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Les noms qu'on leur donna d'abord, & qu'ils portent sur une de leurs faces, sont ceux de gettoirs, jettouers, getteurs, giees, gets, & giétons, & depuis plus d'un siecle & demi, celui de jettons. Or il paroît que tous ces noms, ou pour parler plus juste, ce nom, varié seulement par les changemens arrivés dans la langue & dans l'orthographe, devoit son étymologie à l'action de compter, ou de jetter, à jactu, comme le pense Ménage.
Les jettons les plus anciens de cette derniere espece, que Saumaise a latinisé en les nommant jacti, ou jaclones, n'offroient dans leurs inscriptions que le sujet pour lequel ils avoient été faits, savoir pour les comptes, pour les finances. On lit sur quelques - uns de ceux qui ont éte frappés sous le regne de Char les VIII, entendez bien & loyaument aux comptes; sous Anne de Bretagne, gardez - vous de mès compter; sous Louis XII, calculi ad numerandum reg. jussu Lud. XII; & sous quelques rois suivans, qui bien jettera, son compte trouvera.
L'usage des jettons pour calculer étoit si fort établi, que nos rois en farsoient fabriquer des bourses pour être distribuées aux officiers de leur maison qui étoient chargés des états des comptes, & aux personnes qui avoient le maniement des deniers publics.
La nature de ces comptes s'exprimoit ainsi dans les légendes; pour l'écurie de la royne, sous Anne de Bretagne; pour l'extraordinaire de la guerre, sous François l; pro pluteo domini Delphini, sous François II. Quelquefois ces légendes portoient le nom des cours à l'usage desquelles ces jettons étoient destinés: pour les gens des comptes de Bretagne, gettoirs aux gens de finances; pro camerâ computorum Bressioe. Quelquefois enfin, on y lit le nom des officiers même à qui on les destinoit. Ainsi nous en avons sur lesquels se trouvent ceux de Raoul de Refuge, maître des comptes de Charles VII; de Jean de Saint - Amadou>, maître d'hôtel de Louis XII; de Thomas Boyer, général des finances sous Charles VIII; de Jean Testu, conseiller & argentier de François I; & d'Antoine de Corbie, contrôleur sous Henri II.
Les villes, les compagnies & les seigneurs en firent aussi fabriquer à leur nom, & à l'usage de leurs officiers. Les jettons se multiplierent par ce moyen, & leur usage devint si nécessaire pour faire toutes sortes de comptes, qu'il n'y a guere plus d'un siecle qu'on employoit encore dans la dot d'une fille à marier, la science qu'elle avoit dans cette sorte de calcul.
Les états voisins de la France goûterent bientôt la fabrique des jettons de métal; il en parut peu de tems après en Lorraine, dans les pays bas, en Allemagne, & ailleurs, avec des légendes françoises, pour les gens des comptes de Bar, de Bruxelles, &c.
Dans le dernier siecle, on s'est appliqué à les perfectionner, & finalement on en a tourné l'usage à marquer les comptes du jeu. On y a mis au revers du portrait du prince, des devises de toutes especes. Les rois de France en reçoivent d'or pour leurs étrennes; on en donne dans ce royaume aux cours supérieures & à différentes personnes qualifiées par leur naissance ou par leurs charges. Enfin le monarque en gratifie les gens de lettres dans les académies, dont il est le protecteur.
Voilà l'histoire complette des jettons, depuis que de petites pierres employées aux calculs, ils se sont métamorphoses en pieces d'or ou d'argent, de mê<cb->
Jetton (Page 8:531)
Jettons, Rejettons (Page 8:531)
JETTONNIERS (Page 8:531)
* JETTONNIERS, s. m. pl. (Hist. littér.) ceux qui assistent régulierement à l'academie françoise, & entre lesquels les jettons destinés aux absens se partagent. Les jettonniers sont les travailleurs de cette société littéraire, & ceux qui l'honorent.
JETZE (Page 8:531)
JETZE, (Géog.) riviere d'Allemagne dans là vieille marche de Brandebourg, & qui se jette dans l'Elbe au duché de Lunebourg.
JEU (Page 8:531)
JEU, s. m. (Droit natarel & Morale.) espece de convention fort en usage, dans laquelle l'habileté, le hasard pur, ou le hasard mêlé d'habileté, selon la diversité des jeux, décide de la perte ou du gain, ftipulés par cette convention, entre deux ou plusieurs personnes.
On peut dire que dans les jeux, qui passent pour être de pur esprit, d'adresse, ou d'habileté, le hafard même y entre, en ce qu'on ne connoît pas toûjours les forces de celui contre le >uel on joue, qu'il survient quel juefois des cas imprévûs, & ju'enfin l'esprit ou le corps ne se trouvent pas toûjours également bien disposes, & ne font pas toûjours leurs fonctions avec a même vigueur.
Quoi qu'il en soit, l'amour du jeu est le fruit de l'amour du plaisir, qui se varie à l'infini. De toure antiquité, les hommes ont cherché à s'amuser, à se délasser, à se récréer, par toutes sortes de jêux, suivant leur génie & leurs tempéramens. Long - tems avant les Lydiens, avant le siege de Troye & durant ce siege, les Grecs, pour en tromper la longueur, & pour adoucir leurs fatigues, s'occupo ent à différens jeux, qui du camp passerent dans les villes, à l'ombre du loisir & du repos.
Les Lacédémoniens furent les seuls qui bannirent entiérement le jeu de leur république. On raconte que Chilon, un de leurs citoyens, ayant été envoyé pour conclure un traité d'alliance avec les Corinthiens, il fut tellement indigné de trouver les magistrats, les femmes, les vieux & les jeunes capitaines tous occupés au jeu, qu'il s'en retourna promptement, en ieur disant que ce seroit ternir la gloire de Lacédémone, qui venoit de fonder Byzance, que de s'allier avec un peuple de joueurs.
Il ne faut pas s'étonner de voir les Corinthiens passionnés d'un plaisir qui communément regne dans les états, à proportion de l'oisiveté, du luxe & des richesses. Ce fut pour arrêter, en quelque maniere, la même fureur, que les lois romaines ne permirent de jouer que jusqu'à une certaine somme; mais ces lois n'eurent point d'exécution, puisque parmi les excès que Juvenal reproche aux Romains, celui de [p. 532]
. . . . . . . . . . . Alea quando
Hos animos? Neque enim loculis comitantibus
Ad casum tabuloe, posita sed luditur arca.
Ce qui paroît plus singulier, c'est que les Germains mêmes goûterent si fortement les jeux de hasard, qu'après avoir joué tout leur bien, dit Tacite, ils finissoient par se jouer eux - mêmes, & risquoient de perdre, novissimo jactu, pour me servir de son expression, leur personne & leur liberté. Si nous regardons aujourd'hui les dettes du jeu comme les plus sacrées de toutes, c'est peut - être un héritage qui nous vient de l'ancienne exactitude des Germains à remplir ces sortes d'engagemens.
Tant de personnes de tout pays ont mis & mettent sans cesse une partie considérable de leur bien à la merci des cartes & des dés, sans en ignorer les mauvaises suites, qu'on ne peut s'empêcher de rechercher les causes d'un attrait si puissant.
Un joueur habile, dit l'abbé du Bos, pourroit faire tous les jours un gain certain, en ne risquant son argent qu'aux jeux où le succès dépend encore plus de l'habilité des tenans que du hasard des cartes & des dés; cependant il préfere souvent les jeux où le gain dépend entierement du caprice des dés & des cartes, & dans lesquels son talent ne lui donne point de supériorité sur les joueurs. La raison principale d'une prédilection tellement opposée à ses intérêts, procéde de l'avarice, ou de l'espoir d'augmenter promptement sa fortune.
Outre cette raison, les jeux qui laissent une grande part dans l'événement à l'habileté du joueur, exigent une contention d'esprit trop suivie, & ne tiennent pas l'ame dans une émotion continuelle, ainsi que le font le passe - dix, le lansquenet, la bassette, & les autres jeux où les événemens dépendent entierement du hasard. A ces derniers jeux, tous les coups sont décisifs, & chaque événement fait perdre ou gagner quelque chose; ils tiennent donc l'ame dans une espece d'agitation, de mouvement, d'extase, & ils l'y tiennent encore sans qu'il soit besoin, qu'elle contribue à son plaisir par une attention sérieuse, dont notre paresse naturelle est ravie de se dispenser.
M. de Montesquieu confirme tout cela par quelques
courtes réflexions sur cette matiere.
Aussi le jeu n'est - il regardé dans la société que comme un amusement, & je lui laisse cette appellation favorable, de peur qu'une autre plus exacte ne fît rougir trop de monde. S'il y a même tant de gens sages qui jouent volontiers, c'est qu'ils ne voyent point quels sont les égaremens cachés du jeu, ses violences & ses dissipations. Ce n'est pas que je
Cependant, cet amusement se tient rarement dans
les bornes que son nom promet; sans parler du
tems précieux qu'il nous fait perdre, & qu'on pourroit
mieux employer, il se change en habitude puérile,
s'il ne tourne pas en passion funeste par l'amorce
du gain. On connoit à ce sujet les vers si délicats
& si pleins de vérité de M
Le desir de gagner, qui nuit & jour occupe, Est un dangereux aiguillon: Souvent quoique l'esprit, quoique le coeur soit bon, On commence par être dupe, On finit par être fripon.
C'est envain qu'on sait que les personnes ruinées par le jeu, passent en nombre les gens robustes que les médecins ont rendu infirmes; on se flate qu'on sera du petit nombre de ceux que ses bienfaits ont favorisé depuis l'origine du monde.
Mais comme le souverain doit porter son attention à empêcher la ruine des citoyens dans toutes sortes de contrats, c'est à lui qu'il appartient de régler celui - ci, & de voir jusqu'où l'intérêt de l'état & des particuliers exige qu'il défende le jeu, ou souffre qu'il le permetie en général. Les lois des gouvernemens sages ne sauroient trop sévir contre les académies de Philocubes (pour me servir du terme d'Aristénete) & celles de tous les jeux de hasard disproportionnés.
M. Barbeyrac a publié un traité des jeux, à Amsterdam en 1709. in - 12. où cette matiere, envisagée selon les principes de Morale & de Droit naturel, est traitée à fond avec autant de lumieres que de jugement: j'y renvoie les lecteurs curieux. (D. J.)
Le jeu occupe & flate l'esprit par un usage facile de ses facultés; il amuse par l'espérance du gain. Pour l'aimer avec passion, il faut être avare ou accablé d'ennui; il n'y a que peu d'hommes qui ayent une aversion sincere pour le jeu. La bonne compagnie prétend que sa conversation, sans le secours du jeu, empêche de sentir le poids du desoeuvrement: on ne joue pas assez.
Jeu de la nature (Page 8:532)
Si l'on ouvroit plus de cadavres, dit M. de Fontenelle, les singularités des jeux de la nature deviendroient plus communes, les différentes structures mieux connues, & par conséquent les hypothèses plus rares. Peut - être encore qu'avec le tems, on pourroit, par toutes les conformations particulieres, tirer des éclaircissemens sur la conformation générale.
Je n'examinerai point si toutes ces conséquences
sont également justes; c'est assez de remarquer qu'on
peut rassembler un nombre très - considérable d'observations
qui constatent les jeux de la nature à plusieurs
égards, & qui sont en même tems fort singuliers.
J'avois moi - même formé sur ce sujet un grand
recueil, que je regrette, & qui a péri dans un naufrage.
Je desire que quelqu'un plus heureux travaille
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