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On peut répondre que toutes les matieres, soit fil de chanvre, soit lin, coton ou soie, filées au petit rouet, ne pouvant l'être qu'à corde ouverte, on a observé la même chose pour les fils filés au grand rouet. Filés au fuseau, ou filés à corde ouverte, c'est la même chose.
L'effet des fouleries est double. Premierement, l'étoffe est dégraissée à fond. Secondement, elle y est plus ou moins feutrée. On y bat à la terre, ou l'on y bat à sec. On y bat l'étoffe enduite de terre glaise bien délayée dans de l'eau: cette matiere s'unit à tous les sucs onctueux. Cette opération dure deux heures: c'est ce qu'on appelle le dégrais.
Lorsque le drap paroît suffisamment dégraissé, on lâche un robinet d'eau dans la pile qui est percée en deux ou trois endroits par le fond. On a eu soin de tenir ces trous bouchés pendant le battage du dégrais. Lorsque leurs bouchons sont ôtés, on continue de faire battre, afin que l'étoffe dégorge, & que l'eau qui entre continuellement dans la pile, & qui en sort à mesure, emporte avec elle la terre unie à l'huile, aux autres sucs graisseux, les impuretés de la teinture, s'il y a des laines teintes, & la colle dont les fils de chaînes ont été couverts. On ne tire le drap de ce moulin que quand l'eau est, au sortir de la pile, aussi claire qu'en y entrant; ce qui s'apperçoit aisément.
Voyez,
Lorsque le drap est dégraissé, on le remet une
seconde fois entre les mains de l'énoueuse ou épinceuse, qui le reprend d'un bout à l'autre, & emporte
de nouveau les corps terreux ou autres qui
seroient capables d'en altérer la couleur ou d'en
rendre l'épaisseur inégale. Voyez,
L'étoffe, après cette seconde visite, qui n'est pratiquée que pour les draps fins, retourne à la foulerie.
Les ordonnances qui assujettissent les fabriquans de différentes manufactures à ne donner qu'une certaine longueur aux draps à l'ourdissage, sont faites relativement au vaisseau du foulon, qui doit contenir une quantité d'étoffe proportionnée à sa profondeur ou largeur. Un drap qui remplit trop la pile, n'est pas frappé si fort, le maillet n'ayant pas assez de chûte. Il en est de même de celui qui ne la remplit pas assez, la chûte n'ayant qu'une certaine étendue déterminée.
Remise au foulon, l'étoffe y est battue non à l'eau froide, mais à l'eau chaude & au savon, jusqu'à ce qu'elle soit réduite à une largeur déterminée; après quoi on la fait dégorger à l'eau froide, & on la tient dans la pile jusqu'à ce que l'eau en sorte aussi claire qu'elle y est entrée: alors on ferme le robinet, qui ne fournissant plus d'eau dans la pile, la laisse un peu dessécher; cela fait, on la retire sur le champ.
Tous les manufacturiers ne foulent pas le drap
Il faut avoir l'attention de tirer le drap de la pile toutes les deux heures, tant pour en effacer les plis, que pour arrêter le rétrécissement.
Plus les draps sont fins, plus promptement ils sont foulés. Ceux - ci foulent en 8 ou 10 heures; ceux de la qualité suivante en 14 heures: les plus gros vont jusqu'à 18 ou 20 heures. Les coups de maillets sont reglés comme les battemens d'une pendule à secondes.
Pour placer les draps dans le vaisseau ou la pile, on les plie tous en deux; on jette le savon fondu sur le milieu de la largeur du drap; on le plie selon sa longueur; on joint les deux lisieres, qui en se croisant de 5 à 6 pouces, enferment le savon dans le pli du drap; de façon que le maillet ne frappe que sur son côté qui fera l'envers: c'est la raison pour laquelle on apperçoit toujours à l'étoffe foulée, au sortir de la pile, un côté plus beau que l'autre, quoiqu'elle n'ait reçu aucun apprêt.
Quelques manufacturiers ont essayé de substituer l'urine au savon, ce qui a très - bien réussi; mais la mauvaise odeur du drap qui s'échauffe en foulant, y a fait renoncer.
Les foulonniers qui veulent conserver aux draps leur longueur à la foule, ont soin de les tordre sur eux - mêmes, lorsqu'ils les placent dans la pile, par portion d'une aulne & plus, cette quantité à droite, & la même à gauche, & ainsi de suite, jusqu'à ce que la piece soit empilée. On appelle cette maniere de fouler, fouler sur le large. Au contraire, si c'est la largeur qu'ils veulent conserver, ils empilent double, & par plis ordinaires, ce qui s'appelle fouler en pié.
On ne foule en pié que dans le cas où le drap foulé dans sa largeur ordinaire, ne seroit pas assez fort, ou lorsqu'il n'est pas bien droit, & qu'il faut le redresser.
Voyez
Du lainage des draps. Lorsque les draps sont foulés, il est question de les lainer ou garnir: pour cet effet, deux vigoureux ouvriers s'arment de doubles croix de fer ou de chardon, dont chaque petite feuille regardée au microscope, se voit terminée par un crochet très - aigu. Après avoir mouillé l'étoffe en pleine eau, ils la tiennent étalée ou suspendue sur une perche, & la lainent en la chardonnant, c'est - à - dire qu'ils en font sortir le poil en la brossant à plusieurs reprises devant & derriere, le drap étant doublé, ce qui fait un brossage à poil & à contre - poil; d'abord à chardon mort ou qui a servi, puis à chardon vif ou qu'on emploie pour la premiere fois. On procede d'abord à trait modéré, ensuite à trait plus appuyé, qu'on appelle voies. La grande précaution à prendre, c'est de ne pas effondrer l'étoffe, à force de chercher à garnir & velouter le dehors.
Le lainage la rend plus belle & plus chaude. Il [p. 193]
On voit ce tràvail
Les
La
De la tonte du drap. La tonte du drap succede au lainage; c'est aux forces ou ciseaux du tondeur, à réparer les irrégularités du chardonnier; il passe ses ciseaux sur toute la surface. Cela s'appelle travailler en premiere voie. Cela fait, il renvoye l'étoffe aux laineurs: ceux - ci la chardonnent de nouveau. Des laineurs elle revient au tondeur qui la travaille en reparage; elle repasse encore aux laineurs, d'où elle est transmise en dernier lieu au tondeur qui finit par l'affinage.
Ces mots, premiere voie, repassage, affinage, n'expriment donc que les différensinstans d'une même manoeuvre. L'étoffe passe donc successivement des chardons aux forces, & des forces aux chardons, jusqu'à quatre ou cinq différentes fois, plus ou moins, sans parler des tontures & façons de l'envers.
Il y a des manufactures où l'on renvoie le drap à la foulerie, après le premier lainage.
L'étoffe ne soutient pas tant d'attaques réitérées, ni l'approche d'un si grand nombre d'outils tranchans, sans courir quelque risque. Mais il n'est pas de soin qu'on ne prenne pour rentraire imperceptiblement, & dérober les endroits affoiblis ou percés.
Dans les bonnes manufactures, les tondeurs sont chargés d'attacher un bout de ficelle à la lisiere d'un drap qui a quelque défaut. On l'appelle tare. La tare empêche que l'acheteur ne soit trompé.
Voyez
On voit ce manche séparé,
L'instrument qu'on voit
Les
Les
La
De la rame. Après les longues manoeuvres des fouleries, du lainage & de la tonture, manoeuvres qui varient selon la qualité de l'étoffe ou l'usage des lieux, soit pour le nombre, soit pour l'ordre; les draps lustrés d'un premier coup de brosse, sont mouillés & étendus sur la rame.
La rame est un long chassis ou un très - grand assemblage de bois aussi large & aussi long que les plus grandes pieces de drap. On tient ce chassis debout,
La partie qui la tire en large & l'arrête en bas sur une partie transversale & mobile, s'appelle larget; celle qui la saisit par des crochets, à son chef, s'appelle templet.
Il s'agit d'effacer les plis que l'étoffe peut avoir pris dans les pots des foulons, de la tenir d'équerre, & de l'amener sans violence à sa juste largeur: d'ailleurs en cet état on la brosse, on la lustre mieux; on la peut plier plus quarrément; le ramage n'a pas d'autre fin dans les bonnes manufactures.
L'intention de certains fabriquans dans le tiraillement du drap sur la rame, est quelquefois un peu différente. Ils se proposent de gagner avec la bonne largeur, un rallongement de plusieurs aulnes sur la piece; mais cet effort relâche l'étoffe, l'amollit, & détruit d'un bout à l'autre le plus grand avantage que la foulerie ait produit. C'est inutilement qu'on a eu la précaution de rendre par la carde le fil de chaîne fort, & celui de trame, velu, de les filer de rebours, & de fouler le drap en fort pour le liaisonner comme un feutre, si on l'étonne à force de le distendre, si on en ressout l'assemblage par une violence qui le porte de vingt aulnes à vingt - quatre. C'est ce qu'on a fait aux draps effondrés, mollasses & sans consistence.
On a souvent porté des plaintes au Conseil, contre la rame, & elle y a toujours trouvé des défenseurs. Les derniers réglemens en ont arrêté les principaux abus, en décernant la consiscation de toute étone qui à la rame auroit été allongée au - delà de la demi - aulne sur vingt - aulnes, ou qui s'est prêtée de plus d'un seizieme sur sa largeur. La mouillure en ramenant tout d'un coup le drap à sa mesure naturelle, éclaircit l'infidélité, s'il y en a. Le rapport du poids à la longueur & largeur, produiroit le même renseignement.
La
De la brosse & de la tuile. Le drap est ensuite brossé
de nouveau, & toujours du même sens, afin de disposer
les poils à prendre un pli uniforme. On aide
le lustre & l'uniformité du pli des poils, en tuilant
le drap, c'est - à - dire, en y appliquant une planche
de sapin, qu'on appelle la tuile. Voyez
Cette planche, du côté qui touche l'étoffe, est enduite d'un mastic de résine, de grais pilé, & de limaille passés au sas. Les pailletes & les résidus des tontures qui altéreroient la couleur par leur déplacement, s'y attachent, ou sont poussés enavant, & déchargent l'étoffe & la couleur qui en a l'oeil plus beau. On acheve de perfectionner le lustre par le cati.
Du cati, du feuilletage, & des cartons. Catir le
drap ou toute autre étoffe, c'est le mettre en plis
quarrés, quelquefois gommer chaque pli, puis feuilleter
toute la piece, c'est - à - dire, insérer un carton
entre un pli & un autre, jusqu'au dernier qu'on
couvre d'un ais quarré qu'on nomme le tableau, &
tenir le paquet ainsi quelque tems sous une presse.
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