ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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INDUSTRIE (Page 8:694)

INDUSTRIE, s. f. (Métaphys.) l'industrie prise dans un sens métaphysique, est, suivant M. Quesnay, qui me fournira cet article, une faculté de l'ame, dont l'objet roule sur les productions & les opérations méchaniques; qui sont le fruit de l'invention, & non pas simplement de l'imitation, de l'adresse & de la routine, comme dans les ouvrages ordinaires des artisans.

Quoique l'industrie soit fille de l'invention, elle differe du goût & du génie. Le sentiment exquis des beautés & des défauts dans les arts, constitue le goût. La vivacité des sentimens, la grandeur & la force de l'imagination, l'activité de la conception, font le génie. L'imagination tranquille & étendue, la pénétration aisée, la conception prompte, donnent l'industrie. Ceux qui sont fort industrieux, n'ont pas toûjours un goût sûr, ni un génie élevé. Je dis plus, des génies ordinaires, des génies peu propres à rechercher, à découvrir, à saisir des idées abstraites, peuvent avoir beaucoup d'industrie.

Ces trois facultés ne portent pas sur le même objet. Le goût discerne les choses qui doivent exciter des sensations agréables. Le génie, par ses productions admirables, fournit des sensations piquantes & imprévûes; mais ces sortes de sensations, que font naître le génie ou le goût, ne sont point l'objet de l'industrie. Elle ne tend qu'à découvrir, à expliquer, à représenter les opérations méchaniques de la nature, à trouver des machines utiles, ou à en inventer de curieuses & d'intéressantes par le merveilleux qu'elles présenteront à l'esprit.

Les facultés du goût, du génie & de l'industrie exigent aussi divers genres de sciences pour en perfectionner l'exercice. Le goût se fortifie par l'habitude, par les réfléxions, par l'esprit philosophique, par le commerce des gens de goût. Quoique le génie soit un pur don de la nature, il s'étend par la connoissance des sujets qu'il peut peindre, des beautés dont il peut les embellir, des caracteres, des passions qu'il veut exprimer; tout ce qui excite le mouvement des esprits, favorise, provoque & échauffe le génie. L'industrie doit être dirigée par la sc ence des propriétés de la matiere, des lois des mouvemens simples & composés, des facilités & des difficultés que les corps qui agissent les uns sur les autres peuvent apporter dans la communication de ces mouvemens. L'industrie est l'ouvrage d'un goût particulier décidé pour la méchanique, & quelquefois de l'étude & du tems. Presque toutes les différentes lumieres de l'industrie sont bornées à des perceptions sensibles, & aux facultés animales. (D. J.)

Industrie (Page 8:694)

Industrie, (Droit polit. & Commerce.) ce mot signifie deux choses; ou le simple travail des mains, ou les inventions de l'esprit en machines utiles, relativement aux arts & aux métiers; l'industrie renferme tantôt l'une, tantôt l'autre de ces deux choses, & souvent les réunit toutes les deux.

Elle se porte à la culture des terres, aux manufactures, & aux arts; elle fertilise tout, & répand par - tout l'abondance & la vie: comme les nations destructrices font des maux qui durent plus qu'elles, les nations industrieuses font des biens qui ne finissent pas même avec elles.

En Amérique, la terre y produit naturellement beaucoup de fruits dont on se nourrit; si on laissoit en Europe la terre inculte, il n'y viendroit guere que des forêts, des chênes, des pins, & autres arbres stériles. Ainsi pour faire valoir la terre en Europe, il y falloit beaucoup de travaux, d'industrie, & de connoissances; car l'on voit toûjours marcher d'un pas égal les besoins, l'industrie, & les connoissances. C'est pourquoi dans les états européens, l'on doit extrèmement protéger, récompenser les laboureurs, & les hommes utilement industrieux. La raison en est évidente; tout accroissement dans la culture, & toute industrie, multiplie les denrées, les marchandises, & attire dans l'état l'argent qui est le signe de leurs évaluations.

C'est une vérité usée qu'il est presque honteux de répéter; mais dans certains pays, il y a des gens qui éludent les expédiens qu'on leur donne pour la faire fructifier, & sacrifient constamment les principes de cette espece, aux préjugés qui les dominent. Ils ignorent que les gênes imposées à l'industrie, la détruisent entierement; & qu'au contraire, les efforts de l'industrie qu'on encourage, la font prospérer merveilleusement par l'émulation & le profit qui en résulte. Bien loin de mettre des impôts sur l'industrie, il faut donner des gratifications à ceux qui auront le mieux cultivé leurs champs, & aux ouvriers qui auront porté le plus loin le mérite de leurs ouvrages. Personne n'ignore combien cette pratique a réussi dans les trois royaumes de la grande Bretagne. On a établi de nos jours par cette seule voie en Irlande, une des plus importantes manufactures de toile qui soit en Europe.

Comme la consommation des marchandises augmente par le bon marché du prix de la main - d'oeuvre, l'industrie influe sur le prix de cette main - d'oeuvre, toutes les fois qu'elle peut diminuer le travail, ou le nombre des mains employées. Tel est l'effet des moulins à eau, des moulins à vent, des métiers, & de tant d'autres machines, fruits d'une industrïe précieuse. On en peut citer pour exemple les machines inventées par M. de Vaucanson, celle à mouliner [p. 695] les soies connue en Angleterre depuis vingt ans, les moulins à scier les planches, par lesquels sous l'inspection d'un seul homme, & le moyen d'un seul axe, on travaille dans une heure de vent favorable, jusqu'à quatre - vingt planches de trois toises de long; les métiers de rubans à plusieurs navettes, ont encore mille avantages; mais toutes ces choses sont si connues, qu'il est inutile de nous y étendre. M. Melon a dit très - bien, que faire avec un homme, par le secours des machines de l'industrie, ce qu'on feroit sans elles avec deux ou trois hommes, c'est doubler, ou tripler le nombre des citoyens.

Les occasions d'emploi pour les manufacturiers, ne connoissent de bornes que celles de la consommation; la consommation n'en reçoit que du prix du travail. Donc la nation qui possédera la main - d'oeuvre au meilleur marché, & dont les négocians se contenteront du gain le plus modéré, fera le commerce le plus lucratif, toutes circonstances égales. Tel est le pouvoir de l'industrie, lors qu'en même tems les voies du commerce intérieur & extérieur sont libres. Alors elle fait ouvrir à la consommation des marchés nouveaux, & forcer même l'entrée de ceux qui lui sont fermés.

Qu'on ne vienne plus objecter contre l'utilité des inventions de l'industrie, que toute machine qui diminue la main - d'oeuvre de moitié, ôte à l'instant à la moitié des ouvriers du métier, les moyens de subsister; que les ouvriers sans emploi deviendront plutôt des mendians à charge à l'état, que d'apprendre un autre métier; que la consommation a des bornes; de sorte qu'en la supposant même augmentée du double, par la ressource que nous vantons tant, elle diminuera dès que l'étranger se sera procuré des machines pareilles aux nôtres; enfin, qu'il ne restera au pays inventeur aucun avantage de ses inventions d'industrie.

Le caractere de pareilles objections est d'être dénuées de bon sens & de lumieres; elles ressemblent à celles que les bateliers de la Tamise alléguoient contre la construction du pont de Westminster. N'ont - ils pas trouvé ces bateliers de quoi s'occuper, tandis que la construction du pont dont il s'agit, répandoit de nouvelles commodités dans la ville de Londres? Vaut - il pas mieux prévenir l'industrie des autres peuples à se servir de machines, que d'attendre qu'ils nous forcent à en adopter l'usage, pour nous conserver la concurrence dans les mêmes marchés? Le profit le plus sûr sera toûjours pour la nation qui aura été la premiere industrieuse; & toutes choses égales, la nation dont l'industrie sera la plus libre, sera la plus industrieuse.

Nous ne voulons pas néanmoins desapprouver le soin qu'on aura dans un gouvernement de préparer avec quelque prudence l'usage des machines industrieuses, capables de faire subitement un trop grand tort dans les professions qui emploient les hommes; cependant cette prudence même n'est nécessaire que dans l'état de gêne, premier vice qu'il faut commencer par détruire. D'ailleurs, soit découragement d'invention, soit progrès dans les arts, l'industrie semble être parvenue au point, que ses gradations sont aujourd'hui très - douces, & ses secousses violentes fort peu à craindre.

Enfin, nous concluons qu'on ne sauroit trop protéger l'industrie, si l'on considere jusqu'où ses revenus peuvent se porter pour le bien commun dans tous les arts libéraux & méchaniques; témoin les avantages qu'en retirent la Peinture, la Gravûre, la Sculpture, l'Imprimerie, l'Horlogerie, l'Orfévrerie, les manufactures en fil, en laine, en soie, en or, en argent; en un mot, tous les métiers & toutes les professions. (D. J.)

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