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L'ordre de Cîteaux a eu aussi ses Théologiens: Manriqués est le plus illustre que je leur connoisse; ce qui le distingue de la plûpart des Théologiens purement scholastiques, c'est qu'il avoit beaucoup d'esprit, une éloquence qui charmoit tous ceux qui l'entendoient. Philippe IV. l'appella auprès de lui; il fit beaucoup d'honneur à l'université de Salamanque dont il étoit membre; aussi l'en nommoit - on l'Atlas: c'est de lui que sont les annales de Cîteaux, & plusieurs ouvrages de Philosophie & de scholastique.
L'ordre de Cîteaux a produit aussi Jean Caramuel Lobkowitz, un des esprits les plus singuliers qui ayent jamais paru. Il naquit à Madrid en 1607; dans sa plus tendre jeunesse son esprit se trahit; on découvrit ce qu'il étoit, & on put juger dès - lors ce que Caramuel seroit un jour. Dans un âge où rien ne peut nous fixer, il s'adonna entierement aux Mathématiques; les problèmes les plus difficiles ne le rebutoient point; & lorsque ses camarades étoient occupés à joüer, il méditoit, il étudioit une planete pour calculer ses révolutions. Ce qu'on dit de lui est presque incroyable. Après sa Théologie il quitta l'Espagne, & passa dans les Pays - Bas; il y étonna tout le monde par son savoir. Son esprit actif s'occupoit toûjours, & toûjours de choses nouvelles; car la nouveauté avoit beaucoup de charmes pour lui. Son rare mérite le fit entrer dans le conseil aulique; mais l'éclat de la cour ne l'ébloüit pas. Il aimoit l'étude non précisément pour s'avancer, mais pour le plaisir de savoir: aussi abandonna - t - il la cour; il se retira à Bruges, & fit bientôt après ses voeux dans l'ordre de Cîteaux.
La société des Jésuites s'est extrèmement distinguée sur la Théologie scholastique; elle peut se vanter d'avoir eu les plus grands théologiens. Nous ne nous arrêterons pas long - tems sur eux, parce que s'ils ont eu de grands hommes, il y en a parmi eux qui ont été occupés à les loüer. Cette société étend ses vûes sur tout, & jamais Jésuite de mérite n'a demeuré inconnu.
Vasqués est un des plus subtils qu'ils ayent jamais eu: à l'âge de vingt - cinq ans il enseigna la Philosophie & la Théologie. Il se fit admirer à Rome & partout où il fit connoître la facilité de son esprit; les grands talens dont la nature l'avoit doüé paroissoient malgré lui: sa modestie naturelle & celle de son état n'empêcherent point qu'on ne le reconnût pour un grand homme: sa réputation étoit telle, qu'il n'osoit point se nommer de peur qu'on ne lui rendît trop d'honneurs; & on ne connoissoit jamais son nom & son mérite que par le frere qui l'accompagnoit partout.
Suarez a mérité à juste titre la réputation du plus grand scholastique qui ait jamais écrit. On trouve dans ses ouvrages une grande pénétration, beaucoup de justesse, un profond savoir: quel dommage que ce génie ait été captivé par le système adopté par la Société! il a voulu en faire un, parce que son esprit ne demandoit qu'à créer: mais ne pouvant s'éloigner du Molinisme, il n'a fait, pour ainsi dire, que donner un tour ingénieux à l'ancien systeme.
Arriaga, plus estimé de son tems qu'il ne méritoit de l'être, fut successivement professeur & chancelier de l'université de Prague. Il fut député trois fois vers Urbain VIII. & Innocent X. il avoit plûtôt l'esprit de chicane que de métaphysique: on ne trouve chez lui que des vétilles, presque toûjours difficiles parce qu'on ne les entend point; peu de difficultés réelles: il a gâté beaucoup de jeunes gens auxquels il a donné cet esprit minutieux: plusieurs perdent leur tems à le lire. On ne peut pas dire de lui ce qu'on dit de beaucoup d'ouvrages, qu'on n'a rien appris en les lisant; vous apprenez quelque chose dans Arriaga, qui seroit capable de rendre gauche l'esprit le mieux fait & qui paroît avoir le plus de justesse.
La Théologie scholastique est si liée avec la Philosophie, qu'on croit d'ordinaire qu'elle a beaucoup contribué aux progrès de la Métaphysique: surtout la bonne Morale a paru dans un nouveau jour; nos livres les plus communs sur la Morale, valent mieux que >eux du divin Platon; & Bayle a eu rai<pb-> [p. 665]
Des Philosophes qui ont suivi la véritable philosophie d'Aristote. On a déjà vû le Péripatétisme avoir un rival dans le Platonisme; il étoit même vraissemblable que l'école de Platon g>ossiroit tous les jours des déserteurs de celle d'Aristote, parce que les sentimens du premier s'accordent beaucoup mieux avec le Christianisme. Il y avoit encore quelque chose de plus en sa faveur, c'est que presque tous les Peres sont Platoniciens. Cette raison n est pas bonne aujourd'hui, & je sa> qu'en Philosophie les Peres ne doivent avoir aucune autorité: mais dans un tems où l'on traitoit la Philosophie comme la Théologie, c'est - à - dire dans un tems où toutes les di>putes se vuidolent par une autorité, il est certain que les Peres auroient dû beaucoup >fluer sur le choix qu'il y avoit à faire entre P>a>on & Aristote. Ce dernier prévalut pourtant; & dans le siecle où Descartes pa>ut, on avoit une si grande vénération pour les sentimens d'Aristote, que l'évidence de toutes les raisons de Descartes eurent beaucoup de peine à lui faire des partisans. Par la méthode qu'on suivoit alors, il étoit impossible qu'on sortît de la barbarie; on ne raisonnoit pas pour découvrir de nouvelles vérités; on se contentoit de savoir ce qu'Aristote avoit pensé. On recherchoit le sens de ses livres aussi scrupuleusement que les Chrétiens cherchent à connoître le sens des Ecritures. Les Catholiques ne furent pas les seuls qui suivirent Aristote; il eat beaucoup d> partisans parmi les Protestans, malgré les déclamations de Luther; c'est qu'on aimoit mieux suivre les sentimens d'Aristote, que de n'en avoir aucun. Si Luther au lieu de décla ner contre Aristote avoit donné une bonne philosophie, & qu'il eût ouvert une nouvelle route comme Descartes, il auroit réussi à faire abandonner Aristote, parce qu'on ne sauroit détruire une opinion, sans lui en substituer une autre; l'esprit ne veut rien perdre.
Pierre Pomponace fut un des plus célebres Péripatéticiens du seizieme siecle; Mantoue étoit sa patrie. Il étoit si petit, qu'il tenoit plus du nain que d'un homme ordinaire: il fit ses études à Padoue: ses progres dans la Philosophie furent si grands, qu'en peu de tems il se trouva en état de l'enseigner aux autres. Il ouvrit donc une école à Padoue; il expliquoit aux jeunes gens la véritable philosophie d'Aristote, & la comparoit avec celle d'Averroès. Il s'acquit une grande réputation, qui lui devint à charge par les ennemis qu'elle lui attira. Achillinus, professeur alors à Padoue, ne pût tenir contre tant d'éloges: sa bile savante & orgueilleuse s'alluma: il attaqua Pomponace, mais en pédant, & celui - ci lui répondit en homme poli: la douceur de son caractere rangea tout le monde de son parti; car on ne marche pas volontiers sous les drapeaux d'un pédant. La victoire lui resta don>, & Achillinus n'en remporta que la honte d'avoir voulu étouffer de grands talens dans leur naissance. Il faut avoüer pourtant, que quoique les écrits de Pomponace fussent élégans, eu égard aux écrits d'Achillinus, ils se ressentent pourtant de la barbarie où l'on étoit encore. La guerre le força de
1°. Les démons ne connoissent les choses, ni par leur essence, ni par celle des choses connues, ni par rien qui soit distingué des démons.
2°. Il n'y a que les sots qui attribuent à Dieu ou aux démons, les effets dont ils ne connoissent pas les causes.
3°. L'homme tient le milieu entre les choses éternelles & les choses créées & corruptibles, d'où vient que les vertus & les vices ne se trouvent point dans notre nature; il s'y trouve seulement la semence des vertus & des vices.
4°. L'ame humaine est toutes choses, puisqu'elle renferme & la sensation & la perception.
5°. Quoique le sentiment & ce qui est sensible
soient par l'acte même dans l'ame seulement, selon
leur être spirituel, & non selon leur être réel: rien
n'empêche pourtant que les especes spirituelles ne
produisent elles - mêmes réellement les choses dont
elles sont les especes, si l'agent en est capable & si le
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