ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"799"> dresse maternelle; les autres sont la crainte de la disette, ou l'avarice & la jalousie qui conduit à la vengeance.

L'avarice est une conséquence de la faim précédemment sentie: la réflexion sur ce besoin produit une prévoyance commune à tous les animaux qui sont sujets à manquer. Les carnassiers cachent & enterrent les restes de leur proie pour les retrouver au besoin. Parmi les frugivores, ceux qui sont organisés de maniere à emporter les grains qui leur servent de nourriture, sont des provisions auxquelles ils ne touchent que dans le cas de nécessité; tels sont les rats de campagne, les mulots, &c. mais l'avarice n'est pas une passion féconde en moyens; son exercice se borne à l'amas & à l'épargne.

La jalousie est fille de l'amour: dans les especes dont les mâles se mêlent indifféremment avec toutes les semelles, elle n'est excitée que par la disette de celles - ci: le besoin de jouir se faisant vivement sentir à tous dans le même tems, il en résulte une rivalité réciproque & générale. Cette passion aveugle fait souvent manquer son objet à ceux qu'elle tourmente. Pendant que la fureur tient les vieux cerfs attachés au combat, un daguet s'approche des biches en tremblant, jouit & s'échappe. La jalousie est plus profonde & plus raisonnée dans les especes qui s'accouplent: quels que soient les motifs sur lesquels est fondé ce choix mutuel des deux individus, il est certain qu'il se fait, & que l'idée de propriété réciproque s'établit: dès - lors la moralité est introduite dans l'amour; les femelles même deviennent susceptibles de jalousie: cette union commencée par l'attrait, & soutenue par le plaisir, est encore resserrée par la communauté des soins qu'exige l'éducation de la famille; mais cet objet étant rempli, l'union cesse. Le printems, en inspirant à ces animaux de nouvelles ardeurs, leur donne des goûts nouveaux: je n'oserois cependant pas décider si les tourterelles méritent ou non la réputation de constance qu'elles ont acquise; mais si elles sont constantes, au moins est - il sûr qu'elles ne sont pas fideles. J'en ai vû plusieurs fois faire deux heureux de suite sur une même branche: peut - être leur constance ne peut - elle être assurée qu'autant qu'elles se permettent l'infidélité.

Quoi qu'il en soit, on peut dire qu'en général l'amour n'est chez les bêtes qu'un besoin passager: cette passion, avec tous ses détails, ne les occupe guere qu'un quart de l'année, ainsi elle ne peut pas élever les individus à des progrès bien sensibles. Le tems du desintéressement doit amener l'oubli de toutes les idées que l'irritation des desirs avoit fait naître. On remarque seulement que l'expérience instruit les meres sur les choses relatives au bien de leur famille; elles profitent dans un âge plus avancé des fautes de la jeunesse & de l'imprudence. Une perdrix de trois ou quatre ans choisit pour faire son nid une place bien plus avantageuse que ne fait une jeune; elle se place sur un lieu un peu élevé, pour n'avoir point d'inondation à craindre: elle a soin qu'il soit environné d'épines & de ronces qui en rendent l'acces difficile. Lorsqu'elle quitte son nid pour aller manger, elle ne manque pas de dérober ses oeufs, en les couvrant avec des feuilles.

Si la tendresse maternelle laisse des traces profondes dans la mémoire des bêtes, c'est que son exercice dure assez long - tems, & que d'ailleurs c'est une des passions qui affectent le plus fortement ces êtres sensibles. Elle produit en eux une activité inquiete & soutenue, une assiduité pénible, & lorsque la famille est menacée, une défense courageuse qui ressemble à un abandon total de soi - même. Je dis ressembler; car on ne s'abandonne point entierement, & dans le moment extreme le moi se fait toûjours sentir. Une preuve de cette vérité, c'est que dans les différentes especes la témérité apparente de la mere est toûjours proportionnée aux moyens qu'elle a d'échapper au danger qu'elle paroît braver. La louve & la laie deviennent terribles, lorsqu'elles ont leurs petits à défendre: la biche vient aussi chercher le péril; mais sa foiblesse trahit bien - tôt son courage; & malgré sa tendre inquiétude, elle est forcée de fuir. La perdrix & la canne sauvage qui ont une ressource assûrée dans la rapidité de leurs aîles, paroissent s'exposer beaucoup plus pour la défense de leurs petits que la poule faisande: le vol pesant de celle - ci la rendroit victime d'un attachement trop courageux.

Cet amour qui paroît si généreux, produit une jalousie qui va jusqu'à la cruauté dans les especes où il est au plus haut degré. La perdrix poursuit & tue impitoyablement tous les petits de son espece qui ne sont pas de sa famille. Au contraire la poule faisande, qui abandonne plus aisément les petits qu'elle a couvés, est douée d'une sensibilité générale pour ceux de son espece; tous ceux qui manquent de mere, ont droit de la suivre.

Qu'est - ce donc, encore une fois, que l'instinct? Nous voyons que les bêtes sentent, comparent, jugent, réfléchissent, choisissent, & sont guidées dans toutes leurs démarches par un sentiment d'amour de soi que l'expérience rend plus ou moins éclairé. C'est avec ces facultés qu'elles exécutent les intentions de la nature, qu'elles servent à l'ornement de l'univers, & qu'elles accomplissent la volonté, inconnue pour nous, que le Créateur eut en les formant.

Instinct (Page 8:799)

Instinct, (Maréchallerie & Manege.) c'est un grand point dans le manege que de connoître l'instinct, c'est - à - dire le naturel du cheval. Cette connoissance s'acquiert plûtôt en le faisant d'abord travailler dans un endroit où il est retenu, comme autour d'un pilier, qu'en l'abandonnant à lui - même avec un cavalier sous lui, & elle épargne à un écuyer beaucoup de tems & de peine.

INSTITOIRE (Page 8:799)

INSTITOIRE, s. m. (action) terme de jurisprudence, est l'action qu'exerce un commis contre son maître, pour raison de ce qu'il a fait en son nom. Ce mot vient du latin institor, facteur, c'est - à - dire celui dont un marchand se sert pour l'aider dans son commerce.

INSTITOR (Page 8:799)

INSTITOR, s. m. (Belles - Lettres.) ce mot qu'il est bon d'entendre, se trouve dans Horace, Ovide, Properce, Séneque, & Quintilien. Il signifioit deux choses: premierement, il désignoit une espece de revendeur à gages, à qui des lingers ou des tailleurs donnoient du linge & des habits à vendre dans les rues ou dans les maisons, & Séneque le prend dans ce sens; mais institor signifioit aussi un commis, un facteur aisé, soit qu'il eût la direction d'un magafin, soit qu'il voyageât en divers pays pour le commerce; les Poëtes prennent ordinairement ce mot dans ce dernier sens. Comme il y avoit à Rome de ces facteurs très - riches, très bien mis, très - bien nippés, on les appelloit autrement pretiosi emptores, & les courtisanes s'en accommodoient souvent mieux que des grands seigneurs. Enfin, Quintilien emploie ingénieusement le mot institor au figuré, & l'applique à l'éloquence, eloquentioe institor. (D. J.)

INSTITUER (Page 8:799)

* INSTITUER, v. act. (Gram.) il y a un grand nombre d'acceptions diverses. On dit Moyse a institué la circoncision, Jesus - Christ le baptême, les payens des jeux. On institue un ordre, une société, une compagnie; on institue des charges & des officiers. Instituer, c'est aussi élever, instruire; on institue un sentier, on institue un collateur: instituer dans ces deux derniers cas est synonyme à constituer.

INSTITUT (Page 8:799)

* INSTITUT, s. m. (Gram.) système de regles [p. 800] auxquelles une société d'hommes consent de s'assujettir: tous les ordres religieux ont leur institut.

Institut (Page 8:800)

Institut de Boulogne, (Hist. mod.) académie établie à Boulogne en Italie en 1712 pour les Sciences & les Arts, par les soins & la libéralité du comte Louis Ferdinand de Marsigli, noble boulonnois, & sous la protection du pape Clément XI. Le premier ayant ramassé un très - grand nombre de raretés, tant naturelles qu'artificielles, offrit ce trésor au sénat de Boulogne qui l'accepta & le plaça dans le palais Celeri, qui fut acheté pour le renfermer; & afin que, suivant les intentions du comte de Marsigli, ce riche fonds pût être utile à tous ceux qui aiment les Sciences & les Arts, & servir à se perfectionner dans l'étude des uns & des autres, il fut conclu que l'on formeroit une société littéraire qui s'assembleroit à certains jours pour se communiquer ses lumieres; que chaque faculté auroit dans le palais Celeri sa chambre & ses professeurs particuliers; que l'on distribueroit dans chaque chambre les capitaux ou assortimens convenables aux Sciences & aux Arts qui y seroient placés, & qu'on y construiroit un observatoire commode avec tous les instrumens nécessaires pour les observations astronomiques. Il fut aussi arrêté que cet institut auroit ses lois propres, émanées de l'autorité du sénat, & qu'à la porte du lieu de ses assemblées, outre les armes du pape Clément XI, on mettroit cette inscription latine: Bononiense Scientiarum & Artium institutum, ad publicum totius orbis usum. Ce projet fut exécute, & le sénat unit à ce nouvel institut l'académie précédemment établie à Boulogne, sous le nom de l'académie des philosophes inquiets, c'est - à - dire destinés à travailler sans relâche à la perfection des Arts & des Sciences. Mais dans cette réunion l'académie quitta son ancien nom pour prendre celui d'académie du nouvel institut des Sciences. Les membres qui la composent sont partagés en quatre classes: la premiere est des ordinaires, c'est - à - dire de ceux qui selon les lois de l'académie, s'exerçent, travaillent, raisonnent dans les conférences, soit publiques, soit particulieres: la seconde classe comprend les honoraires, ou ceux qui sans aucune charge & sans aucun travail, jouissent néanmoins de tous les avantages & de tous les honneurs de la société: la troisieme est des numéraires, destinés à remplacer les ordinaires dans les emplois qui viennent à vaquer: la quatrieme est celle des éleves ou des jeunes gens que les ordinaires ont sous eux pour les former. Les matieres philosophiques qui se traitent dans l'académie sont partagées en six classes; savoir la Physique, les Mathématiques, la Medecine, l'Anatomie, la Chimie, & l'Histoire naturelle. Il y a pour chacune un professeur & un substitut, outre un président, un bibliothéquaire, & un secrétaire pour tout le corps académique. L'institut & l'académie ont néanmoins chacun leurs lois & leurs réglemens particuliers, & tout - à - fait distincts les uns des autres, mais tendant tous au même but. L'ouverture de l'institut de Boulogne se fit le 13 de Mars 1714; la cérémonie en fut magnifique & accompagnée de plusieurs discours très - éloquens sur l'utilité de cet établissement, & sur celle des différentes sciences qu'il se proposoit pour objet. Quelques années après, on jugea à propos d'unir au nouvel institut l'académie clémentine des beaux Arts érigée à Boulogne en 1712, sous le nom & la protection du pape Clément XI, & qui a pour objet la Peinture, la Sculpture, & l'Architecture. Moréri.

INSTITUTAIRE (Page 8:800)

INSTITUTAIRE, s. m. (Gram. & Jurisprud.) le professeur en droit civil & canonique qui explique les instituts. M. un tel est institutaire cette année.

INSTITUTES (Page 8:800)

INSTITUTES, s. f. pl. (Jurisprud.) en latin in - stitutiones, & que l'on appelle aussi en françois instituts ou institutions, sont des abregés qui renferment les premiers élémens de la Jurisprudence; les plus célebres sont celles de Caïus, de Justinien, & de Théophile.

Institutes de Caïus sont un abregé du Droit romain qui fut composé par le célebre jurisconsulte Caïus ou Gaïus, qui vivoit sous Marc - Aurele; ses institutes étoient divisées en quatre livres. La haute réputation que ce jurisconsulte s'étoit acquise, fit que long - tems avant Justinien, on donnoit ces institutes à lire à ceux qui vouloient s'initier dans la science du Droit: cet ouvrage n'est point parvenu jusqu'à nous dans tout son entier; nous en avons un abregé qui en fut fait par Anien, l'un des principaux officiers d'Alaric, roi des Visigoths en Espagne. Cet abregé est divisé en deux livres; on y reconnoît en beaucoup d'endroits les mêmes passages que Justinien emprunta de Caïus; mais il y eut plusieurs retranchemens & changemens faits par Anien, pour rendre cet ouvrage conforme aux moeurs des Visigoths. Un jurisconsulte moderne nommé Oiselius, a recherché dans le digeste & ailleurs, tous les fragmens des institutes de Caïus, & les a rétablis en quatre livres, comme ils étoient d'abord; mais il y manque encore plusieurs titres, dont il n'a rien pû recouvrer. (A)

Institutes de Justinien, sont un abregé du droit du code, premiere édition, & du droit du digeste, qui fut composé par ordre de cet empereur dans le tems même que l'on travailloit au digeste; le motif qu'il eut en cela, fut de donner une commoissance sommaire du droit aux personnes qui ne sont pas versées dans les lois, & sur - tout aux commençans.

Il est probable que les institutes d'Ulpien, ceux de Caïus, & de quelques autres jurisconsultes, donnerent à Justinien l'idée d'en faire de semblables. Quoi qu'il en soit, il chargea de cet ouvrage Tribonien, Théophile, & Dorothée, qui le formerent de ce qu'il y avoit de meilleur dans les institutes de Caius & autres livres des Jurisconsultes. Ces institutes furent confirmées par Justinien, qui leur donna force de loi dans tout l'empire; & elles furent publiées le 11 des calendes de Décembre de l'an 533, avant la publication du digeste, qui ne fut faite que le 18 des calendes du mois de Janvier de la même année.

Les institutes de Justinien sont divisées en quatre livres: Accurse a imaginé que c'étoit pour faire allusion aux quatre élémens, que l'esprit des jeunes gens se nourrit par la lecture de ces quatre livres, de même que le corps humain est gouverné par les quatre élémens; mais on sent aisément le ridicule de cette idée.

Le proemium des institutes est une espece de préface qui contient le dessein de l'ouvrage, sa division, & sa confirmation.

Chaque livre est divisé en plusieurs titres, dont la premiere partie s'appelle principium; les autres sont appellées paragraphes.

Le premier livre traite du droit des personnes; le second & le troisieme, jusqu'au quatorzieme titre inclusivement, traitent des choses; le surplus du troisieme livre, & les cinq premiers titres du quatrieme livre, traitent des obligations qui naissent des contrats & quasi contrats, délits & quasi délits; le reste du quatrieme livre traite des actions.

Les institutes de Justinien sont regardées comme le meilleur des ouvrages publiés sous son nom; ils contiennent en abregé tout le système de la jurisprudence romaine: Cujas & plusieurs autres célebres jurisconsultes ont pensé que cet ouvrage n'avoit pas besoin de commentaires; cependant plusieurs jurisconsultes en ont donné des abregés; d'autres en

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