ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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qui expriment les lignes données peuvent marquer
des quantités commensurables ou incommensurables;
au lieu que dans les problèmes numériques, les caracteres
qui représentent les nombres donnés ne peuvent
représenter que des nombres commensurables, Il est
vrai que le nombre inconnu qu'on cherche, peut être
représenté par une expression algébrique qui désigne
un incommensurable: mais alors c'est une marque que
ce nombre inconnu & cherché n'existe point, que la
question ne peut être résolue qu'à peu près, & non
exactement; au lieu que dans l'application de l'Algebre à la Géométrie, on peut toûjours assigner par
une construction géométrique, la grandeur exacte de
la ligne inconnue, quand même l'expression qui désigne
cette ligne seroit incommensurable. On peut même
souvent assigner la valeur de cette ligne, quoiqu'on ne puisse pas en donner l'expression algébrique,
soit commensurable, soit incommensurable: c'est ce
qui arrive dans le cas irréductible du troisieme dégré.
Voyez Cas irréductible.
Un des plus grands avantages qu'on a tirés de l'application
de l'Algebre à la Géométrie, est le calcul
différentiel; on en trouvera l'idée au mot Différentiel, avec une notion exacte de la nature de ce
calcul. Le calcul différentiel a produit l'intégral.
Voyez Calcul & Intégral.
Il n'y a point de Géometre tant soit peu habile,
qui ne connoisse aujourd'hui plus ou moins l'usage
infini de ces deux calculs dans la Géométrie transcendante.
M. Newton nous a donné sur l'Algebre un excellent
Ouvrage, qu'il a intitulé Arithmetica universalis.
Il y traite des regles de cette science, & de son application
à la Géométrie. Il y donne plusieurs méthodes
nouvelles, qui ont été commentées pour la
plûpart par M. s'Gravesande dans un petit ouvrage
très - utile aux commençans, intitulé Elementa algebroe, & par M. Clairaut dans ses élémens d'Algebre,
Voyez à l'article Algebre les noms de plusieurs autres
auteurs, qui ont traité de cette science: nous
croyons que l'ouvrage de M. s'Gravesande, celui.
du P. Lamy, la science du calcul du P. Reyneau, l'analyse démontrée du même auteur, & l'Algebre de
Saunderson publiée en Anglois, sont en ce genre
les ouvrages dont les jeunes gens peuvent le plus
profiter; quoique dans plusieurs de ces traités, &
peut - être dans tous, il reste bien des choses à desirer.
Sur la maniere d'appliquer l'Algebre à la Géométrie, c'est - à - dire de réduire en équation les questions
géométriques: nous ne connoissons rien de meilleur
ni de plus lumineux que les regles données par M.
Newton, p. 82. & suiv. de son arithm. univ. édition
de Leyde 1732. jusqu'à la pag. 96. elles sont trop
précieuses pour être abregées, & trop longues pour
être inserées ici dans leur entier; ainsi nous y renvoyons
nos lecteurs. Nous dirons seulement qu'elles
peuvent se réduire à ces deux regles.
Premiere regle. Un problème géométrique étant
proposé (& on pourroit en dire autant d'un problème
numérique) comparez ensemble les quantités connues
& inconnues que renferme ce problème; &
sans distinguer les connues d'avec les inconnues, examinez
comment toutes ces quantités dépendent les
unes des autres; & quelles sont celles qui étant connues
feroient connoître les autres, en procédant par
une méthode synthétique.
Seconde regle. Parmi ces quantités qui seroient
connoître les autres, & que je nomme pour cette raison
synthétiques, cherchez celles qui feroient connoître
les autres le plus facilement, & qui pourroient
être trouvées le plus difficilement, si on ne les supposoit
point connues; & regardez ces quantités comme
celles que vous devez traiter de connues.
C'est là - dessus qu'est fondée la regle des Géome<cb->
tres, qui disent que pour résoudre un problème géométrique
algébriquement, il faut le supposer résolu;
en effet pour résoudre ce problème, il faut se représenter
toutes les lignes, tant connues qu'inconnues,
comme des quantités qu'on a devant les yeux, &
qui dépendent toutes les unes des autres; ensorte
que les connues & les inconnues puissent réciproquement
& à leur tour être traitées, si l'on veut, d'inconnues
& de connues. Mais en voilà assez sur cette matiere
dans un Ouvrage où l'on ne doit en exposer que
les principes généraux. Voyez Application. (O)
Arithmétique politique
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* Arithmétique politique, c'est celle dont
les opérations ont pour but des recherches utiles à
l'art de gouverner les peuples, telles que celles du
nombre des hommes qui habitent un pays; de la
quantité de nourriture qu'ils doivent consommer; du
travail qu'ils peuvent faire; du tems qu'ils ont à vivre,
de la fertilité des terres, de la fréquence des
naufrages, &c. On conçoit aisément que ces découvertes
& beaucoup d'autres de la même nature, étant
acquises par des calculs fondés sur quelques expériences
bien constatées, un ministre habile en tireroit
une foule de conséquences pour la perfection de
l'agriculture, pour le commerce, tant intérieur qu'extérieur,
pour les colonies, pour le cours & l'emploi
de l'argent, &c. Mais souvent les ministres (je n'ai
garde de parler sans exception) croyent n'avoir pas
besoin de passer par des combinaisons & des suites
d'opérations arithmétiques: plusieurs s'imaginent être
doüés d'un grand génie naturel, qui les dispense d'une
marche si lente & si pénible, sans compter que la nature
des affaires ne permet ni ne demande presque
jamais la précision géométrique. Cependant si la nature
des affaires la demandoit & la permettoit, je ne
doute point qu'on ne parvînt à se convaincre que le
monde politique, aussi - bien que le monde physique,
peut se regler à beaucoup d'égards par poids, nombre
& mesure.
Le chevalier Petty, Anglois, est le premier qui ait
publié des essais sous ce titre. Le premier est sur la
multiplication du genre humain; sur l'accroissement
de la ville de Londres, ses degrés, ses périodes, ses
causes & ses suites. Le second, sur les maisons, les
habitans, les morts & les naissances de la ville de
Dublin. Le troisieme est une comparaison de la ville
de Londres & de la ville de Paris; le chevalier
Petty s'efforce de prouver que la capitale de l'Angleterre l'emporte sur celle de la France par tous
ces côtés: M. Auzout a attaqué cet essai par plusieurs
objections, auxquelles M. le chevalier Petty a fait
des réponses. Le quatrieme tend à faire voir qu'il
meurt à l'Hôtel - Dieu de Paris environ trois mille
malades par an, par mauvaise administration. Le cinquieme
est divisé en cinq parties: la premiere est
en réponse à M. Auzout; la seconde contient la comparaison
de Londres & de Paris sur plusieurs points;
la troisieme évalue le nombre des paroissiens des 134
paroisses de Londres à 696 mille. La quatrieme est
une recherche sur les habitans de Londres, de Paris,
d'Amsterdam, de Venise, de Rome, de Dublin, de
Bristol, & de Rouen. La cinquieme a le même objet,
mais relativement à la Hollande & au reste des Provinces - unies. Le sixieme embrasse l'étendue & le
prix des terres, les peuples, les maisons, l'industrie,
l'oeconomie, les manufactures, le commerce,
la pêche, les artisans, les marins ou gens de me>,
les troupes de terre, les revenus publics, les intérêts,
les taxes, le lucre, les banques, les compagnies,
le prix des hommes, l'accroissement de la marine
& des troupes; les habitations, les lieux, les
constructions de vaisseaux, les forces de mer, &c. relativement
à tout pays en général, mais particulierement
à l'Angleterre, la Hollande, la Zéelande &
la France. Cet essai est adressé au roi; c'est presque
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dire que les résultats en sont favorables à la nation
Angloise. C'est le plus important de tous les essais du
chevalier Petty; cependant il est très - court, si on le
compare à la multitude & à la complication des objets.
Le chevalier Petty prétend avoir démontré dans
environ une centaine de petites pages in - douze, gros
caractere: 1°. Qu'une petite contrée avec un petit
nombre d'habitans peut équivaloir par sa situation,
son commerce & sa police, à un grand pays & à un
peuple nombreux, soit qu'on les compare par la force,
ou par la richesse; & qu'il n'y a rien qui tende
plus efficacement à établir cette égalité que la marine
& le commerce maritime. 2°. Que toutes sortes
d'impôts & de taxes publiques tendent plûtôt à augmenter
qu'à affoiblir la société & le bien public.
3°. Qu'il y a des empêchemens naturels & durables
à jamais, à ce que la France devienne plus puissante
sur mer que l'Angleterre ou la Hollande: nos François ne porteront pas un jugement favorable des calculs
du chevalier Petty sur cette proposition, & je
crois qu'ils auront raison. 4°. Que par son fonds & son
produit naturels, le peuple & le territoire de l'Angleterre sont à peu près égaux en richesse & en force
au peuple & au territoire de France. 5°. Que les
obstacles qui s'opposent à la grandeur de l'Angleterre ne sont que contingens & amovibles. 6°. Que depuis
quarante ans, la puissance & la richesse de l'Angleterre se sont fort accrues. 7°. Que la dixieme partie
de toute la dépense des sujets du Roy suffiroit pour
entretenir cent mille hommes d'infanterie, trente
mille hommes de cavalerie, quarante mille hommes
de mer; & pour acquitter toutes les autres charges
de l'état, ordinaires & extraordinaires, dans la seule
supposition que cette dixieme partie seroit bien imposée,
bien perçûe, & bien employée. 8°. Qu'il y a
plus de sujets sans emploi, qu'il n'en faudroit pour
procurer à la nation deux millions par an, s'ils
étoient convenablement occupés; & que ces occupations
sont toutes prêtes, & n'attendent que des
ouvriers. 9°. Que la nation a assez d'argent pour faire
aller son commerce. 10°. Enfin que la nation a
tout autant de ressources qu'il lui en faut pour embrasser
tout le commerce de l'univers, de quelque
nature qu'il soit.
Voilà comme on voit des prétensions bien excessives: mais quelles qu'elles soient, le lecteur sera bien
d'examiner dans l'ouvrage du chevalier Petty, les
raisonnemens & les expériences sur lesquels il s'appuie: dans cet examen, il ne faudra pas oublier
qu'il arrive des révolutions, soit en bien, soit en
mal, qui changent en un moment la face des états,
& qui modifient & même anéantissent les suppositions;
& que les calculs & leurs résultats ne sont pas
moins variables que les évenemens. L'ouvrage du
chevalier Petty fut composé avant 1699. Selon cet
auteur, quoique la Hollande & la Zéelande ne contiennent
pas plus de 1000000 d'arpens de terre,
& que la France en contienne au moins 8000000,
cependant ce premier pays a presque un tiers de la
richesse & de la force de ce dernier. Les rentes des
terres en Hollande sont à proportion de celles de
France, comme de 7 ou 8 à 1. (Observez qu'il est
question ici de l'état de l'Europe en 1699; & c'est à
cette année que se rapportent tous les calculs du chevalier
Petty, bons ou mauvais). Les habitans d'Amsterdam sont 2/3 de ceux de Paris ou de Londres; & la
différence entre ces deux dernieres villes n'est, selon
le même auteur, que d'environ une vingtieme
partie. Le port de tous les vaisseaux appartenans à
l'Europe, se monte à environ deux millions de tonneaux,
dont les Anglois ont 500000, les Hollan>
dois 900000; les François 100000, les Hambourgois, Danois, Suédois, & les habitans de Dantzic
250000; l'Espagne, le Portugal, l'Italie, &c. à
peu près autant. La valeur des marchandises qui
sortent annuellement de la France, pour l'usage de
différens pays, se monte en tout à environ 5000000
livres sterlin; c'est - à - dire, quatre fois autant qu'il
en entroit dans l'Angleterre seule. Les marchandises
qu'on fait sortir de la Hollande pour l'Angleterre valent 300000 livres sterlin; & ce qui sort
de - là pour être répandu par tout le reste du monde,
vaut 18000000 livres sterlin. L'argent que le
Roi de France leve annuellement en tems de paix
fait environ 6 1/2 millions sterlin. Les sommes levées
en Hollande & Zéelande font autour de 2100000
livres sterlin; & celles provenantes de toutes les Provinces - unies font ensemble environ 3000000 livres
sterlin. Les habitans d'Angleterre sont à peu près au
nombre de 6000000; & leurs dépenses à raison de 7 livres
sterlin par an, pour chacun d'eux, font 42000000
livres sterlin ou 80000 livres sterlin par semaine.
La rente des terres en Angleterre est d'environ 8
millions sterlin; & les intérêts & profits des biens
propres à peu près autant. La rente des maisons en Angleterre 4000000 livres sterlin. Le profit du travail
de tous les habitans se monte à 26000000 livres
sterlin par an. Les habitans d'Irlande sont au nombre
de 1200000. Le blé consommé annuellement en
Angleterre, comptant le froment à 5 schelins le boisseau,
& l'orge à 2 1/2 schelins, se monte à dix millions
sterlin. La marine d'Angleterre avoit besoin en 1699,
c'est - à - dire du tems du chevalier Petty, ou à la fin
du dernier siecle, de 36000 hommes - pour les vaisseaux
de guerre: & 48000 pour les vaisseaux marchands
& autres: & il ne falloit pour toute la marine
de la France que 15000 hommes. Il y a en France environ treize millions & demi d'ames; & en Angleterre, Ecosse & Irlande, environ neuf millions &
demi. Dans les trois royaumes d'Angleterre, d'Ecosse & d'Irlande, il y a environ 20000 ecclésiastiques;
& en France, il y en a plus de 270000. Le
royaume d'Angleterre à plus de 40000 matelots, &
la France n'en a pas plus de 10000. Il y avoit pour
lors en Angleterre, en Ecosse, en Irlande, & dans
les pays qui en dépendent, des vaisseaux dont le port
se montoit environ à 60000 tonneaux, ce qui vaut
à peu près quatre millions & demi de livres sterlin.
La ligne marine autour de l'Angleterre, de l'Ecosse,
de l'Irlande, & des iles adjacentes, est d'environ 3800
milles. Il y a dans le monde entier environ 300 millions
d'ames, dont il n'y a qu'environ 80 millions,
avec lesquelles les Anglois & les Hollandois soient
en commerce. La valeur de tous les effets de commerce
ne passe pas 45 millions sterlin. Les manufactures
d'Angleterre qu'on fait sortir du royaume, se
montent annuellement à environ 5 millions sterlin.
Le plomb, le fer - blanc & le charbon, à 500000 livres
sterlin par an. La valeur des marchandises de
France qui entrent en Angleterre, ne passe pas
1200000 livres sterlin par an. Enfin il y a en Angleterre environ six millions sterlin d'especes monnoyées.
Tous ces calculs, comme nous l'avons dit,
sont relatifs à l'année 1699; & ont dû sans doute
bien changer depuis.
M. Davenant autre auteur d'arithmétique politique,
prouve qu'il ne faut pas compter absolument sur plusieurs
des calculs du cb> Petty: il en donne d'autres
qu'il a faits lui - même, & qui se trouvent fondés sur
les observations de M. King. En voici quelques - uns.
L'Angleterre contient, dit - il, 39 millions d'arpens
de terre. Les habitans, selon son calcul, sont à peu
près au nombre de 5545000 ames, & ce nombre augmente
tous les ans d'environ 9000, déduction faite
de ceux qui peuvent périr par les pestes, les maladies,
les guerres, la marine, &c. & de ceux qui vont dans
les colonies. Il compte 530000 habitans dans la ville
de Londres; dans les autres villes & bourgs d'An<pb->
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