ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"121"> autres, sont les kermès femelles, sur lesquelles les petites mouches maichent, montent & joignent leur derriere au leur, vraissemblablement pour en féconder les oeufs. On a d'autant plus lieu de se le persuader, que les gros insectes, après avoir pasté quelque tems avec des petites mouches, se couvrent bientôt de duvet, & font des oeuss au bout de quelques jours; au lieu que ceux qui n'ont point eu de commerce avec les petites mouches, restent presque nuds; ou s'ils prennent un peu de duvet, ils ne parviennent point à pondre. Les petits, peu de jours après êtro nés, se fixent sur quelque nouvelle racine de knawel, s'y nourrissent & y croissent.

Telle est en peu de mots l'histoire du kermès de Pologne, depuis le tems où il paroît sous la forme d'une boule, logé en partie dans un calice jusqu'au tems où le petit, sorti de l'oeuf, songe à son tour à pulluler. M. Frisch est le premier qui a patlé de la transformation du progallinsecte, des racines de knawel en mouche; mais M. Breynius a rectifié cette idée trop générale, & a donné l'histoire précise de cet insecte singulier, dans une dissertation latine, jointe a l'appendix des actes des curieux de la nature, année 1733; & cette dissertation est ornée de figures qui paroissent faites avec soin. Nous y renvoyons les lecteurs.

On ignore si le kermès de Pologne a, comme la cochenille du Mexique, la propriété de se conserver, au lieu que nous sommes sûrs de la conservation de la cochenille du Méxique, pendant plus d'un siecle. Les insectes, mangeurs de cadavres d'insectes, ne veulent point de celui - ci; peut être n'en seroit il pas de même du kermès de Pologne. On l'employoit autrefois pour teindre en rouge; c'étoit pour ainsi dire la cochenille du Nord; on y en faisoit des récoltes; mais ces recoltes moins abondantes, plus difficiles que celles de la véritable cochenille, & qui donnent une drogue moins bonne pour la teinture, ont été tellement abandonnées, que bien - tôt nous n'en connoitrons plus l'usage que par les écrits des savans.

C'est du - moins ce qui est arrivé à bien d'autres matieres animales, qui servoient autrefois à la teinture de pourpre, comme aussi aux insectes de la racine de pimprenelle, du lentisque, de la parlétaire, du plantain & de la piloselle, dont on ne parle plus. Le seul kermès du Languedoc se recueille encore, parce qu'on l'a anciennement introduit dans deux préparations de médecine, qui, quoique très - médiocres en vertu, subsistent toujours d'après les vieux prejugés. Nous ne manquons pas en Pharmacie d'exemples pareils; toutes les préparations galéniques sont de ce non bre. (D. J.)

Kermès (Page 9:121)

Kermès, (Mat. med. & Pharmacie.) coque de kermès, & plus communément graine de kermès.

On prépare en Languedoc un suc ou sirop de kermès, de la maniere suivante: on mêle trois parties de sucre avec une partie de coques de kermès écrasées, on garde ce mêlange pend int un jeur dans un lieu frais; le sucre s'unit pendant ce tems au suc de kermès, forme avec ce suc une liqueur, qui, étant pastée & exptimée, a la consistance de sirop. Cette composition est envoyée en grande quantité à Paris & dans les pays étrangers.

On nous apporte austi du même pays les coques de kermès nouvelies & bien mures, dont on prépare quelquefois une coaserve, suc ou sirop de kermès, de la maniere tuivante: pilez des graines de kermès dans un mortier de marbre, gardez - les dans un lieu frais perdant sept à huit heures, pour que le suc se dépure par une légere fermentation; exprimez & gardez encore le suc pendant quelques heures, pour qu'il acheve de s'éclaireir par le repos; versez la liqueur par inclination; mêlez - la avec deux parties de sucro, & faites évaporer à un feu doux, jusqu'à la consistance d'un sirop épais.

Les apoticaires de Paris préparent rarement ca sirop; ils préferent avec raison celui qu'on apporte de Languedoc. C'est avec l'un ou l'autre de ces sirops, qu'on prépare la célebre consection alkermès. Voyez l'article Confection.

Les semences de kermès, données en substance, depuis un demi - scrupule, jusqu'à un gros, ont acquis beaucoup de célébrité dans ces derniers tems contre l'avortement. Geoffroy assûre, dans sa matiere médicale, d'après sa propre expérience, que plusieurs semmes, qui n'avoient jamais pû porter leurs enfans à terme, étoient heureusement accouchées au bout de neuf mois, sans accident, après avoir pris, pendant tout le tems de leur grossesse, les pilules suivantes:

Prenez graine de kermès récente en poudre, & confection d'byacinte, de chacun un gros; germes d'oeufs dessechés & réduits en poudre un scrupule; sirop de kermès, suffisante quantité; faites une masse de pilules pour trois doses; on donnera à six heures de distance l'une de l'autre, c'est - à - dire en douze heures, avalant par dessus chaque dose un verre de bon vin avec de l'eau, ou d'une eau cordiale convenable.

La graine de kermès en substance, est fort célebre encore pour rétablir & soutenir les forces abattues, sur tout dans l'accouchement difficile, à la dose d'un gros jusqu'à deux. Le sirop est employé au même usage à la dose d'une ou de deux onces.

L'un & l'autre de ce remede passe pour stomachique, tonique & astringent; les anciens ne lui ont connu que cette derniere propriété.

Quelques auteurs ont attribué à la graine de kermès une qualité corrosive, capable d'entamer la membrane intérieure des intestins; Géoffroy prétend que cette imputation n'est point sondée.

La poudre de graine sechée de kermès, entre dans la confection alkermès, dans la confection d'hiacinthe, dans la poudre contre l'avortement; le sirop entre dans les pilules de Becher. (b)

Kermès minéral (Page 9:121)

Kermès minéral, (Chimie & Mat. médicale.) Prenez une livre de bon antimoine crud que vous concasserez grossierement; mettez - la avec quatre onces de liqueur de nitre fixé dans une cafetiere de terre vernissée; versez par - dessus une pinte d'eau de pluie, & faites bouillir le tout pendant deux heures; filtrez ensuite la liqueur toute bouillante; reversez sur l'antimoine, qui est resté dans la cafetiere, une autre peinte d'eau de pluie, & trois onces de liqueur de nitre fixé; faites bouillir de nouveau perdant deux heures, & filtrez comme la premiere fois; ajoûtez après cela deux onces de liqueur de nitre fixé, & une pinte d'ean de pluie, à ce qui resre dans la casetiere; faites bouillir pour la troisieme & derniere fois pendant deux autres heures; après quoi, filtrez la liqueur, & la mêlez avec les precédentes; laissez le tout en repos, pour donner lieu à la précipitation qui se fera d'une poudre rouge; la précipitation finie, décantez la liqueur qui surnage le précipité; faites passer ensuite, à différentes reprises, de l'eau chaude sur ce précipité, jusqu'à ce qu'il soit insipide; laissez - le bien égouter sur le filtre; faites - le sécher, & lorsqu'il sera bien sec, brûlez de l'eau - de - vie une ou deux fois; faites - le secher de nouveau, & vous aurez ce qu'on appelle le kermès minéral, ou la poudre des chartreux.

La description que l'on vient de donner de la maniere de préparer le kermès minéral, est celle qui tut publiée par ordre du roi en 1720, lorsque M. le régent en eût fait, au nom de S. M. l'acquisition du sieur de la Ligerie, chirurgien, qui est ce'ui qui a fait connoîtro ce remede en France. Il est nommé [p. 122] dans cette description, poudre alkermès, ou aurifique minéral, à la façon de Glauber; mais il étoit déja connu depuis quelques années sous le nom de poudre des chartreux. L'origine de cette derniere dénomination étoit venue de ce que le sieur de la Ligerie avoit fait part au frere Simon, apoticaire des chartreux, des grandes vertus & de la composition de son remede. Celui - ci ayant eu occasion d'en faire l'épreuve avec un succès étonnant, sur un religieux de ses confreres, qui étoit attaqué d'une fluxion de poitrine des plus violentes, & dont les médecins regardoient l'état comme desespéré; il ne tarda pas à s'annoncer comme le possesseur du nouveau remede, & à en ouvrir boutique, de sorte que le public ayant pris confiance à cette poudre rouge, lui imposa le nom des religieux par qui elle étoit parvenue à sa connoissance, & desquels il étoit obligé de l'acheter pour son usage; c'est pourquoi elle fut appellée poudre des chartreux.

Ce remede est un très - bon sondant de la lymphe & de toutes les humeurs épaisses; c'est pourquoi on en fait beaucoup d'usage dans le traitement de plusieurs maladies, tant aiguës que chroniques, soit pour lever les obstructions, soit pour procurer differentes évacuations; on le recommande sur - tout dans les maladies de poitrine, causées par un engorgement d'humeurs lymphatiques dans les bronches du poumon, pour procurer l'expectoration; il est aussi très propre à fondre la bile, & à en favoriser l'évacuation par les selles; on l'employe même quelquefois avec succès pour exciter les sueurs, lorsque la nature semble vouloir diriger ses mouvemens vers cette route.

La dose du kermès est depuis un demi - grain jusqu'à un grain pour une prise, que l'on répete plusieurs fois dans la journée, suivant les circonstances; mais lorsqu'on le donne pour faire vomir ou pour purger, la dose en est depuis un grain jusqu'à trois ou quatre. Additions au cours de Chimie de Lemery, par M. Baron.

La théorie chimique de l'opération du kermès minéral, est bien simple. L'alcali - fixe se combine avec le soufre de l'antimoine crud, sous la forme d'un foie de soufre par la voie humide, lequel attaque ensuite la partie réguline de l'antimoine, & en tient une portion en vraie dissolution; ou bien, ce qui est encore plus vraissemblable, l'alcali fixe s'unit au soufre déja combiné avec le régule d'antimoine, ensorte que le soufre passe dans cette nouvelle combinaison, chargé d'une partie de régule qu'il y entraîne avec soi. La liqueur filtrée, après les ébullitions, est donc une vraie dissolution, ou lessive de foie de soufre antimonial; & la poudre qui s'en précipite d'elle - même, & qui est le kermès, est une partie de ce composé, qui sert de composé d'une maniere indéfinie jusqu'à présent. Cette précipitation spontanée n'a rien de particulier; elle est parfaitement analogue à celle d'une quantité plus ou moins considérable de terre que les alcali fixes dissous laissent échapper, à celle d'une portion de la dose de plusieurs sels métalliques; par exemple, du vitriol martral, & enfin à celle qu'éprouvent la plûpart des foies de soufres métalliques. Il ne faut donc pas croire, avec M. Baron (qui a d'ailleurs très - bien traité ce sujet dans ses additions à la Chimie de Lemery, d'où nous avons tiré le commencement de cet article), que le kermés soit le foie de soufre antimonial entier, qui se soit précipité par le refroidissement de la liqueur, parce qu'il n'est pas vraiment soluble dans l'eau, & qu'il n'y a été suspendu qu'à la faveur du mouvement violent de l'ébullition; car premierement il est bien vrai que le kermés est insoluble par les liqueurs aqueuses, & même par la plûpart des menstrues connus; mais le foie de soufre antimonié est vraiment soluble dans l'eau, & même à froid; la dissolution de cette substance dans l'eau froide est démontrée par la préparation du soufre doré, qu'on sépare par le moyen d'un précipitant d'une dissolution à froid, permanente, constante, d'un vrai foie de soufre antimonié. Secondement, le foie de soufre antimonié, formé dans l'opération du kermès, passe à - travers le filtre de papier, & y passe avec une liqueur dont il n'altere pas la transparence, ce qui annonce suffisamment une dissolution réelle. (Voyez Filtre & Menstrue). Troisiemement enfin, la liqueur, du sein de laquelle le kermès s'est échappé par une précipitation spontanée, contient encore un foie de soufre antimonial, & non pas du kermès; & elle n'est pas non plus devenue pure ou presque pure, comme elle devroit l'être, si elle s'étoit débarrassée, en se refroidissant, d'une matiere insoluble qu'elle eût simplement tenu suspendue à la faveur du mouvement d'ébullition. Donc ce n'est pas le foie de soufre antimonial entier, qui, s'étant séparé, en tout ou en partie, de la liqueur dans laquelle il étoit auparavant soutenu, constitue le kermès; mais une partie, un des matériaux seulement, ou même un débri d'un composé reellement dissous dans cette liqueur.

Le kermès minéral peut se préparer par une autre voie, sçavoir par la voie seche ou par la fonte. Cette maniere, qui est de M. Geoffroy, consiste à faire fondre ensemble dans un creuset une partie d'alkali fixe, & deux parties d'antimoine crud; à mettre en poudre la masse résultante de ce mélange, encore chaude, à la jetter dans l'eau bouillante, & à l'y laisser environ deux heures; à filtrer ensuite cette eau au papier, à la recevoir au sortir du filtre dans un grand vaisseau rempli d'eau bouillante, à décanter lorsque la précipitation est faite, à édulcorer, sécher, &c. Mais les bons auteurs de Chimie médicinale conviennent unanimement que le kermès préparé par cette voie, a le défaut grave d'être trop chargé de parties régulines, & d'avoir ses parties trop lourdes, trop grossieres, trop peu divisées. M. Geoffroy avoue lui - même qu'il n'a pas le velouté ou la douceur du toucher de celui qui est préparé par la voie humide; ce qui est manquer d'une qualité essentielle, ou être inférieur dans un point essentiel; car la qualité qu'on doit se proposer éminemment dans la préparation des remedes insolubles destinés a passer dans les secondes voies, c'est de leur procurer la plus grande ténuité possible, moyennant laquelle il est même encore douteux si on les met en état de passer par les voies du chyle.

M. Lemery le pere a parlé dans son traité de l'antimoine, d'un précipité spontané de foie antimonial qu'il a donné pour une espece de soufre doré, & que M. Lemery le fils a prétendu avec raison être un vrai kermès minéral, dans un des mem. de l'Acad. R. des Sciences pour l'année 1720. Mais, quoique celui - ci soit préparé par la voie humide, on peut lui reprocher peut - être avec raison, d'être inférieur au kermès de la Ligerie par les mêmes défauts que nous venons d'attribuer au kermès fait par la fonte: car M. Lemery ayant employé une liqueur alkaline beaucoup plus concentrée que celle que demande la Ligerie, & son précipité s'étant formé dans une bien moindre masse de liqueur; il est très - vraissemblable que ce précipité contiendra plus de parties régulines, & qu'il sera moins divise, moins subtil.

Quelques artistes scrupuleusement attachés à la recette publiée par ordre du roi, ont constamment observé d'employer à la préparation du kermès la liqueur de nitre fixe, à l'exciusion de tout autre alkali; mais ce préjugé doit être regardé comme un reste de l'ancienne ignorance. La saine Chimie avoit déjà démontré long - tems avant la publication du procédé du kermès, que l'alkali du nitre & celui du

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