ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"23"> peine ou amende qu'il jugeoit à propos; & sa requisition s'appelloit inquisitio. Ensuite l'accusateur publioit par trois jours de marché consécutifs son accusation rédigée pár écrit, qui contenoit le crime imputé, & la punition demandée; le troisieme jour de marché, il finissoit sa quatriéme accusation, & alors on donnoit à l'accusé la liberté de se défendre.

Après cela le magistrat qui s'étoit porté accusateur, indiquoit un jour pour l'assemblée; ou si c'étoit un tribun du peuple qui accusât quelqu'un de rebellion, il demandoit jour pour l'assemblée à un magistrat supérieur; dans ces circonstances, l'accusé en habit de deuil, avec ses amis, sollicitoit le peuple par des prieres & des supplications redoublées; & le jugement se rendoit en donnant les suffrages, à moins qu'il n'intervînt quelqu'opposition, ou que le jugement n'eût été remis, à cause des auspices, pour cause de maladie, d'exil, ou par la nécessité de rendre à quelqu'un les derniers devoirs; ou bien à moins que l'accusateur n'eût prorogé lui - même le délai en recevant l'excuse; ou que s'étant laissé fléchir, il ne se fût entierement désisté de l'accusation; enfin on suivoit l'absolution de l'accusé, ou sa punition s'il avoit été condamné; mais les différens genres de peines qui étoient portées par la condamnation dans les jugemens publics & particuliers, demandent un article à part; ainsi voyez Peines (Jurisprud. Rom.)

Nous avons tiré le détail qu'on vient de lire du Traité de M. Nieuport, & lui - même a formé son bel extrait sur le savant ouvrage de Sigonius, &e judiciis, & sur celui de Siccana, de judicio centum virali. (D. J.)

Jugement de zele (Page 9:23)

Jugement de zele, (Hist. des Juifs.) c'est ainsi que les docteurs juifs nomment le droit par lequel chacun pouvoit tuer sur le champ celui qui chez les anciens Hébreux renonçoit au culte de Dieu, à sa loi, ou qui vouloit porter ses compatriotes à l'idolâtrie. Grotius cite, pour prouver ce droit, le chapitre ix. du Deutéronome; mais ce savant homme s'est trompé dans l'application, car la loi du Deutéronome suppose une condamnation en justice, & elle veut seulement que chacun se porte pour accusateur du crime dont il s'agit.

Si Phinées excrça le jugement de zèle, comme il paroît par les Nombres, ch. xxv. v. 7. il faut remarquer que le gouvernement du peuple d'Israel n'étoit pas alors bien formé.

L'exemple des éphores qu'on cite encore pour justifier que même depuis les établissemens des tribunaux civils, les simples particuliers ont conservé, dans les pays policés, quelque reste du droit de punir que chacun avoit dans l'indépendance de l'état de nature; cet exemple, dis je, ne le démontre pas, parce que quand les éphores faisoient mourir quelqu'un sans autre forme de procès, ils étoient censés le faire par autorité publique, supposé que cette prérogative fût renfermée dans l'etendue des droits dont Lacédémone les avoit revêtus, expressément ou tacitement. Mais, pour abréger, il vaut mieux renvoyer le lecteur à la dissertation de M. Buddeus, de jure zelatorum in gente hebroeâ. (D. J.)

Jugement universel (Page 9:23)

Jugement universel, (Peint.) ce mot désigne en peinture la représentation du jugement dernier prédit dans l'Evangile. Plusieurs artistes s'y sont exercés dès le renouvellement de l'art en Italie, Lucas Signorelli à Orviette, Lucas de Leyde en Hollande, Jean Cousin à Vincennes, le Pontorme à Florence, & Michel - Ange à Rome. On a déja parlé, au mot École florentine du tableau du jugement de Michel - Ange, dans lequel il étale tant de licences & de beautés:

Larvarum omnigenas species, & ludicra miris Induxit portenta modis; stygiasque soreres, Infernumque senem, conto simulacra cientem, Et vada cerulais sulcantem livida remis. Cependant le premier qui ait hasardé de représenter ce sujet, est André Orgagna né à Florence en 1329: doué d'une iniagination vive & d'une grande fécondité pour l'expression, il osa peindre dans la cathédrale de Pise le jugement universel, aussi fortement que singulierement. D'un côté, son tableau représentoit les grands de la terre plongés dans le trouble des plaisirs du siecle; d'un autre côté, regnoit une solitude, où S. Magloire fait voir à trois rois, qui sont à la chasse avec leurs maîtresses, les cadavres de trois autres princes; ce que l'artiste exprima si bien, que l'étonnement des rois qui alloient chassant, étoit marqué sur leur visage; il y en avoit un qui, en s'écartant, se bouchoit le nez pour ne pas sentir la puanteur de ces corps à demi - pourris. Au milieu du tableau, Orgagna peignit la mort avec sa faulx, qui jonchoit la terre de gens de tout âge & de tout rang, de l'un & de l'autre sexe, qu'elle étendoit impitoyablement à ses piés. Au haut du tableau, paroissoit Jesus - Christ au milieu de ses douze apôtres, assis sur des nuages tout en feu: mais l'artiste avoit principalement affecté de représenter, d'une maniere ressemblante, ses intimes amis dans la gloire du paradis, & pareillement ses ennemis dans les flammes de l'enfer. Il a été trop bien imite sur ce point par des gens qui ne sont pas peintres. (D. J.)

Jugement (Page 9:23)

Jugement & Jugé, (Médecine.) ce mot signifie la même chose que crise, dont il est la traduction littérale: mais le dernier qui est grec, & qui a été adopté par les auteurs latins & françois, est presque le seul qui soit en usage, tandis que l'adjectif jugé, dérivé du mot françois jugement, est au contraire d'un usage très - commun; ainsi l'on dit d'une maladie, qu'elle est terminée par une crise, ou qu'elle est jugée au septieme ou au onzieme jour, &c. Voy. Crise. (b)

JUGERE (Page 9:23)

JUGERE, s. m. (Littérat.) mesure romaine en fait de terre; c'étoit originairement la grandeur de terrain qu'une paire de boeufs attelés pouvoit labourer en un jour. On dit encore en Auvergne, dans le même sens, un joug de terre.

Le jugere faisoit la moitié d'une hérédie; l'hérédie contenoit quatre actes quarrés; l'acte quarré, actus quadratus, avoit cent vingt piés, & deux actes quarrés faisoient le jugere.

Pline donne au jugerum des Latins deux cens quarante piés de long. Quintilien, lib. I. cap. ix. lui donne aussi la même longueur, & cent vingt piés en largeur. Enfin, Isidore, lib. XV. cap. xv. confirme la même chose en ces termes: Actus duplicatus jugerum facit; jugerum autem constat longitudine pedum CCXL, latitudine CXX.

Voilà donc l'étendue du jugere trouvée; & pour l'évaluer exactement, il ne faudroit pas dire le jugere est un demi de nos arpens, parce que notre arpent differe suivant les différentes provinces. Le rapport du jugere des Romains à l'acre d'Angleterre, est comme 10000 à 16097. (D. J.)

JUGEURS (Page 9:23)

JUGEURS, s. m. pl. (Jurispr.) étoit le nom que l'on donnoit anciennement à ceux des conseillers au parlement qui étoient distribués dans les chambres des enquêtes pour y juger les enquêtes, c'est - à - dire les procès par écrit, dont la décision dépendoit d'enquêtes ou autres preuves littérales. Les conseillers des enquêtes étoient de deux sortes; les uns jugeurs, les autres rapporteurs: cette distinction subsista jusqu'à l'ordonnance du 10 Avril 1344, qui incorpora les rapporteurs avec le jugeurs.

On parlera plus amplement ci - après, au mot Parlement, de ce qui concerne les enquêtes & les conseillers jugeurs & rapporteurs. (A) [p. 24]

Jugeurs (Page 9:24)

Jugeurs ou Hommes jugeurs, jugeans ou hommes jugeans, étoient ceux qui rendoient la justice à leurs égaux, ou que les prevôts ou baillifs appelloient avec eux pour juger, ensorte qu'ils étoient comme les assesseurs & conseillers du juge qui leur faisoit le rapport de l'affaire, & sur son rapport ils décidoient. Ils sont ainsi nommés dans quelques anciennes ordonnances, dans les lieux où la justice étoit rendue par des pairs ou hommes de fief. On ne les qualifioit pas de jugeurs, mais de pairs ou hommes de fief. Voyez les notes de M. Secousse sur l'ordonnance de S. Louis en 1254. p. 72, & sur les établissemens de S. Louis, liv. I. chap. cv. & liv. II. chap. xv. & sur l'ordonnance de Charles V. alors régent du royaume, du mois de Mars 1356. (A)

JUGULAIRE (Page 9:24)

JUGULAIRE, adj. (Anatom.) est un nom que les Anatomistes donnent à quelques veines du cou, qui vont aboutir aux souclavieres. Voy. Veine.

Il y en a deux de chaque côté; l'une externe, qui reçoit le sang de la face & des parties externes de la tête; & l'autre interne, qui reporte le sang du cerveau. Voyez nos Planches d'Anatomie, & leur explication, vol. I.

Jugulaire se dit aussi de quelques glandes du cou, qui sont situées dans les espaces des muscles de cette partie.

Elles sont au nombre de quatorze & de différentes figures, les unes plus grosses, les autres moins. Elles sont attachées les unes aux autres par des membranes & des vaisseaux, & leur substance est semblable à celle des maxillaires.

Elles séparent la lymphe qui retourne par les vaisseaux à tous les muscles voisins. C'est l'obstruction de ces glandes qui cause les écrouelles. Dionis, Voyez Mal.

JUHONES (Page 9:24)

JUHONES, (Géog. anc.) peuple imaginaire que l'on a forgé sur un passage altéré de Tacite; j'entends celui de ses annales, liv. XIII. chap. lvij. où l'on a lû, sed Juhonum civitas socia nobis, au lieu qu'il falloit lire Ubiorum civitas; c'est de Cologne dont il s'agit ici, située dans le pays des Ubiens, qui étoient alors seuls alliés des Romains en Germanie, chez lesquels se trouvoit un colonie nouvellement fondée. (D. J.)

IVICA (Page 9:24)

IVICA, (Géog.) ville capitale d'une île de même nom, dans la mer Méditerranée, entre le royaume de Valence & l'île de Majorque, à 15 lieues de l'une & de l'autre. Les Anglois s'en rendirent maîtres en 1706; mais elle est retournée aux Espagnols. Les salines font le principal revenu de l'île, qui est plus longue que large, & par - tout entourée d'écueils. Diodore de Sicile & Pomponius Mela en ont beaucoup parlé. Pline nous dit que les figues y étoient excellentes, qu'on les faisoit bouillir & sécher, & qu'on les envoyoit à Rome ainsi préparées dans des caisses. Le milieu de l'île est à 39 degrés de latitude. La longitude de la capitale est à 19. 20. lat. 38. 42. (D. J.)

JUIF (Page 9:24)

JUIF, s. m. (Hist. anc. & mod.) sectateur de la religion judaïque.

Cette religion, dit l'auteur des lettres persannes, est un vieux tronc qui a produit deux branches, le Christianisme & le Mahométisme, qui ont couvert toute la terre; ou plûtôt, ajoute - t - il, c'est une mere de deux filles qui l'ont accablée de mille plaies. Mais quelques mauvais traitemens qu'elle en ait reçûs, elle ne laisse pas de se glorifier de leur avoir donné la naissance. Elle se sert de l'une & de l'autre pour embrasser le monde, tandis que sa vieillesse vénérable embrasse tous les tems.

Josephe, Basnage & Prideaux ont épuisé l'histoire du peuple qui se tient si constamment dévoué à cette vieille religion, & qui marque si clairement le berceau, l'âge & les progrès de la nôtre.

Pour ne point ennuyer le lecteur de détails qu'il trouve dans tant de livres, concernant le peuple dont il s'agit ici, nous nous bornerons à quelques remarques moins communes sur son nombre, sa dispersion par tout l'univers, & son attachement inviolable à la loi mosaïque au milieu de l'opprobre & des véxations.

Quand l'on pense aux horreurs que les Juifs ont éprouvé depuis J. C. au carnage qui s'en fit sous quelques empereurs romains, & à ceux qui ont été répétés tant de fois dans tous les états chrétiens, on conçoit avec étonnementt que ce peuple subsiste encore; cependant non seulement il subsiste, mais, selon les apparences, il n'est pas moins nombreux aujourd'hui qu'il l'étoit autrefois dans le pays de Chanaan. On n'en doutera point, si après avoir calculé le nombre de Juifs qui sont répandus dans l'occident, on y joint les prodigieux essains de ceux qui pullulent en Orient, à la Chine, entre la plûpart des nations de l'Europe & l'Afrique, dans les Indes orientales & occidentales, & même dans les parties intérieures de l'Amérique.

Leur ferme attachement à la loi de Moïse n'est pas moins remarquable, sur - tout si l'on considere leurs fréquentes apostasies, lorsqu'ils vivoient sous le gouvernement de leurs rois, de leurs juges & à l'aspect de leurs temples. Le Judaisme est maintenant, de toutes les religions du monde, celle qui eft le plus rarement abjurée; & c'est en partie le fruit des persécutions qu'elle a souffertes. Ses sectateurs, martyrs perpétuels de leur croyance, se sont regardés de plus en plus comme la source de toute sainteté, & ne nous ont envisagés que comme des Juifs rebelles qui ont changé la loi de Dieu, en suppliciant ceux qui la tenoient de sa propre main.

Leur nombre doit être naturellement attribué à leur exemption de porter les armes, à leur ardeur pour le mariage, à leur coutume de le contracter de bonne heure dans leurs familles, à leur loi de divorce, à leur genre de vie sobre & réglée, à leurs abstinences, à leur travail, & à leur exercice.

Leur dispersion ne se comprend pas moins aisément. Si, pendant que Jérusalem subsistoit avec son temple, les Juifs ont été quelquefois chassés de leur patrie par les vicissitudes des Empires, ils l'ont encore été plus souvent par un zèle aveugle de tous les pays où ils se sont habitués depuis les progrès du Christianisme & du Mahométisme. Réduits à courir de terres en terres, de mers en mers, pour gagner leur vie, par - tout déclarés incapables de posséder aucun bien - fonds, & d'avoir aucun emploi, ils se sont vûs obligés de se disperser de lieux en lieux, & de ne pouvoir s'établir fixement dans aucune contrée, faute d'appui, de puissance pour s'y maintenir, & de lumieres dans l'art militaire.

Cette dispersion n'auroit pas manqué de ruiner le culte religieux de toute autre nation; mais celui des Juifs s'est soutenu par la nature & la force de ses lois. Elles leur prescrivent de vivre ensemble autant qu'il est possible, dans un même corps, ou du moins dans une même enceinte, de ne point s'allier aux étrangers, de se marier entr'eux, de ne manger de la chair que des bêtes dont ils ont répandu le sang, ou préparées à leur maniere. Ces ordonnances, & autres semblables, les lient plus étroitement, les fortifient dans leur croyance, les séparent des autres hommes, & ne leur laissent, pour subsister, de ressources que le commerce, profession long - tems méprisée par la plûpart des peuples de l'Europe.

De - là vient qu'on la leur abandonna dans les fiécles barbares; & comme ils s'y enrichirent nécessairement, on les traita d'infames usuriers. Les rois ne pouvant fouiller dans la bourse de leurs sujets,

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