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3°. Il ne m'appartient peut - être pas trop de dire ici mon avis sur ce qui concerne l'ordre de l'élocution oratoire; mais je ne puis m'empêcher d'exposer du moins sommairement quelques réflexions qui me sont venues au sujet du systême de M. Batteux sur ce point.
Mais suivons les conséquences: il est donc essentiel
de bien connoître l'ordre & l'arrangement des
choses & de leurs parties, pour bien déterminer celui
des pensées, & ensuite celui des expressions:
tout le monde croit que c'est là la suite de ce qui
vient d'être dit; point du tout. Au moyen d'une inversion, qui n'est ni grammaticale ni oratoire, mais
logique, l'auteur trouve
Nous avons lu vous & moi, les oeuvres de Rhétorique de Ciceron & de Quintilien, ces deux grands maîtres d'éloquence, qui en connoissoient si profondément les principes & les ressorts, & qui nous les tracent avec tant de sagacité, de justesse & d'étendue. On n'y trouve pas un mot, vous le savez, sur votre prétendu principe de l'élocution oratoire; mais avec quelle abondance & quel scrupule insistent - ils l'un & l'autre sur ce qui doit procurer cette suite harmonieuse de sons qui doit prévenir le dégoût de l'oreille, ut & verborum numero, & vocum modo, delectatione vincerent aurium satietatem. Cic. de Orat. lib. III. cap. xjv. Ciceron partage en deux la matiere de l'éloquence: 1°. le choix des choses & des mots, qui doit être fait avec prudence, & sans doute d'après les principes qui sont propres à cet objet; 2°. le choix des sons qu'il abandonne à l'orgueilleuse sensibilité de l'oreille. Le premier point est, selon lui, du ressort de l'intelligence & de la raison; & les regles par conséquent qu'il faut y suivre, sont invariables & sûres. Le second est du ressort du goût; c'est la sensibilité pour le plaisir qui doit en décider; & ces décisions varieront en conséquence au gré des caprices de l'organe & des conjonctures. Rerum verborumque judicium prudentioe est, vocum (des sons) autem & numerorum aures sunt judices: & quod illa ad intelligentiam referuntur, hoec ad voluptatem, in illis raiio invenit, in his sensus, [p. 860]
Voilà donc les deux seuls juges que reconnoissent en fait d'élocution le plus éloquent des Romains, la raison & l'oreille; le coeur est compté pour rien à cet égard. Et en vérité il faut convenir que c'est avec raison; l'éloquence du coeur n'est point assujettie à la contrainte d'aucune regle artificielle; le coeur ne connoît d'autres regles que le sentiment, ni d'autre maître que le besoin, magister artis, ingenîque largitor. Pers. prolog. 11.
Ce n'est pourtant pas que je veuille dire que l'intérêt des passions ne puisse influer sur l'élocution même, & qu'il ne puisse en résulter des expressions pleines de noblesse, de graces, ou d'énergie. Je prétends seulement que le principe de l'intérêt est effectivement d'une application trop incertaine & trop changeante, pour être le fondement de l'élocution oratoire; & j'ajoûte que quand il faudroit l'admettre comme tel, il ne s'ensuivroit pas pour cela que les places qu'il fixeroit aux mots fussent leurs places naturelles; les places naturelles des mots dans l'élocution, sont celles que leur assigne la premiere institution de la parole pour énoncer la pensée. Ainsi l'ordre de l'intérêt, loin d'être la regle de l'ordre naturel des mots, est une des causes de l'inversion proprement dite; mais l'effet que l'inversion produit alors sur l'ame, est en même tems l'un des titres qui la justifient. Eh quoi de plus agréable que ces images fortes & énergiques, dont un mot placé à propos, à la faveur de l'inversion, enrichit souvent l'élocution? Prenons seulement un exemple dans Horace, lib. I. Od. 28.
. . . . Nec quicquam tibi prodest. Aërias tentasse domos, animoque rotundum Percurrisse polum, morituro.
Quelle force d'expression dans le dernier mot morituro! L'ordre analytique avertit l'esprit de le rapprocher de tibi, avec lequel il est en concordance par raison d'identité; mais l'esprit repasse alors sur tout ce qui sépare ici ces deux correlatifs: il voit comme dans un seul point, & les occupations laborieuses de l'astronome, & le contraste de sa mort qui doit y mettre fin; cela est pittoresque. Mais si l'ame vient à rapprocher le tout du nec quicquam prodest qui est à la tête, quelle vérité! quelle force! quelle énergie! Si l'on dérangeoit cette belle construction, pour suivre scrupuleusement la construction analytique; tentasse domos aërias, atque percurrisse animo polum rotundum, necquicquam prodest tibi morituro; on auroit encore la même pensée énoncée avec autant ou plus de clarté; mais l'effet est détruit; entre les mains du poëte, elle est pleine d'agrément & de vigueur: dans celle du grammairien, c'est un cadavre sans vie & sans couleur; celui - ci la fait comprendre, l'autre la fait sentir.
Cet avantage réel & incontestable des inversions,
joint à celui de rendre plus harmonieuses les langues
qui ont adopté des inflexions propres à cette
fin, sont les principaux motifs qui semblent avoir
déterminé MM. Pluche & Chompré à défendre aux
maîtres qui enseignent la langue latine, de jamais
toucher à l'ordre général de la phrase latïne.
Comment faut - il donc s'y prendre pour introduire les jeunes gens à l'étude du latin ou du grec? Voici la méthode de M. Pluche & de M. Chompré. Voyez Méch. pag. 154 & suiv.
2. Le second exercice est de lire, & de rendre
fidellement en notre langue le latin dont on a annoncé
le contenu; en un mot de traduire.
3. Le troisieme est de relire de suite tout le latin
traduit, en donnant à chaque mot le ton & l'inflexion
de la voix qu'on y donneroit dans la conversation.
Ces trois premieres démarches sont l'affaire du
maître: celles qui suivent sont l'affaire des commençans ».
1. Spurius Carvilius étoit devenu boiteux d'une blessure qu'il avoit reçue en combattant pour la république, & il avoit honte de se montrer publiquement en cet état. Sa mere lui dit: que ne vous montrez - vous, monfils, afin que chaque pas que vous ferez vous fasse souvenir de votre valeur?
J'ai donc imité la conduite de la nature: j'ai rapporté en françois le discours qui va être le sujet de la traduction, avec ce qui y avoit donné lieu. Il s'agit maintenant du second exercice, qui consiste, dit - on, à lire & à rendre fidellement en françois le latin dont j'ai annoncé le contenu, en un mot de traduire. Ce mot traduire imprimé en italique me fait soupçonner quelque mystere, & j'avoue que je n'avois jamais bien compris la pensée de M. Pluche, avant que j'eusse vu la pratique de M. Chompré dans l'avertissement de son introduction; mais avec ce secours, je crois que m'y voici.
2. Quin pourquoi ne pas, prodis tu parois, mi mon, Spuri Spurius, ut que, quotiescumque combien de fois, gradum un pas, facies tu feras, toties autant de fois, tibi à toi, tuarum tiennes, virtutum des vertus, veniat vienne, in dans, mentem l'esprit.
Le troisieme exercice est de relire de suite tout
le latin traduit, en donnant à chaque mot le ton &
l'inflexion de la voix qu'on y donneroit dans la conversation.
On seroit tenté de croire que c'est effecti<pb->
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