ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"668"> scrupuleuse à des circonstances légeres & minutieuses, elle disparoît presque dans le transport des grandes passions. Une mere qui vient de perdre son fils ne s'apperçoit pas du desordre de ses vêtemens. Une femme tendre & passionnée, que le penchant de son coeur, le trouble de son esprit & l'yvresse de ses sens abandonne à l'impétuosité des desirs de son amant, seroit ridicule si elle se ressouvenoit d'être décente, dans un instant où elle a oublié des considérations plus importantes. Elle est rentrée dans l'état de nature: c'est son impression qu'elle suit, & qui dispose d'elle & de ses mouvemens. Le moment du transport passé, la décence renaîtra; & si elle soupire encore, ses soupirs seront décens.

INDÉCIS (Page 8:668)

* INDÉCIS, adj. (Gramm.) qui se prend aussi quelquefois substantivement. On laisse en Philosophie, en Théologie, beaucoup de questions indécises. Il y a des hommes indécis sur lesquels il ne faut pas compter plus que sur des enfans. Ils voyent un poids égal à toutes les raisons; les inconvéniens les plus réels & les plus légers les frappent également; ils tremblent toûjours de faire un faux pas. Ce n'est jamais la raison, mais la circonstance qui les détermine. C'est le dernier qui leur parle qu'ils croyent. Si l'on pouvoit comparer les mouvemens de l'ame qui délibere à celui d'un pendule, comme on distingue dans le mouvement du pendule l'instant où il commence à se mouvoir, la durée de ses oscillations, & l'instant où il se fixe; dans le mouvement de l'esprit qui délibere, il y auroit le moment où l'examen commence, la durée de l'examen ou l'indécision, & le moment où l'indécision cesse, celui de la résolution & du repos.

INDÉCLINABLE (Page 8:668)

INDÉCLINABLE, adj. terme de Grammaire. On a distingué à l'article Formation deux sortes de dérivation, l'une philosophique, & l'autre grammaticale. La dérivation philosophique sert à l'expression des idées accessoires propres à la nature d'une idée primitive. La dérivation grammaticale sert à l'expression des points de vûe sous lesquels une idée principale peut être envisagée dans l'ordre analytique de l'énonciation. C'est la dérivation philosophique qui forme, d'après une même idée primitive, des mots de différentes especes, ou l'on retrouve une même racine commune, symbole de l'idée primitive, avec les additions différentes destinées à représenter l'idée spécifique qui la modifie, comme AMo, AMor, AMicitia, AMicus, AManter, AMatoriè, AMicè, &c. C'est la dérivation grammaticle qui fait prendre à un même mot diverses inflexions, selon les divers aspects sous lesquels on envisage dans l'ordre analytique la même idée principale dont il est le symbole invariable, comme AMICus, AMICi, AMICo, AMICum, AMICorum, &c. Ce n'est que relativement à cette seconde espece que les Grammairiens emploient les termes déclinable & indéclinable.

Un simple coup d'oeil jetté sur les différentes especes de mots, & sur l'unanimité des usages de toutes les langues à cet égard, conduit naturellement à les partager en deux classes générales, caractérisées par des différences purement matérielles, mais pourtant essentielles, qui sont la déclinabilité & l'indéclinabilité.

La premiere classe comprend toutes les especes de mots qui, dans la plûpart des langues, reçoivent des inflexions destinées à désigner les divers points de vûe sous lesquels l'ordre analytique présente l'idée principale de leur signification; ainsi les mots déclinables sont les noms, les pronoms, les adjectifs & les verbes.

La seconde classe comprend les especes de mots qui, en quelque langue que ce soit, gardent dans le discours une forme immuable, parce que l'idée principale de leur signification y est toujours envisagée sous le même aspect; ainsi les mots indéclinables sont les prépositions, les adverbes, les conjonctions & les interjections.

Les mots considérés de cette maniere sont essentiellement déclinables, ou essentiellement indéclinables; & si l'unanimité des usages combinés des langues ne nous trompe pas sur ces deux propriétés opposées, elles naissent effectivement de la nature des especes de mots qu'elles différencient; & l'examen raisonné de ces deux caracteres doit nous conduire à la connoissance de la nature même des mots, comme l'examen des effets conduit à la connoissance des causes. Voyez Mot.

Au reste, il ne faut pas se méprendre sur le véritable sens dans lequel on doit entendre la déclinabilité & l'indéclinabilité essentielle. Ces deux expressions ne veulent dire que la possibilité ou l'impossibilité absolue de varier les inflexions des mots relativement aux vûes de l'ordre analytique; mais la déclinabilité ne suppose point du tout que la variation actuelle des inflexions doive être admise nécessairement, quoique l'indéclinabilité l'exclue nécessairement: c'est que la non existence est une suite nécessaire de l'impossibilité; mais l'existence, en supposant la possibilité, n'en est pas une suite nécessaire.

En effet, les mots essentiellement déclinables ne sont pas déclinés dans toutes les langues; & dans celles où ils sont déclinés, ils ne l'y sont pas aux mêmes égards. Le verbe, par exemple, décliné presque par - tout, ne l'est point dans la langue franque, qui ne fait usage que de l'infinitif; la place qu'il occupe & les mots qui l'accompagnent déterminent les diverses applications dont il est susceptible. Les noms qui en grec, en latin, en allemand, reçoivent des nombres & des cas, ne reçoivent que des nombres en françois, en italien, en espagnol & en anglois, quoique maints Grammairiens croyent y voir des cas, au moyen des prépositions qui les remplacent effectivement, mais qui ne le sont pas pour cela. Les verbes latins n'ont que trois modes personnels, l'indicatif, l'impératif & le subjonctif: ces trois modes se trouvent aussi en grec & en françois; mais les Grecs ont de plus un optatif qui leur est propre, & nous avons un mode suppositif qui n'est pas dans les deux autres langues.

Il y a dans les diverses langues de la terre mille variétés semblables, suites naturelles de la liberté de l'usage, décidé quelquefois par le génie propre de chaque idiome, & quelquefois par le simple hasard ou le pur caprice. Que les noms ayent en grec, en latin & en allemand des nombres & des cas, & que dans nos langues analogues de l'Europe ils n'ayent que des nombres, c'est génie; mais qu'en latin, par exemple, où les noms & les adjectifs se déclinent, il y en ait que l'usage a privés des inflexions que l'analogie leur destinoit, c'est hasard ou caprice.

Il me semble que c'est aussi caprice ou hazard, que ces noms ou ces adjectifs anomaux soient les seuls qu'il ait plû aux Grammairiens d'appeller spécialement indéclinables. J'aimerois beaucoup mieux que cette dénomination eût été réservée pour désigner la propriété de toute une espece, en y ajoûtant, si l'on eût voulu, la distinction de l'indéclinabilité naturelle & de l'indéclinabilité usuelle: dans ce cas, les anomaux dont il s'agit ici, auroient dû plutôt se nommer indéclinés qu'indéclinables, parce que leur indéclinabilité est un fait particulier qui déroge à l'analogie commune par accident, & non une suite de cette analogie.

Quoi qu'il en soit de la dénomination, ces anomaux indéclinables n'apportent dans l'élocution latine aucune équivoque; & il est d'un usage bien entendu, quand on fait l'analyse d'une phrase latine où il s'en trouve, de leur attribuer les mêmes fonctions qu'aux mots déclinés. Ainsi en analysant cette [p. 669] proposition interjective de Virgile, cornu ferit ille, il est sage de dire que cornu est à l'ablatif comme complément de la préposition sous - entendue cùm (avec), quoique cornu n'ait réellement aucun cas au singulier: c'est faire allusion à l'analogie latine, & c'est comme si l'on disoit que cornu auroit été mis à l'ablatif, si l'usage l'eût décliné comme les autres noms. J'avoue cependant qu'il y auroit plus de justesse & de vérité à se servir plutôt de ce tour conditionnel que de l'affirmation positive; & j'en use ainsi quand il s'agit de l'infinitif, qui est un vrai nom indéclinable: dans turpe est mentiri, par exemple, je dis que l'infinitif mentiri est le sujet du verbe est, & qu'il seroit au nominatif s'il étoit déclinable: dans clamare coepit, que clamare est le complément objectif de coepit, & qu'il seroit à l'accusatif s'il étoit déclinable, &c. Voyez Infinitif.

Mais ce qui est raisonnable par rapport à la phrase latine, seroit ridicule & faux dans la phrase françoise. Dire que dans j'obéis au roi, au roi est au datif, c'est introduire dans notre langue un jargon qui lui est étranger, & y supposer une analogie qu'elle ne connoît pas, BARBARI/ZEIN. (B. E. R. M.)

INDÉFINI (Page 8:669)

INDÉFINI, adj. (Géomét.) Voyez Infini.

Indéfini (Page 8:669)

Indéfini, (Gramm.) ce mot est encore un de ceux que les Grammairiens emploient comme techniques en diverses occasions; & il signifie la même chose qu'indéterminé. On dit sens indéfini, article indéfini, pronom indéfini, tems indéfini.

1°. Sens indéfini. « Chaque mot, dit M. du Marsais (Tropes, part. III. art. ij. pag. 233.), a une certaine signification dans le discours, autrement il ne signifieroit rien; mais ce sens, quoique détermine (c'est - à - dire, quoique fixé à être tel) ne marque pas toujours précisément un tel individu, un tel particulier; ainsi on appelle sens indéterminé ou indéfini, celui qui marque une idée vague, une pensée générale, qu'on ne fait point tomber sur un objet particulier ».

Les adjectifs & les verbes, considérés en eux - mêmes, n'ont qu'un sens indéfini, par rapport à l'objet auquel leur signification est appliquable grand, durable, expriment à la vérité quelque être grand, quelque objet durable; mais cet être, cet objet, est ce un esprit ou un corps? est - ce un corps animé ou inanimé? est - ce un homme ou une brute? &c. La nature de l'être est indéfinie, & ce n'est que par des applications particulieres que ces mots sortiront de cette indétermination, pour prendre un sens défini, du - moins à quelques égards; un grand homme, une grande entreprise, un ouvrage durable, une estime durable. C'est la même chose des verbes considérés hors de toute application.

Je dis que les applications particulieres tirent ces mots de leur indétermination, du - moins à quelques égards. C'est que toute application qui n'est pas absolument individuelle ou spécisique, c'est - à - dire qui ne tombe pas précisément sur un individu ou sur toute une espece, laisse toujours quelque chose d'indéfini dans le sens: ainsi quand on dit un grand homme, le mot grand est défini par son application à l'espece humaine; mais ce n'est pas à toute l'espece, ni à tel individu de l'espece; ainsi le sens demeure encore indéfini à quelques égards, quoiqu'à d'autres il soit déterminé.

Les noms appellatifs sont pareillement indéfinis en eux - mêmes. Homme, cheval, argument, désignent à la vérité telle ou telle nature; mais si l'on veut qu'ils désignent tel individu, ou la totalité des individus auxquels cette nature peut convenir, il faut y ajouter d'autres mots qui en fassent disparoître le sens indéfini: par exemple, cet homme est savant, l'homme est sujet à l'erreur, &c. Voyez Abstraction, Appellatif, Article

2°. Article indéfini. Quelques Grammairiens françois, à la tête desquels il faut mettre l'auteur de la Grammaire générale, Part. II. ch. vij, ont distingué deux sortes d'articles, l'un défini, comme le, la; & l'autre indéfini, comme un, une, pour lequel on met de ou des au pluriel.

Non content de cette premiere distinction, la Touche vint après M. Arnauld & M. Lancelot, & dit qu'il y avoit trois articles indéfinis: « Les deux premiers, dit - il, servent pour les noms des choses qui se prennent par parties dans un sens indéfini: le premier est pour les substantifs, & le second pour les adjectifs; je les appelle articles indéfinis partitifs: le troisieme article indéfini sert à marquer le nombre des choses, & c'est pour cela que je le nomme numéral». L'art de bien parler françois, liv. II. ch. j. Le P. Buffier & M. Restaut, à quelques différences près, ont adopté le même svstème; & tous ont eu en vue d'établir des cas & des déclinaisons dans nos noms, à l'imitation des noms grecs & latins; comme si la Grammaire particuliere d'une langue ne devoit pas être en quelque sorte le code des décisions de l'usage de cette langue, plutôt que la copie inconséquente de la Grammaire d'une langue étrangere.

Je ne dois pas répéter ici les raisons qui prouvent que nous n'avons en effet ni cas ni déclinaisons (voyez ces mots); mais j'observerai d'abord avec M. Duclos (Rem. sur le chap. vij. de la II. Part. de la Gramm. génér.) « que ces divisions d'articles, défini, indéfini, n'ont servi qu'à jetter de la confusion sur la nature de l'article. Je ne prétends pas dire qu'un mot ne puisse être pris dans un sens indéfini, c'est - à - dire dans sa signification vague & générale; mais loin qu'il y ait un article pour la marquer, il faut alors le supprimer. On dit, par exemple, qu'un homme a été traité avec honneur; comme il ne s'agit pas de spécifier l'honneur particulier qu'on lui a rendu, on n'y met point d'article; honneur est pris indéfiniment», parce qu'il est employé en cette occurrence dans son acception primitive, selon laquelle, comme tout autre nom appellatif, il ne presente à l'esprit que l'idée générale d'une nature commune à plusieurs individus, ou à plusieurs especes, mais abstraction faite des especes & des individus.

« Il n'y a, continue l'habile secrétaire de l'Académie françoise, qu'une seule espece d'article, qui est le pour le masculin, dont on fait la pour le féminin, & les pour le pluriel des deux genres: le bien, la vertu, l'injustice; les biens, les vertus, les injustices ».

En effet, dès qu'il est arrêté que nos noms ne subissent à leur terminaison aucun changement qui puisse être regardé comme cas, que les sens accessoires représentés par les cas en grec, en latin, en allemand, & en toute autre langue qu'on voudra, sont suppléés en françois, & dans tous les idiomes qui ont a cet égard le même génie, par la place même des noms dans la phrase, ou par les prépositions qui les précedent; enfin que la destination de l'article est de faire prendre le nom dans un sens précis & déterminé: il est certain, ou qu'il ne peut y avoir qu'un article, ou que s'il y en a plusieurs, ce seront différentes especes du même genre, distinguées entre elles par les différentes idées accessoires ajoutées à l'idée commune du genre.

Dans la premiere hypothese, où l'on ne reconnoîtroit pour article que le, la, les, la conséquence est toute simple. Si l'on veut déterminer un nom, soit en l'appliquant à toute l'espece dont il exprime la nature, soit en l'appliquant à un seul individu détérminé de l'espece, il faut employer l'article; c'est pour cela seul qu'il est institué: l'homme est mortel, détermination spécifique; l'homme dont je vous parle, &c. détermination individuelle. Si on veut employer

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.