager. Il est encore vrai cependant que dans les fievres aiguës il ne faut pas donner le petit - lait dans le cas de foiblesse réelle.

Petit - lait à l'angloise, ou préparé avec les vins doux. Les Anglois préparent communément le petit - lait en faisant cailler le lait avec le vin d'Espagne ou de Canarie. On nous rapporte même que c'est presquelà l'unique façon dont on prépare ce remede à Londres; mais nous ne le connoissons en France que sur quelques exposés assez vagues. Les pharmacopées angloises les plus modernes ne font point mention de cette préparation: il est naturel de conjecturer pourtant qu'elle doit varier beaucoup selon la quantité de vin qu'on y employe. Jusqu'à présent ce remede n'a point été reçu en France; ainsi nous ne saurions prononcer légitimement sur ses propriétés medicinales, qui ne peuvent être établies que sur des observations. Nous osons avancer pourtant que l'usage de mêler une petite quantité de vin d'Espagne à du petit - lait déja préparé, que quelques praticiens de Paris ont tenté avec succès dans les sujets chez qui le petit lait pur avoit besoin d'être aiguisé par quelque substance un peu active; que cet usage, dis - je, doit paroître préférable à celui du petit lait tiré du lait caillé avec le même vin. Car de la premiere façon, la préparation du vin peut se déterminer bien plus exactement; & il ne seroit pas difficile, si l'on desiroit une analogie plus parfaite avec la méthode angloise, de l'obtenir, en chauffant le vin qu'on voudroit mêler au petit - lait jusqu'au degré voisin de l'ébullition, ou même jusqu'à une ébullition légere.

Sel ou sucre de lait. Kempfer rapporte que les Brachmanes ont connu autrefois la maniere de faire le sucre de lait; quoi qu'il en soit, Fabricius Bartholetus, médecin italien, est le premier qui ait fait mention, au commencement du siecle dernier, du sel essentiel de lait, sous le titre de manne ou de nitre du lait. Ettmuler en a donné une description qu'il a empruntée de cet auteur. Testi, médecin vénitien, est le second qui, sur la fin du dernier siecle, a trouvé le moyen de retirer ce sel, & il l'a appellé sucre de lait.

Ce médecin composoit quatre especes de sucre de lait. La premiere étoit fort grasse; la seconde l'étoit moins, la troisieme ne contenoit presque pas de parties grasses; la derniere étoit mêlée avec quelques autres médicamens. Ce sel étoit sujet à se rancir comme la graisse des animaux, sur tout lorsqu'on le conservoit dans des vaisseaux fermés, c'est pourquoi l'auteur conseilloit de le laisser exposé à l'air libre.

M. Fickius, en 1710, publia en Allemagne une maniere de faire le sel de lait. Enfin on a poussé en Suisse à sa perfection la maniere de préparer cette espece de sel; mais on en a tenu la préparation secrete. M. Cartheuzer en a donné une préparation particuliere, qu'il attribue mal - à - propos à Testi; & que l'auteur, dont nous empruntons ce morceau sur le sucre de lait, a tentée sans succès.

Il y a en Suisse un chimiste nommé Creusius, qui a une maniere admirable de composer ce sel, mais malheureusement il ne fait part de son secret à personne, ce qui est d'autant plus fâcheux, que celui dont il a la propriété est infiniment plus beau que les autres; il est plus blanc, plus doux; il se dissout mieux sur la langue.

En attendant qu'il plaise à M. Creusius de publier son secret *, voici la méthode la meilleure de faire

* Il est très vraissemblable que ce secret consiste à dégraisser le sucre de lait, ou à le rafiner par les mêmes moyens qu'on emploie à rafiner le sucre ordinaire, c'est - à - dire par l'emploi convenable de la chaux vive & d'une glaise blanche & pure. Voyez Rafinerie ou Rafinage du sucre au mot Sucre.

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