ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"584"> te, étant privées du suc qui doit monter par l'écorce, meurent, & les rejettons qui sortent de l'ente, font un nouvel arbre: il paroît de - là que le suc qui monte par l'écorce n'est pas celui qui fait les fleurs & les fruits; que c'est donc celui qui a passé par la moelle & qui y a été préparé; que la quantité du suc qui devoit naturellement passer par la moelle a été augmentée de celui qui ne pouvoit plus passer par l'écorce, & que c'est - là ce qui a causé la multiplication des fleurs & des fruits. En effet, ajoûte M. Magnol, la moelle des plantes est, comme celle des animaux, un amas de vesicules qui paroissent destineés à filtrer & à travailler un suc plus finement qu'il ne seroit nécessaire pour la seule nourriture du bois; & les plantes qui ont beaucoup de moelle, comme le rosier, le troësne, le lilas, ont aussi beaucoup de fleurs & de graines: dans les plantes férulacées, la moelle monte de la tige jusqu'à la semence; & les longues semences du myrrhis odorata, n'étant pas encore mûres, ne sont visiblement que de la moelle.

Un orme des Tuileries, qui à l'entrée du printems de 1708, étoit entierement dépouillé de son écorce depuis le pié jusqu'aux branches, ne laissa pas de pousser la séve dans toutes ses parties, & d'entretenir ses feuilles pendant tout l'été suivant, cependant avec moins de vigueur que les autres ormes. Le premier Jardinier le fit arracher en automne, persuadé qu'il ne pouvoit plus subsister à l'avenir. C'est dommage, dit M. de Fontenelle, qu'on ne l'ait pas laissé vivre autant qu'il auroit pû: mais les intérêts de la Physique & ceux de la beauté du Jardin se sont trouvés différens. M. Parent a montré à l'Académie une attestation de M. Dupuis (c'êtoit le premier Jardinier) qui méritoit en effet d'être bien certifiée; car on a cru jusqu'à présent l'écorce beaucoup plus nécessaire à la vie des plantes. L'Académie avoit donc alors changé d'avis, & ne pensoit pas sur ce point en 1709, comme en 1707.

3°. Un arbre abandonné à lui - même, pousse à une certaine hauteur un certain nombre de branches plus ou moins grand: par exemple 2, 3, 4, 5, selon l'espece, le sol, l'exposition & les autres circonstances. Si ce même arbre est cultivé par l'amendement de la terre, par le labour au pié de l'arbre, & par l'arrosement durant les secheresses, il poussera peut - être un plus grand nombre de branches & de rameaux; mais la culture par le retranchement d'une partie de ses branches, contribue plus qu'aucune autre industrie à la multiplication: de sorte qu'on peut dire que plus on retranche de cette sorte de corps vivans jusqu'à un certain point, plus on les multiplie.

Cela montre déja combien sont abondantes les ressources de cette sorte d'êtres vivans; car on peut dire que depuis l'extrémité des branches jusqu'au pié de l'arbre, il n'y a presque point d'endroit, si petit qu'on le puisse designer, où il n'y ait une espece d'embryon de multiplication prêt à paroître, dès que l'occasion mettra l'arbre dans la nécessité de mettre au jour ce qu'il tenoit en réserve.

Si on n'avoit jamais vû d'arbre ébranché jusqu'à sa racine, on croiroit qu'un arbre en est estropié sans ressource & n'est plus bon qu'à être abattu, pour être débité en charpente ou mis au feu. Cependant si un orme, ou un chêne, ou un peuplier, en un mot, un arbre dont la tige s'étend assez droite du pié à la cime, est ébranché de bas en haut, il poussera depuis le colet des branches retranchées jusqu'à la cime de la tige, de toutes parts, un nombre infini de bourgeons, qui poussant des jets de tous côtés, feront d'un tronc haut de trente à quarante piés, comme un gros bouquet de feuilles si touffu, qu'à peine verra - t - on le corps de l'arbre.

Si on n'avoit jamais vû d'arbre étêté par un tour<cb-> billon de vent, ou par le retranchement exprès de son tronc au colet des branches, il n'y a personne qui ne regardât durant six mois, un arbre mis en cet état, comme un tronc mort & inhabile à toute génération; cependant cet arbre étêté repoussera du tronc au - dessous de l'endroit où il avoit poussé ses branches, un grand nombre de jets, ou au couronnement, ou vers le couronnement.

On en peut dire autant des arbres coupés à rase terre; car ils repoussent autant & plus qu'à toute hauteur: c'est ce qui fait les arbres nains, en buisson ou en espalier, entre les fruitiers; & le taillis, entre les sauvageons. Voyez Mém. de l'Acad. an. 1700. pag. 140. Je rappelle ces faits, afin qu'on se détermine à réfléchir un peu plus sur cette reproduction, & à en tirer plus d'avantages encore qu'on n'a fait jusqu'à présent, soit pour l'ornement des jardins, soit pour l'utilité du jardinier.

4°. Comme il est nécessaire que les bois ayent une certaine courbure pour la bonne & facile construction des vaisseaux; il y a long - tems que l'on a proposé de les plier jeunes dans les forêts: mais il ne paroît pas que jusqu'à présent on ait suivi cette idée, seroit - ce qu'elle est d'exécution difficile?

5°. Dans les environs de Paris, M. Vaillant comptoit en 1700, jusqu'à 137 especes de mousses ou plantes parasites, qui sont dans le regne végétal, ce que les insectes sont dans le regne animal. Toutes ces plantes sucent la séve des arbres par une infinité de petites racines; & c'est une sorte de maladie pédiculaire dont il seroit très - important de les guérir. Pour cet effet, l'expédient le plus simple qui se présente seroit de la râcler, sur - tout dans un tems de pluie, comme nous l'avons prescrit plus haut: mais outre que cette opération seroit longue dans bien des cas, elle seroit dans tous très - imparfaite; c'estlà ce qui détermina M. de Ressons à proposer à l'Académie en 1716, un moyen qu'on dit être plus court & plus sûr: c'est de faire avec la pointe d'une serpette une incision en ligne droite, qui pénetre au bois, depuis les premières branches jusqu'à fleur de terre; cette longue plaie se referme au bout d'un certain tems, après quoi l'écorce est toûjours nette & il n'y vient plus de mousse. Le tems de cette opération est depuis Mars jusqu'à la fin d'Avril. En Mai, l'écorce auroit trop de séve & s'entrouvriroit trop. Ce remede a été suggéré à M. de Ressons d'une maniere singuliere; il s'apperçut que les noyers auxquels c'est la coûtume en Bourgogne, de faire des incisions, n'avoient point de lepre; & il conjectura qu'ils en étoient garantis par cette opération. Voyez dans les Mémoires de l'Académie année 1716. pag. 31 de l'Hist. le rapport qu'il y a entre le remede & le mal.

6. Pour peu qu'on ait fait attention à l'état des arbres qui forment les forêts, on aura remarqué que ceux qui sont plus près des bords sont considérablement plus gros que ceux qui sont plus proches du milieu, quoiqu'ils soient de même âge; d'où il s'ensuit, dit M. de Réaumur, dans un Mémoire sur l'amélioration de nos forêts, que quand on n'a pas une grande quantité de terrein où l'on puisse élever des arbres en futaie, il est plus avantageux de les laisser élever sur des lisieres longues & étroites, que de laisser élever la même quantité d'arbres sur un terrein plus large & moins long. Voyez Mém. de l'Acad. an. 1721. p. 291.

7. Le rigoureux hyver de 1709, dont la mémoire durera long - tems, fit mourir par toute la France un nombre prodigieux d'arbres: mais on remarqua, dit M. de Fontenelle, Hist. de l'Acad. 1710. p. 59. que cette mortalité ne s'étendoit pas sur tous indifféremment: ceux qu'on auroit jugé en devoir être les plus exempts par leur force, y furent les plus sujets. [p. 585] Les arbres les plus durs, & qui conservent leurs feuilles pendant l'hyver, comme les lauriers, les cyprès, les chênes - verds, &c. & entre ceux qui sont plus tendres, comme les oliviers, les châtaigniers, les noyers, &c. ceux qui étoient plus vieux & plus forts moururent presque tous. On chercha dans l'Académie la cause de cette bisarrerie apparente (cela suppose qu'on s'étoit bien assuré de sa réalité); & M. Cassini le fils en donna une fort simple à l'égard des vieux arbres. Il dit avoir remarqué que le grand froid avoit détaché leur écorce d'avec le bois, de quelque maniere que cela fût arrivé. En effet, il est bien naturel que l'écorce soit plus adhérente au bois dans les jeunes arbres que dans les vieux, beaucoup plus remplis de sucs, & de sucs huileux. M. Chomel en imagina une autre raison. M. Homberg tenta aussi d'expliquer le même phénomene. Voyez leurs conjectures dans les Mémoires de l'Académie.

Quoi qu'il en soit, il est constant que plusieurs arbres qui sembloient avoir échappé à ce cruel hyver, parce qu'ils repousserent des branches & des feuilles à la séve du printems, ne purent profiter de celle de l'automne, & périrent tout - à - fait. Quand on les coupoit, on les trouvoit plus noirs & plus brûlés dans le coeur, que vers l'aubier & vers l'écorce; le coeur, qui est plus dur, avoit été plus endommagé que l'aubier; & il étoit déjà mort, que l'aubier conservoit encore un petit reste de vie.

8. Dans plusieurs arbres fruitiers, comme les pommiers, les poiriers, les châtaigniers, & généralement dans ceux qui en imitent le port, tels que sont les noyers, les chênes, les hêtres, la base de la touffe affecte toûjours d'être parallele au plan d'où sortent les tiges, soit que ce plan soit horisontal ou qu'il ne le soit pas; soit que les tiges elles - mêmes soient perpendiculaires ou inclinées sur ce plan; & cette affectation est si constante, que si un arbre sort d'un endroit où le plan soit d'un côté horisontal, & de l'autre incliné à l'horison, la base de la touffe se tient d'un côté horisontale, & de l'antre s'incline à l'horison autant que le plan. C'est M. Dodart qui s'est le premier apperçû de ce phénomene extraordinaire, & qui en a recherché la cause.

Nous ne rapporterons point ici les conjectures de M. Dodart, parce que nous ne desespérons pas qu'on n'en forme quelque jour de plus vraissemblables & de plus heureuses; & que ce seroit détourner les esprits de cette recherche, que donner quelque satisfaction à la curiosité. Quand la solution d'une difficulté est éloignée, notre paresse nous dispose à prendre pour bonne la premiere qui nous est présentée: il suffit donc d'avoir appris le phénomene à ceux qui l'ignoroient.

9. Tout le monde connoît ces cercles peu réguliers d'aubier & de bois parfait, qui se voient toûjours dans le tronc d'un arbre coupé horisontalement, & qui marquent les accroissemens en grosseur qu'il a pris succcessivement, par - là on compte son âge assez sûrement. Le dernier cercle d'aubier qui est immédiatement enveloppé par l'écorce, & la derniere production du tronc en grosseur, est d'une substance plus rare & moins compacte, est bois moins parfait que le cercle qu'il enveloppe lui - même immédiatement, & qui a été la production de l'année précédente; & ains de suite jusqu'au coeur de l'arbre: mais on s'apperçoit qu'à mesure que les cercles concentriques sont plus petits, la différence des couleurs qui est entr'eux disparoît.

On croit assez communément que ces cercles sont plus serrés entr'eux du côté du nord que du côté du midi; & on en conclut qu'il seroit possible de s'orienter dans une forêt en coupant un arbre. En effet, il paroît assez naturel que les arbres croissent plus en grosseur du côté qu'ils sont plus exposés aux rayons du soleil: cependant ce sentiment n'est pas général; on soûtient que c'est du côté du midi que les cercles sont plus serrés; & on en donne la raison physique, bonne ou mauvaise: quelques - uns même sont pour le levant, & d'autres pour le couchant.

On a trouvé par un grand nombre d'expériences que ces faits opposés sont vrais. L'arbre a de grosses racines qui se jettent les unes d'un côté les autres de l'autre: s'il en avoit quatre à peu près égales, qui tendissent vers les quatre points cardinaux de l'horison, elles fourniroient à tout le tronc une nourriture égale, & les différens cercles auroient chaque année un même accroissement, une même augmentation de largeur ou d'épaisseur, sauf les inégalités qui peuvent survenir d'ailleurs: mais si une des quatre racines manque, celle du nord, par exemple, ce côté - là du tronc sera moins nourri, & les cercles par conséquent seront moins larges ou plus serrés du côté du nord: mais une grosie branche qui part du tronc d'un certain côté, fait le même effet qu'une grosse racine; la nourriture qui a dû se porter à cette branche en plus grande abondance, a rendu les cercles plus larges de ce côté - là; & de - là le reste s'ensuit. Mais on voit que tout cela suppose une diréction réguliere dans le mouvement des sucs de l'arbre: or une si parfaite régularité n'est pas dans la nature; il faut y calculer des à peu pres, réitérer des expériences, & reconnoître une cause générale à travers les petites altérations qu'on remar que dans ses effets.

D'où il s'ensuit que plus les grosses racines sont également distribuées autour du pré de l'arbre, & les grosses branches autour du tronc, plus la nourriture sera également distribuée dans toute la substance de l'arbre; de sorte qu'on aura un signe extérieur d'une de ses principales qualités, relativement à l'usage des bois.

L'aubier se convertit peu - à - peu en bois parfait, qu'on appelle coeur: il lui arrive, par le mouvement soit direct soit latéral de la séve, des particules qui s'arretent dans les interstices de la substance lâche, & la rendent plus ferme & plus dure. Avec le tems l'aubier n'est plus aubier; c'est une couche ligneuse: le dernier aubier est à la circonférence extérieure du tronc; & il n'y en a plus quand l'arbre cesse de croître.

Un arbre est d'autant plus propre au service, qu'il a moins d'aubier & plus de coeur; & MM. Duhamel & de Buffon, dont nous tirons ces remarques, ont trouvé, par des expériences réitérées, que les bons terreins ont toûjours fourni les arbres qui avoient le moins d'aubier; & que plus les couches d'aubier ont d'étendue, plus le nombre en est petit. En effet, c'est l'abondance de nourriture qui leur donne une plus grande étendue; & cette même abondance fait qu'elles se convertissent plus promptement en bois, & ne sont plus au nombre des couches d'aubier.

L'aubier n'étant pas compté pour bois de service, deux arbres de même âge & de même espece peuvent être tels par la seule différence des terreins, que celui qui aura crû dans le bon aura deux fois plus de bois de service que l'autre, parce qu'il aura deux fois moins d'aubier. Il faut pour cela que les arbres soient d'un certain âge.

On croit communément qu'en plantant les jeunes arbres qu'on tire de la pépiniere, il faut les orienter comme ils l'étoient dans la pépiniere; c'est une erreur: 25 jeunes arbres de même espece, plantés dans un même champ, alternativement orientés & non orientés comme dans la pépiniere, ont tous également réussi.

Le froid par lui - même diminue le mouvement de la séve, & par conséquent il peut être au point de l'arrêter tout - à - fait, & l'arbre périra: mais le cas est

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.