ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"582"> voulez, un peu plus de longueur à celles du mûrier & de l'amandier; en général aux racines de tout arbre qui les aura ou fort molles ou fort seches. Deux, trois, ou quatre pouces de longueur suffiront aux racines moins importantes que les racines maîtresses. C'est assez d'un seul étage de racines, sur - tout si elles sont bien placées. Des racines sont bien placées, quand elles se distribuent du pié circulairement, & laissant entr'elles à peu près des intervalles égaux, ensorte que les arbres se tiendroient droits sans être plantés, sur - tout pour ceux qui sont destinés au plein vent; cette condition n'est pas nécessaire pour les autres. Ce que nous venons de dire du choix & de la préparation se réduit à un petit nombre de regles si simples, que celui qui les aura mises en pratique quelquefois sera aussi avancé que le jardinier le plus expérimenté.

3°. De la maniere de planter les arbres. Commencez par préparer la terre: faites - y des trous plus ou moins grands, selon qu'elle est plus ou moins seche. Ils ont ordinairement six piés en quarré dans les meilleurs fonds; deux piés de profondeur suffisent pour les poiriers. Séparez la mauvaise terre de la bonne, & ne laissez que celle - ci. Il est très - avantageux de laisser le trou ouvert pendant plusieurs mois. Labourez le fond du trou: remettez - y d'excellente terre à la hauteur d'un pié, & par - dessus cette terre, une couche d'un demi - pié de fumier bien pourri: mêlez la terre & le fumier par deux autres labours: remettez ensuite un second lit de bonne terre, un second lit de fumier, & continuez ainsi, observant à chaque fois de mêler la terre & le fumier par des labours.

Si la terre est humide & n'a pas grand fond, on n'y sera point de trou; c'est assez de l'engraisser & de la labourer. Après cette façon on y placera les arbres sans les enfoncer, & l'on recouvrira les racines à la hauteur d'un pié & demi & à la distance de quatre à cinq en tous sens avec de la terre de gason bien hachée; enfoncez votre arbre plus avant, si votre sol est sec & sablonneux; si vous appliquez un espalier à un mur, que votre trou soit de huit piés de large sur trois de profondeur & à un demi - pié du mur; retenez bien encore les regles suivantes. Le tems de planter est, comme l'on sait, depuis la fin d'Octobre jusqu'à la mi - Mars; dans cet intervalle choisissez un jour sec & doux; plantez volontiers dès la saint Martin dans les terres seches & légeres; attendez Février & ne plantez que sur la fin de ce mois, si vos terres sont froides & humides; laissez entre vos arbres, soit espaliers, soit buissons, soit arbres de tige, la distance convenable; réglez à chaque espece son canton, & dans ce canton la place à chacun en particulier; disposez vos trous au cordeau; faites porter chaque arbre près de son trou; plantez d'abord ceux des angles afin qu'ils vous servent d'alignement; passez ensuite à ceux d'une même rangée; qu'un ouvrier s'occupe à couvrir les racines à mesure que vous planterez; plantez haut & droit; n'oubliez pas de tourner les racines vers la bonne terre; si vous plantez au bord d'une allée, que vos principales racines regardent le côté opposé; quand vos arbres seront plantés, faites mettre deux ou trois pouces de fumier sur chaque pié; recouvrez ce lit d'un peu de terre. Au défaut de fumier, servez - vous de méchantes herbes arrachées. Si la saison est seche pendant les premiers mois d'Avril, de Mai & Juin, on donnera tous les quinze jours une cruchée d'eau à chaque pié, & afin que le pié profite de cette eau, on pratiquera à l'entour un sillon qui la retienne. Vous aurez l'attention de faire trépigner la terre de vos petits arbres; vos espaliers auront la tête penchée vers la muraille; quant à la distance, c'est à la qualité de la terre à la déterminer; on laisse depuis cinq à six piés jusqu'à dix, onze, douze entre les espaliers; depuis huit à neuf jusqu'à douze entre les buissons, & depuis quatre toises jusqu'à sept à huit entre les grands arbres. Il faut dans les bonnes terres, laisser plus d'espace entre les arbres que dans les mauvaises, parce que les têtes prennent plus d'étendue. Les arbres qui jettent plus de bois, comme les pêchers, les poiriers & les abricotiers, demandent aussi plus d'espace. Si on cultive la terre qui est entre les arbres, on éloignera les arbres les uns des autres de huit à dix toises, sut - tout si ce sont des poiriers ou des pommiers; si on ne la cultive pas, quatre à cinq toises en tous sens suffiront à chaque arbre. Laissez trois toises ou environ entre les fruitiers à noyau, soit en tige, soit en buisson, sur - tout si ce sont des cerisiers & des bigarotiers plantés sur merisiers; s'ils ont été greffés sur d'autres cerisiers de racine, ne les espacez qu'à douze ou quinze piés; les poiriers sur coignassiers plantés en buisson, se disposent de douze en douze piés, à moins que les terres ne soient très - humides, dans ce cas on les éloigne de quinze en quinze piés; il faut donner dix - huit piés aux poiriers & pommiers entés sur le franc & plantés dans des terres légeres & sablonneuses; vous leur en donnerez vingt - quatre dans les terres grasses & humides; c'est assez de neuf piés pour les pommiers entés sur paradis, si l'on en fait un plan de plusieurs allées; c'est trop si on n'en a qu'une seule rangée, il ne leur faut alors que six piés; donnez aux pêchers, abricotiers & pruniers en espalier quinze piés dans les terres légeres, dix - huit piés dans les terres fortes; aux poiriers en espalier huit ou dix piés, selon la terre. Ne mettez jamais en contre - espaliers ni bergamotes, ni bons - chrétiens, ni petit muscat; on peut mêler des pêchers de quatre piés de tige ou environ de quinze en quinze piés, aux muscats mis en espalier: mais que les pêchers que vous entremêlerez ainsi soient plantés sur d'autres pêchers; on peut se servir en même cas de poiriers greffés sur coignassiers, pourvû qu'ils ayent quatre piés de tige. Les châtaigniers, les noyers, les pommiers & les poiriers, mis en avenues, en allées & en routes, demandent une distance de quatre, cinq ou six toises, selon la terre; les ormes & les tilleuls deux ou trois toises; les chênes & les hêtres neuf à dix piés; les pins & les sapins quatre à cinq toises. Quant aux expositions, nous observerons, en général, que la plus favorable dans notre climat est le midi, & la plus mauvaise le nord; que dans les terres chaudes le levant n'est guere moins bon que le midi; enfin que le couchant n'est pas mauvais pour les pêches, les prunes, les poires, &c. mais qu'il ne vaut rien pour les muscats, les chasselats & la vigne.

4°. De la multiplication des arbres, & de leur taille. Nous renvoyons le détail de ces deux articles, l'un à l'article Taille; l'autre aux articles Plante, Végétation, Végétal , & même à l'article Animal, où l'on trouvera quelques observations relatives à ce sujet. Voyez aussi les articles Greffe, Marcotte, Bourgeon, Pincer, Pincement , &c.

5°. De l'entretien des arbres. Otez aux vieux arbres les vieilles écorces jusqu'au vif, avec la serpe ou une bêche bien tranchante; déchargez - les du trop de bois vers le milieu de Février; coupez leur la tête à un pié au - dessus des fourches pour les rajeunir; faites - en autant à vos espaliers, contre - espaliers & buissons sur coignassier & sur franc. Quand ils sont vieux ou malades, ce que vous reconnoîtrez à la couleur jaune de la feuille; faites - leur un cataplasme de forte terre, de crotin de cheval ou de bouse de vache bien liés ensemble. Quand on coupe des branches, il faut toûjours les couper près du corps de l'arbre. Pour cet effet ayez un fermoir, voyez Fermoir. Il y en a qui sur les greffes en fentes & sur les plaies des arbres, aiment mieux appliquer un mêlan<pb-> [p. 583] ge d'un tiers de cire, d'un tiers de poix résine, d'un tiers de suif, le tout fondu ensemble. S'il est nécessaire de fumer les grands arbres greffés sur franc, faites - les déchausser au mois de Novembre, d'un demi - pié de profondeur sur quatre à cinq piés de tour, selon leur grosseur; répandez sur cet espace un demi - pié de haut de fumier bien gras & bien pourri: mais à la distance d'un pié de la tige, & un mois après rejettez la terre sur le fumier en mettant le gason en dessous. Il y en a qui se contentent de les déchausser en Décembre ou Novembre, & de les rechausser en Mars; ne leur procurant d'autre engrais que celui de la saison. N'oubliez pas de nettoyer la mousse des arbres quand il aura plû: cette mousse est une galle qui les dévore.

Si le Naturaliste a ses distributions d'arbres, le Jardinier a aussi les siennes. Il partage les arbres en sauvages qui ne sont point cultivés, & en domestiques qui le sont; cette distribution est relative à l'avantage que nous en tirons pour la nourriture. En voici une autre qui est tirée de l'origine des arbres. Il appelle arbre de brin, celui qui vient d'une graine & où le coeur du bois est entier; & arbre de sciage, celui qui n'est qu'une piece d'arbre refendu, où il n'y a qu'une partie du coeur; où l'on n'apperçoit même cette partie qu'à un angle. Il donne le nom de crossette à celui qui vient de marcotte; de taillis à celui qui croît sur souche; s'il considere les arbres par rapport à leur grandeur, il appelle les plus élevés, arbres de haute futaie; ceux qui le sont moins, arbres de moyenne futaie; ceux qui sont au - dessous de ceuxci, arbres taillis. Joint - il dans son examen l'utilité à la grandeur, il aura des arbres fruitiers de haute tige, & de basse - tige ou nains, & des arbres fruitiers en buissons; des arbrisseaux, ou frutex; & des arbustes ou sous - arbrisseaux, suffrutex. S'attache - t - il seulement à certaines propriétés particulieres, il dit que les pêchers se mettent en espaliers; que les poiriers forment des vergers; que les pommiers donnent des pommeraies; que les abricotiers sont en plein - vent; que les châtaigners font les châtaigneraies; les cerisiers, les cerisaies; les saules, les saussaies; les osiers, les oseraies; les ormes, les charmes, les tilleuls, les maronniers, les hêtres, les allées; les charmilles & les érables, les palissades; les chênes & tous les autres arbres, les bois. Quelle foule de dénominations ne verra - t - on pas naître, si on vient à considérer les arbres coupés & employés dans la vie civile! Mais l'arbre coupé change de nom; il s'appelle alors bois. Voyez Bois.

Des arbres en palissades. Les espaliers se palissent à la mi - Mai. On les palisse encore en Juillet, pour exposer davantage les fruits au soleil. V. Palisser & Palissades.

Des arbres à haute - tige. Il faut les placer à l'abri des vents du midi; parce qu'au mois de Septembre, ces vents les dépouillent de leurs fruits. Pour faire un plant de ces arbres, il faut choisir un terrein qui ne soit point battu des vents, ni mouillé d'eaux croupissantes, & chercher la quantité d'arbres nécessaires pour l'étendue du terrein, ce qu'on obtiendra par les premieres regles de l'Arpentage & de la Géométrie; vous diviserez ensuite votre terrein; vous marquerez l'endroit & l'étendue des trous, & vous acheverez votre plant, comme nous l'avons dit ci - dessus: mais comme les arbres passent ordinairement de la pépiniere dans le plant, il y a quelques observations à faire sur la maniere de déplanter les arbres.

Marquez dans votre pepiniere avec une coutile ronde les arbres que vous voulez faire déplanter; marquez - les tous du côté du midi, afin de les orienter de la même façon, car on prétend que cette précaution est utile; marquez sur du parchemin la qualité de l'arbre & du fruit; attachez - y cette étiquette, & faites arracher. Pour procéder à cette opération, levez prudemment & sans offenser les racines, la premiere terre; prenez ensuite une fourche; émouvez avec cette fourche la terre plus profonde; vuidez cette terre émue avec la pelle ferrée; ménagez toûjours les racines. Cernez autant que vous le pourrez; plus votre cerne sera ample, moins vous risquerez. Quand vous aurez bien découvert les racines, vous les séparerez de celles qui appartiennent aux arbres voisins; vous vous associerez ensuite deux autres ouvriers; vous agiterez tous ensemble l'arbre & l'arracherez. S'il y a quelques racines qui résistent, vous les couperez avec un fermoir bien tranchant. C'est dans cette opération que l'on sent combien il est important d'avoir laissé entre ces arbres une juste distance.

Arbre de haut ou de plein vent, arbre de tige ou en plein air. Toutes ces expressions sont synonymes, & désignent un arbre qui s'éleve naturellement fort haut & qu'on ne rabaisse point. Il y a des fruits qui sont meilleurs en plein vent qu'en buisson ou en espalier.

Arbre nain ou en buisson: c'est celui qu'on tient bas & auquel on ne laisse que demi - pié de tige. On l'étage en dedans, afin que la séve se jettant en dehors, ses branches s'étendent de côté, & forment une boule ou buisson arrondi.

Arbre en espalier: c'est celui dont les branches sont étendues & attachées contre des murailles, & qu'on a taillé à main ouverte, ou à plat; il y a aussi des espaliers en plein air: ils sont cependant taillés à plat, & prennent l'air sur deux faces; mais leurs branches sont soûtenues par des échalas disposés en raquette.

Arbres sur franc; ce sont ceux qui ont été greffés sur des sauvageons venus de pepins, ou venus de boutures dans le voisinage d'autres sauvageons; ainsi on dit, un poirier greffé sur franc, &c.

Arbres en contre - espalier ou haies d'appui, ce sont des arbres plantés sur une ligne parallele à des espaliers.

Observations particulieres sur les arbres. 1°. La racine des arbres, même de toute plante en général, en est comme l'estomac; c'est - là que se fait la premiere & principale préparation du suc. De - là il passe du moins pour la plus grande partie, dans les vaisseaux de l'écorce, & y reçoit une nouvelle digestion. Les arbres creusés & cariés à qui il ne reste de bois dans leurs troncs que ce qu'il en faut précisément pour soûtenir l'écorce, & qui cependant vivent & produisent, prouvent assez combien l'écorce est plus importante que la partie ligneuse.

2°. Les arbres dont les chenilles ont rongé les feuilles, n'ont point de fruit cette année, quoiqu'ils ayent porté des fleurs, ou du moins n'ont que des avortons: donc les feuilles contribuent à la perfection du suc nourricier. Hist. de l'Acad. pag. 51. an. 1707.

Les deux propositions précédentes sont de M. de Réaumur: mais la premiere paroît contredite par deux observations rapportées Hist. de l'Acad. 1709. pag. 51. En Languedoc, dit M. Magnol, on ente les oliviers en écusson, au mois de Mai, quand ils commencent d'être en séve, au tronc ou aux grosses branches. Alors on coupe l'écorce d'environ trois ou quatre doigts tout autour du tronc ou des branches, un peu au - dessus de l'ente; de sorte que le bois ou corps ligneux est découvert, & que l'arbre ne peut recevoir de nourriture par l'écorce. Il ne perd pourtant pas encore ses feuilles; elles sont nourries par le suc qui est déjà monté. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que l'arbre porte dans cette année des fleurs & des fruits au double de ce qu'il avoit coûtume d'en porter. Ensuite les branches au - dessus de l'en<pb->

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