ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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taires de ces tems - là. On y acquéroit cette justesse
de bien diriger la lance dans la course de la bague,
& dans quelques autres exercices. Les blessures que
les chevaliers remportoient alors des combats, n'étoient
d'ordinaire que des contusions, causées, ou
par les coups de massue qu'on leur déchargeoit, ou
par de violens coups de sabre qui faussoient quelquefois
l'armure; & rarement étoient - ils blessés jusqu'au sang: ainsi ceux qui étoient les plus robustes
& les plus forts pour porter leurs armes très - pesantes, ou pour assener, ou pour soûtenir mieux un coup,
avoient l'avantage; de sorte qu'alors la force du
corps entroit beaucoup plus dans les qualités du héros,
qu'aujourd'hui.
« Quant aux hommes de cheval, dit Fauchet,
ils chaussoient des chausses de mailles, des éperons
à molettes, aussi larges que la paume de la main;
car c'est un vieux mot que le chevalier commence
à s'armer par les chausses; puis on donnoit un gobisson
.... c'étoit un vêtement long jusque sur les
cuisses, & contrepointé: dessus ce gobisson ils
avoient une chemise de mailles, longue jusqu'au - dessous
des genoux, appellée auber, ou hauber, du
mot albus, pour ce que les mailles de fer bien polies,
forbies, & reluisantes, en sembloient plus
blanches. A ces chemises étoient cousues les chausses,
ce disent les annales de France, en parlant
de Renaud, comte de Dammartin, combattant
à la bataille de Bovines. Un capuchon ou coesfe,
aussi de mailles, y tenoit, pour mettre aussi la tête
dedans; lequel capuchon se rejettoit derriere, après
que le chevalier s'étoit ôté le heaulme, & quand
ils vouloient se rafraîchir sans ôter tout leur harnois;
ainsi que l'on voit dans plusieurs sépultures,
le hauber ou brugne, ceint d'une ceinture en large
courroie . . . . . & pour derniere arme défensive
un elme ou haulme, fait de plusieurs pieces
de fer élevées en pointe, & lequel couvroit la tête,
le visage, & le chinon du cou, avec la visiere
& ventaille, qui ont pris leur nom de vûe, & de
vent, lesquels pouvoient s'élever & s'abaisser pour
prendre vent & haleine; ce néanmoins sort poisant,
& si malaisé, que quelquefois un coup bien
assené au nasal, ventaille, ou visiere, tournoit le
devant derriere, comme il avint en laditte bataille
de Bovines à un chevalier François . . . . . Depuis, quand les heaulmes ont mieux représenté la
tête d'un homme, ils furent nommés bourguignotes,
possible à cause des Bourguignons inventeurs; par
les Italiens serlades, ou celates armets . . . . Leur
cheval étoit velontiers houssé, c'est - à - dire, couvert,
& caparaçonné de soie, aux armes & blason
du chevalier, & pour la guerre, de cuir bouilli,
ou de bandes de fer ».
Cette maniere de s'armer tout de fer a duré longtems
en France; & elle étoit encore en usage sous
Louis XIII. parce qu'il y avoit peu de tems qu'on
avoit cessé de se servir de la lance dans les armées.
Or c'étoit une nécessité de s'armer de la sorte contre
cette espece d'arme, dont on ne pouvoit se parer
que par la résistance d'une forte armure. Sur la fin
du regne de Louis XIII. notre cavalerie étoit encore
armée de même pour la plûpart; car voici comme
en parle un officier de ce tems - là, qui imprima
un livre des principes de l'art militaire en 1641.
« Ils sont si bien armés, dit - il, (nos gens de cheval) qu'il n'est pas besoin de parler d'autres armes;
car ils ont la cuirasse à l'épreuve de l'arquebuse,
& les tassettes, genouillieres, hussecols, brassarts,
gantelets, avec la salade, dont la visiere s'éleve enhaut,
& fait une belle montre ..... qu'il les faut armer
à cru & sans casaques; car cela a bien plus
belle montre, & pourvû que la cuirasse soit bonne,
il n'importe du reste. Il seroit bon que seulement la
premiere brigade qui seroit au premier rang, eût des
lames avec des pistolets: car cela feroit un grand
effort, soit aux hommes, soit aux chevaux des ennemis: mais il faudroit que ces lanciers là fussent
bien adroits; autrement ils nuisent plus qu'ils neservent ».
Or il n'y en avoit plus guere qui fussent alors
fort adroits dans l'exercice de la lance.
Les chevaux avoient aussi dans les anciens tems
leurs armes défensives. On les couvroit d'abord de
cuir; on se contenta ensuite de les couvrir de lames
de fer sur la tête; & le poitrail seulement, & les
flancs, de cuir bouilli. Ces armes défensives du cheval
s'appelloient des bardes, & un cheval ainsi armé
s'appelloit un cheval bardé. On voit des figures de ces
chevaux ainsi armés & bardés, dans les anciennes
tapisseries, & en plusieurs autres monumens. Cette
couverture, dit le président Fauchet, étoit de cuir
ou de fer. Mais la chronique de Cesinar, fous l'an
1298, parlant des chevaux de bataille, dit que ces
couvertures étoient comme les haubers, faites de
mailles de fer. Hi equi cooperti fuerunt cooperturis ferreis,
id est, veste & ferreis circulis contextâ; mais cela
n'étoit pas général. Par une lettre de Philippe - le - Bel
datée du 20 Janvier 1303, au bailli d'Orleans, il est
ordonné que ceux qui avoient cinq cens livres de revenu
dans ce royaume, en terres, aideroient d'un
gentilhomme bien armé, & bien monté d'un cheval
de cinquante livres tournois, & couvert de couverture
de fer, ou couverture de pourpointe. Et le roi Jean dans
ses lettres du mois d'Août 1353, écrit aux bourgeois
& aux habitans de Nevers, de Chaumont - en - Bassigni, & autres villes, qu'ils eussent à envoyer à Compiegne, à la quinzaine de Pâque, le plus grand nombre
d'hommes & de chevaux couverts de mailles qu'ils
pourroient, pour marcher contre le roi d'Angleterre. Depuis on se contenta de leurs couvrir la tête
& le poitrail de lames de fer, & les flancs de cuir
bouilli.
Il est fait encore mention de cette armure dans
une ordonnance de Henri II.
« Ledit homme d'armes
sera tenu de porter arme petit & grand, gardebras,
cuirasse, cuissots, devant de greves, avec
une grosse & forte lance; & entretiendra quatre
chevaux, & les deux de service pour la guerre,
dont l'un aura le devant garni de bardes, avec le
chamfrain & les flancois; & si bon lui semble aura
un pistolet à l'arçon de la selle.»
C'étoient ces flancois,
c'est - à - dire, ce qui couvroit les flancs du cheval,
qui étoient de cuir bouilli. Les seigneurs armoient
souvent ces flancois de leurs écussons; nos
Rois les semoient souvent de fleurs - de - lis, & quelquefois
de quelques pieces des armoiries d'un pays
conquis.
Le chamfrain qui étoit de métal, ou de cuir bouilli,
servoit encore d'arme défensive au cheval; il lui
couvroit la tête par - devant, & c'étoit comme une
espece de masque qu'on y ajustoit. Il y en a un de
cuir bouilli au magasin d'armes de l'Arsenal de Paris.
Il y a dans le milieu un fer rond & large, & qui se
termine en pointe assez longue; c'étoit pour percer
tout ce qui se présenteroit, & tout ce que la tête du
cheval choqueroit. L'usage de cette armure du cheval
étoit contre la lance, & depuis contre le pistolet.
Les seigneurs François se piquoient fort de magnificence
sur cet article. Il est rapporté dans l'histoire
de Charles VII. que le comte de S. Pol au siége de
Harfleur, l'an 1449, avoit un chamfrain à son cheval
d'armes; c'est - à - dire, à son cheval de bataille,
prisé trente mille écus. Il falloit qu'il fût non - seulement d'or, mais encore merveilleusement travaillé.
Il est encore marqué dans l'histoire du même roi,
qu'après la prise de Bayonne par l'armée de ce prince,
le comte de Foix en entrant dans la place, avoit
la tête de son cheval couverte d'un chamfrain d'a<pb->
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cier, garni d'or & de pierreries, que l'on prisoit quinze
mille écus d'or: mais communément ces chamfrains
n'étoient que de cuivre doré pour la plûpart,
ou de cuir bouilli, ainsi qu'on le voit par un compte
de l'an 1316, à la chambre des Comptes de Paris, où
il est dit entre autres choses: item, deux chamfrains
dorés & un de cuir. On trouve dans le traité de la
cavalerie Françoise de M. de Mongommeri, qu'on
donnoit encore de son tems des chamfrains aux chevaux,
c'est - à - dire, du tems de Henri IV. La principale
raison de cette armure des chevaux n'étoit pas
seulement de les conserver, & d'épargner la dépense
d'en acheter d'autres, mais c'est qu'il y alloit souvent
de la vie & de la liberté du gendarme même.
Car comme les gendarmes étoient très - pesamment
armés, s'ils tomboient sous leur cheval tué ou blessé,
ils étoient eux - mêmes tués ou pris, parce qu'il leur
étoit presque impossible de se tirer de dessous le cheval.
Ces armes défensives, comme on l'a vû plus haut,
étoient nécessaires pour les hommes, comme pour les
chevaux, pour les garantir des coups de lance. Ainsi
depuis qu'on ne s'est plus servi de cette arme offensive;
& peu de tems apres, on a abandonné non - seulement les chamfrains, mais encore tous ces harnois
dont on a parlé, à cause de leur pesanteur, de l'embarras,
& de la dépense qu'ils causoient.
Pour les armes défensives de l'infanterie, on en
trouve la description dans une ordonnance de Jean
V. duc de Bretagne, publiée en l'an 1525.
« Jean par la grace de Dieu...... voulons......
& ordonnons que des gens de commun de notre
pays & duché, en outre les nobles, se mettent en
appareil promptement, & sans délai: savoir, est
de chaque paroisse trois ou quatre, cinq ou six, ou
plus, selon le grand, ou qualité de la paroisse, lesquels
ainsi choisis & élûs, soient garnis d'armes,
& habillemens qui ensuivent...... savoir, est ceux
qui sauront tirer de l'arc, qu'ils ayent arc, trousse,
capeline, coustille, hache, ou mail de plomb, &
soient armés de forts jacques garnis de iaisches,
chaînes, ou mailles pour couvrir le bras; qu'ils
soient armés de jacques, capelines, haches, ou
bouges, avec ce, ayant paniers de tremble, ou autre
bois plus convenable, qu'ils pourront trouver,
& soient les paniers assez longs pour couvrir haut
& bas.»
Les armes défensives qu'on donre ici aux
piétons, sont la capeline, le jacques, & >e panier.
La capeline étoit une espece de casque de fer; le jacque
étoit une espece de juste - au - corps; les piétons
portoient cet habillement garni de laisches, c'est - à - dire de minces lames ou plaques de fer, entre la doublure
& l'étoffe, ou bien de mailles. Ces paniers de
tremble dont il est parlé dans l'ordonnance, étoient
les boucliers des piétons; on les appeile paniers, parce
qu'en - dedans ils étoient creux & faits d'osier. L'osier étoit couvert de bois de tremble, ou de peuplier
noir, qui est un bois blanc & fort léger. Ils
étoient assez longs pour couvrir tout le corps du piéton;
c'étoit des especes de targes.
Du tems de François I. les p>étons avoient les uns
des corcelets de lames de fer. qu'on appelloit hallecrets; les autres une veste de maille, comme nous
l'apprenons du livre attribu> à Guillaume du Belay,
seigneur de Lerngei.
« La façon du tems présent, ditil,
est d'armer l'homme de pié, d'un hallecret complet,
ou d'une chemise, ou gollette de mailles & cabasset;
ce qui me semble, ajoûte - t - il, suffisant pour
la défense de la personne, & le trouve meilleur que
la cuirasse des anciens n'étoit ».
L'armure des francsarchers
doit avoir été à peu près la même que celle
du reste de l'infanterie Françoise. Nous avons vû de
notre tems, donner encore aux piquiers des cuirasses
de fer contre les coups de pistolet des cavaliers qui
les attaquoient en caracolant, pour faire breche au
bataillon, & ensuite l'enfoncer. M. de Puysegur dans
ses mémoires dit, qu'en 1387, les piquiers des régimens
des Gardes, & de tous les vieux corps, avoient
des corcelets, & qu'ils en porterent jusqu'à la bataille
de Sedan, qui fut donnée en 1641. Les piquiers du
régiment des Gardes - Suisses en ont porté jusqu'au retranchement
des piques, sous le précédent regne.
Histoire de la milice Françoise, par le P. Daniel.
Les armes défensives de la cavalerie sont aujourd'hui des plastrons à l'épreuve au moins du pistolet:
les officiers doivent avoir des cuirasses de même. A
l'égard des armes offensives, elles consistent dans un
mousqueton, deux pistolets & un sabre. Les dragons
ont un mousqueton & un sabre comme les cavaliers;
mais ils n'ont qu'un pistolet à l'arçon de la selle: à la
place du second pistolet, ils portent une bêche, serpe,
hache, ou autre instrument propre à ouvrir des
passages. Ils ne sont point plastronnés, attendu qu'ils
combattent quelquefois à pié comme l'infanterie.
Voyez Dragon. Ils ont de plus une bayonnette.
Les armes de l'infanterie, sont le fusil, la bayonnette
& l'épée. Cette derniere arme est entierement inutile
aujourd'hui, attendu que l'infanterie ne combat que
la bayonnette au bout du fusil. Ce qui fait que plusieurs
habiles officiers pensent qu'on devroit la supprimer,
de même que le sabre. Car, dit M. le maréchal
de Puysegur, comme on les porte en travers, dès
que les soldats touchent a ceux qui sont à leur droite & à
leur gauche, en se remuant & en se tournant, ils s'accrochent
toujours. Un homme seul même ne peut aller un
peu vite, qu'il ne porte la main à la poignée de son épée,
de peur qu'elle ne passe dans ses jambes, & ne le fasse
tomber; à plus forte raison dans les combats, surtout
dans des bois, hayes, ou retranchemens, les soldats pour
tirer étant obligés de tenir leurs fusils des deux mains.
Cet illustre Maréchal prétend que les coûteaux
de chasse devroient être substitués aux épées; &
qu'ils seroient beaucoup plus utiles dans les combats.
« J'ai observé, dit - il, que quand on se joint dans
l'action, le soldat allonge avec le fusil son coup de
bayonnette; & qu'en le poussant, il releve ses armes: en sorte que souvent la bayonnette se rompt
ou tombe. De plus, quand on est joint, il arrive
ordinairement que la longueur des armes fait que
l'on ne peut plus s'en servir; aussi le soldat en pareil
cas ôte - t - il sa bayonnette du fusil, quand elle
y est encore, & s'en sert de la main, ce qu'il ne
peut plus faire quand elle est rompue ou tombée.
S'il avoit un coûteau de chasse, cela remédieroit à
tout, & il ne seroit pas obligé d'ôter sa bayonnette
du bout de son fusil; de sorte qu'il auroit en
même tems une arme longue & une courte, ressource
qu'il n'a pas avec l'épée, vû sa longueur.»
Art
de la Guerre, par M. le Maréchal de Puysegur.
A l'égard des armes des officiers de l'infanterie, il
est enjoint par une ordonnance du premier Décembre 1710, aux colonels, lieutenans - colonels & capitaines
de ce corps, d'avoir des espontons de sept à
huit piés de longueur, & aux officiers subalternes
d'avoir des fusils garnis de bayonnettes. Pour les sergens,
ils sont armés de hallebardes de six piés & demi
environ de longueur, y compris le fer.
Selon M. de Puysegur, les sergens & les officiers
devroient être armés de la même maniere que les
soldats. Il prétend qu'il n'y a aucune bonne raison
pour les armer différemment, dès qu'il est prouvé
que l'armement du fusil avec la bayonnette à douille
est l'arme la meilleure & la plus utile pour toutes sortes
d'actions. Aussi voit - on plusieurs officiers, qui
dans les combats se servent de fusils au lieu d'espontons;
& parmi ceux qui sont détachés pour aller en
parti à la guerre, aucun ne se charge de cette longue
arme, mais d'un bon fusil avec sa bayonnette.
Par les anciennes lois d'Angleterre, chaque per<pb->
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