ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Les auteurs qui ont écrit sur cette matiere s'accordent assez à fixer l'époque de cet art depuis l'année 1440, & à faire honneur à la ville de Mayence de l'avoir vû naître dans son sein. Harlem, qui se vante de cette gloire, a des partisans, & entr'autres Boxhorn. Enfin, la ville de Strasbourg a les siens, & en particulier MM. Mentel & Schefflin.

Toutefois, si l'on en juge impartialement, on ne peut guere douter que Guttenberg ne soit le véritable auteur de l'Imprimerie. Il étoit natif de Mayence, & sortoit d'une famille patricienne de cette ville, qui paroît avoir porté différens noms, celui de Zumjungen - aben, & celui de Gensfleisch. On trouve dans des contrats passés à Strasbourg, en 1441 & 1442, qu'il est appellé Joannes dictus Gensfleisch, aliàs nuncupatus Guttenberg, de Moguntia.

On assûre que Guttenberg, étant à Strasbourg en 1439, passa un acte avec trois bourgeois de cette ville, pour mettre en oeuvre plusieurs arts, & secrets merveilleux qui tiennent du prodige. Ce sont, dit M. Schefflin, les termes du traité (écrit en allemand) sans toutefois spécifier en quoi consistoient ces arts, cependant il est permis de soupçonner que l'art d'imprimer étoit du nombre de ces secrets qualifiés de merveilleux.

En effet, l'invention de l'Imprimerie a été regardée, dans les commencemens, comme tenant du prodige, & même du sortilege. Les parties contractantes n'auront pas jugé à propos de s'expliquer plus clairement, dans l'espérance de tirer un profit considérable d'un art pour lequel il n'y avoit pas mème encore de terme consacré.

En 1450, Guttenberg étant à Mayence pour chercher des amis qui vinssent au secours de ses fonds épuisés, fit dans cette année une nouvelle association avec Faust de Mayence. Voilà pourquoi Pierre Schoeffer, associé & gendre de Faust, a mis l'époque de l'origine de l'Imprimerie à Mayence dans ladite année 1450.

En 1452, le même Pierre Schoeffer, domestique de Faust, trouva le secret de jetter en fonte les caracteres, & mit par conséquent la derniere main à la perfection de l'Imprimerie; car jusqu'alors Guttenberg & Faust n'avoient imprimé qu'avec des lettres sculptées en relief sur le bois & sur le métal: il falloit des lettres mobiles fondues, & c'est ce que Schoeffer exécuta.

En 1465, l'électeur de Mayence Adolphe II. honora Guttenberg de ses bonnes graces, eut soin de sa fortune, & le reçut au nombre des gentilshommes de sa maison, avec une pension honnête. Guttenberg ne jouit pas long - tems de ces avantages; il mourut trois ans après à Mayence en 1468, & fut enterré dans l'église des Cordeliers de cette ville.

Je n'entrerai point ici dans un plus grand détail sur la vie des trois hommes qui ont les premiers imprimé des livres, & je ne dirai rien de la maniere dont se fait l'Imprimerie. Voyez cet article.

Je remarquerai seulement que ceux qui ne sont pas instruits de ce qui constitue essentiellement cet art admirable, ont fixé son origine ou à l'invention des tables gravées en bois, ou à celle des lettres fixes; tandis qu'il est aisé de concevoir que la découverte des lettres mobiles, gravées en relief & jettées en fonte, en est la vraie base. Si donc la mobilité des caracteres fait le fondement de l'Imprimerie, ce ne sont ni les Chinois qui impriment àpeu - près de la même façon qu'on imprime aujourd'hui les estampes, ni ceux de Harlem dont la prétention ne sauroit s'étendre au - delà des tables de bois gravées, qui peuvent s'attribuer la gloire de l'invention. Ainsi le speculum humanoe salvationis, gardé précieusement dans leur ville comme un mo<cb-> nument incontestable de l'Imprimerie inventée chez eux par Laurent Coster, ne décide rien. Plusieurs autres ouvrages de cette espece, qu'on trouve chez des curieux, sont imprimés dans le même goût de gravûre.

On sait comment l'Imprimerie s'est répandue depuis 1462, par la révolution que Mayence éprouva cette même année. Adolphe, comte de Nassau, soutenu par le pape Pie II. ayant surpris cette ville impériale, lui ôta ses libertés & ses priviléges. Alors, tous les ouvriers, qu'elle avoit dans son sein, à l'exception de Guttenberg, s'enfuirent, se disperserent, & porterent leur art dans les lieux & les pays où il n'étoit pas connu. C'est à cet événement que tous les historiens réunis à Jean Schoeffer, fils de Pierre & petit - fils de Faust, placent l'époque de la dispersion, dont l'Europe profita.

En effet, par cette dispersion, les ouvriers de Mayence porterent leur industrie de toutes parts. Udalric, Han, Suvenheim, & Arnold Pannarts, se rendirent à Rome, où l'on les logea dans le palais des Maximes. Ils y imprimerent en 1467 le traité de S. Augustin de la cité de Dieu, une Bible latine, les offices de Ciceron, & quelques autres livres. En 1468, on vit un ouvrage sortir de l'Imprimerie d'Angleterre. A Venise, Jean de Spire & Vandelein publierent les épitres de S. Cyprien en 1471. Dans la même année, Sixtus Rufinger fit paroitre à Naples quelques ouvrages pieux. A Milan, Philippe de Lavagna mit au jour un Suétone en 1475.

A Paris, Ulric Gering, Martin Grantz, & Michel Fribulger, commencerent à imprimer dans une salle de la maison de Sorbonne; & quatre ans après, Pierre Maufer, natif de Rouen, mit au jour dans sa patrie Alberti Magni de lapidibus & mineralibus.

A Strasbourg, selon le témoignage de Gebweile & de Wimphelinge, Jean de Cologne & Jean Mentheim se distinguerent par leurs caracteres de fonte, & eurent pour successeur Henri Eggestein.

On vit paroitre à Lyon en 1478, les pandectes medicinales de Matthaeus Sylvaticus. On imprima la même année dans Genève, un traité des anges du cardinal Ximenès.

Abbeville fit voir en 1486, en 2 volumes in - fol. l'ouvrage de la cité de Dieu de S. Augustin, traduit par Raoul de Presles en 1375. C'est le premier & peut - être l'unique livre qui ait été imprimé dans cette ville.

Jean de Westphalie mit au jour à Louvain, Petrus Crescentius de agriculturâ. A Anvers, Gérard Leeuw publia en 1489, ars epistolaris Francisci Nigri. A Déventer, Richard Pasraer imprima itinerarium Johannis de Hese.

Enfin, à Seville même, Paul de Cologne, & ses associés tous allemands, publierent un Floretum S. Matthoei en 1491.

Dans ce tems - là, Jean Amerbach faisoit imprimer de bons ouvrages â Basle, en caracteres ronds & parfaits. Mais dix ans auparavant, l'Italie donnoit déja des éditions précieuses en caracteres grecs. Milan, Venise, ou Florence, en eurent l'honneur.

Ainsi non seulement l'on est parvenu rapidement, par le secours de l'impression, à multiplier les connoissances, mais encore à fixer & à transmettre jusqu'à la fin des siecles les pensées des hommes, tandis que leurs corps sont confondus avec la matiere, & que leurs ames se sont envolées au séjour des esprits.

Tous les autres arts qui servent à perpétuer nos idées, périssent à la longue. Les statues tombent finalement en poussiere. Les édifices ne subsistent pas aussi long - tems que les statues, & les couleurs durent moins que les édifices. Michel Ange, Fontana & Raphael sont ce que Phidias, Vitruve & [p. 609] Appelles étoient dans la sculpture, & les travaux de ceux - ci n'existent plus.

L'avantage que les auteurs ont sur ces grands maîtres, vient de ce qu'on peut multiplier leurs écrits, en tirer, en renouveller sans cesse le nombre d'exemplaires qu'on desire, sans que les copies le cedent en valeur aux originaux.

Que ne payeroit - on pas d'un Virgile, d'un Horace, d'un Homere, d'un Cicéron, d'un Platon, d'un Aristote, d'un Pline, si leurs ouvrages étoient confinés dans un seul lieu, ou entre les mains d'une personne, comme peut l'être une statue, un édifice, un tableau?

C'est donc à la faveur du bel art de l'Imprimerie que les hommes expriment leurs pensées dans des ouvrages qui peuvent durer autant que le soleil, & ne se perdre que dans le bouleversement universel de la nature. Alors seulement, les oeuvres inimitables de Virgile & d'Homere périront avec tous ces mondes qui roulent sur nos têtes.

Puisqu'il est vrai que les livres passent d'un siecle à l'autre, quel soin ne doivent pas avoir les auteurs d'employer leurs talens à des ouvrages qui tendent à perfectionner la nature humaine? si par notre condition de particuliers nous ne pouvons pas faire des choses dignes d'être écrites, disoit Pline le jeune, tâchons du moins d'en écrire qui soient dignes d'être lûes.

Les personnes qui seroient avides de discussions détaillées sur l'origine de l'Imprimerie, & sur ses inventeurs, pourront se satisfaire dans Baillet, Chevillier, la Caille, Mallinkroot, Mentel, Pancirolle, Polydore Virgile de rerum inventoribus, Michael Mayer verba Germanorum inventa, Almeloveen de novis inventis, les Transact. philosoph. &c. Schefflin, Fournier.

Mais les personnes curieuses d'acquérir la connoissance des premieres & des meilleures éditions des livres en tout genre, doivent feuilleter la plume à la main, la bibliotheque de Fabricius & les annales typographiques de Maittaire. Cette étude fait une branche d'érudition, qu'on aime beaucoup dans les pays étrangers, & à laquelle je ne me repens pas de m'être autrefois attaché. Elle est du - moins indispensable aux bibliothécaires des rois, & aux libraires qui recherchent l'acquisition des livres précieux, ou qui s'adonnent à en faire des catalogues. (D. J.)

Imprimerie (Page 8:609)

Imprimerie, c'est l'art de rendre le discours, parlé ou écrit, par des caracteres mobiles convenablement assemblés & contenus, & d'en attacher l'empreinte sur des feuilles de papier.

La main d'oeuvre de l'Imprimerie en lettres, ou Typographie, consiste dans deux opérations principales; savoir la composition ou l'assemblage des caracteres, & l'impression ou l'empreinte des caracteres sur le papier. On appelle, dans l'Imprimerie, compositeur ou ouvrier de la casse celui qui travaille à l'assemblage des caracteres; on appelle imprimeur ou ouvrier de la presse celui qui travaille à l'impression ou à l'empreinte des caracteres sur le papier par le moyen de la presse.

Nous allons commencer par les opérations du compositeur, qui sont la distribution, l'assemblage des lettres ou la composition, l'imposition, & la correction

Il prend d'abord dans les rayons ou tablettes de l'imprimerie, deux casses du caractere destiné pour l'ouvrage sur lequel il doit travailler, une casse de romain & une d'italique. Il dresse ces deux casses dans le rang ou la place qu'il doit occuper. Le rang le plus clair est le plus avantageux; & il doit être arrangé de façon que quand le compositeur travaille à sa casse, il présente le côté gauche à l'endroit d'où il tire son jour. Le caractere romain étant ordinairement celui dont il entre le plus dans la composition, la casse de romain se place le plus près du jour, & la casse d'italique à côté. S'il y a quelque tems que les casses n'ont servi & qu'elles soient poudreuses, le compositeur prend un soufflet, & souffle tous les cassetins l'un après l'autre pour en faire sortir la poussiere, en commençant par le haut de la casse. Il regarde ensuite s'il n'y a point dans ses deux casses quelques lettres d'un autre corps; s'il en trouve, il les ôte & les donne au prote (qui est celui qui a soin des caracteres & des ustenciles de l'imprimerie) pour les mettre à leur place. S'il y a quelques sortes de trop, il les survuide & les met dans des cornets. Voyez l'article Casse, & nos Planches d'Imprimerie.

Distribution. Après que le compositeur a donné à ses deux casses le plus de propreté qu'il lui a été possible, il doit distribuer. Pour cela le prote lui donne des paquets de lettre si le caractere est en paquet. Le compositeur en ôte l'enveloppe, les arrange sur le marbre (voyez Marbre) ou sur un ais, l'oeil en dessus & le cran tourné de son côté, prend de l'eau claire avec une éponge, en mouille la quantité qui lui est nécessaire pour emplir sa casse, & délie les paquets à mesure qu'il les distribue. Si le caractere est en forme, le prote indique au compositeur une forme de distribution. Il va la prendre, l'apporte, met sur le marbre un grand ais ou le plus souvent deux demi - ais, met la forme sur ces ais, l'oeil du caractere en dessus, prend un marteau, l'y desserre, mouille le caractere avec l'éponge, ôte le chassis (voyez Chassis), ôte aussi la garniture (voyez Garniture), la met arrangée sur un autre ais, garde ce chassis & cette garniture s'ils doivent lui servir, sinon les donne au prote pour les serrer. Le compositeur prend une réglette (voyez Réglette), qui doit être un peu plus longue que les lignes de distribution, & enleve les titres courans des pages, les lignes de quadrats (voyez Quadrats), les vignettes (voyez Vignettes), les réglets doubles ou simples (voyez Réglets), en un mot tout ce qu'il croit pouvoir lui servir dans sa composition, & le met dans une galée. Voyez Galée.

Ensuite il pose le plat de sa réglette contre le corps du caractere du côté du cran, & du côté de la main gauche le bout de la réglette au niveau des lignes de distribution; il appuie le doigt annullaire de chaque main contre la réglette; & pressant les lignes de côté également en sens contraire avec l'indicateur & le doigt du milieu aussi de chaque main, & tirant un peu vers lui, il sépare, puis enleve une quantité de caractere qui s'appelle une poignée, plus ou moins grosse à proportion de la longueur des lignes de distribution. La main droite soutient seule un instant cette poignée, pendant lequel la gauche s'ouvre & se présente les doigts écartés pour la recevoir & la soutenir sur le doigt annullaire ou sur le petit doigt, appuyée contre le pouce dans toute sa hauteur. Le compositeur commence à distribuer. Il prend avec le doigt du milieu, l'index & le pouce de la main droite, en commençant par la fin de la ligne qui se trouve la premiere en dessus, un, deux ou trois mots de la distribution, à proportion de leur longueur; & soutenus sur le doigt annullaire, il les lit, & par un petit mouvement du pouce, de l'index & du doigt du milieu, en met chaque lettre l'une après l'autre dans le cassetin (voyez Cassetin) de la casse, qui lui est destiné. Il prend ensuite deux ou trois autres mots, il les distribue de même, & encore deux ou trois autres après jusqu'à ce que la premiere ligne soit finie. Il entame de même la ligne suivante qui se trouve la premiere en - dessus, & ainsi successivement les autres lignes jusqu'à ce que la poignée soit

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