ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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ILION (Page 8:554)

ILION, (Géog. anc. & Littér.) voilà le nom qui nous est si cher dans l'ancienne ville de Troie, dans l'Asie mineure.

Ilion, ton nom seul a des charmes pour moi! Ne verrai - je jamais rien de toi; ni la place De ces murs élevés & détruits par les dieux, Ni ces champs où couroient la fureur & l'audace, Ni des tems fabuleux enfin la moindre trace Qui pût me présenter l'image de ces lieux!

Non, on ne verra rien de tous ces précieux restes de l'antiquité! L'Ilion dont il s'agit, fut détruite 850 ans avant l'arrivée d'Alexandre en Troade; il ne trouva qu'un village qui portoit son nom, bâti à trente stades au - delà. Ce prince fit de riches présens à ce pauvre village, lui donna le titre de ville, & laissa des ordres pour l'aggrandir.

Après la mort d'Alexandre, Lysimaque amplifia le nouvel Ilion, & l'environna d'un mur de quarante stades; mais cette ville n'avoit plus de murailles, quand les Gaulois y passerent, l'an 477 de Rome; & la premiere fois que les Romains entrerent en Asie, c'est - à - dire l'an de Rome 564, Ilion avoit plûtôt l'air d'un bourg que d'une ville; Fimbria, lieutenant de Sylla, acheva de la ruiner en 668, dans la guerre contre Mithridate.

Cependant Sylla consola les habitans de leur perte, & leur fit du bien. Jules César qui se regardoit comme un des descendans d'Enée, s'affectionna entiérement à cette petite ville, & la réédifia. Il donna non seulement de nouvelles terres à ses habitans, mais la liberté & l'exemption des travaux publics. En un mot, il étendit si loin ses bienfaits sur Ilion, qu'au rapport de Suétone, on le soupçonna d'avoir voulu quitter Rome pour s'y établir, & y transporter les richesses de l'empire.

On eut encore la même frayeur sous Auguste, qui en qualité d'héritier de Jules - César, auroit pû exécuter ce grand projet. L'un & l'autre montrerent en plusieurs occasions, un penchant très - marqué pour la ville d'Ilion. Nous venons de voir ce que le premier fit pour elle; le second y établit une colonie avec de nouveaux privileges, & rendit aux Rhétiens la belle statue d'Ajax, qu'Antoine avoit fait transporter en Egypte.

Enfin, M. le Fevre, Dacier, & le P. Sanadon, sont persuadés que ce fut pour détourner adroitement Auguste du dessein qu'il pourroit avoir de relever l'éclat de l'ancienne Troie, qu'Horace composa cette ode admirable, chef - d'oeuvre de la poésie lyrique, qui commence par justum & tenacem propositi virum, dans laquelle ode il fait tenir à Junon ce discours.

Ilion, Ilion! Fatalis incestusque judex, Et mulier peregrina vertit In pulverem.

Ilion, la détestable Ilion! c'est par cette répétition qu'il tâche d'imprimer des sentimens d'aversion pour cette ville; par mépris encore, il ne daigne faire nommer à Junon, ni Paris, ni Hélene; l'une est une femme étrangere, l'autre un juge fatal à sa patrie, un violateur de l'hospitalité; Laomédon & les Troyens sont des perfides, des parjures, livrés de<pb-> [p. 555] puis long - tems à la colere des dieux. Voilà le sujet de cette piece lyrique découvert; & vraissemblablement Horace la sit de concert & par les conseils de Mécene & d'Agrippa: jamais le poëte n'eut un sujet plus délicat à manier, & jamais il ne s'en tira avec tant d'art.

Ilion subsista encore sous les empereurs. On a des médailles frappées au nom de ses habitans. Il y en a une de Marc Aurele, qui représente Hector sur un char à deux chevaux, avec cette légende *I*L*I*E*W*N *E*K*T*W*R. Il y en a d'autres de Commode & d'Antonin fils de Sévere, sur lesquelles la légende est la même; mais le char est à quatre chevaux. On en a aussi à deux chevaux frappées sous Sévere & sous Gordien.

C'est de l'Ilion dont il est ici question, que les voyageurs disent avoir vû les ruines, & non pas de l'ancienne Troie, qu'Hector ne put défendre, & que les Grecs brulerent impitoyablement dans une seule nuit. Voyez Troie. (D. J.)

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