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Maimonides (il s'appelloit Moïse, & étoit fils de Maïmon; mais il est plus connu par le nom de son pere: on l'appelle Maïmonides; quelques - uns le font naître l'an 1133). Il parut dans le même siecle. Scaliger soutenoit que c'étoit - là le premier des docteurs qui eût cessé de badiner chez les Juifs, comme Diodore chez les Grecs. En effet il avoit trouvé beaucoup de vuide dans l'étude de la gémare; il regrettoit le tems qu'il y avoit perdu, & s'appliquant à des études plus solides, il avoit beaucoup médité sur l'Ecriture. Il savoit le grec; il avoit lû les philosophes, & particulierement Aristote, qu'il cite souvent. Il causa de si violentes émotions dans les synagogues, que celles de France & d'Espagne s'excommunierent à cause de lui. Il étoit né à Cordoue l'an 1131. Il se vantoit d'être descendu de la maison de David, comme font la plûpart des Juifs d'Espagne. Maïmon son pere, & juge de sa nation en Espagne, comptoit entre ses ancêtres une longue suite de personnes qui avoient possédé successivement cette charge. On dit qu'il fut averti en songe de rompre la résolution qu'il avoit prise de garder le célibat, & de se marier à une filie de boucher qui étoit sa voisine. Maïmon feignit peut - être un songe pour cacher une amourette qui lui faisoit honte, & fit intervenir le miracle pour colorer sa foiblesse. La mere mourut en mettant Moïse au monde, & Maïmon se remaria. Je ne sais si la seconde femme qui eút plusieurs enfans, haïssoit le petit Moïse, ou s'il avoit dans sa jeunesse un esprit morne & pesant, comme on le dit. Mais son pere lui reprochoit sa naissance, le battit plusieurs fois, & enfin le chassa de sa maison. On dit que ne trouvant point d'autre gîte que le couvert d'une synagogue, il y passa la nuit, & à son reveil il se trouva un homme d'esprit tout différent de ce qu'il étoit auparavant. Il se mit sous la discipline de Joseph le Lévite, fils de Mégas, sous lequel il fit en peu de tems de grands progrès. L'envie de revoir le lieu de sa naissance le prit; mais en retournant à Cordoue, au lieu d'entrer dans la maison de son pere, il enseigna publiquement dans la synagogue avec un grand étonnement des assistans: son pere qui le reconnut alla l'embrasser, & le reçut chez lui. Quelques historiens s'inscrivent en faux contre cet ëvenement, parce que Joseph fils de Mégas, n'étoit âgé que de dix ans plus que Moïse. Cette raison est puérile; car un maître de trente ans peut instruire un disciple qui n'en a que vingt. Mais il est plus vraisemblable que Maïmon instruisit lui - même son sils, & ensuite l'envoya étudier sous Averroës, qui étoit alors dans une haute
Les Egyptiens furent jaloux de voir Maïmonides si puissant à la cour: pour l'en arracher, les medecins lui demanderent un essai de son art. Pour cet effet, ils lui présenterent un verre de poison, qu'il avala sans en craindre l'effet, parce qu'il avoit le contre - poison; mais ayant obligé dix medecins à avaler son poison, ils moururent tous, parce qu'ils n'avoient pas d'antidote spécifique. On dit aussi que d'autres medecins mirent un verre de poison auprès du lit du sultan, pour lui persuader que Maïmonides en vouloit à sa vie, & qu'on l'obligea de se couper les veines. Mais il avoit appris qu'il y avoit dans le corps humain une veine que les Medecins ne connoissoient pas, & qui n'étant pas encore coupée, l'effusion entiere du sang ne pouvoit se faire; il se sauva par cette veine inconnue. Cette circonstance ne s'accorde point avec l'histoire de sa vie.
En effet, non - seulement il protégea sa nation à la cour des nouveaux sultans qui s'établissoient sur la ruine des Aliades, mais il fonda une académie à Alexandrie, où un grand nombre de disciples vinrent du fonds de l'Egypte, de la Syrie, & de la Judée, pour étudier sous lui. Il en auroit eu beaucoup davantage, si une nouvelle persécution arrivée en orient, n'avoit empêché les étrangers de s'y tendre. Elle fut si violente, qu'une partie des Juifs fut obligée de se faire mahométans pour se garantir de la misere: & Maïmonides qui ne pouvoit leur inspirer de la fermeté, se trouva réduit comme un grand nombre d'autres, à faire le faux prophete, & à promettre à ses religionaires une délivrance qui n'arriva pas. Il mourut au commencement du xiij. siecle, & ordonna qu'on l'enterrât à Tibérias, où ses ancêtres avoient leur sépulture.
Le docteur composa un grand nombre d'ouvrages; il commenta la misnah; il fit une main forte, & le docteur des questions douteuses. On prétend qu'il écrivit en Medecine, aussi - bien qu'en Théologie & en grec comme en arabe; mais que ces livres sont très - rares ou perdus. On l'accuse d'avoir méprisé la cabale jusqu'à sa vieillesse; mais on dit que trouvant alors à Jérusalem un homme très - habile dans cette science, il s'étoit appliqué fortement à cette étude. Rabbi Chaiim assure avoir vû une lettre de Maïmonides, qui témoignoit son chagrin de n'avoir pas percé plutôt dans les mysteres de la Loi: mais on croit que les Cabalistes ont supposé cette lettre, afin de n'avoir pas été méprisés par un homme qu'on appelle la lumiere de l'orient & de l'occident.
Ses ouvrages furent reçus avec beaucoup d'applaudissement; cependant il faut avouer qu'il avoit souvent des idées fort abstraites, & qu'ayant étudié la Métaphysique, il en faisoit un trop grand usage. Il soutenoit que toutes les facultés étoient des anges; il s'imaginoit qu'il expliquoit par - là beaucoup plus nettement les opérations de la Divinité, & les expressions de l'Ecriture. N'est - il pas étrange, disoit - il, qu'on admette ce que disent quelques docteurs, qu'un ange entre dans le sein de la femme pour y former un embryon; quoique ces mêmes docteurs assurent qu'un ange est un feu consumant, au lieu de reconnoître plutôt que la faculté générante est un ange? C'est pour cette raison que Dieu parle souvent dans l'Ecriture, & qu'il dit, faisons l'homme à notre image, parce que quelques rabbins avoient conclu de ce passage, que Dieu avoit un corps, quoiqu'infiniment plus parfait que les nôtres; il soutint que l'image signifie la forme essentielle qui constitue une chose dans son être. Tout cela est fort subtil, ne leve point la difficulté, & ne découvre point le véritable sens des paroles de Dieu. Il croyoit que les astres sont animés, & que les spheres célestes vivent. Il disoit que Dieu ne s'étoit repenti que d'une
De la Philosophie exotérique des Juifs. Les Juifs
avoient deux especes de philosophie: l'une exotérique,
dont les dogmes étoient enseignés publiquement,
soit dans les livres, soit dans les écoles; l'autre
esotérique, dont les principes n'étoient révelés
qu'à un petit nombre de personnes choisies, & étoient
soigneusement cachés à la multitude. Cette derniere
science s'appelle cabale. Voyez l'article
Avant de parler des principaux dogmes de la philosophie exotérique, il ne sera pas inutile d'avertir le lecteur, qu'on ne doit pas s'attendre à trouver chez les Juifs de la justesse dans les idées, de l'exactitude dans le raisonnement, de la précision dans le style; en un mot, tout ce qui doit caractériser une saine philosophie. On n'y trouve au contraire qu'un mélange confus des principes de la raison & de la révélation, une obscurité affectée, & souvent impénétrable, des principes qui conduisent au fanatisme, un respect aveugle pour l'autorité des Docteurs, & pour l'antiquité; en un mot, tous les défauts qui annoncent une nation ignorante & superstitieute: voici les principaux dogmes de cette espece de philosophie.
Idée que les Juifs ont de la Divinité. I. L'unité d'un Dieu fait un des dogmes fondamentaux de la synagogue moderne, aussi - bien que des anciens Juifs: ils s'éloignent également du païen, qui croit la pluralité des dieux, & des Chrétiens qui admettent trois personnes divines dans une seule essence.
Les rabbins avouent que Dieu seroit fini s'il avoit un corps: ainsi, quoiqu'ils parlent souvent de Dieu, comme d'un homme, ils ne laissent pas de le regarder comme un être purement spirituel. Ils donnent à cette essence infinie toutes les perfections qu'on peut imaginer, & en écartent tous les défauts qui sont attachés à la nature humaine, ou à la créature; sur - tout ils lui donnent une puissance absolue & sans bornes, par laquelle il gouverne l'univers.
II. Le juif qui convertit le roi de Cozar, expliquoit
à ce prince les attributs de la Divinité d'une
maniere orthodoxe. Il dit que, quoiqu'on appelle
Dieu miséricordieux, cependant il ne sent jamais le
frémissement de la nature, ni l'émotion du coeur,
puisque c'est une foiblesse dans l'homme: mais on
entend par - là que l'Etre souverain fait du bien à
quelqu'un. On le compare à un juge qui condamne
& qui absour ceux qu'on lui présente, sans que son
esprit ni son coeur soient altérés par les differentes
sentences qu'il prononce; quoique de - là dépendent
la vie ou la mort des coupables. Il assure qu'on doit
appeller Dieu lumiere: (Corri. part. II.) mais il ne
faut pas s'imaginer que ce soit une lumiere réelle,
ou semblable à celle qui nous éclaire; car on feroit
Dieu corporel, s'il étoit véritablement lumiere:
mais on lui donne cenom, parce qu'on craint qu'on
ne le conçoive comme ténébreux. Comme cette idée
seroit trop basse, il faut l'écarter, & concevoir Dieu
sous celle d'une lumiere éclatante & inaccessible.
Quoiqu'il n'y ait que les créatures qui soient susceptibles
de vie & de mort, on ne laisse pas de dire que
Dieu vit, & qu'il est la vie; mais on entend par - là
qu'il existe éternellement, & on ne veut pas le réduire
à la condition des êtres mortels. Toutes ces
explications sont pures, & conformes aux idées que
l'Ecriture nous donne de Dieu.
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