ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"678"> qui expriment les lignes données peuvent marquer des quantités commensurables ou incommensurables; au lieu que dans les problèmes numériques, les caracteres qui représentent les nombres donnés ne peuvent représenter que des nombres commensurables, Il est vrai que le nombre inconnu qu'on cherche, peut être représenté par une expression algébrique qui désigne un incommensurable: mais alors c'est une marque que ce nombre inconnu & cherché n'existe point, que la question ne peut être résolue qu'à peu près, & non exactement; au lieu que dans l'application de l'Algebre à la Géométrie, on peut toûjours assigner par une construction géométrique, la grandeur exacte de la ligne inconnue, quand même l'expression qui désigne cette ligne seroit incommensurable. On peut même souvent assigner la valeur de cette ligne, quoiqu'on ne puisse pas en donner l'expression algébrique, soit commensurable, soit incommensurable: c'est ce qui arrive dans le cas irréductible du troisieme dégré. Voyez Cas irréductible.

Un des plus grands avantages qu'on a tirés de l'application de l'Algebre à la Géométrie, est le calcul différentiel; on en trouvera l'idée au mot Différentiel, avec une notion exacte de la nature de ce calcul. Le calcul différentiel a produit l'intégral. Voyez Calcul & Intégral.

Il n'y a point de Géometre tant soit peu habile, qui ne connoisse aujourd'hui plus ou moins l'usage infini de ces deux calculs dans la Géométrie transcendante.

M. Newton nous a donné sur l'Algebre un excellent Ouvrage, qu'il a intitulé Arithmetica universalis. Il y traite des regles de cette science, & de son application à la Géométrie. Il y donne plusieurs méthodes nouvelles, qui ont été commentées pour la plûpart par M. s'Gravesande dans un petit ouvrage très - utile aux commençans, intitulé Elementa algebroe, & par M. Clairaut dans ses élémens d'Algebre, Voyez à l'article Algebre les noms de plusieurs autres auteurs, qui ont traité de cette science: nous croyons que l'ouvrage de M. s'Gravesande, celui. du P. Lamy, la science du calcul du P. Reyneau, l'analyse démontrée du même auteur, & l'Algebre de Saunderson publiée en Anglois, sont en ce genre les ouvrages dont les jeunes gens peuvent le plus profiter; quoique dans plusieurs de ces traités, & peut - être dans tous, il reste bien des choses à desirer. Sur la maniere d'appliquer l'Algebre à la Géométrie, c'est - à - dire de réduire en équation les questions géométriques: nous ne connoissons rien de meilleur ni de plus lumineux que les regles données par M. Newton, p. 82. & suiv. de son arithm. univ. édition de Leyde 1732. jusqu'à la pag. 96. elles sont trop précieuses pour être abregées, & trop longues pour être inserées ici dans leur entier; ainsi nous y renvoyons nos lecteurs. Nous dirons seulement qu'elles peuvent se réduire à ces deux regles.

Premiere regle. Un problème géométrique étant proposé (& on pourroit en dire autant d'un problème numérique) comparez ensemble les quantités connues & inconnues que renferme ce problème; & sans distinguer les connues d'avec les inconnues, examinez comment toutes ces quantités dépendent les unes des autres; & quelles sont celles qui étant connues feroient connoître les autres, en procédant par une méthode synthétique.

Seconde regle. Parmi ces quantités qui seroient connoître les autres, & que je nomme pour cette raison synthétiques, cherchez celles qui feroient connoître les autres le plus facilement, & qui pourroient être trouvées le plus difficilement, si on ne les supposoit point connues; & regardez ces quantités comme celles que vous devez traiter de connues.

C'est là - dessus qu'est fondée la regle des Géome<cb-> tres, qui disent que pour résoudre un problème géométrique algébriquement, il faut le supposer résolu; en effet pour résoudre ce problème, il faut se représenter toutes les lignes, tant connues qu'inconnues, comme des quantités qu'on a devant les yeux, & qui dépendent toutes les unes des autres; ensorte que les connues & les inconnues puissent réciproquement & à leur tour être traitées, si l'on veut, d'inconnues & de connues. Mais en voilà assez sur cette matiere dans un Ouvrage où l'on ne doit en exposer que les principes généraux. Voyez Application. (O)

Arithmétique politique (Page 1:678)

* Arithmétique politique, c'est celle dont les opérations ont pour but des recherches utiles à l'art de gouverner les peuples, telles que celles du nombre des hommes qui habitent un pays; de la quantité de nourriture qu'ils doivent consommer; du travail qu'ils peuvent faire; du tems qu'ils ont à vivre, de la fertilité des terres, de la fréquence des naufrages, &c. On conçoit aisément que ces découvertes & beaucoup d'autres de la même nature, étant acquises par des calculs fondés sur quelques expériences bien constatées, un ministre habile en tireroit une foule de conséquences pour la perfection de l'agriculture, pour le commerce, tant intérieur qu'extérieur, pour les colonies, pour le cours & l'emploi de l'argent, &c. Mais souvent les ministres (je n'ai garde de parler sans exception) croyent n'avoir pas besoin de passer par des combinaisons & des suites d'opérations arithmétiques: plusieurs s'imaginent être doüés d'un grand génie naturel, qui les dispense d'une marche si lente & si pénible, sans compter que la nature des affaires ne permet ni ne demande presque jamais la précision géométrique. Cependant si la nature des affaires la demandoit & la permettoit, je ne doute point qu'on ne parvînt à se convaincre que le monde politique, aussi - bien que le monde physique, peut se regler à beaucoup d'égards par poids, nombre & mesure.

Le chevalier Petty, Anglois, est le premier qui ait publié des essais sous ce titre. Le premier est sur la multiplication du genre humain; sur l'accroissement de la ville de Londres, ses degrés, ses périodes, ses causes & ses suites. Le second, sur les maisons, les habitans, les morts & les naissances de la ville de Dublin. Le troisieme est une comparaison de la ville de Londres & de la ville de Paris; le chevalier Petty s'efforce de prouver que la capitale de l'Angleterre l'emporte sur celle de la France par tous ces côtés: M. Auzout a attaqué cet essai par plusieurs objections, auxquelles M. le chevalier Petty a fait des réponses. Le quatrieme tend à faire voir qu'il meurt à l'Hôtel - Dieu de Paris environ trois mille malades par an, par mauvaise administration. Le cinquieme est divisé en cinq parties: la premiere est en réponse à M. Auzout; la seconde contient la comparaison de Londres & de Paris sur plusieurs points; la troisieme évalue le nombre des paroissiens des 134 paroisses de Londres à 696 mille. La quatrieme est une recherche sur les habitans de Londres, de Paris, d'Amsterdam, de Venise, de Rome, de Dublin, de Bristol, & de Rouen. La cinquieme a le même objet, mais relativement à la Hollande & au reste des Provinces - unies. Le sixieme embrasse l'étendue & le prix des terres, les peuples, les maisons, l'industrie, l'oeconomie, les manufactures, le commerce, la pêche, les artisans, les marins ou gens de me, les troupes de terre, les revenus publics, les intérêts, les taxes, le lucre, les banques, les compagnies, le prix des hommes, l'accroissement de la marine & des troupes; les habitations, les lieux, les constructions de vaisseaux, les forces de mer, &c. relativement à tout pays en général, mais particulierement à l'Angleterre, la Hollande, la Zéelande & la France. Cet essai est adressé au roi; c'est presque [p. 679] dire que les résultats en sont favorables à la nation Angloise. C'est le plus important de tous les essais du chevalier Petty; cependant il est très - court, si on le compare à la multitude & à la complication des objets. Le chevalier Petty prétend avoir démontré dans environ une centaine de petites pages in - douze, gros caractere: 1°. Qu'une petite contrée avec un petit nombre d'habitans peut équivaloir par sa situation, son commerce & sa police, à un grand pays & à un peuple nombreux, soit qu'on les compare par la force, ou par la richesse; & qu'il n'y a rien qui tende plus efficacement à établir cette égalité que la marine & le commerce maritime. 2°. Que toutes sortes d'impôts & de taxes publiques tendent plûtôt à augmenter qu'à affoiblir la société & le bien public. 3°. Qu'il y a des empêchemens naturels & durables à jamais, à ce que la France devienne plus puissante sur mer que l'Angleterre ou la Hollande: nos François ne porteront pas un jugement favorable des calculs du chevalier Petty sur cette proposition, & je crois qu'ils auront raison. 4°. Que par son fonds & son produit naturels, le peuple & le territoire de l'Angleterre sont à peu près égaux en richesse & en force au peuple & au territoire de France. 5°. Que les obstacles qui s'opposent à la grandeur de l'Angleterre ne sont que contingens & amovibles. 6°. Que depuis quarante ans, la puissance & la richesse de l'Angleterre se sont fort accrues. 7°. Que la dixieme partie de toute la dépense des sujets du Roy suffiroit pour entretenir cent mille hommes d'infanterie, trente mille hommes de cavalerie, quarante mille hommes de mer; & pour acquitter toutes les autres charges de l'état, ordinaires & extraordinaires, dans la seule supposition que cette dixieme partie seroit bien imposée, bien perçûe, & bien employée. 8°. Qu'il y a plus de sujets sans emploi, qu'il n'en faudroit pour procurer à la nation deux millions par an, s'ils étoient convenablement occupés; & que ces occupations sont toutes prêtes, & n'attendent que des ouvriers. 9°. Que la nation a assez d'argent pour faire aller son commerce. 10°. Enfin que la nation a tout autant de ressources qu'il lui en faut pour embrasser tout le commerce de l'univers, de quelque nature qu'il soit.

Voilà comme on voit des prétensions bien excessives: mais quelles qu'elles soient, le lecteur sera bien d'examiner dans l'ouvrage du chevalier Petty, les raisonnemens & les expériences sur lesquels il s'appuie: dans cet examen, il ne faudra pas oublier qu'il arrive des révolutions, soit en bien, soit en mal, qui changent en un moment la face des états, & qui modifient & même anéantissent les suppositions; & que les calculs & leurs résultats ne sont pas moins variables que les évenemens. L'ouvrage du chevalier Petty fut composé avant 1699. Selon cet auteur, quoique la Hollande & la Zéelande ne contiennent pas plus de 1000000 d'arpens de terre, & que la France en contienne au moins 8000000, cependant ce premier pays a presque un tiers de la richesse & de la force de ce dernier. Les rentes des terres en Hollande sont à proportion de celles de France, comme de 7 ou 8 à 1. (Observez qu'il est question ici de l'état de l'Europe en 1699; & c'est à cette année que se rapportent tous les calculs du chevalier Petty, bons ou mauvais). Les habitans d'Amsterdam sont 2/3 de ceux de Paris ou de Londres; & la différence entre ces deux dernieres villes n'est, selon le même auteur, que d'environ une vingtieme partie. Le port de tous les vaisseaux appartenans à l'Europe, se monte à environ deux millions de tonneaux, dont les Anglois ont 500000, les Hollan dois 900000; les François 100000, les Hambourgois, Danois, Suédois, & les habitans de Dantzic 250000; l'Espagne, le Portugal, l'Italie, &c. à peu près autant. La valeur des marchandises qui sortent annuellement de la France, pour l'usage de différens pays, se monte en tout à environ 5000000 livres sterlin; c'est - à - dire, quatre fois autant qu'il en entroit dans l'Angleterre seule. Les marchandises qu'on fait sortir de la Hollande pour l'Angleterre valent 300000 livres sterlin; & ce qui sort de - là pour être répandu par tout le reste du monde, vaut 18000000 livres sterlin. L'argent que le Roi de France leve annuellement en tems de paix fait environ 6 1/2 millions sterlin. Les sommes levées en Hollande & Zéelande font autour de 2100000 livres sterlin; & celles provenantes de toutes les Provinces - unies font ensemble environ 3000000 livres sterlin. Les habitans d'Angleterre sont à peu près au nombre de 6000000; & leurs dépenses à raison de 7 livres sterlin par an, pour chacun d'eux, font 42000000 livres sterlin ou 80000 livres sterlin par semaine. La rente des terres en Angleterre est d'environ 8 millions sterlin; & les intérêts & profits des biens propres à peu près autant. La rente des maisons en Angleterre 4000000 livres sterlin. Le profit du travail de tous les habitans se monte à 26000000 livres sterlin par an. Les habitans d'Irlande sont au nombre de 1200000. Le blé consommé annuellement en Angleterre, comptant le froment à 5 schelins le boisseau, & l'orge à 2 1/2 schelins, se monte à dix millions sterlin. La marine d'Angleterre avoit besoin en 1699, c'est - à - dire du tems du chevalier Petty, ou à la fin du dernier siecle, de 36000 hommes - pour les vaisseaux de guerre: & 48000 pour les vaisseaux marchands & autres: & il ne falloit pour toute la marine de la France que 15000 hommes. Il y a en France environ treize millions & demi d'ames; & en Angleterre, Ecosse & Irlande, environ neuf millions & demi. Dans les trois royaumes d'Angleterre, d'Ecosse & d'Irlande, il y a environ 20000 ecclésiastiques; & en France, il y en a plus de 270000. Le royaume d'Angleterre à plus de 40000 matelots, & la France n'en a pas plus de 10000. Il y avoit pour lors en Angleterre, en Ecosse, en Irlande, & dans les pays qui en dépendent, des vaisseaux dont le port se montoit environ à 60000 tonneaux, ce qui vaut à peu près quatre millions & demi de livres sterlin. La ligne marine autour de l'Angleterre, de l'Ecosse, de l'Irlande, & des iles adjacentes, est d'environ 3800 milles. Il y a dans le monde entier environ 300 millions d'ames, dont il n'y a qu'environ 80 millions, avec lesquelles les Anglois & les Hollandois soient en commerce. La valeur de tous les effets de commerce ne passe pas 45 millions sterlin. Les manufactures d'Angleterre qu'on fait sortir du royaume, se montent annuellement à environ 5 millions sterlin. Le plomb, le fer - blanc & le charbon, à 500000 livres sterlin par an. La valeur des marchandises de France qui entrent en Angleterre, ne passe pas 1200000 livres sterlin par an. Enfin il y a en Angleterre environ six millions sterlin d'especes monnoyées. Tous ces calculs, comme nous l'avons dit, sont relatifs à l'année 1699; & ont dû sans doute bien changer depuis.

M. Davenant autre auteur d'arithmétique politique, prouve qu'il ne faut pas compter absolument sur plusieurs des calculs du cb Petty: il en donne d'autres qu'il a faits lui - même, & qui se trouvent fondés sur les observations de M. King. En voici quelques - uns.

L'Angleterre contient, dit - il, 39 millions d'arpens de terre. Les habitans, selon son calcul, sont à peu près au nombre de 5545000 ames, & ce nombre augmente tous les ans d'environ 9000, déduction faite de ceux qui peuvent périr par les pestes, les maladies, les guerres, la marine, &c. & de ceux qui vont dans les colonies. Il compte 530000 habitans dans la ville de Londres; dans les autres villes & bourgs d'An<pb->

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