ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"624"> réfracte ou les incline vers son axe; & ces rayons ainsi rompus & rapprochés de l'axe, se réunissent en un point ou à peu près en un point, & ont assez de force en cet état pour bruler les corps qui leur sont présentés. Ainsi il y a cette différence entre les miroirs & lés verres ardens, que les premiers réunissent les rayons en les réfléchissant, & les autres en les brisant ou en les réfractant. Les rayons tombent sur la surface des miroirs ardens, & en sont renvoyés; au lieu qu'ils pénetrent la substance des verres ardens. Le point de réunion des rayons dans les miroirs & les verres ardens, s'appelle le foyer. On appelle cependant quelquefois du nom général de miroir ardent les miroirs & les verres ardens. Voyez Lentille & Réfraction.

Les miroirs ardens dont on se sert sont concaves; ils sont ordinairement de métal: ils réfléchissent les rayons de lumiere, & par cette réflexion, il les inclinent vers un point de leur axe. Voyez Miroir, Réflexion. Quelques auteurs croyent que les verres convexes étoient inconnus aux anciens: mais on a crû qu'ils connoissoient les miroirs concaves. Les historiens nous disent que ce fut par le moyen d'un miroir concave qu'Archimede brûla toute une flote; & quoique le fait ait été fort contesté, on en peut toûjours tirer cette conclusion, que les anciens avoient connoissance de cette sorte de miroirs. On ne doute nullement que ces miroirs ne fussent concaves & métalliques, & on est persuadé qu'ils avoient leur foyer par réflexion. A l'égard des verres brûlans, M. de la Hire fait mention d'une comédie d'Aristophane appellé les Nuées, dans laquelle Strepsiade fait part à Socrate d'un expédient qu'il a trouvé pour ne point payer ses dettes, qui est de se servir d'une pierre transparente & ronde, & d'exposer cette pierre au soleil, afin de fondre l'assignation, qui dans ces tems s'écrivoit sur de la cire. M. de la Hire prétend que la pierre ou le verre dont il est parlé dans cet endroit, qui servoit à allumer du feu & à fondre la cire, ne peut avoir été concave, parce qu'un foyer de réflexion venant de bas en haut, n'auroit pas été propre, selon lui, pour l'effet dont on parle ici, car l'usage en auroit été trop incommode; au lieu qu'avec un foyer de réfraction venant de haut en bas, on pouvoit aisément brûler l'assignation. Voyez hist. Acad. 1708. Ce sentiment est confirmé par le scholiaste d'Aristophane. Pline fait mention de certains globes de verre & de crystal, qui, exposés au soleil, brûloient les habits, & même le dos de ceux sur qui tomboient les rayons. Et Lactance ajoûte qu'un verre sphérique plein d'eau & exposé au soleil, allume du feu, même dans le plus grand hyver, ce qui paroît prouver que les effets des verres convexes étoient connus des anciens.

Cependant il est difficile de concevoir comment les anciens, qui avoient connoissance de ces sortes de verres ardens, ne se sont pas apperçûs en même tems que ces verres grossissoient les objets. Car tout le monde convient que ce ne fut que vers la fin du treizieme siecle que les lunettes furent inventées. M. de la Hire remarque que les passages de Plaute qui semblent insinuer que les anciens avoient connoissance des lunettes, ne prouvent rien de semblable: & il donne la solution de ces passages, en prouvant que les verres ardens des anciens étant des spheres, ou solides, ou pleines d'eau, le foyer n'étoit pas plus loin qu'à un quart de leur diametre. Si donc on suppose que leur diametre étoit d'un demi - pied, qui est, selon M. de la Hire, la plus grande étendue qu'on puisse donner; il auroit fallu que l'objet fût à un pouce & demi d'éloignement, pour qu'il parût grossi: car les objets qui seront plus éloïgnés ne paroîtront pas plus grands, mais on les verra plus confusément à travers le verre, qu'avec les yeux. C'est pourquoi il n'est pas surprenant que la propriété qu'ont les verres convexes de grossir les objets ait échappé aux anciens, quoiqu'ils connussent peut - être la propriété que ces mêmes verres avoient de brûler: il est bien plus extraordinaire qu'il y ait eu 300 ans d'intervalle entre l'invention des lunettes à lire & celle des télescopes. Voyez Telescope.

Tout verre ou miroir concave rassemble les rayons qui sont tombés sur sa surface; & après les avoir rapprochés, soit par réfraction, soit par réflexion, il les réunit dans un point ou foyer; & par ce moyen, il devient verre ou miroir ardent; ainsi le foyer étant l'endroit où les rayons sont le plus rassemblés, il s'ensuit que si le verre ou le miroir est un segment d'une grande sphere, sa largeur ne doit pas contenir un arc de plus de dix - huit degrés; & si le verre ou le miroir est un segment d'une plus petite sphere, sa largeur ne doit pas être de plus de trente; parce que le foyer contiendroit un espace trop grand, si le miroir étoit plus étendu: ce qui est vérifié par l'expérience.

La surface d'un miroir, qui est un segment d'une plus grande sphere, reçoit plus de rayons que la surface d'un plus petit: donc si la largeur de chacun contient un arc de dix - huit degrés, ou même plus ou moins, pourvû que le nombre de degrés soit égal, les effets du plus grand miroir seront plus grands que ceux du plus petit; & comme le foyer est vers la quatrieme partie du diametre, les miroirs qui sont des segmens de plus grandes spheres, brûlent à une plus grande distance que ceux qui sont des segmens d'une plus petite sphere: ainsi puisque l'action de brûler dépend de l'union des rayons, & que les rayons sont réunis, étant réfléchis par une surface concave sphérique quelle qu'elle puisse être, il n'est pas étonnant que même les miroirs de bois doré, ou ceux qui sont faits d'autres matieres, puissent brûler. Zahn rapporte dans son livre intitulé Oculus artificialis, que l'an 1699 un certain Neumann fit à Vienne un miroir ardent de carton, & que ce miroir avoit tant de force qu'il liquéfioit tous les métaux.

Les miroirs ardens d'Archimede & de Proclus sont célebres parmi les anciens. Par leur moyen, Archimede, dit - on, brûla la flotte des Romains qui assiégeoient Syracuse, sous la conduite de Marcellus, selon le rapport de Zonare, de Galien, d'Eustathe, &c. & Proclus fit la même chose à la flotte de Vitalien qui assiégeoit Bysance, selon le rapport du même Zonare. Cependant quelque attestés que soient ces faits, ils ne laissent pas d'être sujets à de fort grandes difficultés. Car la distance du foyer d'un miroir concave est au quart de son diametre: or le pere Kircher passant à Syracuse, & ayant examiné la distance à laquelle pouvoient être les vaisseaux des Romains, trouva que le foyer du miroir d'Archimede étoit au moins à 30 pas; d'où il s'ensuit que le rayon du miroir devoit être fort grand. De plus, le foyer de ce miroir devoit avoir peu de largeur. Ainsi il paroît difficile, selon plusieurs auteurs, que les miroirs d'Archimede & ceux de Proclus pussent avoir l'effet qu'on leur attribue.

L'histoire d'Archimede deviendra encore plus difficile à croire, si on s'en rapporte au récit pur & simple que nous en ont donné les anciens. Car, selon Diodore, ce grand Géometre brûloit les vaisseaux des Romains à la distance de trois stades; & selon d'autres, à la distance de 3000 pas. Le pere Cavalieri, pour soûtenir la vérité de cette histoire, dit, que si des rayons réünis par la surface d'un miroir concave sphérique, tombent sur la concavité d'un conoïde parabolique tronqué, dont le foyer soit le même que celui du miroir sphérique, ces rayons réfléchis parallélement à l'axe de la parabole, formeront une espece de foyer linéaire ou cylindri<pb-> [p. 625] que. M. Dufay ayant voulu tenter cette expérience, y trouva de grandes difficultés; le petit miroir parabolique s'échauffe en un moment, & il est presque impossible de le placer où il doit être, D'ailleurs l'éclat de ces rayons réünis qui tombent sur le miroir parabolique, incommode extrèmement la vûe.

M. Descartes a attaqué dans sa Dioptrique l'histoire d'Archimede: il y dit positivement, que si l'éloignement du foyer est à la largeur du verre ou du miroir, comme la distance de la terre au soleil est au diametre du soleil (c'est - à - dire environ comme 100 est à 1), quand ce miroir seroit travaillé par la main des anges, la chaleur n'en seroit pas plus sensible que celle des rayons du soleil qui traverseroient un verre plan. Le pere Niceron soutient la même opinion. Voici sa preuve. Il convient que les rayons qui partent d'une portion du disque du soleil égale au verre ou au miroir qu'on y expose, seront exactement réunis à son foyer, s'il est elliptique ou parabolique: mais les rayons qui partent de tous les autres points du disque du soleil ne peuvent être réunis dans le même point, & forment autour de ce point une image du disque du soleil, proportionnée a la longueur du foyer du verre. Lorsque ce foyer est très - court, c'est à - dire fort près du verre, l'image du soleil est fort petite, presque tous les rayons passent si proche du foyer qu'ils semblent ne faire qu'un point lumineux: mais à mesure que le foyer s'éloignera, l'image s'aggrandira par la dispersion de tous ces rayons qui ne partent pas du centre du soleil, que je suppose répondre directement au foyer du miroir; & par conséquent cet amas de rayons, qui étant réunis dans un tres - petit espace faisoient un effet considérable, n'en fera pas plus que les rayons directs du soleil, lorsque l'éloignement du foyer sera tel qu'ils seront aussi écartés les uns des autres, qu'ils l'étoient avant que de rencontrer le verre. Ainsi parle le P. Niceron.

Cela peut être vrai, dit M. Dufay; mais est - il sûr que les rayons qui viennent d'une portion du disque du soleil égale à la surface du verre. étant réunis au foyer, ne suffisent pas pour brûler indépendamment des autres? M. Dufay reçut sur un miroir plan d'un pié en quarré l'image du soleil, & la dirigea de façon qu'elle allât tomber sur un miroir spherique concave assez éloigné, qui réunissoit à son foyer tous les rayons qu'il recevoit paralleles ou presque paralieles; & ces rayons devoient allumer quelque matiere combustible; le miroir sphérique a été porté à la distance de 600 pieds, & son foyer a encore été brûlant. Cependant le miroir plan qui recevoit le premier les rayons du soleil, étoit assez petit pour ne recevoir de rayons paralleles que d'une petite partie de sa surface ou de son disque; les inégalités inévitables de la surface du miroir faisoient perdre beaucoup de rayons; ceux qui portoient l'image du soleil du miroir plan sur le miroir concave étoient si divergens, que cette image etoit peut - être dix fois plus grande, & plus foible sur le concave que sur le plan; & par conséquent ces rayons étoient fort éloignés du parallélisme; enfin ils étoient affoiblis par deux réflexions consécutives. Il paroît par - là que les rayons du soleil tels qu'ils sont répandus dans l'air, conservent une grande force, malgré un grand nombre de circonstances desavantageuses; & peut - être, ajoute M. Dufay, seroit - il permis d'appeller du jugement que Descartes a porté contre l'histoire d'Archimede. Il est vrai qu'afin qu'un miroir fût capable de brûler à une grande distance, il faudroit, s'il étoit parabolique, que la parabole fût d'une grandeur énorme & impraticable; puisque le parametre de cette parabole devroit être quadruple de cette distance; & si le miroir étoit sphérique, son rayon devroit être double de cette distance; & de plus, fon foyer auroit beaucoup d'étendue. Mais l'expérience de M. Dufay prouve qu'on peut porter avec un miroir plan à une assez grande distance l'image du soleil, dont les rayons seront peu affoiblis; & si plusieurs miroirs plans étoient posés ou tournés de façon qu'ils portassent cette image vers un même point, il se pourroit faire en ce point une espece de foyer artificiel qui auroit de la force. Ce fut ainsi, au rapport de Tzetzes, poëte Grec, mais fort postériéur à Archimede, que ce célebre Mathématicien brûla les vaisseaux des Romains. Ce Poëte fait une description fort détaillée de la maniere dont Archimede s'y prit pour cela. Il dit que ce grand Géometre disposa les uns auprès des autres plusieurs miroirs plans, dont il forma une espece de miroir polygone à plusieurs faces; & que par le moyen des charnieres qui unissoient ces miroirs, il pouvoit leur faire faire tels angles qu'il vouloit; qu'il les disposa donc de maniere qu'ils renvoyassent tous vers un même lieu l'image du soleil, & que ce fut ainsi qu'il brûla les vaisseaux des Romains. Tzetzes vivoit dans le douzieme siecle; & il poutroit se faire que Proclus qui vivoit dans le cinquieme, eût employé une méthode semblable pour détruire la flotte de Vitalien. M. de Buffon, de l'Académie Royale des Sciences de Paris, vient d'exécuter ce que Tzetzes n'avoit fait que raconter; ou plûtôt, comme il n'en avoit aucune connoissance, il l'a exécuté d'une maniere différente. Il a formé un grand miroir composé de plusieurs miroirs plans d'environ un demi pied en quarré; chacun de ces miroirs est garni par derriere de trois vis, par le moyen desquelles on peut en moins d'un quartd'heure les disposer tous de maniere qu'ils renvoyent vers un seul endroit l'image du soleil. M. de Buffon par le moyen de ce miroir composé, a déjà brûlé à 200 pieds de distance; & par cette belle expérience, a donné un nouveau degré de vraissemblance à l'histoire d'Archimede, dont la plûpart des Mathématiciens doutoient depuis le jugement de Descartes. M. de Buffon pourra, selon toutes les apparences, brûler encore plus loin avec des glaces plus polies; & nous savons qu'il travaille à perfectionner de plus en plus une nvention si curieuse, si utile même, & à laquelle les Physiciens ne sauroient trop s'intéresser. Voyez les Mem. de l'Acad. 1747.

Les plus célebres miroirs ardens parmi les modernes, sont ceux de Septala, de Villette, de Tschirnhausen. Le miroir ardent de Manfredus Septala chanoine de Milan, étoit un miroir parabolique, qui selon Schot, mettoit le feu à des morceaux de bois, à distance de 15 ou 16 pas. Le miroir ardent de Tschirnhausen égale au moins le miroir de Septala pour la grandeur, & pour l'effet. Voici ce qu'on trouve sur ce sujet dans les Acta eruditorum de Leipsic.

Ce miroir allume du bois verd en un moment, ensorte qu'on ne peut éteindre le feu en soufflant violemment dessus.

2°. Il fait bouillir l'eau, ensorte qu'on peut très promptement y faire cuire des oeufs; & si on laisse cette eau un peu de tems au foyer, elle s'évapore.

3°. Il fait fondre en un moment un mêlange d'étain & de plomb de trois pouces d'épais: ces métaux commencent à fondre goutte à goutte, ensuite ils coulent continuement, & en deux ou trois minutes la masse est entierement percée. Il fait aussi rougir promptement des morceaux de fer ou d'acier, & peu après il s'y forme des trous par la force du feu. Une lame de ces métaux fut percée de trois trous en six minutes. Le cuivre, l'argent, &c. se liquéfient aussi quand on les approche du foyer.

4°. Il fait aussi rougir comme le fer les matieres qui ne peuvent fondre, comme la pierre, la brique, &c.

5°. Il blanchit l'ardoise en un moment, & ensuite

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