ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Concluons que c'est à l'imitation que les modernes doivent leur gloire, & que c'est de cette même imitation que les anciens ont tiré leur grandeur. (D. J.)

Imitation (Page 8:569)

Imitation, s. f. (Morale.) c'est, dit Bacon, la traduction des préceptes en exemples. Un jeune homme qui veut s'avancer dans la carriere de la gloire & de la vertu, doit commencer par se proposer d'excellens modeles, & ne pas prendre d'après eux quelques traits de ressemblance, pour une parfaite conformité; mais avec le tems, il doit devenir lui - même son modele; c'est - à - dire régler ses actions par ses actions, & donner des exemples après en avoir suivi. (D. J.)

Imitation (Page 8:569)

Imitation en Musique, est l'emploi d'un même tour de chant dans plusieurs parties qui se font entendre l'une après l'autre. A l'unisson, à la tierce, à la quarte, ou à quelqu'autre intervalle que ce soit, l'imitation est toujours bien prise, même en changeant plusieurs notes, pourvû que le même chant se reconnoisse toûjours, & qu'on ne s'écarte point des lois d'une bonne modulation. Souvent pour rendre l'imitation plus sensible, on la fait précéder d'un silence. On traite l'imitation comme on veut; on la prend, on l'abandonne, on en commence une autre à sa liberté; en un mot les regles en sont aussi relachées que celles de la fugue sont séveres: c'est pourquoi les grands maîtres la dédaignent, & toute imitation trop affectée décele presque toûjours un écolier en composition.

IMITATIVE, Phrase (Page 8:569)

IMITATIVE, Phrase, (Gram. & Poésie). J'appelle phrase imitative avec M. l'abbé du Bos (qui me fournira cet article de Grammaire philosophique) toute phrase qui imite en quelque maniere le bruit inarticulé dont nous nous servons par instinct naturel, pour donner l'idée de la chose que la phrase exprime avec des mots articulés.

L'homme qui manque de mots pour exprimer quelque bruit extraordinaire, ou pour rendre à son gré le sentiment dont il est touché, a recours naturellement à l'expédient de contrefaire ce même bruit, & de marquer ses sentimens par des sons inarticulés. Nous sommes portés par un mouvement naturel à dépeindre par des sons inarticulés le fracas qu'une maison aura fait en tombant, le bruit confus d'une assemblée tumultueuse, & plusieurs autres choses. L'instinct nous porte à suppléer par ces sons inarticulés, à la stérilité de notre langue, ou bien à la lenteur de notre imagination.

Mais les Ecrivains latins, particulierement leurs poëtes qui n'ont pas été gênés comme les nôtres, & dont la langue est infiniment plus riche, sont remplis de phrases imitatives qui ont été admirées & citées avec éloge par les Ecrivains du bon tems. Elles ont été louées par les Romains du siecle d'Auguste qui étoient juges compétens de ces beautés.

Tel est le vers de Virgile qui dépeint Poliphème.

Monstrum horrendum, informe, ingens, cui lumen ademptum.

Ce vers prononcé en supprimant les syllabes qui font élision, & en faisant sonner l'u comme les Romains le faisoient sonner, devient si l'on peut s'exprimer ainsi, un vers monstrueux. Tel est encore le vers où Perse parle d'un homme qui nazille, & qu'on ne sauroit aussi prononcer qu'en nazillant.

Rancidulum quiddam balbâ de nare locutus.

Le changement arrivé dans la prononciation du latin, nous a voilé, suivant les apparences, une partie de ces beautés, mais il ne nous les a point toutes cachées.

Nos poëtes qui ont voulu enrichir leurs vers de ces phrases imitatives, n'ont pas réussi au goût des François, comme ces poëtes latins réussissoient au goût des Romains. Nous rions du vers où du Bartas dit en décrivant un coursier, le champ plat, bat, abbat. Nous ne traitons pas plus sérieusement les vers où Ronsard décrit en phrase imitative le vol de l'aloüette.

Elle guindée du zéphire, Sublime en l'air, vire & revire, Et y décligne un joli cri, Qui rit, guérit, & tire l'ire Des esprits mieux que je n'écris.

Pasquier rapporte plusieurs autres phrases imitatives des poëtes françois, dans le chap. x. liv. VIII. de ses recherches, où il veut prouver que notre langue n'est pas moins capable que la latine de beaux traits poétiques; mais les exemples que Pasquier rapporte, réfutent seuls sa proposition.

En effet, parce qu'on aura introduit quelques phrases imitatives dans des vers, il ne s'ensuit pas que ces vers soient bons. Il faut que ces phrases imitatives y ayent été introduites, sans préjudicier au sens & à la construction grammaticale. Or on citeroit bien peu de morceaux de poésie françoise, qui soient de cette espece, & qu'on puisse opposer en quelque façon à tant d'autres vers, que les latins de tous les tems ont loué dans les ouvrages des poëtes qui avoient écrit en langue vulgaire. M. l'abbé du Bos ne connoissoit même en ce genre que la description d'un assaut qui se trouve dans l'ode de Despreaux sur la prise de Namur; le poëte, dit - il, y dépeint en phrase imitative le soldat qui gravit contre une breche, & qui vient le fer & la flamme en main,

Sur les monceaux de piques, De corps morts, de rocs, de briques, S'ouvrir un large chemin.

Je n'examinerai pas si l'exemple de l'Abbé du Bos est très - bon; je dirai seulement qu'on en citeroit peu de meilleurs dans notre langue. Les poëtes anglois sont plus fertiles que les nôtres en phrases imitatives, comme Adisson l'a prouvé par plusieurs traits admirables tirés de Milton. J'en trouve aussi quelquefois dans le Virgile de Dryden, où il peint avec plaisir les objets par des phrases imitatives; témoin la description suivante du travail des Cyclopes.

One stirs the fire and one the bellows blows, The hissing steel in the smithy drownd; The grot with beating anvils groans around, By turns their arms advance in equal time, By turns their hand descend, and hammers chime. They turn the glowing mass with crooked tongs The fiery work proceeds with rustick songs. (D. J.)

IMMACULÉ (Page 8:569)

IMMACULÉ, adj. (Théolog.) qui est sans tache ou sans péché.

Les Catholiques se servent de ce terme en parlant de la conception de la Vierge qu'ils appellent immaculée, pour signifier qu'elle est née sans péché originel. Voyez Péché originel.

Quand on donne le bonnet à un docteur de sorbonne, on lui fait jurer qu'il soutiendra l'immaculée conception de la Vierge. La sorbonne fit ce decret dans le 14e siecle, & quatre - vingt autres universités l'ont fait depuis à son imitation. Voyez Sorbonne.

Au reste il faut observer que dans cette savante faculté on ne regarde pas ce point comme un article de foi, mais comme une opinion pieuse & catholique, & c'est en ce sens - là que ses candidats la soutiennent tous les jours dans leurs theses: mais il leur est défendu aussi bien qu'aux professeurs de tenir l'opinion contraire.

Les ordres militaires d'Espagne se sont obligés à soutenir cette prérogative de la Vierge. Voyez Conception. [p. 570]

Il y a aussi une congrégation de l'immaculée conception dans la plûpart des couvents, de laquelle il y a une société de filles séculieres qui ont pour fin d'honorer l'immaculée conception de la Vierge. Elles en font tous les ans une protestation en public, & tous les jours en particulier. (G)

IMMANENT (Page 8:570)

IMMANENT, adj. (Philos. Théolog.) qui demeure dans la personne, ou qui n'a point effet au - dehors.

Les Philosophes ont distingué les actions en immanentes & transitoires. Les Théologiens ont adopté la même distinction. L'action immanente est celle dont le terme est dans l'être même qui l'a produite. La transitoire est celle dont le terme est hors de l'être qui l'a produite. Ainsi Dieu a engendré le fils & le Saint Esprit par des actions immanentes; & il a créé le monde & tout ce qu'il comprend, par des actions transitoires.

IMMATÉRIALISME ou SPIRITUALITÉ (Page 8:570)

IMMATÉRIALISME ou SPIRITUALITÉ. (Métaph.) L'immatérialisme est l'opinion de ceux qui admettent dans la nature deux substances essentiellement différentes; l'une qu'ils appellent matiere, & l'autre qu'ils appellent esprit. Il paroît certain que les anciens n'ont eu aucune teinture de la spiritua - Iité. Ils croyoient de concert que tous les êtres participoient à la même substance, mais que les uns étoient matériels seulement, & les autres matériels & corporels. Dieu, les anges & les génies, disent Porphyre & Jamblique, sont faits de la matiere; mais ils n'ont aucun rapport avec ce qui est corporel. Encore aujourd'hui à la Chine, où les principaux dogmes de l'ancienne philosophie se sont conservés, on ne connoît point de substance spirituelle, & on regarde la mort comme la séparation de la partie aërienne de l'homme de sa partie terrestre. La premiere s'éleve en haut, & la seconde retourne en bas.

Quelques modernes soupçonnent que puisqu'Anaxagoras a admis un esprit dans la formation de l'univers, il a connu la spiritualité, & n'a point admis un Dieu corporel, ainsi qu'ont fait presque tous les autres philosophes. Mais ils se trompent étrangement; car par le mot d'esprit les Grecs & les Romains ont également entendu une matiere subtile, ignée, extrèmement déliée, qui étoit intelligente a la vérité, mais qui avoit une étendue réelle & des parties différentes. Et en effet comment veulent - ils qu'on croye que les philosophes grecs avoient une idée d'une substance toute spirituelle, lorsqu'il est clair que tous les premiers peres de l'Eglise ont fait Dieu corporel, que leur doctrine a été perpétuée dans l'église greque jusque dans ces derniers siecles, & qu'elle n'a été quitttée par les Romains que vers le tems de S. Augustin?

Pour juger sainement dans quel sens on doit prendre le terme d'esprit dans les ouvrages des anciens, & pour décider de sa véritable signification, il faut d'abord faire attention dans quelle occasion il s'en faut servir, & à quel usage ils l'ont employé. Ils en usoient si peu pour exprimer l'idée que nous avons d'un être purement intellectuel; que ceux qui n'ont reconnu aucune divinité, ou du moins qui n'en admettoient que pour tromper le peuple, s'en servoient très - souvent. Le mot d'esprit se trouve très - souvent dans Lucrece pour celui d'ame; celui d'intelligence est employé au même usage: Virgile s'en sert pour signifier l'ame du monde, ou la matiere subtile & intelligente qui répandue dans toutes ses parties le gouverne & le vivifie. Ce système étoit en partie celui des anciens Pythagoriciens; les Stoïciens qui n'étoient proprement que des Cyniques réformés, l'avoient perfectionné; ils donnoient le nom de Dieu à cette ame; ils la regardoient comme intelligente, l'appelloient esprit intellectuel: cependant avoient<cb-> ils une idée d'une substance toute spirituelle? pas davantage que Spinosa, ou du moins guere plus; ils croyoient, dit le P. Mourgues dans son plan théologique du pythagorisme, avoir beaucoup fait d'avoir choisi le corps le plus subtil (le feu), pour en composer l'intelligence ou l'esprit du monde, comme on le peut voir dans Plutarque. Il faut entendre leur langage; car dans le nôtre, ce qui est esprit n'est pas corps, & dans le leur au contraire on prouveroit qu'une chose étoit corps parce qu'elle étoit esprit. . . Je suis obligé de faire cette observation sans laquelle ceux qui liroient avec des yeux modernes cette définition du dieu des Stoïciens dans Plutarque, Dieu est un esprit intellectuel & igné, qui n'ayant point de forme peut se changer en telle chose qu'il veut, & ressembler à tous les êtres, croiroient que ces termes, d'esprit intellectuel, détermineroient la signification du terme suivant, à un feu purement métaphorique.

Ceux qui voudroient ne pas s'en tenir à l'opinion d'un savant moderne, ne refuseront peut - être pas de se soumettre à l'autorité d'un ancien auteur qui devoit bien connoître le sentiment des anciens philosophes, puisqu'il a fait un traité de leur opinion, qui, quoiqu'extrèmement précis, ne laisse pas d'être fort clair. C'est de Plutarque dont je veux parler. Il dit en termes exprès que l'esprit n'est qu'une matiere subtile, & il parle comme disant une chose connue & avouée de tous les philosophes. « Notre ame, dit - il, qui est air, nous tient en vie; aussi l'esprit & l'air contient en être tout le monde, car l'esprit & l'air sont deux noms qui signifient la même chose ». Je ne pense pas qu'on puisse rien demander de plus fort & de plus clair en même tems. Dirat - on que Plutarque ne connoissoit point la valeur des termes grecs, & que les modernes qui vivent aujourd'hui en ont une plus grande connoissance que lui? On peut bien avancer une pareille absurdité; mais où trouvera - t - elle la moindre croyance?

Platon a été de tous les philosophes anciens celui qui paroît le plus avoir eu l'idée de la véritable spiritualité; cependant lorsqu'on examine avec un peu d'attention la suite & l'enchaînement de ses opinions, on voit clairement que par le terme d'esprit il n'entendoit qu'une matiere ignée, subtile & intelligente; sans cela, comment eût - il pu dire que Dieu avoit poussé hors de son sein une matiere dont il avoit formé l'univers? Est - ce que dans le sein d'un esprit on peut placer de la matiere? Y a - t - il de l'étendue dans une substance toute spirituelle? Platon avoit emprunté cette idée de Timée de Locre qui dit que Dieu voulant tirer hors de son sein un fils très - beau, produisit le monde qui sera éternel, parce qu'il n'est pas d'un bon pere de donner la mort à son enfant. Il est bon de remarquer ici que Platon, ainsi que Timée de Locre son guide & son modele, ayant également admis la coéternité de la matiere avec Dieu, il falloit que de tout tems la matiere eût subsisté dans la substance spirituelle, & y eût été enveloppée. N'est - ce pas là donner l'idée d'une matiere subtile, d'un principe délié qui conserve dans lui le germe matériel de l'univers?

Mais, dira - t - on, Ciceron en examinant les différens systèmes des Philosophes sur l'existence de Dieu, rejette celui de Platon comme inintelligible, parce qu'il fait spirituel le souverain être. Quod Plato sine corpore Deum esse censet, id quale esse possit intelligi non potest. A cela je réponds qu'on ne peut aucunement inférer de ce passage, que Ciceron ou Velleius qu'il fait parler, ait pensé que Platon avoit voulu admettre une divinité sans étendue, impassible, absolument incorporelle, enfin spirituelle, ainsi que nous le croyons aujourd'hui. Mais il trouvoit étrange qu'il n'eût point donné un corps & une forme déter

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