ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"604"> quelques - uns par lesquels je ne puis mieux terminer cet article.

1°. Il s'agit de favoriser puissamment l'Agriculture, la population & le commerce, sources des richesses du sujet & du souverain. 2°. Proportionner le bénéfice des affaires de finance à celui que donne le négoce & le défrichement des terres en général; car alors les entreprises de finances seront encore les meilleures, puisqu'elles sont sans risque, outre qu'il ne faut jamais oublier que le profit des financiers est toujours une diminution des revenus du peuple & du roi. 3°. Restraindre l'usage immodéré des richesses & des charges inutiles. 4°. Abolir les monopoles, les péages, les privileges exclusifs, les lettres de maîtrise, le droit d'aubaine, les droits de franc - fiefs, le nombre & les véxations des fermiers. 5°. Retrancher la plus grande partie des fêtes. 6°. Corriger les abus & les gênes de la taille, de la milice & de l'imposition du sel. 7°. Ne point faire de traités extraordinaires, ni d'affoiblissement dans les monnoies. 8°. Souffrir le transport des especes, parce que c'est une chose juste & avantageuse. 9°. Tenir l'intérêt de l'argent aussi bas que le permet le nombre combiné des prêteurs & des emprunteurs dans l'état. 10°. Enfin, alléger les impôts, & les répartir suivant les principes de la justice distributive, cette justice par laquelle les rois sont les représentans de Dieu sur la terre. La France seroit trop puissante, & les François seroient trop heureux, si ces moyens étoient mis en usage. Mais l'aurore d'un si beau jour est - elle prête à paroître? (D. J.)

Impot (Page 8:604)

Impot en faveur du Théâtre, c'est dans les anciens auteurs un impôt qu'on levoit sur le peuple par voie de taxe, pour payer les frais des représentations théatrales, ou d'autres spectacles. Voyez Spectacle.

Il y avoit plusieurs questeurs ou tresoriers particuliers pour cet impôt; il fut établi par une loi d'Eubulus, que ce seroit un crime capital de détourner à d'autres usages l'argent destiné aux frais du théâtre, & même de s'en servir pour les besoins de la guerre.

Parmi nous on tire du théâtre même une espece d'impôt en faveur des pauvres. C'est le quart de la somme que produit chaque représentation, & on l'appelle le quart des hôpitaux à l'entretien desquels cet argent est affecté. On accepte l'aumône du comédien, & on lui refuse des prieres.

IMPRATICABLE (Page 8:604)

* IMPRATICABLE, (Gramm.) qui ne peut être pratiqué. Il se dit des choses & des personnes. Ces chemins sont impraticables. C'est un homme impraticable. Tout ce qui fait un obstacle insurmontable à l'exercice de nos facultés, sur - tout corporelles, s'appelle ou peut s'appeller impraticable.

IMPRÉCATION (Page 8:604)

IMPRÉCATION, s. f. (Antiq. greq. & rom.) execratio, devotio, deprecatio, obsecratio, c'est - à - dire malédiction. Ce terme dans l'acception commune, désigne proprement des voeux formés par la colere ou par la haine.

On appelle de ce mot les expressions emportées, que le desir de la vengeance nous arrache, lorsque nous sentant trop foibles pour nuire par nous - mêmes à ce que nous haïssons, nous osons réclamer le secours de la divinité, & l'inviter à épouser nos ressentimens.

Mais il s'agit ici de ces imprécations singulieres des anciens, que leur religion & la croyance des peuples autorisent. Ce sujet vraîment curieux pour un littérateur philosophe, a fait la matiere de plusieurs savans mémoires insérés dans le recueil de l'académie des Belles - Lettres: il en faut détacher les généralités les plus importantes & les plus assortissantes au plan de cet Ouvrage.

Commençons par distinguer les imprécations des anciens, en imprécations publiques, en imprécations des particuliers, & en imprécations contre soi - même, lorsqu'on se dévouoit pour la patrie; mais nous ne dirons rien de ces dernieres, parce que nous en avons déja traité à l'article Dévouement, (Hist. & Littér.)

J'entends par imprécations publiques, celles que l'autorité publique ordonnoit en certains cas chez les Grecs, chez les Romains, & chez quelques autres peuples.

Les citoyens impies, mais sur - tout les oppresseurs de la liberté & les ennemis de l'état, furent l'objet le plus ordinaire de ces sortes d'imprécations. Alcibiade en subit la peine, pour avoir mutilé les statues de Mercure, & pour avoir profané les sacrés mysteres de Cérès.

Dès que les Athéniens eurent secoué le joug des Pisistratides, un decret du sénat ordonna des imprécations contre Pisistrate & ses descendans. Un pareil decret en ordonna de plus fortes encore contre Philippe, roi de Macédoine. Tite - Live nous en a conservé la teneur que voici.

Le peuple, dit - il, obtint du sénat un decret, qui portoit que les statues qu'on avoit élevées à ce prince, seroient renversées; que tous ses portraits seroient déchirés; que son nom & ceux de ses ancêtres de l'un & de l'autre sexe, seroient effacés; que les fêtes établies en son honneur seroient réputées profanes, & les jours où on les célébroit, des jours malheureux; que les lieux où l'on avoit placé quelque monument à sa gloire, seroient déclarés des lieux exécrables; enfin, que les prêtres dans toutes leurs prieres publiques pour les Athéniens & pour leurs alliées, seroient obligés de joindre des malédictions contre la personne & la famille de Philippe. On inséra depuis dans le decret, que tout ce qui pourroit être imaginé pour flétrir le nom du roi de Macédoine, seroit avoué & adopté par le peuple d'Athènes; & que si quelqu'un osoit s'y opposer, il seroit regardé pour ennemi de l'état.

Eschine nous apprend que les Amphictions s'obligerent par une amere imprécation, non - seulement à ne jamais cultiver, mais même à ne jamais permettre qu'on cultivât les terres des Cyrrhéens & des Acragallides, qui avoient prophané le temple de Delphes, & s'étoient gorgés du butin des offrandes dont l'avoit enrichi la piété des peuples: voici les propres termes de l'imprécation, ils sont bien curieux.

« Si quelqu'un, soit particulier, soit ville, soit nation entiere, viole cet engagement, qu'on les déteste comme criminels de leze - majesté divine envers Apollon, Latone, Diane & Minerve; que leurs terres ne donnent point de fruits; que leurs femmes n'enfantent pas des hommes, mais des monstres; que leurs troupeaux ne produisent que des masses contraires à l'ordre de la nature; que sans cesse de tels gens succombent dans toute expéditions de guerre, dans tout jugement de tribunal, dans toute délibération de peuple, qu'eux, leur famille & leur race, périssent par une extermination totale; qu'enfin aucune victime de leur part ne trouve grace devant les quatre divinités offensées, & qu'à jamais elles rejettent de semblables sacrifices ».

Comme toutes les imprécations avoient pour but d'attirer la colere des dieux sur la tête de celui contre qui on les prononçoit, les divinités, qui dans la Mythologie présidoient à la vengeance, entre lesquelles les Furies tenoient le premier rang, étoient celles qu'on invoquoit le plus généralement dans les imprécations.

Les voeux qu'on leur adressoit sont appellés indistinctement, execrationes, execrationum carmen, diroe, deprecationes, devotiones, vota feralia, termes qui [p. 605] marquent qu'on ne les invoquoit que pour en obtenir quelque chose de funeste; & afin de répandre une sorte d'horreur sur les sacrifices qui faisoient partie de la cérémonie, on les offroit ces sacrifices, non sur des autels élevés, mais dans des fosses profondes que l'on creusoit exprès.

Le premier but de ces prieres vengeresses étoit de mettre les divinités infernales en possession du coupable, qu'on leur abandonnoit; c'est ce qu'on entendoit par les deux mots devovere diris. Ceux qui avoient été ainsi dévoués étoient regardés comme des ennemis publics, & comme des hommes exécrables. Bannis de la société, ils n'avoient plus de part aux aspersions qui se faisoient avec les tisons sacrés trempés dans le sang des victimes. Ils n'avoient plus la liberté d'offrir des libations dans les temples, ni d'assister aux assemblées du peuple. Chassés de leur patrie, ils n'y étoient pas même reçûs après leur mort: on ne vouloit pas que leurs vêtemens fussent confondus avec ceux des citoyens, ni que la terre natale qu'ils avoient deshonorée, servît à les couvrir; à moins que sur des preuves bien authentiques de leur innocence, ils ne fussent réhabilités. La réhabilitation se faisoit en immolant quelques victimes à l'honneur des mêmes dieux, dont on avoit imploré l'assistance par les imprécations.

Mais les meurtriers, les assassins, les parricides ne pouvoient jamais se flater de cet avantage. C'est ainsi que le déclare OEdipe dans Sophocle, lorsqu'il prononce ses violentes imprécations contre le meurtrier de Laïus. « Je défends, dit - il, qu'en aucun lieu de mes états, ce malheureux soit reçû dans les sacrifices & dans les compagnies: je défends qu'on ait rien de commun avec lui, pas même la participation de l'eau lustrale; & j'ordonne qu'on le bannisse comme un monstre, de toutes les maisons où il se retireroit. Puisse le criminel éprouver l'effet des malédictions dont je l'accable aujourd'hui. Qu'il traîne une vie misérable, sans feu, sans lieu, sans secours, & sans espoir d'être jamais réhabilité ».

Les imprécations furent originairement établies par le concours de la religion & de la politique, pour exclure de la société & de la participation aux avantages qui y sont attachés, ceux qui seroient capables d'en détruire l'ordre & l'administration. On regarda les imprécations comme une suite naturelle du droit commun, dont jouit tout gouvernement, de pouvoir retrancher de son sein, les membres qui le bouleversent & les sujets rebelles.

Je n'examinerai point si l'usage qu'on en a fait dans l'antiquité en divers tems & en plusieurs pays, n'a pas quelquefois dégénéré en abus; & si la passion se couvrant du voile de la religion & du bien public, ne les a pas quelquefois injustement appliquées; je sais qu'on les employoit très - rarement, & seulement dans des cas extrêmes. Cependant on ne sauroit nier que les formules n'en fussent blâmables, & qu'en même tems elles étoient accompagnées de cérémonies infamantes, qu'il falloit retrancher. Mais les abus des excommunications qui ont succédé aux imprécations des Payens, sont bien autrement condamnables. Il n'y en a que trop d'exemples dans les derniers siecles. « Dieu, dit M. l'abbé de Fleury, a permis les suites affreuses des fausses idées qu'on a eu si long - tems sur l'excommunication pour nous en desabuser à jamais, du - moins par l'expérience ». Voyez Excommunication.

On peut même ajouter, à la décharge des imprécations des anciens, qu'elles n'étoient pas toujours mêlées de formalités odieuses, & qu'elles varioient suivant la nature du crime qui y donnoit lieu, & suivant les idées que les peuples en avoient. Lorsque les Crétois, chez qui la dépravation des moeurs étoit regardée comme la source de tous les desordres, chassoient de leur île un citoyen corrompu; ils ne formoient contre lui d'autre voeu, sinon qu'il fût obligé de passer sa vie hors de sa patrie, dans la compagnie de gens qui lui ressemblassent; imprécation bien digne d'un peuple qui avoit eu Minos pour législateur.

L'usage des imprécations passa des Grecs chez les Romains; elles s'étoient glissées à Rome, dès la naissance de la république, & elles y subsisterent dans les tems postérieurs. Valerius Publicola, autorisé par le peuple, dévoua aux dieux infernaux la vie & les biens de quiconque oseroit aspirer à la royauté. Crassus, ce Romain si fameux par ses richesses, ayant formé le dessein d'aller conquerir le pays des Parthes, surmonta par la faveur de Pompée, l'opposition que les pontifes mettoient à cette entreprise; mais le tribun Atéius s'étant fait apporter dans l'endroit par où Crassus devoit passer, un réchaud plein de feu, y jetta quelques parfums, fit des aspersions, & prononça une formule conçûe en termes si effrayans, qu'on la nomma carmen desperatum.

Telles étoient la plûpart des imprécations particulieres; je les définis, des prieres qu'on adresse à un être suprême, pour l'engager à se porter vengeur des injures, dont sa protection n'a pas garanti, & dont on est hors d'état de se venger.

Rien n'est plus naturel à la foiblesse accablée, que d'implorer l'assistance d'un pouvoir supérieur à ceux qui l'oppriment. Les hommes dans tous les tems ont adressé leurs voeux aux dieux protecteurs de l'humanité. L'idée de tirer vengeance des maux qu'on a soufferts par la malice ou la violence des autres, est une idée pleine de douceur & de consolation. Les malheureux ne desirent guere moins la vengeance de leurs calamités, que la protection des dieux, pour la conservation de leurs repos. Ils se sont toujours adressés à la justice divine, pour la punition des offenses dont ils ne peuvent se flater d'obtenir la satisfaction d'une autre maniere. Les voeux commencent où l'espoir vient à cesser.

Il est beaucoup parlé dans l'antiquité des imprécations célebres, dont l'effet a rempli également de terreur & de pitié, les théâtres de la Grece, & quelquefois les nôtres. Il est vrai que c'est par le canal des poëtes que la connoissance de ces imprécations est parvenue jusqu'à nous; mais il n'est pas moins vrai que les poëtes sont les historiens des tems les plus éloignés, & les témoins d'une vieille tradition, dont le souvenir quand ils écrivoient, n'étoit pas encore effacé de la mémoire des hommes.

Or de toutes les imprécations, dont les écrits des poëtes sont remplis, les plus remarquables ont été celles que les peres irrités ont faites contre leurs enfans.

Il faut d'abord observer que soit qu'elles eussent leur fondement légitime dans quelque grand outrage, soit qu'elles ne fussent que le produit d'un esprit troublé par des soupçons injustes, l'événement n'en étoit pas moins funeste à ceux qui en étoient frappés.

Pour découvrir la cause de cette opinion reçûe chez les anciens, il faut remonter aux tems du monde, qui ont précédé l'établissement des états. Alors un pere de famille, maître absolu de la destinée de ses enfans, ne voyoit rien au - dessus de lui que les dieux. Il en étoit en quelque sorte l'image vivante; & comme les peres par leur sagesse, s'attiroient de leurs enfans l'admiration, & le respect qui en est inséparable, de même par leur tendresse & par leurs soins, ils en avoient le coeur & l'attachement. Les enfans ne voyoient donc après les dieux, rien qui fût si bon ni si grand, que les auteurs de leur naissance; aussi de toute ancienneté, le respect dû aux peres par leurs enfans marche à côté du culte des dieux.

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