ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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* Quant aux lois relatives à l'aristocratie, on peut consulter l'excellent ouvrage de M. de Montesquieu. Voici les principales.

1. Dans une aristocratie le corps des nobles donnant les suffrages, ces suffrages ne peuvent être trop secrets.

2. Le suffrage ne doit point se donner par sort; on n'en autoit que les inconvéniens. En effet, lorsque les distinctions qui élevent quelques citoyens au - dessus des autres, sont une fois établies, quand on seroit choisi par le sort, on n'en seroit pas moins odieux: ce n'est pas le magistrat, c'est le noble qu'on envie.

3. Quand les nobles sont en grand nombre, il faut un sénat qui regle les affaires que le corps des nobles ne sauroit décider, & qui prépare celles dont il décide; dans ce cas on peut dire que l'aristocratie est en quelque sorte dans le sénat, la démocratie dans le corps des nobles, & que le peuple n'est rien.

4. Ce sera une chose très - heureuse dans l'aristocratie, si par quelque voie indirecte on fait sortir le peuple de son anéantissement. Ainsi à Genes la banque de S. Georges, qui est dirigée par le peuple, lui donne une certaine influence dans le gouvernement, qui en fait toute la prospérité.

5. Les Sénateurs ne doivent point avoir le droit de remplacer ceux qui manquent dans le sénat; c'est à des Censeurs à nommer les nouveaux Sénateurs, si l'on ne veut perpétuer les abus.

6. La meilleure aristocratie est celle où la partie du peuple qui n'a point de part à la puissance est si petite & si pauvre, que la partie dominante n'a aucun intérêt à l'opprimer.

7. La plus imparfaite est celle où la partie du peuple qui obéit est dans l'esclavage civil de celle qui commande.

8. Si dans l'aristocratie le peuple est vertueux, on y joüira à peu pres du bonlieur du gouvernement populaire, & l'état deviendra puissant.

9. L'esprit de modération est ce qu'on appelle la vertu dans l'aristocratie; il y tient la place de l'égalité dans l'état populaire.

10. La modestie & la simplicité des manieres font la force des nobles aristocratiques.

11. Si les nobles avoient quelques prérogatives personnelles & particulieres, distinctes de leur corps, l'aristocratie s'écarteroit de sa nature & de son principe, pour prendre ceux de la monarchie.

12. Il y a deux sources principales de desordres dans les états aristocratiques: l'inégalité excessive entre ceùx qui gouvernent & ceux qui sont gouvernés, & l'inégalité entre ceux qui gouvernent.

13. Il y aura la premiere de ces inégalités, si les priviléges des principaux ne sont honorables que parce qu'ils sont honteux au peuple, & si la condition relative aux subsides est différente entre les citoyens.

14. Le commerce est la profession des gens égaux: les nobles ne doivent donc pas commercer dans une aristocratie.

15. Les lois doivent être telles que les nobles soient contraints de rendre justice au peuple.

16. Elles doivent mortifier en tout l'orgueil de la domination.

17. Il faut qu'il y ait, ou pour un tems ou pour toûjours, une autorité qui fasie trembler les nobles.

18. Pauvreté extrème des nobles, richesses exorbitantes des nobles, pernicieuses dans l'aristocratie.

19. Il ne doit point y avoir de droit d'aînesse entre les nobles, afin que le partage des fortunes tienne toûjours les membres de cet ordre dans une égalité approchée.

20. Il faut que les contestations qui surviennent entre les nobles ne puissent durer long - tems.

21. Les lois doivent tendre à abolir la distinction que la vanité met entre les familles nobles.

22. Si elles sont bonnes, elles feront plus sentir aux nobles les incommodités du commandement que ses avantages.

23. L'aristocratie se corrompra, quand le pouvoir des nobles devenant arbitraire, il n'y aura plus de vertu dans ceux qui gouvernent ni dans ceux qui sont gouvernés. Voyez l'Esprit des lois, p. 1. & suiv. 13. & suiv. 114. & suiv. où ces maximes sont appuyées d'exemples anciens & modernes, qui ne permettent guere d'en contester la vérité.

ARISTOLOCHE (Page 1:652)

ARISTOLOCHE, aristolochia, s. f. (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur monopétale irréguliere, tubulée, terminée en forme de langue, & crochue pour l'ordinaire; le calice devient un fruit membraneux, le plus souvent arrondi, ovale ou cylindrique, divisé en six loges, & rempli de semences applaties & posées les unes sur les autres. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez. Plante. (I)

Il y a quatre sortes d'aristoloche employées en Medecine. La premiere est l'aristoloche ronde, & nommée aristolochia rotunda, Matth. sa racine est ronde, assez grosse, charnue, garnie de fibres, grise en - dehors, jaunâtre en - dedans, d'une odeur desagréable, d'un goût très - amer. La seconde espece est longue, & nommée aristolochia longa vera; C. B. Pit. Tourn. sa racine est longue d'environ un pié, grosse comme le poignet. La troisieme est l'aristoloche clématite; c'est l'aristolochia clematitis recta; C. B. La quatrieme est la petite, ou aristolochia tenuis pistolochia; les racines de cette aristoloche sont plus menues & plus déliées.

On nous apporte toutes les racines d'aristoloche seches du Languedoc & de la Provence; la longue & la ronde doivent être choisies grosses & bien nourries, nouvellement séchées, pesantes, grises en - dehors, jaunes en - dedans, d'un goût extrèmement amer. La petite doit être bien nourrie, touffue, comme la racine d'ellebore noir, récemment séchée, de couleur jaunâtre, d'une odeur aromatique, d'un goût amer: on la préfere à toutes les autres pour la thériaque.

Toutes les aristoloches contiennent une huile exaltée, du sel essentiel, & peu de phlegme; elles sont détersives, vulnéraires, atténuantes, apéritives, elles résistent à la malignité des humeurs. L'aristoloche clématite est la plus foible de toutes. Dioscoride regarde toutes ces plantes comme propres à faire sortir les vuidanges; de - là leur vient le nom d'aristolochia, de A'RIO, optimus, & LOIA, purgamenta quoe post partum egrediuntur. (N)

ARISTOTELISME (Page 1:652)

ARISTOTELISME, s. m. Aristote, fils de Nicomachus, & de Phaestiade, naquit à Stagire, petite ville de Macédoine. Son pere étoit Medecin & ami d'Amintas, pere de Philippe. La mort prématurée de Nicomachus fit tomber Aristote entre les mains d'un certain Proxenus, qui se chargea de son éducation, & qui lui donna les principes de tous les arts & de toutes les sciences. Aristote en fut si reconnoissant, qu'il lui éleva des statues après sa mort, & qu'il en usa envers son fils Nicanor, qu'il instruisoit dans tous les arts libéraux, ainsi que son tuteur en avoit usé envers lui. On ne sait pas trop de quelle maniere il passa les premieres années de sa jeunesse. Si l'on en croit Epicure, Athénée & Elien, il avoit reçû de la part de son tuteur une très - mauvaise éducation; & pour le confirmer, ils disent qu'abandonné à lui - même, il dissipa tout son patrimoine, & embrassa par libertinage le parti des armes; ce qui ne lui ayant pas réussi, il fut obligé dans la suite pour pouvoir vivre, de faire un petit trafic de poudres de senteur, & de vendre des remedes: mais il y en a qui récusent le témoignage de ces trois philosophes, connus d'ailleurs par leur animosité & par les [p. 653] traits satyriques qu'ils lançoient contre tous ceux dont le mérite les blessoit; & ils en appellent à Ammonius, lequel rapporte cet oracle d'Apollon qui lui fut adressé: Allez à Athenes, & étudiez persévéramment la Philosophie; vous aurez plus besoin d'être retenu que d'être poussé. Il falloit que les oracles fussent alors bien oisifs, pour répondre à de pareilles interrogations.

La grande réputation que Platon s'étoit acquise, engageoit tous les étrangers à se mettre sous sa discipline. Aristote vint donc à l'Académie: mais dès les premiers jours il y parut moins en disciple qu'en génie supérieur. Il devança tous ceux qui étudioient avec lui; on ne l'appelloit que l'esprit ou l'intelligence. Il joignoit à ses talens naturels une ardeur insatiable de tout savoir, une lecture immense, qui lui faisoit parcourir tous les livres des anciens. Sa passion pour les livres alla si loin, qu'il acheta jusqu'à trois talens les livres de Speusippe. Strabon dit de lui qu'il pensa le premier à se faire une bibliotheque. Sa vaste littérature paroît assez dans les ouvrages qui nous restent de lui. Combien d'opinions des anciens a - t - il arrachées à l'oubli dans lequel elles seroient aujourd'hui ensevelies, s'il ne les en avoit retirées, & s'il ne les avoit exposées dans ses livres avec autant de jugement que de variété. Il seroit à souhaiter que sa bonne foi dans leur exposition égalât sa grande érudition. Si nous nous en rapportons à Amnionius, il de meura pendant vingt ans sous la discipline de Platon, dont il honora la mémoire par un autel qu'il lui érigea, & sur lequel il fit graver ces deux vers:

Gratus Aristoteles struit hoc altare Platoni, Quem turboe injustoe vel celebrare nefas.

Il y a bien d'autres preuves de son amour envers son maître, témoin l'oraison funebre qu'il composa pour lui, & mille epigrammes dans lesquelles il a rendu justice à ses grands talens. Mais il y en a qui prétendent que tous ces témoignages de l'attachement d'Aristote sont démentis par la brouillerie qui s'eleva entre lui & Platon. En effet, le maître se faisoit souvent un plaisir de mortifier son disciple. Il lui reprochoit entr'autres choses trop d'affectation dans ses discours, & trop de magnificece dans ses habits. Aristote de son côté ne cessoit de railler son maître, & de le piquer dans toutes les occasions qui se présentoient. Ces mésintelligences allerent si loin, que Platon lui préséra Xénocrate, Speusippe, Amiclas, & d'autres qu'il affecta de mieux recevoir que lui, & pour lesquels il n'eut rien de secret. On rapporte même qu'Aristote prit le tems où Xénocrate étoit allé faire un voyage dans son pays, pour rendre visite à Platon, étant escorté d'un grand nombre de disciples; qu'il profita de l'absence de Speusippe, qui étoit alors malade, pour provoquer à la dispute Platon à qui son grand âge avoit ôté la mémoire; qu'il lui fit mille questions sophistiques, plus embarrassante, les unes que les autres; qu'il l'enveloppa adroitement dans les piéges séduisans de sa subtile dialectique, & qu'il l'obligea à lui abandonner le champ de bataille. On ajoûte que Xénocrate étant revenu trois mois après de son voyage, fut fort surpris de trouver Aristote à la place de son maître; qu'il en demanda la raison; & sur ce qu'on lui répondit que Platon avoit été forcé de céder le lieu de la promenade, qu'il étoit allé trouver Platon, qu'il l'avoit vû environné d'un grand nombre de gens fort estimés, avec lesquels il s'entretenoit paisiblement de questions philosophiques; qu'il l'avoit salué très - repectueusement, sans lui donner aucune marque de son étonnement: mais qu'ay ant assemblé ses compagnons d'étude, il avoit fait à Speusippe de grands reproches d'avoir ainsi laissé Aristote maître du champ de bataille; qu'il avoit attaqué Aristote, & qu'il l'avoit obligé de céder à son tour une place dont Platon étoit plus digne que lui.

D'autres disent que Platon fut vivement piqué, que de son vivant Aristote se fût fait chef de parti, & qu'il eût érigé dans le Lycée une secte entierement opposée à la sienne. Il le comparoit à ces enfans vigoureux, qui battent leurs nourrices après s'être nourris de leur lait. L'auteur de tous ces bruits si desavantageux à la réputation d'Aristote, est un certain Aristoxene, que l'esprit de vengeance anima contre lui, selon le rapport de Suidas, parce qu'il lui avoit préferé Théophraste, qu'il avoit désigné pour être son successeur. Il n'est point vraissemblable, comme le remarque fort bien Ammonius, qu'Aristote ait osé chasser Platon du lieu où il enseignoit, pour s'en rendre le maître, & qu'il ait formé de son vivant une secte contraire à la sienne. Le grand crédit de Chabrias & de Timothée, qui tous deux avoient été à la tête des armées, & qui étoient parens de Platon, auroit arrêté une entreprise si audacieuse. Bien loin qu'Aristote ait été un rébelle qui ait osé combattre la doctrine de Platon pendant qu'il vivoit, nous voyons que même depuis sa mort il a toûjours parlé de lui en termes qui marquoient combien il l'estimoit. Il est vrai que la secte Péripateticienne est bien opposée à la secte Académique: mais on ne prouvera jamais qu'elle soit née avant la mort de Platon. Et si Aristote a abandonné Platon, il n'a fait que joüir du droit des philosophes; il a fait céder l'amitié qu'il devoit à son maître, à l'amour qu'on doit encore plus à la vérité. Il peut se faire pourtant, que dans l'ardeur de la dispute il n'ait pas assez menagé son maître: mais on le peut pardonner au feu de sa jeunesse, & à cette grande vivacité d'esprit qui l'emportoit au - delà des bornes d'une dispute modérée.

Platon en mourant laissa le gouvernement de l'académie à Speusippe son neveu. Choqué de cette préférence, Aristote prit le parti de voyager, & il parcourut les principales villes de la Grece, se familiarisant avec tous ceux de qui il pouvoit tirer quelque instruction; ne dédaignant pas même cette sorte de gens qui font de la volupté toute leur occupation, & qui plaisent du - moins, s'ils n'instruisent.

Durant le cours de ses voyages, Philippe, roi de Macédoine & juste appréciateur du mérite des hommes, lui manda que son dessein étoit de le charger de l'éducation de son fils. « Je rends moins graces aux dieux, lui écrivoit - il, de me l'avoir donné, que de l'avoir fait naître pendant votre vie; je compte que par vos conseils il deviendra digne de vous & de moi.» Aul. Gell. lib. IX. Quel honneur pour un philosophe, que de voir son nom lié avec celui d'un héros tel que celui d'Alexandre le Grand! & quelle récompense plus flatteuse de ses soins, que d'entendre ce même héros répeter souvent: « Je dois le jour à mon pere, mais je dois à mon précepteur l'art de me conduire; si je regne avec quelque gloire, je lui en ai toute l'obligation ».

Il y a apparence qu'Aristote demeura à la cour d'Alexandre, & y joüit de toutes les prérogatives qui lui étoient dûes; jusqu'à ce que ce prince, destiné à conquérir la plus belle partie du monde, porta la guerre en Asie. Le philosophe se sentant inutile, reprit alors le chemin d'Athenes. Là il fut reçu avec une grande distinction, & on lui donna le Lycée pour y fonder une nouvelle école de philosophie. Quoique le soin de ses études l'occupât extremement, il ne laissoit pas d'entrer dans tous les mouvemens & dans toutes les querelles qui agitoient alors les divers Etats de la Grece. On le soupçonne même de n'avoir point ignoré la malheureuse conspiration d'Antipater, qui fit empoisonner Alexandre à la fleur de son

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