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L'or & l'argent étoient alors très - rares en Europe. L'Espagne, maîtresse tout d'un coup d'une très - grande quantité de ces métaux, conçût des espérances qu'elle n'avoit jamais eues: les richesses représentatives doublerent bientôt en Europe, ce qui parut en ce que le prix de tout ce qui s'acheta fut environ du double: mais l'argent ne pût doubler en Europe, que le profit de l'exploitation des mines, considéré en lui - même & sans égard aux pertes que cette exploitation entraîne, ne diminuât du double pour les Espagnols, qui n'avoient chaque année que la même quantité d'un métal qui étoit devenu la moitié moins précieux. Dans le double de tems l'argent doubla encore, & le profit diminua encore de la moitié; il diminua même dans une progression plus forte: en voici la preuve que donne l'auteur de l'Esprit des Lois, tom. II. pag. 48. Pour tirer l'or des mines, pour lui donner les préparations requises, & le transporter en Europe, il falloit une dépense quelconque; soit cette dépense comme 1 est à 64: quand l'argent fut une fois doublé, & par conséquent la moitié moins précieux, la dépense fut comme 2 à 64, cela est évident; ainsi les flotes qui apporterent en Espagne la même quantité d'or, apporterent une chose qui réellement valoit la moitié moins, & coûtoit la moitié plus. Si on suit la même progression, on aura celle de la cause de l'impuissance des richesses de l'Espagne. Il y a environ deux cens ans que l'on travaille les mines des Indes: soit la quantité d'argent qui est à présent dans le monde qui commerce, à la quantité qui y étoit avant la découverte comme 32 à 1, c'est - à - dire qu'elle ait doublé cinq fois, dans deux cens ans encore la même quantité sera à celle qui étoit avant la découverte, comme 64 à 1, c'est - à - dire, qu'elle doublera encore. Or à présent cinquante quintaux de minerai pour l'or, donnent quatre, cinq & six onces d'or; & quand il n'y en a que deux, le mineur ne retire que ses frais: dans deux cens ans, lorsqu'il n'y en aura que quatre, le mineur ne tirera aussi que ses frais; il y aura donc peu de profit à tirer sur l'or: même raisonnement sur l'argent, excepté que le travail des mines d'argent est un peu plus avantageux que celui des mines d'or. Si l'on découvre des mines si abondantes qu'elles donnent plus de profit, plus elles seront abondantes, plûtôt le profit finira. Si les Portugais ont en effet trouvé dans le Brésil des mines d'or & d'argent très - riches, il faudra nécessairement que le profit des Espagnols diminue considérablement, & le leur aussi. J'ai oüi déplorer plusieurs fois, dit l'auteur que nous venons de citer, l'aveuglement du conseil de François premier, qui rebuta Christophe Colomb qui lui proposoit les Indes: en vérité, continue le même auteur, on fit peut - être par imprudence une chose bien sage. En suivant le calcul qui précede sur la multiplication de l'argent en Europe, il est facile de trouver le tems où cette richesse représentative sera si commune qu'elle ne servira plus de rien: mais quand cette valeur
Il s'ensuit, de tout ce qui précede, que l'or & l'argent se détruisant peu par eux - mêmes, étant des signes très - durables, il n'est presque d'aucune importance que leur quantité absolue n'augmente pas, & que cette augmentation peut à la longue les réduire à l'état des choses communes qui n'ont du prix qu'autant qu'elles sont utiles aux usages de la vie, & par conséquent les dépouiller de leur qualité représentative, ce qui ne seroit peut - être pas un grand malheur pour les petites républiques: mais pour les grands états, c'est autre chose; car on conçoit bien que ce que j'ai dit plus haut est moins mon sentiment, qu'une maniere frappante de faire sentir l'absurdité de l'ordonnance des Espagnols sur l'emploi de l'or & de l'argent en meubles, & étoffes de luxe. Mais si l'ordonnance des Espagnols est mal raisonnée, c'est qu'étant possesseurs des mines, on conçoit combien il étoit de leur intérêt que la matiere qu'ils en tiroient s'anéantît & devînt peu commune, afin qu'elle en fût d'autant plus précieuse; & non précisément par le danger qu'il y avoit que ce signe de la richesse fût jamais réduit à rien, à force de se multiplier: c'est ce dont on se convaincra facilement par le calcul qui suit. Si l'état de l'Europe restoit durant encore deux mille ans exactement tel qu'il est aujourd'hui, sans aucune vicissitude sensible; que les mines du Pérou ne s'épuisassent point, & pussent toûjours se travailler; & que par leur produit l'augmentation de l'argent en Europe suivît la proportion des deux cens premieres années, celle de 32 à 1, il est évident que dans dix - sept à dix - huit cens ans d'ici, l'argent ne seroit pas encore assez commun, pour ne pouvoir être employé à représenter la richesse. Car si l'argent étoit deux cens quatre - vingts - huit fois plus commun, un signe équivalent à notre piece de vingt - quatre sous devroit être deux cens quatre - vingt - huit fois plus grand, ou notre piece de vingt - quatre sous n'équivaudroit alors qu'un signe deux cens quatre - vingts - huit fois plus petit. Mais il y a deux cens quatre - vingts - huit deniers dans notre piece de vingt - quatre sous; donc notre piece de vingt - quatre sous >e représenteroit alors que le denier; représentation qui seroit à la vérité fort incommode, mais qui n'anéantiroit pas encore tout - à - fait dans ce métal la qualité représentative. Or dans combien de tems pense - t - on que l'argent devienne deux cens quatre - vingt - huit fois plus commun, en suivant le rapport d'accroissement de 32 à 1 par deux cens ans? dans 1800 ans, à compter depuis le moment où l'on a commencé à travailler les mines, ou dans 1600 ans à compter d'aujourd'hui. Car 32 est neuf fois dans 288, c'est - à - dire, que dans neuf fois deux cens ans, la quantité d'argent en Europe sera à [p. 643]
Argent blanc, se dit de toute monnoie fabriquée de ce métal. Tout notre argent blanc est aujourd'hui écus de six francs, écus de trois livres, pieces de vingt - quatre sous, pieces de douze, & pieces de six.
Argent fin, se dit de l'argent à douze deniers, ou au titre le plus haut auquel il puisse être porté.
Argent bas ou bas argent, se dit de celui qui est plus de six deniers au - dessous du titre de l'argent monnoyé.
Argent faux, se dit de tout ce qui est fait de cuivre rouge, qu'on a couvert à plusieurs fois par le feu, de feuilles d'argent.
Argent tenant or, se dit de l'or qui a perdu son nom & sa qualité pour être allié sur le blanc, & au - dessous de dix - sept karats.
Argent de cendrée; c'est ainsi qu'on appelle une poudre de ce métal, qui est attachée aux plaques de cuivre mises dans de l'eau - forte, qui a servi à l'affinage de l'or, après avoir été mêlée d'une portion d'eau de fontaine; cet argent est estimé à douze deniers.
Argent - le - roi; c'est celui qui est au titre auquel les ordonnances l'ont fixé pour les ouvrages d'Orfévres & de Monnoyeurs. Par l'article 3 de l'édit de Henri II. roi de France, il fut défendu de travailler de l'argent qui ne fût à onze deniers douze grains de fin au remede de deux grains; aujourd'hui on appelle argent - le - roi celui qui passe à la monnoie & dans le commerce, à cinquante livres un sou onze deniers, & qui est au titre de onze deniers dix - huit grains de fin.
Argent en pâte, se dit de l'argent prêt à être mis en fonte dans le creuset. V. le commencement de cet article.
Argent en bain, se dit de celui qui est en fusion actuelle.
Argent de coupelle; c'est celui qui est à onze deniers vingt - trois grains.
Argent en lame; c'est l'argent trait, applati entre
deux rouleaux, & disposé à être appliqué sur la soie
par le moyen du moulin, ou à être employé tout plat
dans les ornemens qu'on fait à plusieurs ouvrages
brodés, brochés, &c. Voyez
Argent trait; c'est celui qu'on a réduit à n'avoir que l'épaisseur d'un cheveu, en le faisant passer successivement par les trous d'une filiere.
Argent filé ou fil d'argent; c'est l'argent en lame employé, & appliqué sur la soie par le moyen du moulin.
Argent en feuille ou battu; c'est celui que les Batteurs d'or ont réduit en feuilles très - minces, à l'usage
des Argenteurs & Doreurs. V.
Argent en coquille, se dit des rognures même de l'argent en feuilles ou battu; il est employé par les Peintres & les Argenteurs.
Argent fin fumé, se dit de l'argent fin, soit trait,
soit en lame, soit filé, soit battu, auquel on a tâché
de donner la couleur de l'or en l'exposant à la fumée;
cette fraude est défendue sous peine de confiscation
entiere & deux mille livres d'amende, V. pour l'intelligence
de tous ces articles,
Argent à la grosse; c'est la même chose qu'argent mis à la grosse aventure.
Argent de permission; c'est ainsi qu'on nomme l'argent de change dans la plûpart des Pays - Bas François ou Autrichiens: cet argent est différent de l'argent courant. Les cent florins de permission valent huit cent florins & un tiers courant; c'est à cette mesure que se réduisent toutes les remises qu'on fait en pays étrangers.
Argent, en Droit, s'entend toûjours de l'argent monnoyé.
Argent, se dit, en Blason, de la couleur blanche dans toute armoirie. Les barons & nobles l'appellent en Angleterre blanche perle; les princes, lune; & les héraults disent que sans or & sans argent, il n'y a point de bonnes armoiries. L'argent s'exprime, en Gravure d'armoiries, en laissant le fond tel qu'il est, tout uni & sans hachûre.
ARGENTAC (Page 1:643)
* ARGENTAC (Géog.) ville de France, dans le Limousin, sur la Dordogne. Long. 19. 33. latit. 45. 5.
ARGENTAN (Page 1:643)
* ARGENTAN (Géog.) ville de France, dans la basse Normandie, au diocese de Séez, sur les bords de l'Orne. Long. 17. 35. lat. 48. 54.
ARGENTÉ (Page 1:643)
ARGENTÉ, adj. (Manége.) gris argenté, nom
d'un poil de cheval. Voyez
ARGENTER (Page 1:643)
ARGENTER, v. act. c'est appliquer & fixer des feuilles d'argent sur des ouvrages en fer, en cuivre, ou d'autres métaux, en bois, en pierre, en écaille, sur la toile, sur le papier, &c. pour faire paroître ces ouvrages en tout ou en partie, comme s'ils étoient d'argent.
L'argenture sur les métaux differe totalement de l'argenture sur les autres matieres. Pour la premiere on fait usage du feu; au lieu qu'aux autres manieres d'argenter, on se sert seulement de quelques matieres glutineuses qui prennent sur les feuilles d'argent & sur les pieces qu'on veut argenter.
Pour argenter sur fer ou sur cuivre, il y a plusieurs opérations que nous allons décrire dans l'ordre qu'elles doivent se faire.
La premiere, c'est d'émorsiler; émorfiler un ouvrage, c'est, quand il a été fait au tour, en enlever le morfil ou les vives arêtes; ce qui s'exécute avec des pierres à polir, & par les apprentifs.
La seconde, c'est de recuire. Quand les pieces sont
bien émorfilées, les recuire, c'est les faire rougir
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