ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"712"> ture pour expliquer les lampes éternelles de Descartes, dont on constata la faussete. Cette lymphe qui reste dans le sang sert encore à expliquer la force des contractions du coeur, qu'on croit devoir être jointes à la vitesse pour faire la fievre; car par son moyen la masse du sang augmentera. D'où il suivroit que la fievre sera proportionnée à la quantité de lymphe qui restera dans le sang; & qu'ainsi une inflammation très étendue (pour ne pas aller chercher d'autres exemples étrangers, aussi contraires à cette assertion) sera toûjours suivie d'une fievre considérable; & une inflammation qui occupera peu d'espace, dans laquelle peu de vaisseaux lymphatiques seront embarrassés par ces prétendues parties fibreuses, ne sera jamais suivie de la fievre: mais la fievre aiguë qui survient aux panaris, & mille autres observations, font voir tout le faux & l'insuffisance de cette théorie.

Le grand Boerhaave & l'illustre Swieten, le commentateur de ses fameux & obscurs aphorismes, admettent aussi à - peu - près la même opinion; ils y ajoutent un certain broyement du sang qui se fait dans les vaisseaux obstrués par la contraction de ces mêmes vaisseaux, & par l'impulsion du sang qui aborde continuellement avec la même vitesse, ou une plus grande; du reste, c'est encore ici un sang qui va au coeur par des chemins plus courts, dont la masse est aussi augmentée. Il faut, disent ils, ou que ce sang surabondant reste dans les vaisseaux libres, ou il doit en sortir avec plus de vitesse: l'un des deux est assurément indispensable; l'observation & l'expérience que le commentateur a fait sur un chien, font voir qu'il n'y reste pas; donc, concluent - ils, sa vitesse augmente. D ailleurs la pléthore suffit, selon qu'ils l'exposent ailleurs, pour déterminer le coeur à des contractions plus violentes & plus réitérées. Quoique la fausseté de cette théorie qui est pourtant encore la plus reçue dans les écoles, appuyée du grand nom de Boerhaave, soit assez démontrée par ce que nous avons dit, je remarquerai que son broyement est purement imaginaire; que sa pléthore loin de produire la fievre, doit retarder les contractions du coeur; aussi voyons - nous que le pouls des personnes pléthoriques est remarquable par sa lenteur: concluons aussi que suivant ces systemes, une personne qui aura la moitié du corps gangrenée, par exemple, devra avoir une sievre extrèmement aiguë, dont la force sera en raison composée de l'augmentation des humeurs & de la briéveté de leur chemin. Remarquons enfin, pour en déterminer la nouveauté, que cette stagnation d'un sang broyé & en mouvement de nos modernes, ne differe pas beaucoup de la congestion d'un sang agité & bouillant que Galien avoit établi.

Les éclectiques ou animistes, avec Stahl, ou plutôt Hippocrate leur chef, voyant ou croyant voir l'impossibilité de déduire tous les mouvemens humains d'un pur méchanisme, ont recouru à une puissance hyper - méchanique, qu'ils en ont fait le premier auteur. Cette puissance ou faculté motrice est connue dans les ouvrages d'Hippocrate, Galien & autres illustres peres de la Medecine ancienne, sous les noms de nature, d'ame, de chaud inné, d'archée, de chaleur primordiale effective, &c. Tous ces noms étoient synonymes & indifféremment employés pour désigner l'ame, comme on peut le voir par une foule de passages d'Hippocrate, & comme Galien le dit expressément dans le livre intitulé, PERI RIGD KAI TROMD, où il s'exprime ainsi: KAI HGE FUSIS2 KAI H YUKH DDEN ALLO TDT) ESTI, la nature & l'ame ne sont rien autre chose. Dans les maladies les anciens croyoient reconnoître son ouvrage bienfaisant, AI DE FUSIES2, dit Hippocrate, Epid. lib. VI. TWN NDSWN IHTROI, & ils la regardoient dans l'état de santé comme un principe veillant à la conservation du corps attirant ce qui lui paroissoit bon, le retenant, assimilant ce qui pouvoit contribuer à la nutrition de son domicile, & chassant ce qui ne pouvoit que lui être nuisible. Galen. de disser. febr. lib. II. cap. xj.

Stahl a renouvellé, corrigé, châtié, ou pour mieux dire, habillé à la moderne le sentiment des anciens qu'on a vu depuis se glorifier du beau nom de stahlianisme. L'appui d'un si grand maître a attiré beaucoup de sectateurs à cette opinion. On a cru voir l'ame ou la nature, bonne & prévoyante mere, opérer avec choix & succès, quoiqu'à l'aveugle, guérir obligeamment des maladies qu'elle ne connoit pas, & manier avec intelligence des ressorts dont la structure & le méchanisme lui sont aussi cachés: qu'importe? On a observé dans l'éternuement une quantité de museles mis en jeu & mûs d'une façon particuliere très appropriée pour balayer & emporter les parties acres qui irritoient la membrane pituitaire; dans le vomissement, un méchanitme tres joliment imaginé pour dégager l'estomac sur chargé, sans chercher, sans faire attention que ces effets auroient peut être pû être exécutés avec moins d'efforts & moins de dépense de fluide nerveux. On a crié que ces opérations se faisoient le mieux qu'il fut possible dans la plus parfaite des machines, & conséquemment par la plus spirituelle & la plus bienfaisante des intell gences; tous les visceres, tous les vaisseaux sont parsemés de nerfs, qui semblent être ses émissaires & ses espions qui l'avertissent des irritations, des dérangemens qui demandent son action; ils sont munis & entourés de fibres musculaires propres à exécuter les mouvemens que l ame juge nécessaires.

Cela posé, pour expliquer l'inflammation, les Stahliens supposent la stagnation du sang dans les vaisseaux capillaires ou dans les pores, comme parle Stahl; l'ame dès lors attentive à la conservation de sa précieuse machine, prévoyant le mal qui arriveroit si le sang croupissoit long - tems immobile dans les vaisseaux, envoie une plus grande quantité de fluide nerveux dans les vaisseaux obstrués & circonvoisins pour emporter cette obstruction. Si l'inflammation est plus considérable, ou plûtôt si la douleur plus vive la lui fait paroître telle, & le danger plus pressant, l'ame en général instruite proportionnera le remede à la grandeur du péril; voyant l'insuffisance du premier secours, augmentera par tout le corps (assez inutilement) le mouvement du coeur & des arteres; ce qui quelquefois résoudra l'inflammation; d'autres fois la fera gangrener, si un médecin attentif ne sait pas modérer la fougue & l'ardeur de ce principe impétueux; si le sort du combat est malheureux, que la maladie ait le dessus, c'est au défaut des forces, à la mauvaise disposition des organes que le peu de succès doit être attribué, & quelquefois aussi, remarque fort naïvement Neuter, fervent animiste, aux erreurs de l'ame, qui pouvant se tromper, & se trompant en effet très - souvent dans les choses morales, ne doit pas être censée infaillible dans celles qui concernent la conservation de la vie & de la santé.

Cette théorie, qui paroît d'abord très - satisfaisante, & qui est sur - tout assez conforme à la pratique, a été mise dans un très beau jour, & fort savamment exposée dans une très - belle & très - géométrique dissertation, que M. de Sauvages a fait soutenir il y a quelques années aux écoles de Médecine de Montpellier.

Quelles que soient cependant les autorités & les apparences de cette opinion, elle est fondée sur un principe dont la vérité ne paroît pas incontestable: c'est l'ame, dit - on, qui est la cause efficiente de l'inflammation, parce qu'elle est le principe des mouvemens vitaux; quelques effets que les passions d'a<pb-> [p. 713] me font sur le corps ont d'abord fait hasarder ce paradoxe, & l'on a cru qu'il étoit à - propos de ne pas laisser un si bel agent sans ouvrage, d'autant mieux que la matiere seule a été jugée incapable de se mouvoir par elle - même. Il est vrai que si notre corps étoit une machine brute, inorganique, il faudroit nécessairement que quelqu'autre agent en dirigeât, soutînt & augmentât les mouvemens; & les erreurs des Méchaniciens ne me paroissent partir d'autre principe que de ce qu'ils n'ont pas considéré les animaux comme des composés, vivans & organisés. Mais quand même on seroit obligé d'admettre une faculté motrice qui agît & opérât dans le corps, elle devroit être censée différente de l'ame, & destinée à régler les mouvemens vitaux, tandis que l'ame seroit occupée à penser ou à veiller sur les fonctions animales. Ce qui donneroit occasion de penser ainsi, c'est en premier lieu le peu de connoissance qu'a l'ame de ce qui regarde la nature & ses opérations; en second lieu, c'est que le corps se trouve quelquefois dans certaines situations où l'ame semble avoir abandonné les rènes de son empire; tous les mouvemens animaux sont abolis; les demi - animaux, la respiration, par exemple, sont beaucoup affoiblis, & cependant alors les mouvemens vitaux s'exécutent souvent avec assez de facilité: la même chose s'observe dans le sommeil, qui n'est qu'une légere image de cet état morbifique; l'ame ne sent rien; des causes souvent assez actives de douleur ne parviennent point jusqu'à elle, n'excitent aucun sentiment fâcheux: cependant alors les fonctions vitales s'exercent avec plus de force, ce semble, & d'uniformité.

Mais, demandera - t - on, cette nouvelle faculté motrice est elle spirituelle, matérielle, ou tient - elle un milieu entre ces deux états? Je réponds 1°. qu'ayant lieu aussi - bien dans les animaux & les végétaux que dans l'homme, elle ne sauroit être spirituelle: je dis dans les végétaux, parce qu'on y observe le même méchanisme, quoique plus simple, que dans les animaux, & que je les regarde comme compris sous la classe des corps organisés, & ne différant que par nuances des animaux irraisonnables (l'homme doué d'une ame pensante & raisonneuse, faisant sa classe à part). Outre la circulation des humeurs, la nutrition, la génération, la végétation, &c. ne voit - on pas, pour choisir un exemple qui soit de mon sujet, dans quelques arbres sur venir des tumeurs après des coups, après la piquure de certains insectes? Pour ce qui regarde les animaux, personne ne doute qu'ils ne soient sujets à l'inflammation & autres maladies comme les hommes, & que chez eux ces maladies ne se guérissent de même.

2°. Tous ces efforts prétendus opérés par un principe aussi - bienfaisant qu'intelligent, & toujours dirigés à une bonne fin, sont trop constans & trop semblables pour n'être pas l'effet d'un méchanisme aveugle. Dans tous les tems, dans tous les pays, dans tous les sexes, les âges, dans tous les animaux, (je ne dis pas les végétaux, parce que cette partie de leur histoire, qui traite des maladies, ne m'est pas assez connue), ces efforts s'exécutent de la même maniere; ils consistent dans l'augmentation du mouvement vital, lorsque les obstacles irritans à vaincre sont dans le système vasculeux, lorsque les nerfs qui servent aux fonctions vitales sont irrités, ce qui arrive le plus souvent; & le mouvement des muscles augmente contre ou sans la volonté de l'ame, & il survient des convulsions universelles ou particulieres, lorsque l'irritation porte sur les autres nerfs, comme il arrive aux enfans & aux hystériques. Il est aussi simple & aussi nécessaire que ces efforts s'exécutent, & qu'à l'irritation survienne l'inflammation, qu'il est naturel que la pression d'un ressort dans une montre à répétition fasse sonner les heures. Si une fa<cb-> culté clairvoyante conduisoit ces efforts, elle devroit les proportionner aux dangers, aux forces, au tempérament & à l'état de la maladie, les varier, les diversifier suivant les circonstances, & même les supprimer lorsqu'ils pourroient être nuisibles ou infructueux. Si l'on observoit ces efforts ainsi dirigés, & conséquemment toujours suivis d'un heureux succès, qu'on les rapporte à l'ame ou à tout autre principe intelligent, rien de plus naturel; mais voir toujours la même uniformité dans des cas absolument indifférens, voir des simptomes multipliés & dangereux, souvent la mort même succéder aux efforts de ce principe, appellé bienfaisant; voir des convulsions violentes, quelquefois mortelles, excitées par une cause très - légere; toutes les puissances du corps déchaînées, la fievre la plus aiguë animée pour détacher l'ongle du doigt dans un panaris; voir au contraire ces efforts modérés & trop foibles dans une inflammation sourde du foie; ne pouvoir pas prévenir la suppuration d'un viscere si nécessaire à la santé & à la vie; voir enfin des inflammations légeres en apparence, suivies bientôt de la mort de la partie ou de tout le corps, par le moyen de ces mouvemens prétendus salutaires; voir, dis - je, tous ces effets, & les attribuer à un principe aussi bienfaisant qu'intelligent, c'est, à ce qu'il me semble, raisonner bien peu conséquemment.

3°. Dans tout corps vivant & organisé, on observe une propriété singuliere, plus particulierement attachée aux parties musculeuses, que Glisson a le premier démontré dans les animaux, & appellée irritabilité, & qui est connue dans divers écrits sous les noms synonymes de sensibilité, mobilité & contractilité. Elle est telle, que lorsqu'on irrite ces parties, elles se contractent, se roidissent, se mettent en mouvement, & semblent vouloir se délivrer de la cause qui les irrite; le sang abonde en plus grande quantité & plus vîte au point où l'irritation s'est faite; ce point - là devient plus rouge & plus saillant, & il s'y forme une inflammation plus ou moins considérable: on en voit quelques traces dans les végétaux; quoiqu'elle y soit moins sensible, elle y est très assurée. Cette propriété entierement hors du ressort de l'ame, également présente, quoique dans un degré moins fort & moins durable dans les parties séparées du corps, que dans celles qui lui restent unies, est le principe moteur, la nature, l'archée, &c. elle suffit pour expliquer la fievre, l'inflammation & les autres phénomenes de l'économie animale qu'on déduisoit de l'ame ou nature. Voyez Irritabilité, Sensibilité, &c.

Toutes les expériences faites sur les parties contractées ou sensibles des animaux, démontrent que pour faire naître l'inflammation il ne faut qu'augmenter à un certain point la contractilité des petits vaisseaux artériels d'une partie sujette aux lois de la circulation & exposée à l'action des nerfs. L'irritation qui produit cet effet, est cette épine dont parle Vanhelmont, qui attire d'abord à un point le sang qui s'y accumule peu - à - peu tout - à - l'entour, qui s'arrête ensuite dans les petits vaisseaux qui y vont aboutir; ce qui donne lieu aux symptomes inflammatoires. Cette théorie (si ce que nous venons d'avancer mérite ce nom) n'est qu'un exposé ou un corollaire de ce que les expériences offrent aux yeux les moins attentifs. Voyez Irritabilité & Sensibilité.

Appliquons à présent à cette cause déterminée quelques considérations ou propositions qui nous conduiront à l'examen des causes éloignées évidentes, & dont le développement terminera cette partie.

1°. On croit communément que la stagnation du sang est nécessairement la base de toute inflammation: cette assertion mérite quelqu'éclaircissement;

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