ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"710"> assûrer en général, que les femmes y sont plus sujettes que les hommes; que plus on approche de l'enfance, plus l'on en est susceptible. (Remarquez que je ne parle ici que de l'inflammation, & non des maladies inflammatoires, où l'on observe le contraire); ainsi les enfans y sont très - sujets. Ils sont impressionales à la moindre cause, & chez eux les inflammations suivant la pente naturelle des humeurs, se portent plus à la tête; on observe aussi des aphtes, des légeres inflammations derriere les oreilles, aux tonsilles, aux yeux, des inflammations exhanthématiques sur la tête, au visage. Après eux viennent les adolescens, ensuite les jeunes gens; & chezeux les inflammations s'observent principalement au col & à la poitrine.

Après ceux - ci, les adultes plus disposés aux inflammations, & aux embarras des visceres situés dans les hypocondres; enfin dans les vieillards elles sont très - rares, & attaquent plutôt les parties inférieures, comme les reins, & les articulations. Voyez Hippocrate, Aphor. liv. III.

Le tempérament sanguin y est plus propre que le phlegmatique; ceux qui ont un sang sec & épais, qu'on appelle inflammatoire, reçoivent très - facilement les impressions fâcheuses des causes éloignées. Le tempérament bilieux, mélancolique, le plus sensible de tous est aussi sujet à l'inflammation. Les personnes hémorrhoïdaires, bilieuses, hépatiques, semblent avoir une disposition particuliere aux érésipeles périodiques, qui, par le défaut du traitement, deviennent très - opiniâtres.

La théorie. La théorie de l'inflammation n'est autre chose que la recherche ou l'examen des causes inconnues qui la produisent, ou plutôt qui la constituent. Il s'agit ici de cette cause, que les scholastiques appellent cause prochaine, continente, dont la présence entraîne nécessairement l'inflammation, & qui cessant d'exister, termine tout de suite l'inflammation. Cette cause, ce changement intérieur qu'éprouvent alors le sang & les vaisseaux, entierement dérobé au témoignage des sens, est par là même fort incertain, très - obscur; & c'est ce qui l'a rendu la source de beaucoup de discussions, de disputes, d'hypotheses, & en conséquence de beaucoup d'erreurs. Leraisonnement seul peut percer ce mystere; aussi est - il bien difficile de donner sur cette matiere rien de certain, & c'est un grand point d'atteindre le vraissemblable; pour s'en convaincre il n'y a qu'à jetter un coup d'oeil sur les différens sentimens qui ont partagé depuis très long - tems les Medecins.

Les anciens pensoient que l'inflammation se formoit par une fluxion rapide d'une humeur chaude & agitée, dans une partie, & sur - tout dans les vaisseaux destinés à renfermer les esprits. C'est ainsi qu'ils appelloient les arteres, qu'ils ont cru jusqu'à Galien qui combat vivement cette erreur, entierement vuides de sang; si c'étoit un sang pur & médiocrement épais, dit après Galien Paul d'Egine, l'inflammation étoit phlegmoneuse, le mélange du sang & de la bile seule ainsi ramassée, occasionnoit les dartres, &c.

On voit à - travers les fautes qu'entraînoit nécessairement le défaut d'anatomie, l'ignorance de la circulation du sang, le mauvais état de la physique, &c. que les anciens faisoient consister l'inflammation dans l'arrêt & l'accumulation du sang, d'un sang agité dans les extrémités des arteres. Ce sentiment a été renouvellé, après avoir été long - tems ridiculisé & mis en oubli, & on l'a donné comme nouveau, de même que bien d'autres opinions des anciens.

Pendant l'espace de dix - huit siecles que les Medecins ne juroient que par Galien & par Hippocrate, & ne savoient pas penser sans leur secours, on n'a rien innové dans la doctrine des anciens; & cette théorie, la seule qu'il y eût, étoit généralement ado ptée de tout le monde.

Lorsqu'au commencement du xvj. siecle la Chimie au sortir du berceau commença à fleurir & à dominer, elle éblouit alors loin d'éclairer; tout le monde lui rendit les armes, & la face de la Medecine fut entierement changée; les écoles ne retentirent plus que des noms imposans & mal définis de sel, de soufre, d'esprit, &c. On métamorphosa le corps humain en alembic; le sang fut regardé comme un magasin de différens sels, de soufre, & autres principes chimiques; on plaça dans toutes les parties & dans tous les couloirs, des fermens particuliers destinés à chaque secrétion; en un mot, on pensa que les effervescences, fermentations, & autres phénomenes chimiques qu'on observe dans les laboratoires, devoient se remarquer aussi dans le corps humain. Il fut décidé que toutes les maladies devoient leur origine à des combinaisons contre nature des différens principes qui composent le sang; ainsi Paracelse déduisit la fievre de l'inflammation d'un principe nitro - sulfureux qui se formoit dans le sang, lorsque des mucilages, des esprits salins & nitreux se mêloient à un soufre impur & fétide, lorsque ce mélange étoit considérable & répandu dans tout le corps, fleurs qui resultoient de sa progémination, acéteuses, froides & mercurielles, ensuite grasses, inflammables & sulfureuses, produisoient successivement le froid & le chaud fébril. Ce mélange restreint & concentré dans une partie, & toûjours entretenu par un abord continuel des mêmes matieres, formoient l'inflammation.

Un sang abondamment chargé de parties huileuses & sulfureuses, dit Wolfangus Wedelius, venant à s'arrêter dans les pores, causera l'inflammation, sur - tout érésipélateuse, parce que les parties salines sulfureuses venant à se dilater & à se raréfier, causeront une irritation qui déterminera les efforts de l'archée surveillant.

Willis tour - à - tour fameux anatomiste, grand medecin, excellent chimiste, & sur - tout si zelé fermentateur, qu'il souhaitoit, peut - être pas sans fondement, que les Medecins ressemblassent à des vinaigriers, plaça dans tous les couloirs, dans tous les visceres, des fermens particuliers; il composa le sang humain de ses cinq principes universels, savoir d'esprit, de phlegmes, de sels, de soufre, & de terre, ou caput mortuum; & comme s'il opéroit dans son laboratoire, il procede ainsi à cette composition; il enchaîne les esprits dans les corpuscules grossiers & terreux; par cette sage précaution, il prévient leur dissipation: d'ailleurs ces esprits retenus font de continuels efforts pour s'échapper; ils mettent en mouvement, dilatent, subtilisent leurs liens, volatilisent les sels, dissolvent les soufres, les rendent miscibles à l'eau, brisent la terre, & enfin mêlent intimement ces principes entre eux. De ce mélange il resulte un corps fluide auquel les soufres dissouts donnent une couleur rouge; ce fluide ainsi formé, est le sang dont les parties sont toûjours dans un mouvement intestin de fermentation, ou d'effervescence, dit Willis; car il confond souvent ces deux mouvemens que la chimie moderne a réellement distingués. Lorsque ce mouvement intestin semblable à la fermentation vineuse, est réduit à un juste milieu, il établit la santé: arrêté, diminué, ou augmenté par différentes causes, il est la source de différentes maladies; si les parties salines & sulfureuses sont plus abondantes, ou plus développées dans une partie, elles embarrasseront le mouvement du sang, l'empêcheront de circuler; d'où il resultera un choc plus grand & plus subit des parties différentes; & de - là naîtront avec l'inflammation tous les différens symptomes, la tumeur, la rougeur, la cha<pb-> [p. 711] leur & la douleur, & la fievre surviendra: si quelque principe, sur - tout actif, comme les esprits & le soufre, prend le dessus, il s'excitera une sorte d'effervescence, comme il arrive dans un tonneau de vin, lorsque quelque partie, sur - tout le tartre, prédomine; cette effervescence ou la fievre durera jusqu'à ce que le sang enflammé par le feu fébril ait deflagré.

Chirac, illustre professeur de Montpellier, hommé né avec un génie hardi & créateur, doué de talens supérieurs, & renommé par les changemens considérables qu'il a apportés dans la théorie & la pratique de la Medecine, pensoit aussi que le sang étoit composé de sels, de soufre, de terre & d'eau; que les sels qui entroient dans sa composition étoient de différente nature, les uns acides, & les autres alkalis; ils entretenoient par leur choc mutuel un mouvement de fermentation, ou plutôt d'effervescence, nécessaire à la coction des humeurs & à leurs différentes secrétions; si quelques causes augmentoient l'énergie de ces sels, leur choc devenoit plus fort, la chaleur plus vive, la fermentation augmentoit. Si cette cause avoit lieu dans tout le corps, la fievre étoit excitée; si elle étoit restrainte à une partie, & sur - tout le sang étant déja coagulé par les acides, ce n'étoit qu'une fievre topique, ou inflammation.

Quelques sectateurs de la physique de Descartes ont trouvé la cause de l'inflammation dans cette matiere subtile éthérée qui, selon eux, est le premier & le seul moteur de toutes choses: en supposant auparavant le sang épaissi & arrêté dans quelques parties, la matiere subtile qui avant cet épaisissement parcouroit en liberté les pores du sang ouverts & disposés en droite ligne, ne sauroit se mouvoir avec la même facilité dans les pores retrécis & tortueux d'un sang coagulé; ainsi elle sera obligée de faire des efforts pour briser les liens, pour vaincre les obstacles qui s'opposent à son mouvement, pour expulser les matieres hétérogenes qui bouchent les pores; tous ces efforts, ces mouvemens, seront nécessairement suivis de chaleur, de rougeur, de douleur, & en un mot il y aura inflammation.

On ne sauroit nier que tous ces systèmes ne soient imaginés avec beaucoup d'esprit; il est fâcheux qu'ils n'ayent d'autre mérite, & qu'ils soient si éloignés de la vérité; une réfutation sérieuse me paroît superflue; les nouvelles analyses du sang & des humeurs en ont banni tous ces principes, qui étoient redevables de leur existence à l'imagination bouillante & préoccupée de quelques chimistes; la matiere éthérée ne méritoit pas un traitement plus favorable; la saine Physique en a reconnu l'insuffisance & le défaut, & l'a condamnée, ainsi que les lois du mouvement de ce grand homme, à une inaction perpétuelle. Aussi toutes ces hypothèses, fruit de l'imagination, ne se sont soutenues que peu de tems en faveur de la nouveauté, & sont tombées dans l'oubli aussi - tôt qu'elles ont eu perdu ce foible avantage, opinionum commenta delet dies.

Les Méchaniciens ont succédé aux Chimistes; ils se sont élevés sur les débris de la Chimie, dont ils ont renversé les opinions; le corps humain changea dans leur main de nature; il cessa d'être laboratoire, & fut transformé en un magasin de cordes, de leviers, poulies, & autres instrumens de méchanique, dont le principal but devoit être de concourir au mouvement des humeurs; en un mot, le corps fut regarde comme une machine statico - hydraulique; & on ne balança pas un moment à en expliquer toutes les fonctions par les voies aveugles & démontrées géométriquement de la méchanique inorganique; mais il est arrivé très - souvent qu'on a fait une fausse application des principes les plus certains; leur théorie de l'inflammation, & celle de la fievre, qui est presque la même, est fondée sur ce principe, dont la vérité n'est rien moins que démontrée dans la fievre, mais qui est assûrée dans l'inflammation; savoir que le cours du sang est gêné & presque nul dans les extrémités capillaires.

M. Didier, ancien professeur en notre université, célebre sur - tout par les ressources heureuses que lui fournissoit une imagination vive dans les cas les plus desespérés, le premier qui ait fait jouer la machine dans le corps humain, regardoit la stagnation du sang dans les petites artérioles comme cause suffisante de l'inflammation. Cela posé, disoit - il, le sang qui continuellement poussé par le coeur, vient heurter contre ces obstructions, rebrousse chemin, passe plus vîte par les vaisseaux collatéraux; parce qu'une plus grande quantité doit passer dans un tems donné. Il arrive donc au coeur par un chemin plus court, par conséquent plus promptement, & en plus grande quantité; d'ou s'ensuit encore la fievre générale, qu'il doit regarder dans son système comme compagne inséparable de l'inflammation. Cette explication n'est qu'un enchaînement de principes faux & contraires aux lois du mouvement; car, selon ces lois, un corps mu avec un certain degré de vitesse, rencontrant un corps de la même densité en repos, lui communique la moitié de sa vitesse; donc le sang poussé par le coeur contre celui qui est arrêté, doit perdre de sa vitesse loin d'en acquérir une nouvelle; loin donc de traverser plus vite les vaisseaux adjoints, donc il ne doit pas non plus arriver plus promptement au coeur; car souvent le passage par les vaisseaux collatéraux n'abrege point le chemin; d'ailleurs il doit y parvenir en moindre quantité, puisqu'une partie des extrémités capillaires lui refuse une issue; il est démontré que la masse d'un fluide qui s'échappe d'un tube par différens orifices, est proportionnelle à leur nombre. Si dans une pompe de trois orifices égaux, on en bouche deux, le piston continuant de jouer avec la même force, la quantité du fluide qui sortira par le seul orifice sera sous - triple de celle qui s'échappoit auparavant par les trois. Ainsi les petits vaisseaux s'étant bouchés par la supposition, la masse du sang qui sera transmise au coeur diminuera à proportion; donc ces obstacles ne tendront qu'à diminuer la force & la vitesse des contractions du coeur, loin de les augmenter; la gangrene & la syncope dans ces circonstances seroient plus à craindre que l'inflammation & la fievre.

M. Fizes, aussi fameux professeur en l'université de Montpellier, suit exactement l'opinion de Deidier; il pense avec lui que la stagnation du sang suffit pour augmenter sa vitesse dans les vaisseaux voisins, & même par tout le corps; il ajoute que les parties fibreuses du sang embarrassant l'embouchure des vaisseaux lymphatiques, la lymphe ne sera point séparée. Or cette secrétion qui, selon lui, arrête le coùrs du sang, n'ayant pas lieu, le sang ira d'autant plus vite, que sa vitesse dans les extrémités artérielles surpasse celle de la lymphe dans ses vaisseaux appropriés: citons les propres termes de l'auteur, pour ne pas paroître les avoir obscurcis: hinc sanguinis celeritas in eâ proportione crescet quâ sanguinis per vasa minima proiecticeleritas lymphoe perductus exiguos fluentis celeritatem superat; ce qui donne encore la raison si recherchée de l'augmentation prétendue dans la vitesse du sang, soit dans la partie, soit dans tout le corps: c'est assurément prendre bien de la peine pour donner la raison d'un fait qui n'est rien moins qu'évident; il me semble voir tous les Chimistes disputer, entasser des volumes, pour rendre raison d'une dent d'or supposée naturelle à un enfant qui étoit à la cour d'un duc de Toscane, tandis que le fait étoit faux; ou les Physiciens se mettre à la tor<pb->

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