ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"192"> ouverte, que les chaînes à corde ouverte, & les trames à corde croisée?

On peut répondre que toutes les matieres, soit fil de chanvre, soit lin, coton ou soie, filées au petit rouet, ne pouvant l'être qu'à corde ouverte, on a observé la même chose pour les fils filés au grand rouet. Filés au fuseau, ou filés à corde ouverte, c'est la même chose.

L'effet des fouleries est double. Premierement, l'étoffe est dégraissée à fond. Secondement, elle y est plus ou moins feutrée. On y bat à la terre, ou l'on y bat à sec. On y bat l'étoffe enduite de terre glaise bien délayée dans de l'eau: cette matiere s'unit à tous les sucs onctueux. Cette opération dure deux heures: c'est ce qu'on appelle le dégrais.

Lorsque le drap paroît suffisamment dégraissé, on lâche un robinet d'eau dans la pile qui est percée en deux ou trois endroits par le fond. On a eu soin de tenir ces trous bouchés pendant le battage du dégrais. Lorsque leurs bouchons sont ôtés, on continue de faire battre, afin que l'étoffe dégorge, & que l'eau qui entre continuellement dans la pile, & qui en sort à mesure, emporte avec elle la terre unie à l'huile, aux autres sucs graisseux, les impuretés de la teinture, s'il y a des laines teintes, & la colle dont les fils de chaînes ont été couverts. On ne tire le drap de ce moulin que quand l'eau est, au sortir de la pile, aussi claire qu'en y entrant; ce qui s'apperçoit aisément.

Voyez, figure 20, le moulin à dégraisser. A, A, le beffroi; B, B, la traverse; c, c, c, les manches des maillets; d, d, les maillets; c, le vaisseau ou la pile; f, f, f, les geolieres qui retiennent les maillets & empêchent qu'ils ne vacillent; g, l'arbre; h, h, h, h, les levées ou éminences qui font lever les maillets; i, la selle; k, le tourillon. Ce méchanisme est simple, & ne demande qu'un coup d'oeil.

Lorsque le drap est dégraissé, on le remet une seconde fois entre les mains de l'énoueuse ou épinceuse, qui le reprend d'un bout à l'autre, & emporte de nouveau les corps terreux ou autres qui seroient capables d'en altérer la couleur ou d'en rendre l'épaisseur inégale. Voyez, figure 22, l'épinsage des draps fins apres le dégrais. a, le drap; b, b, faudets à grille dans lesquels le drap est placé; c, l'intervalle entre les deux portions du drap, où se place l'épinceuse pour travailler, en regardant l'étoffe au jour; d, d, pieces de bois qui tiennent l'étoffe étendue; f, f, porte - perche. Figure 23, pince de l'épinceuse.

L'étoffe, après cette seconde visite, qui n'est pratiquée que pour les draps fins, retourne à la foulerie.

Les ordonnances qui assujettissent les fabriquans de différentes manufactures à ne donner qu'une certaine longueur aux draps à l'ourdissage, sont faites relativement au vaisseau du foulon, qui doit contenir une quantité d'étoffe proportionnée à sa profondeur ou largeur. Un drap qui remplit trop la pile, n'est pas frappé si fort, le maillet n'ayant pas assez de chûte. Il en est de même de celui qui ne la remplit pas assez, la chûte n'ayant qu'une certaine étendue déterminée.

Remise au foulon, l'étoffe y est battue non à l'eau froide, mais à l'eau chaude & au savon, jusqu'à ce qu'elle soit réduite à une largeur déterminée; après quoi on la fait dégorger à l'eau froide, & on la tient dans la pile jusqu'à ce que l'eau en sorte aussi claire qu'elle y est entrée: alors on ferme le robinet, qui ne fournissant plus d'eau dans la pile, la laisse un peu dessécher; cela fait, on la retire sur le champ.

Tous les manufacturiers ne foulent pas le drap avec du savon, sur - tout ceux qui ne sont pas fins. Les uns emploient la terre glaise & l'eau chaude, ce qui les rend rudes & terreux; les autres l'eau chaude seulement. Les draps foulés de cette maniere perdent de leur qualité, parce qu'ils demeurent plus long - tems à la foule, & que la grande quantité de coups de maillets qu'ils reçoivent, les vuide & les altere. Le mieux est donc de se servir du savon; il abrege le tems de la foule, & rend le drap plus doux.

Il faut avoir l'attention de tirer le drap de la pile toutes les deux heures, tant pour en effacer les plis, que pour arrêter le rétrécissement.

Plus les draps sont fins, plus promptement ils sont foulés. Ceux - ci foulent en 8 ou 10 heures; ceux de la qualité suivante en 14 heures: les plus gros vont jusqu'à 18 ou 20 heures. Les coups de maillets sont reglés comme les battemens d'une pendule à secondes.

Pour placer les draps dans le vaisseau ou la pile, on les plie tous en deux; on jette le savon fondu sur le milieu de la largeur du drap; on le plie selon sa longueur; on joint les deux lisieres, qui en se croisant de 5 à 6 pouces, enferment le savon dans le pli du drap; de façon que le maillet ne frappe que sur son côté qui fera l'envers: c'est la raison pour laquelle on apperçoit toujours à l'étoffe foulée, au sortir de la pile, un côté plus beau que l'autre, quoiqu'elle n'ait reçu aucun apprêt.

Quelques manufacturiers ont essayé de substituer l'urine au savon, ce qui a très - bien réussi; mais la mauvaise odeur du drap qui s'échauffe en foulant, y a fait renoncer.

Les foulonniers qui veulent conserver aux draps leur longueur à la foule, ont soin de les tordre sur eux - mêmes, lorsqu'ils les placent dans la pile, par portion d'une aulne & plus, cette quantité à droite, & la même à gauche, & ainsi de suite, jusqu'à ce que la piece soit empilée. On appelle cette maniere de fouler, fouler sur le large. Au contraire, si c'est la largeur qu'ils veulent conserver, ils empilent double, & par plis ordinaires, ce qui s'appelle fouler en pié.

On ne foule en pié que dans le cas où le drap foulé dans sa largeur ordinaire, ne seroit pas assez fort, ou lorsqu'il n'est pas bien droit, & qu'il faut le redresser.

Voyez figure 21, le moulin à foulon. a a, la grande roue appellée le hérisson; b la lanterne; c c, l'arbre; e e e, les levées ou parties saillantes qui font hausser les pelotes; f f, les tourillons; g g, les frettes qui lient l'arbre; h h, les queues des pilons; i, les pilons; l l l, les geolieres; m, les vaisseaux ou piles; n n, les moises; o, l'arbre de l'hérisson auquel s'engrene la grande roue qui reçoit de l'eau son mouvement.

Du lainage des draps. Lorsque les draps sont foulés, il est question de les lainer ou garnir: pour cet effet, deux vigoureux ouvriers s'arment de doubles croix de fer ou de chardon, dont chaque petite feuille regardée au microscope, se voit terminée par un crochet très - aigu. Après avoir mouillé l'étoffe en pleine eau, ils la tiennent étalée ou suspendue sur une perche, & la lainent en la chardonnant, c'est - à - dire qu'ils en font sortir le poil en la brossant à plusieurs reprises devant & derriere, le drap étant doublé, ce qui fait un brossage à poil & à contre - poil; d'abord à chardon mort ou qui a servi, puis à chardon vif ou qu'on emploie pour la premiere fois. On procede d'abord à trait modéré, ensuite à trait plus appuyé, qu'on appelle voies. La grande précaution à prendre, c'est de ne pas effondrer l'étoffe, à force de chercher à garnir & velouter le dehors.

Le lainage la rend plus belle & plus chaude. Il [p. 193] enleve au drap tous les poils grossiers qui n'ont pu être foulés; on les appelle le jars; il emporte peu de la laine fine qui reste comprise dans le corps du drap.

On voit ce tràvail fig. 24. a, porte - perche; b, les perches; c c, croix & le drap montés, & ouvriers qui s'en servent; f, saudets; fig. 25, croix montée.

Les figures 27 & 28 montrent les faudets séparés. Ce sont des appuis à claires voies, pour recevoir le drap, soit qu'on le tire, soit qu'on le descende en travaillant.

La figure 26 est un instrument ou peigne qui sert à nettoyer les chardons. Ses dents sont de fer, & son manche, de bois. Fig. 27 & 28, faudets.

De la tonte du drap. La tonte du drap succede au lainage; c'est aux forces ou ciseaux du tondeur, à réparer les irrégularités du chardonnier; il passe ses ciseaux sur toute la surface. Cela s'appelle travailler en premiere voie. Cela fait, il renvoye l'étoffe aux laineurs: ceux - ci la chardonnent de nouveau. Des laineurs elle revient au tondeur qui la travaille en reparage; elle repasse encore aux laineurs, d'où elle est transmise en dernier lieu au tondeur qui finit par l'affinage.

Ces mots, premiere voie, repassage, affinage, n'expriment donc que les différensinstans d'une même manoeuvre. L'étoffe passe donc successivement des chardons aux forces, & des forces aux chardons, jusqu'à quatre ou cinq différentes fois, plus ou moins, sans parler des tontures & façons de l'envers.

Il y a des manufactures où l'on renvoie le drap à la foulerie, après le premier lainage.

L'étoffe ne soutient pas tant d'attaques réitérées, ni l'approche d'un si grand nombre d'outils tranchans, sans courir quelque risque. Mais il n'est pas de soin qu'on ne prenne pour rentraire imperceptiblement, & dérober les endroits affoiblis ou percés.

Dans les bonnes manufactures, les tondeurs sont chargés d'attacher un bout de ficelle à la lisiere d'un drap qui a quelque défaut. On l'appelle tare. La tare empêche que l'acheteur ne soit trompé.

Voyez figures 29, 30, 31, 32 & 33, les instrumens du lainage & de la tonte ou tonture. La fig. 29 montre les forces; A, les lames ou taillans des forces; b, c, le manche; il sert à rapprocher les lames, en bandant une courroie qui les embrasse.

On voit ce manche séparé, fig. 30. c est un tasseau avec sa vis d; il y a une plaque de plomb qui affermit la lame dormante; e, billette ou piece de bois que l'ouvrier empoigne de la main droite, pendant que la gauche fait jouer les fers par le continuel bandement & débandement de la courroie de la manivelle.

L'instrument qu'on voit fig. 31, s'appelle une rebrousse. On s'en sert pour faire sortir le poil.

Les figures 32, sont des cardinaux ou petites cardes de fer pour coucher le poil; b, vûe en - dessus; a, vûe en - dessous.

Les figures 33, 34 sont des crochets qui tiennent le drap à tondre étendu dans sa largeur sur la table.

La fig. 35 est une table avec son coussin, ses supports & son marche - pié. C'est sur cette table que le drap s'étend pour être tondu.

De la rame. Après les longues manoeuvres des fouleries, du lainage & de la tonture, manoeuvres qui varient selon la qualité de l'étoffe ou l'usage des lieux, soit pour le nombre, soit pour l'ordre; les draps lustrés d'un premier coup de brosse, sont mouillés & étendus sur la rame.

La rame est un long chassis ou un très - grand assemblage de bois aussi large & aussi long que les plus grandes pieces de drap. On tient ce chassis debout, & arrêté en terre. On y attache l'étoffe sur de longues enfilades de crochets dont ses bords sont garnis: par ce moyen elle est distendue en tout sens.

La partie qui la tire en large & l'arrête en bas sur une partie transversale & mobile, s'appelle larget; celle qui la saisit par des crochets, à son chef, s'appelle templet.

Il s'agit d'effacer les plis que l'étoffe peut avoir pris dans les pots des foulons, de la tenir d'équerre, & de l'amener sans violence à sa juste largeur: d'ailleurs en cet état on la brosse, on la lustre mieux; on la peut plier plus quarrément; le ramage n'a pas d'autre fin dans les bonnes manufactures.

L'intention de certains fabriquans dans le tiraillement du drap sur la rame, est quelquefois un peu différente. Ils se proposent de gagner avec la bonne largeur, un rallongement de plusieurs aulnes sur la piece; mais cet effort relâche l'étoffe, l'amollit, & détruit d'un bout à l'autre le plus grand avantage que la foulerie ait produit. C'est inutilement qu'on a eu la précaution de rendre par la carde le fil de chaîne fort, & celui de trame, velu, de les filer de rebours, & de fouler le drap en fort pour le liaisonner comme un feutre, si on l'étonne à force de le distendre, si on en ressout l'assemblage par une violence qui le porte de vingt aulnes à vingt - quatre. C'est ce qu'on a fait aux draps effondrés, mollasses & sans consistence.

On a souvent porté des plaintes au Conseil, contre la rame, & elle y a toujours trouvé des défenseurs. Les derniers réglemens en ont arrêté les principaux abus, en décernant la consiscation de toute étone qui à la rame auroit été allongée au - delà de la demi - aulne sur vingt - aulnes, ou qui s'est prêtée de plus d'un seizieme sur sa largeur. La mouillure en ramenant tout d'un coup le drap à sa mesure naturelle, éclaircit l'infidélité, s'il y en a. Le rapport du poids à la longueur & largeur, produiroit le même renseignement.

La figure 36 représente la rame a a, où l'on étend des pieces entieres de drap; b b, sa traverse d'en - haut où le drap s'attache sur une rangée de clous à crochets, espacés de trois pouces; c c, la traverse d'en - bas qui se déplace, & peut monter à coulisse; d, montans ou piliers. Fig. 37 e larget ou diable, comme les ouvriers l'appellent. C'est une espece de levier qui sert à abaisser les traverses d'enbas, quand on veut élargir le drap; f, templet garni de deux crochets auxquels on attache la tête ou la queue de la piece; il sert à l'allonger au moven d'une corde attachée à un pilier plus éloigné, & qui passe sur la poulie g.

De la brosse & de la tuile. Le drap est ensuite brossé de nouveau, & toujours du même sens, afin de disposer les poils à prendre un pli uniforme. On aide le lustre & l'uniformité du pli des poils, en tuilant le drap, c'est - à - dire, en y appliquant une planche de sapin, qu'on appelle la tuile. Voyez fig. 38 la tuile.

Cette planche, du côté qui touche l'étoffe, est enduite d'un mastic de résine, de grais pilé, & de limaille passés au sas. Les pailletes & les résidus des tontures qui altéreroient la couleur par leur déplacement, s'y attachent, ou sont poussés enavant, & déchargent l'étoffe & la couleur qui en a l'oeil plus beau. On acheve de perfectionner le lustre par le cati.

Du cati, du feuilletage, & des cartons. Catir le drap ou toute autre étoffe, c'est le mettre en plis quarrés, quelquefois gommer chaque pli, puis feuilleter toute la piece, c'est - à - dire, insérer un carton entre un pli & un autre, jusqu'au dernier qu'on couvre d'un ais quarré qu'on nomme le tableau, & tenir le paquet ainsi quelque tems sous une presse.

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