ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Si l'homme examine attentivement sa nature & celle des objets; s'il revient sur le passé, & qu'il n'espere pas mieux de l'avenir, il voit que le bonheur est un fantome. Il se refrodit dans la poursuite de ses desirs; il se dit, nil admirari prope res est una, Numici, solaque, quoe possit facere & servare beatum; Numicius, il n'y a de vrai bien que le repos de l'indifférence.

L'indifférence philosophique a trois objets principaux, la gloire, la fortune & la vie. Que celui qui prétend à cette indifférence s'examine, & qu'il se juge. Craint - il d'être ignoré? d'être indigent? de mourir? Il se croit libre, mais il est esclave. Les grands fantomes le séduisent encore.

L'indifférence philosophique ne differe de l'indifférence religse que par le motif. Le philosophe est indifférent sur les objets de la vie, parce qu'il les méprise; l'homme religieux, parce qu'il attend de son petit sacrifice une récompense infinie.

Si l'indifférence naturelle, réfléchie, ou religieuse est excessive, elle relâche les liens les plus sacrés. On n'est plus ni pere attentif, ni mere tendre, ni ami, ni amant, ni époux. On est indifférent à tout. On n'est rien, ou l'on est une pierre.

INDIGENAT (Page 8:676)

INDIGENAT, s. f. (Jurisprud.) terme usité en Pologne & dans quelques autres pays pour signifier naturalité. Donner l'indigenat, c'est naturaliser quelqu'un. Ce mot vient du latin indigena, qui signifie naturel du pays. (A)

INDIGENE (Page 8:676)

INDIGENE, (Géogr.) on ne trouve pas dans les dictionnaires le mot indigène, mais il devroit, ce me semble, être reçû depuis long - tems dans notre langue. On appelloit indigenoe, chez les anciens latins, les premiers habitans d'un pays; que l'on croyoit n'être point venus s'y établir d'un autre lieu. Indigena est formé d'indu, employé anciennement pour in, comme on le voit quelquefois dans Lucrece, & de geno, au lieu duquel on dit gigno, mais d'où genus & genitus sont formés. Ce mot s'exprime en grec par A)IGENE/S2, qui a été engendré - là.

Les payens ignorant leur premiere origine, se figurerent que les premiers hommes avoient été engendrés par la terre; & en conséquence, ils se crurent une production de cette terre qu'ils habitoient. Les Germains ne donnoient à leur dieu Tuiscon, pere de Mannus, l'un & l'autre fondateurs de leur nation, qu'une origine commune avec les arbres de leurs forêts. Les Athéniens, qui affectoient de se dire A)UTOXQONE\S2, ou nés d'eux - mêmes, ne se prenoient pas dans un autre sens. Mais sans nous arrêter à réfuter leurs erreurs, c'est assez de dire que par le mot indigène nous entendons les naturels d'un pays, ceux qui y sont nés, pour les distinguer de ceux qui viennent ensuite s'y établir. C'est ainsi que les Hotentots étoient indigènes par rapport aux Hollandois, qui ont commencé la colonie au cap de Bonne - Espérance; & la postérité de ces mêmes Hollandois est devenue indigène dans ce pays - là par rapport aux nouvelles familles qui iront l'augmenter. (D. J.)

INDIGENT (Page 8:676)

* INDIGENT, adj. (Gram.) homme qui manque des choses nécessaires à la vie, au milieu de ses semblables, qui jouissent avec un faste qui l'insulte, de toutes les superfluités possibles. Une des suites les plus fâcheuses de la mauvaise administration, c'est de diviser la société en deux classes d'hommes, dont les uns sont dans l'opulence & les autres dans la misere. L'indigence n'est pas un vice, c'est pis. On accueille le vicieux, on fuit l'indigent. On ne le voit jamais que la main ouverte & tendue. Il n'y a point d'indigent parmi les sauvages.

INDIGESTE (Page 8:676)

INDIGESTE, adj. (Diete.) se dit d'un aliment incapable d'être digéré, & qui seroit par conséquent plus proprement appellé indigestible ou indigérable. Un pareil aliment est encore appellé, dans le langage ordinaire, lourd, pesant & chargeant,

Ce mot ne se prend point à la rigueur & dans un sens absolu, parce que les matieres absolument incapables d'être digérées sont rejettées de la classe des alimens, lors même qu'elles contiennent une substance nutritive. Ainsi comme on ne s'avise point de manger les os durs, les cornes, les poils, les racines ligneuses, &c. quoique ces matieres soient indigestes par excellence, ce n'est pas dans celles de cet ordre que les Medecins considerent cette qualité. Ainsi donc un aliment indigeste n'est qu'un aliment de difficile digestion.

Il n'y a point d'aliment généralement & absolument indigeste; c'est - à - dire, dont la digestion soit difficile pour tous les sujets. Cette considération est nécessairement liée à la précédente: car une matiere qui seroit constamment & universellement difficile à digérer, seroit aussi infailliblement exclue de la classe des alimens qu'une matiere absolument incapable de digestion. Un aliment indigeste est donc celui qui est difficilement digéré par le plus grand nombre de sujets sains, ou par un ordre entier de sujets sains. Voyez la fin de cet article.

On a remarqué à l'art. Aliment & à l'art. Digestion (Voyez ces articles.), que les divers estomacs ne s'accommodoient pas également des mêmes alimens, & qu'on observoit communément à cet égard des bisarreries fort singulieres. Or comme ces bisarreries sont telles que les alimens les plus parfaits, les plus généralement propres à une digestion aisée & louable, y sont soumis comme les plus indigestes; il est clair que ces accidens ne doivent point être mis sur le compte des alimens.

Les alimens réellement indigestes en soi par leur constitution propre, sont de deux especes, savoir ceux qui par leur tissu dense, serré, membraneux, fibreux, coëneux, coriace, visqueux, opposent aux organes & aux sucs digestifs une résistence trop forte. Ce sont parmi les alimens qu'on tire des animaux les cartilages, la chair dure des animaux vieux, maigres, ou salée, ou fumée, ou trop récente, le gosier des oiseaux, le coeur de tous les animaux, &c. la peau, comme coëne de lard, peau de hure de sanglier, de grosse volaille, &c. les parties membraneuses, comme estomac, boyaux, &c. les piés de cochon, de veau, de mouton, &c. les huitres, les limaçons, les écrevisses & tous les crustacées, la seche, la raie & autres poissons dont la chair est très - fibreuse; les oeufs durs, &c. & parmi ceux que fournissent les végétaux, le pain bis, gluant, mal levé, mal cuit, la croute de pâté & autres pâtisseries non - fermentées, feuilletées, &c. les peaux ou écorces des fruits, & éminemment l'écorce blanche des oranges, des citrons, &c. les feuilles de certaines plantes dures, minces, séches, comme de pimprenelle, de persil, &c. les racines & bulbes d'un tissu fibreux & serré, comme le sont souvent celles du panais, des raves qui commencent à monter, &c. les oignons, &c. des fruits à parenchyme fibreux comme les oranges, ou d'un tissu ferme & compacte, comme amande, noix, &c. les semences légumineuses entieres, & mal ramollies par la cuite, &c.

La seconde classe d'alimens indigestes comprend ceux qui par leur consistance molle, égale, douce, dissoute, leur fadeur, leur inertie, & peut - être une qualité laxative occulte, n'excitent point convenablement le jeu des organes digestifs, & sont trop tôt & trop facilement pénétrés par les humeurs digestives. Ce sont les viandes grasses, délicates, fondantes, la graisse, les laitages sur - tout mêlés avec les oeufs & le sucre; les fruits doux, succulens & fondans, les vins doux, le mout, le miel, les sucreries, &c. Voyez tous les articles particuliers où il est traité des diverses matieres comprises sous les différentes divisions que nous venons d'assigner. [p. 677]

Les alimens indigestes de la premiere classe exercent presque infailliblement leur opération malfaisante sur les sujets délicats, élevés mollement, peu exercés, &c. mais pourtant sains, du moins à cela près, voyez Santé, & sont au contraire éminemment convenables aux sujets vigoureux, menant une vie dure, laborieuse, &c. & réciproquement ceux de la seconde classe sont tout aussi communément funestes aux sujets vigoureux, & utiles aux sujets foibles. Voyez Doux, Diete & Régime. (b)

Indigestion (Page 8:677)

Indigestion. s. f. (Medec.) Ce mot composé est proprement françois, quoiqu'il soit formé du simple digestio qui est latin, & de la particule privative latine in. (Le mot indigestio que quelques medecins ont employé dans des ouvrages latins, est un vrai barbarisme). Notre indigestion est l'affection que les Grecs ont appellée A)W=EYIA & D\USW=EYI/A, & les latins cruditus: car les différences attachées à ces divers noms méritant peu de considération, peuvent être négligées sans scrupule.

L'indigestion est une espece particuliere de digestion vicaée, vicieuse ou lésée; savoir, la nullité, ou du moins la très - grande imperfection de la digestion des alimens; & ce mot ne désigne pas seulement ce vice considéré en soi & strictement, mais l'ensemble de tous les accidens, c'est - à - dire la maladie dont il est cause. Au reste, les noms les plus usités de la plûpart des maladies sont pris dans la même acception: il est tout commun dans le langage de la Médecine de prendre comme ici la cause pour l'effet. L'indigestion est donc une incommodité ou une maladie quelquefois très - grave, dont la cause évidente est la présence des alimens non digérés dans l'estomac.

L'indigestion simple ou légere, celle que nous venons d'appeller une incommodité, voyez Incommodité, s'annonce par un sentiment de pesanteur dans l'estomac, par des rapports chargés du goût & de l'odeur, ou même de quelques parties des alimens contenus dans l'estomac; par des nausées, par des douleurs d'entrailles, par une gêne quelquefois assez considérable dans la respiration; par la pâleur du visage, des angoisses, & même des désaillances; par un pouls lent, petit, serré, frémissant, stomachal. Tous ces symptomes se manifestent dans un tems plus ou moins éloigné du repas qui les occasionne; ordinairement quatre ou cinq heures après ce repas; quelquefois beaucoup plus tard, & même après plusieurs heures d'un sommeil assez tranquille.

L'indigestion grave & vraiment maladive est accompagnée du gonflement de l'estomac, des hypochondres, de tout le bas - ventre; de borborygmes ou flatuosités que les malades tentent envain de chasser par les voies ordinaires; de respiration difficile, ronflante, sifflante ou entrecoupée; d'affection soporeuse, de convulsions, de délire, de fievre.

Je divise l'indigestion en nécessaire & en accidentelle.

J'appelle nécessaire ou infaillible celle qu'éprouvent des sujets chez qui la digestion des alimens quelconques est essentiellement impossible; comme chez ceux qui ont le pylore fermé ou considérablement retréci; l'estomac desséché, racorni, calleux, ou dans un relâchement absolu, une espece d'atonie, de paralysie (image sous laquelle on peut se représenter l'état de l'estomac de certains vieillards qui, après avoir été très - voraces, ont presque absolument perdu la faculté de digérer); chez ceux encore dont l'estomac est comprimé par une tumeur considérable des parties voisines; ou bien blessé, abscédé, déplacé, &c.

J'appelle indigestion accidentelle, celle qui arrive dans les sujets vraiment sains, ou qui n'ont point de disposition maladive bien décidée; ou bien qui, quoique réellement malades, ne sont point incapables de digérer sous certaine circonstances, comme celles d'une certaine consistence des alimens, d'une certaine quantité, &c. Ainsi, quoique dans les fievres aiguës & dans les grandes plaies suppurantes, par exemple, l'indigestion soit une suite presque infaillible de l'usage des alimens solides, cependant les alimens liquides se digerent suffisamment dans ce cas, &c.

Nous avons déja suffisamment indiqué les causes de l'indigestion infaillible; celles de l'indigestion accidentelle ont été divisées avec raison en causes extérieures, & en dispositions particulieres du sujet affecté. Les causes de ces deux classes peuvent agir séparément & indépendamment les unes des autres. Elles peuvent aussi concourir, agir ensemble, ce qui est le cas le plus ordinaire.

Les causes extérieures des indigestions sont principalement les erreurs de régime que les auteurs de diete réduisent à ces chefs par rapport aux alimens: manger trop; manger des alimens indigestes, voyez Indigeste, ou des mélanges incongrus d'alimens, voyez Régime; manger mal - à - propos, ou lorsqu'il ne faut point, comme lorsqu'on n'a pas encore digéré le repas précédent, ou même pour plusieurs sujets très - sains & bien vigoureux, manger à des heures insolites. C'est encore, selon des auteurs, une erreur grave dans l'usage des alimens d'intervertir l'ordre dans lequel on doit les prendre. Mais les observations & les lois qu'ils nous ont laissées sur cet ordre prétendu sont absolument précaires & démenties par l'expérience journaliere, voyez Régime. Boire excessivement pendant le repas, même la liqueur la plus innocente en soi, comme l'eau fraîche; & boire peu de tems après le repas, sont aussi des causes communes d'indigestion. L'ivresse contractée en mangeant, en est une cause bien plus fréquente encore: quant à l'usage des autres chosés non - naturelles, l'exercice violent, & même l'exercice modéré chez les uns, le repos & le sommeil chez les autres, l'acte vénérien, un accès de passion violente, un froid soudain, &c. toutes ces choses, dis - je, survenant au repas, sont des causes communes d'indigestion.

Les dispositions particulieres sont, outre l'état évident de maladie dont nous avons parlé déja, comme la fiévre aiguë & les grandes plaies suppurantes, sont, dis - je, les intempéries, c'est - à - dire l'état plus ou moins éloigné de l'état sain (voyez Intempérie) de l'estomac & des autres organes qui servent à la digestion, le défaut, l'excès, ou les vices des sucs digestifs, la constitution pituiteuse, humide, lâche, accompagnée d'extrème embonpoint, de paresse, de stupidité, de penchant au sommeil, de cou apoplectique, &c. la disposition passagere de tout le corps acquise par une fatigue excessive, par une grande contention d'esprit, par une passion violente, le dégoût, ou même le manque de faim, l'amas des restes de plusieurs digestions imparfaites précédentes, l'écoulement des regles, un accès d'hémorrhoïdes ou de goutte manquée, ou se préparant laborieusement.

Les causes extérieures agissant seules, c'est - à - dire sur les sujets réellement sains, ne produisent jamais que l'indigeston simple ou légere. Les dispositions particulieres, même les plus légeres, peuvent sans être secondées par aucune cause extérieure, & par les seules révolutions propres à l'économie animale, ou si l'on veut par le mauvais effet d'un grand nombre de digestions toûjours pénibles pour des organes malades; effet cependant long - tems insensible, sourd, caché, peuvent, dis - je, occasionner de temsen - tems de vraies indigestions, & même de la pire espece, & d'autant plus graves, qu'elles se seront

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